Appel à contribution : Sport, genre et droit
Pour son deuxième numéro (parution décembre 2024) dont le Dossier sera consacré au thème « Sport, genre et droit », Intersections lance le présent appel à contributions.
Si les sociologues se sont déjà saisis de questions relatives au genre en milieu sportif, la littérature juridique française sur le sujet est presque inexistante. Pourtant, l'analyse du droit du sport, qui renvoie à l'ensemble des règles applicables au milieu sportif, dans une perspective de genre, présente un riche potentiel.
Les questions de genre sont, en effet, consubstantielles à l'émergence de la réglementation des disciplines sportives. Historiquement, le sport ne pouvait pas être pratiqué par les femmes, dont les facultés corporelles devaient être préservées dans la perspective de la procréation, de la grossesse et de l’accouchement. Progressivement toutefois, les femmes ont été admises à la pratique sportive puis à la compétition dans des disciplines toujours plus nombreuses, mais dans des conditions supposément adaptées à leur prétendue fragilité. Le sport féminin s’est ainsi développé sous l’égide des fédérations disciplinaires, tout en restant séparé de la catégorie masculine.
Dans l’immense majorité des disciplines sportives, les catégories masculine et féminine sont étanches et hiérarchisées. Considérée comme plus performante, la catégorie masculine est plus médiatisée et représente ainsi une valeur économique supérieure. La catégorie féminine, moins dotée financièrement, intéresse un public moins nombreux et fait souvent figure de parent pauvre de la discipline. Bien sûr, des nuances peuvent être apportées : certains sports sont mixtes (l’équitation), d’autres valorisent la « catégorie dames » davantage que la « catégorie hommes » (gymnastique), tandis qu’un sport comme le tennis mise davantage sur son circuit féminin que la plupart des sports d’équipe, à l’instar du football ou du basketball. En ce sens, si aucune réglementation sportive n’est neutre au genre, chacune pourrait mériter une analyse spécifique.
En dehors de ces spécificités disciplinaires, la place du corps des femmes en droit du sport interroge à plusieurs titres. D’abord, entretenant un rapport particulier à la nudité et à l’intimité, le milieu sportif est un contexte connu de réalisation massive des violences sexistes et sexuelles. Des dispositions spéciales réglementent ainsi le recrutement des entraîneurs et entraîneuses, ainsi que le suivi des personnes mises en cause dans des affaires de viols ou d’agressions sexuelles. Ensuite, la question de la procréation n’est pas absente des dispositions régissant les droits et obligations des sportives : contraception, grossesse, accouchement, sont autant de situations considérées de façon spécifique par les contrats et réglementations sportives. Enfin, les tenues vestimentaires des femmes font régulièrement l'objet de controverses et les dispositions se multiplient au sein des règlements des tournois et des fédérations pour régir les corps des sportives, volleyeuses comme footballeuses.
En miroir, les réglementations sportives interrogent également la masculinité sous divers angles. D’une part, la promotion par le domaine du sport d’une masculinité viriliste s’accompagne d’une expression homophobe décomplexée diversement prise en considération par les droits étatiques et par les instances sportives. D'autre part, cette forme de masculinité a longtemps servi de référence à un milieu valorisant à l'extrême - y compris financièrement - les performances physiques, exploits, records et victoires. Comment la construction d’un système de normes autour de ces valeurs entretient-elle la place dominante des hommes dans le sport ? Ces questionnements pourraient se doubler d’une étude relative à la parité au sein des instances dirigeantes du milieu sportif.
Enfin, la binarité des sexes en droit du sport pose de plus en plus clairement la question de la place des athlètes trans, intersexes et non-binaires en compétition. Depuis novembre 2021, les fédérations internationales sont toujours plus nombreuses à adopter des règles sévères conditionnant l’accès de ces athlètes aux compétitions internationales. Ce phénomène interroge en raison de ses effets discriminatoires, ces exclusions pouvant être analysées comme des traitements défavorables fondés sur le genre et/ou le sexe, croisés avec d'autres motifs. En continuité, les conditions spécifiques d'organisation, de réglementation et de diffusion des compétitions de handisport (e.g. jeux paralympiques) constituent des terrains idoines au déploiement d'approches intersectionnelles.
La revue Intersections accepte aussi bien les travaux de chercheuses et chercheurs en droit que ceux d’autres disciplines travaillant sur le droit.
Les propositions, sous la forme de résumés de 1000 mots au maximum, doivent parvenir avant le 15 mars 2024 via ce formulaire. Le résumé devra exposer clairement l’objet et la problématique de l’article proposé et se situer brièvement par rapport à la littérature existante. Une réponse vous sera apportée au plus tard le 5 avril 2024 pour une date de remise des contributions fixée au 1er septembre 2024Intersections accepte les formats longs (jusqu’à 75.000 signes). Nous vous remercions de bien vouloir respecter, dès le stade de la soumission, la charte éditoriale consultable sur la page de recueil des contributions. Les propositions feront l’objet d’une sélection par le comité de rédaction, et les articles soumis seront évalués par les pairs en double aveugle.