Audrey Darsonville
Résumé :
Souvent présenté comme « historique », « hors norme » ou « extraordinaire », ce que, à certains égards, il est aussi, le procès des viols de Mazan donne surtout à voir la banalité d’un procès de viol : la commission de l’acte par les plus proches de la victime, la normalité des auteurs (de « bons pères de famille »), l’indifférence de ces hommes ordinaires au consentement des femmes. Le constat peut susciter l’amertume et l’inquiétude.
Mots-clés : Viol ; Mazan ; viol conjugal ; consentement ; bon père de famille
Abstract:
Often presented as « historic », « exceptional » or « extraordinary » - which it is in some respects - the Mazan rape trial reveals above all the banality of a rape trial : the commission of the act by those closest to the victim, the normality of the perpetrators, the indifference of these ordinary men to the consent of women. This is a bitter and worrying observation.
Keywords : Rape ; Mazan ; marital rape ; consent
Procès « historique »1, « hors norme »2,
les superlatifs n’ont pas manqué pour qualifier le procès dit de Mazan
qui s’est tenu du 2 septembre au 19 décembre 2024. Trois mois d’audience
qui ont fait couler beaucoup d’encre, tant dans les médias français
qu’internationaux. Trois mois au cours desquels ont été décrits, parfois
jusqu’à l’écœurement même des journalistes3,
des viols commis par 51 co-accusés sur une femme, Gisèle Pelicot,
droguée par son époux et livrée sur un site internet à des inconnus. À
l’issue de ce procès, 51 déclarations de culpabilité ont été prononcées.
Les peines s’échelonnent de trois ans d’emprisonnement assorti d’un
sursis de deux ans à vingt de réclusion criminelle assortie d’une
période de sûreté des deux tiers pour la peine infligée à Dominique
Pelicot. À l’issue du verdict, dix-sept accusés ont interjeté appel de
la décision de la Cour criminelle Départementale d’Avignon et seront
jugés de nouveau devant une Cour d’assises d’appel, probablement en
2025.
Les chiffres donnent la mesure du caractère hors norme de cette audience. D’abord, il y a les 51 co-accusés, un chiffre effarant et en dessous de la réalité puisque certaines personnes s’étant rendues au domicile des Pelicot n’ont pas pu être identifiées. Ensuite, le nombre de co-accusés a nécessité un procès dont la durée est exceptionnelle, trois mois d’audience dont douze jours consacrés exclusivement aux plaidoiries de la défense. La durée moyenne d’un procès du chef de viol excédant rarement deux ou trois jours, on mesure le caractère « hors norme » du procès de Mazan. Enfin, ce procès différait de nombreux procès de viol, par la quantité de preuves soumise à l’audience. En effet, Dominique Pelicot a reconnu les faits de viol et détaillé le mode opératoire usité pour les perpétrer : usage de toxiques pour droguer son épouse, contact avec les accusés via un site internet, mise en scène avec ces derniers lors de leurs venues au domicile, etc. De tels aveux étaient corroborés par des enregistrements vidéos réalisés par Dominique Pelicot, révélant les viols commis par lui-même et les co-accusés. Ces preuves multiples ont permis à la fois d’identifier cinquante co-accusés, mais aussi d’établir l’élément matériel des viols, à savoir les actes de pénétration sexuelle. De telles preuves, des aveux et des vidéos, peu fréquentes lors des procès de viol, participaient au caractère exceptionnel du procès de Mazan. A ces diverses caractéristiques, on pourrait ajouter un dernier élément relatif à la présence massive de la presse nationale et internationale qui a contribué à favoriser l’émergence d’un débat sociétal sur le viol. Ce débat a été rendu possible par la décision de Gisèle Pelicot de ne pas solliciter le huis-clos alors que c’était son droit. Ce faisant, elle a permis à chacune et chacun de découvrir la réalité d’un procès de viol, procès qui s’est révélé finalement d’une triste banalité.
