Traitement carcéral des femmes, sens de la peine et distinction des sexes au temps de la Révolution française
Mots-clés :
Révolution française, femmes, prison, distinction des sexes, hiérarchies de genre, agentivitéRésumé
Jusqu’à l’émergence des études de genre dans les années 1980, le traitement judiciaire et carcéral des femmes sous la Révolution française est resté un champ partiellement exploré, les historien·nes s’étant surtout focalisé·es sur la prison révolutionnaire et républicaine au temps de la « Terreur ». Pourtant, un corpus dense et diversifié – archives judiciaires, pétitions, mémoires, correspondances – met en lumière non seulement certaines spécificités du régime carcéral appliqué aux femmes, mais aussi la manière dont s’articulent les représentations sociales du corps et du statut des détenues avec des pratiques institutionnelles différenciées. Au moment où la Révolution, puis la République en guerre avec les monarchies d’Europe prétendent fonder un appareil répressif sur un universalisme juridique, c’est-à-dire l’égalité proclamée des justiciables devant la loi notamment pénale, se pose la question de sa mise en œuvre concrète face aux différenciations de genre opérées par les institutions judiciaires et carcérales. Privées de citoyenneté active et de liberté, comment les prisonnières parviennent-elles néanmoins à investir un espace d’expression et de résistance dans l’attente d’un procès incertain ou d’une exécution capitale inéluctable ? L’approche retenue considère le genre comme une construction sociale et politique : les catégories « femmes » et « hommes » ne renvoient pas à de simples réalités biologiques, mais à des assignations et des normes qui organisent la société et légitiment des hiérarchies. Cette perspective permet d’éclairer la manière dont les institutions révolutionnaires ont produit et entretenu des différences de traitement entre hommes et femmes, y compris dans le domaine carcéral. Les suppliques de condamnées réclamant leur mise en liberté auprès de la Convention nationale en l’an II (1793-1794) – au nom de leur âge, de leur état de grossesse ou des conditions de détention – révèlent la difficulté de concilier l’universalisme prétendu de la loi pénale avec les hiérarchies de genre. L’article entend analyser cette tension, en articulant la logique genrée des pratiques révolutionnaires et une lecture critique des hiérarchies qu’elle institue, afin de mettre au jour les résistances, stratégies et expériences des femmes incarcérées.Publiée
18-12-2025
Comment citer
LUMBROSO Nicolas, « Traitement carcéral des femmes, sens de la peine et distinction des sexes au temps de la Révolution française » [en ligne], Intersections. Revue semestrielle Genre & Droit, décembre 2025, nᵒ 4, [consulté le 20 décembre 2025]. https://revue-intersections.parisnanterre.fr/index.php/accueil/article/view/160
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