En effet, le crime de viol, loin d’être extraordinaire, est d’abord un crime du quotidien, une infraction systémique. Le viol occupe ainsi une place conséquente au sein de l'activité judiciaire pénale. Le nombre de faits constatés est significativement croissant et les condamnations pour viol ont également augmenté, comme l'attestent les statistiques du ministère de la Justice. Ainsi, selon les chiffres d'Infostat, entre 2007 et 2016, il y a eu près de 69 000 condamnations pour violences sexuelles (entre 6000 et 8000 condamnations par an), entendues comme des condamnations pour des faits de viols, agressions sexuelles, atteintes sexuelles sur mineur et harcèlements sexuels4. Au cours de cette période, les viols représentaient près d'une condamnation sur cinq, soit environ 13 000 condamnations. Par conséquent, passée la première impression d’un procès au caractère exceptionnel, le constat qui s’impose est en réalité que le procès de Dominique Pelicot s’inscrit dans la triste banalité des procès du chef du viol : banalité d’un contentieux de masse et banalité dans le déroulé de l’audience.
Le procès de Mazan est le procès du viol conjugal, commis par Dominique Pelicot à l’encontre de son épouse et des viols commis par des tiers mais avec le concours actif de l’époux qui organisait la commission de ces crimes. Le viol conjugal est loin d’être une forme de viol extraordinaire et représente au contraire une réalité prégnante même si elle demeure souvent occultée. Le viol est un crime massivement perpétré par les proches des victimes5. L’auteur est souvent le partenaire de vie de la victime, son ancien partenaire ou encore une personne gravitant dans son entourage : employeur, relation amicale, voisin, etc.6. Or le viol conjugal présente des particularités qui peuvent avoir une incidence sur le traitement judiciaire de l’infraction. Ainsi, le délai pour déposer plainte est parfois plus long, la victime étant dans l’impossibilité de signaler aux autorités de justice l’infraction tant qu’elle réside avec l’auteur des faits ou encore les preuves peuvent être plus complexes à apporter du fait de l’existence de relations intimes antérieures. La relation de conjugalité a certainement aussi entravé la découverte de la soumission chimique à laquelle était soumise Gisèle Pelicot, les médecins ayant cherché des causes médicales à ses symptômes sans imaginer que les troubles de la santé de leur patiente trouvaient leur origine dans la sphère conjugale.
En dépit de la prégnance des viols conjugaux, leur appréhension par la justice pénale a longtemps fait l’objet d’une complaisance coupable des autorités judiciaires7, probablement sous l’influence d’un « devoir conjugal » qui s’imposerait dans le couple8. Il aura fallu attendre un arrêt en date du 11 juin 1992 pour que la Chambre criminelle affirme enfin que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu'à preuve contraire »9. La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a consacré cette solution en ajoutant un nouvel alinéa 2 à l'article 222-22 du code pénal, au sein duquel elle soulignait que le viol est constitué en cas de pénétration sexuelle imposée « quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve du contraire ». La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, a modifié l’article 222-22 du code pénal en supprimant la phrase relative à la présomption simple de consentement des époux à l’acte sexuel. Cette suppression est heureuse, car la présomption était dévastatrice pour maintenir l’idée selon laquelle, au sein du couple marié, la présomption de consentement était toujours le principe et qu’il fallait donc rapporter la preuve contraire pour démontrer un viol. Dorénavant, le viol est donc réprimé quelle que soit la nature des liens existants entre l’agresseur et la victime. L'existence de relations antérieures entre l'auteur du viol et la victime constitue même une circonstance aggravante prévue à l'article 222-24, 11o, du code pénal.
Cette évolution, tant prétorienne que légale, est donc fort récente et explique que le changement des perceptions sociales relatives au viol conjugal en soit aux balbutiements. Le chemin à parcourir reste encore important comme le révèle l’article 222-22 alinéa 2 du code pénal qui précise que le viol est commis “quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage ». Cette formule « y compris s’ils sont unis par les liens du mariage » est révélatrice. En effet, le viol peut donc exister, nous explique ce texte, entre des concubins, des partenaires de Pacs et même (c’est la formule « y compris ») au sein d’un couple marié. Cette adjonction singularise le mariage par rapport aux autres modes de conjugalité . Le législateur insiste sur le fait que, même dans un mariage, un viol peut être commis et cette focale sur le mariage rappelle à quel point le viol entre époux demeure un impensé. Il est tellement dénié que la loi pénale s’oblige à le souligner, alors même que la forme de la relation préexistante entre l’auteur et la victime - concubinage, Pacs ou mariage - n’a en réalité aucune incidence sur le viol qui suppose toujours un acte de pénétration sexuelle et une absence de consentement de la victime.
Le procès de Mazan, procès d’un viol conjugal, aura au moins eu une vertu pédagogique car il « fait prendre conscience à certaines personnes que le viol entre époux, qui est reconnu par la justice depuis 1992, existe. Le corps de la femme n’appartient pas à son conjoint. C’est très important de le souligner, car ce n’est clair ni dans la tête des hommes ni dans celle des femmes qui pensent qu’elles sont tenues de tout accepter »10.
Lorsque le procès de Mazan s’est ouvert début septembre, très rapidement le hashtag NotAllMen a refait surface. Pas tous les hommes, seulement certains hommes, ceux qui sont différents, ceux qui sont « des monstres », telle est l’idée que sous tendait ce message tandis que le procès débutait. Cette opposition à une assimilation de tous les hommes à de potentiels violeurs était intéressante, car elle révélait de nouveau le caractère ordinaire du procès de Mazan.
D’abord, s’il est évident que tous les hommes ne sont pas auteurs de viols (doit-on d’ailleurs vraiment se réjouir du fait que majoritairement les hommes respectent la loi pénale et ne commettent pas un crime ?), il n’en demeure pas moins que parmi les 51 co-accusés, il n’y avait que des hommes. Pas tous les hommes donc, mais que des hommes traduits devant la justice pénale pour ce chef d’inculpation qu’est le viol. De nouveau, le procès de Mazan, par cette représentation exclusivement masculine des accusés, est le reflet de l’activité judiciaire ordinaire relative aux violences sexuelles. En effet, la CIIVISE affirmait dans son rapport de 2023 que 97 % des auteurs de violences sexuelles sont des hommes11. Ce chiffre peut être nuancé par le fait que le faible nombre de femmes autrices de violences sexuelles traduites devant la justice est certainement sous-évalué du fait, notamment, de biais sociaux qui font que les plaintes contre les femmes sont plus rares. Néanmoins, les chiffres sont stables, les violences sexuelles sont majoritairement le fait d’hommes et les victimes majoritairement des femmes. Cette répartition genrée classique dans les procès de viol a été de nouveau confirmée par le procès de Mazan.
Ensuite, outre le fait que le viol est principalement commis par des hommes, le procès de Mazan a également permis de rappeler qu’il peut être commis par tous les hommes. Pour reprendre les termes de Lola Lafon : « Si tous les hommes ne sont pas des violeurs, les violeurs peuvent apparemment être n’importe quel homme »12. La presse a recensé les professions des co-accusés, surprise de découvrir autant d’hommes « ordinaires » qui ne ressemblent pas à l’image classique du « violeur », cet autre qualifié de monstre. « Des monstres, ces 51 accusés ? Mais ils sont, au contraire, d’une humanité médiocre (…). Ils ont la fadeur banale de monsieur Tout-le-Monde, ils sont ces insoupçonnables voisins, amis, collègues, des pères de famille charmants, ils sont cadres supérieurs, pompiers, profs, ouvriers, artisans ou journalistes, retraités ou jeunes trentenaires, ils sont de gauche, de droite, ils sont aimables, serviables, ils vont chercher leur enfant à l’école et font la vaisselle avant de scroller sur le Net et de s’inscrire sur un forum proposant de violer une femme sédatée, comateuse »13. Le procès de Mazan déconstruit les préjugés sur les auteurs de viol pour révéler la réalité des procès, celle d’hommes ordinaires, du « Monsieur tout le monde »14, loin de l’image du monstre, loin de l’inconnu qui peut, certes, exister mais reste plus rare que le voisin ordinaire, le conjoint ordinaire, le petit ami ordinaire… La démonstration, par ces 51 co-accusés, du caractère tristement banal des auteurs de viol suscite l’inquiétude dans la société, car il est plus rassurant d’imaginer l’auteur de tels crimes comme un autre éloigné de soi par sa monstruosité qui fait sa différence avec l’honnête homme. Admettre que les auteurs de viols sont des hommes ordinaires, c’est admettre que le viol est un crime systémique, et non pas d’exception, car il est perpétré par des auteurs que la presse a pu qualifier de « bons pères de famille »15. Accepter que le « bon père de famille » puisse être un auteur de viol est encore peu entendable dans la société, comme l’étonnement provoqué par le profil ordinaire des co-accusés lors de l’ouverture du procès de Mazan l’a montré. Le profil ordinaire des co-accusés oblige à admettre que se reposer sur la justice pénale pour sanctionner les auteurs d’infractions ne peut être suffisant et qu’il faudra aussi réaliser un changement en profondeur dans les rapports entre les femmes et les hommes, ce qui assurément est un chantier plus vaste. A défaut d’espérer que ce changement de paradigme s’opère à court terme, au moins pouvons-nous espérer que le procès de Mazan permette la « disqualification définitive »16 de l’emploi de l’expression de « bon père de famille », maintenant que nul ne peut ignorer que derrière cet homme ordinaire peut se dissimuler l’auteur d’un viol.
« Reconnaissez-vous les faits de viol dont vous êtes accusé ?
– Non.
– Gisèle Pelicot était-elle en mesure de vous donner son consentement ?
– Non.
[…] Combien de fois a-t-on entendu « Je trouvais la situation bizarre » ? « J’étais mal à l’aise » ? « Je me demandais ce que je faisais là » ? « J’étais pas venu pour ça » ? « Dès que j’ai mis les pieds là-bas, j’ai voulu partir » ?
Mais s’ils sont là, devant cette cour criminelle, c’est que, malgré ça, aucun d’entre eux n’a fait demi-tour, à la vue de cette femme, livrée manifestement inerte, par son mari. « Être invité par le mari, c’est être invité par le couple. Quand le mari me dit : “elle est allée se coucher, on va la réveiller”, moi, ça m’enlève la question du consentement.
– Vous ne savez pas que le consentement par procuration, ça n’existe pas ?
– Non. » (Vincent C.) « Je me pose pas de questions. » (Florian R.) « C’est son mari, sa maison, sa chambre, son lit, sa femme. » (Didier S.)18.
Pour conclure ces lignes, et après avoir évoqué le caractère tristement banal du procès de Mazan, il convient de revenir sur ce qui en a fait, malgré tout, un procès extraordinaire, à savoir le choc qu’il a provoqué au sein de la société grâce au refus du huis-clos de Gisèle Pelicot qui a ouvert à la presse et, donc à toute la société française, les portes de la cour criminelle. Cette décision de maintenir la publicité de l’audience a favorisé un rapprochement fréquent avec le célèbre procès d’Aix-en-Provence qui s’était tenu en 1978 et pour lequel Gisèle Halimi avait bataillé également pour imposer la publicité de l’audience avec un mot d’ordre, que l'on a retrouvé à l'identique lors du procès de Mazan : la honte doit changer de camp, la honte doit couvrir les auteurs et non la victime. Ce procès de 1978 avait marqué un tournant dans l’appréhension du viol en permettant une évolution légale majeure. La loi du 23 décembre 1980 a adopté une définition légale du viol permettant une approche plus vaste de l’infraction. Ainsi, les similitudes entre les deux procès, à plus de quarante ans d’écart, sont nombreuses : publicité de l’audience, retentissement médiatique, choc sociétal, impulsion de réformes législatives (celle sur le consentement pour le procès Mazan). Or, en dépit des probables avancées post procès Mazan, notamment avec une définition renouvelée de l’incrimination de viol mais aussi une formation renforcée du corps médical à la problématique de la soumission chimique, un sentiment d’amertume et d’inquiétude domine, le sentiment aussi d’un immense gâchis.
En quarante ans, nul ne peut nier que des avancées importantes dans la lutte contre le viol ont été réalisées. On peut citer, sans prétendre à l’exhaustivité, le renforcement de la lutte contre les violences sexuelles commises contre les victimes mineures avec la loi du 21 avril 2021, la consécration de la notion d’inceste dans le code pénal, l’allongement de la prescription de l’action publique ou encore la formation renforcée de tous les professionnels de la chaîne pénale. Toutefois, l’amertume est forte à la lecture des comptes-rendus des audiences du procès Mazan en constatant la violence des propos tenus à l’endroit de la partie civile, manifestant de nouveau la victimation secondaire que constitue le parcours pénal pour les victimes de viol20 ou encore en constatant l’indifférence à l’absence de consentement d’une femme pourtant droguée et inerte. Amertume aussi de constater que le droit a changé depuis le procès d’Aix-en-Provence mais que la société est restée profondément ancrée dans des stéréotypes sur le viol qui font que la presse s’étonne encore, en 2024, que le viol conjugal soit une réalité et que les auteurs de viols puissent être, et le sont d’ailleurs dans la grande majorité, des hommes ordinaires. Inquiétude enfin que le procès de Mazan ne soit suivi, comme en 1978, par de nombreuses réformes, certes essentielles, mais sans que la société ne change fondamentalement son regard sur le viol car la loi pénale peut être un vecteur efficient d’évolutions mais elle ne peut rien seule.
Amertume donc que, quarante ans après le procès d’Aix, tant reste encore à faire pour juguler le crime systémique qu’est le viol et inquiétude qu’en dépit des réformes qui ne manqueront pas de suivre le procès de Mazan, les changements ne soient que saupoudrage et qu’un autre procès historique, hors norme, extraordinaire, finisse par nous le rappeler cruellement dans quelques années. Alors, pour lutter contre cette amertume et cette inquiétude, que reste-t-il ? Il reste, et c’est bien le moins que nous puissions faire, à déclencher un « boucan d’enfer » comme le propose Lola Lafon : « En refusant le huis-clos, Gisèle exige de nous que nous regardions, que nous lisions, que nous écoutions. C’est bien le minimum. Qu’on n’accorde pas une minute de silence de plus aux victimes de violences sexuelles. L’hommage rendu aux mortes, le soutien aux violées, qu’il fasse un boucan monstrueux, qu’il soit un chaos inoubliable, durable. Qu’il soit une question obsédante, enfin »21.
Audrey Darsonville, Professeure de droit pénal, Université Paris Nanterre, CDPC
Références
Solène Cordier et Jérôme Lefilliâtre, « Le procès des viols de Mazan, un tournant historique ? », Le Monde, 24 septembre 2024, https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/09/27/le-proces-des-viols-de-mazan-un-tournant-historique_6335880_3224.html ; Dossier « Viol de Mazan, un procès historique », Médiapart, 30 décembre 2024 ;« Viols de Mazan : le procès historique peut-il marquer un tournant ? », Public Sénat, émission du 19 décembre 2024.↩︎
Anne Jocteur Monrozier, « Affaire des viols de Mazan : retour sur quatre mois d'un procès hors norme », France bleu, 19 décembre 2024.↩︎
Pascale Robert-Diard et Henri Seckel « Huit semaines dans le “marécage” du procès des viols de Mazan : les chroniqueurs judiciaires du “Monde” racontent », Le Monde, 20 novembre 2024 : « Chaque jour, on a cru qu’on avait vu et entendu le pire. Mais le pire était pire le lendemain […]. Après huit semaines à patauger dans le marécage, nos carnets sont pleins de boue ».↩︎
Infostat Justice, Les condamnations pour violences sexuelles, no 164, sept. 2018, p. 1↩︎
Sylvie Cromer, Audrey Darsonville, Christine Desnoyer, Virginie Gautron, Sylvie Grunvald et al.. Les viols dans la chaîne pénale, [Rapport de recherche], Université de Lille Droit et santé – CRDP et Université de Nantes - Droit et Changement Social, 2017, hal-01656832⟩.↩︎
Sylvie Cromer et al., rapport préc., p. 108 : « Un nombre élevé de dossiers révèle que l’auteur est une personne connue par la victime et même souvent un proche. La sphère familiale est le lieu le plus fréquent des viols avec deux schémas récurrents : soit les viols sont le fait d’un conjoint, concubin, ou ex-, soit les viols sont commis sur des victimes mineures par un membre de leur famille (père, grand-père, oncle, cousin...). Les viols par un auteur inconnu sont donc moindres par rapport aux viols par des auteurs appartenant à l’entourage proche de la victime. Cette proximité avec l’auteur explique d’ailleurs certaines difficultés dans le déclenchement des poursuites pénales (climat de peur au sein du couple qui empêche la victime de déposer plainte, impossibilité pour un mineur d’intenter une action tant qu’il réside au sein du foyer familial...) ».↩︎
Sylvie Cromer et al., rapport préc., p. 76 et s. : « Les viols conjugaux sont sous qualifiés au profit d’une qualification de violences volontaires ce qui est une négation de la réalité du viol. Il semble que dans un contexte de violences conjugales, la justice pénale considère le viol comme un fait de violences parmi les autres. Or, les violences conjugales, sauf en cas de blessures graves pour la victime, sont des délits et font encourir une peine inférieure à celle du viol. La disqualification est une forme de banalisation du viol conjugal que l’on ne peut que déplorer ». La correctionnalisation devrait diminuer avec l’entrée en vigueur des cours criminelles départementales mais, faute de recul suffisant à l’heure actuelle, on ne saurait l’affirmer avec certitude.↩︎
Aline Leriche, « Petite histoire du viol conjugal et de la honte », Le sociographe 3/2008 (n° 27), p. 85-94 ; Georges Vigarello, Histoire du viol, XVIe-XXe siècle, Seuil, 1998.↩︎
Cass. crim., 11 juin 1992, no 91-86.346, Bull. crim. no 232.↩︎
Solène Cordier et Jérôme Lefilliâtre,, « Le procès des viols de Mazan, un tournant historique ? », préc.↩︎
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a rendu son rapport final le 20 novembre 2023 : ‹www.ciivise.fr/le-rapport-public-de-la-ciivise›.↩︎
Lola Lafon, « Procès des viols de Mazan : en faire un boucan d’enfer », Libération, 5 septembre 2024.↩︎
Lola Lafon, chron.préc.↩︎
Solène Cordier et Jérôme Lefilliâtre, « Le procès des viols de Mazan, un tournant historique ? », préc. : « Le profil des accusés, hormis celui de Dominique Pelicot, est très conforme à celui que l’on rencontre tout le temps, explique l’avocate Anne Bouillon, autrice d’Affaires de femmes (L’Iconoclaste, à paraître le 3 octobre). C’est-à-dire qu’il n’y a pas de profil type : pas tous les hommes, mais M. Tout le Monde. Le procès de Mazan est un miroir grossissant sur le crime de l’ordinaire qu’est le viol ».↩︎
Clara Cini, « La disqualification définitive des “bons pères de famille” », Le Monde, 18 décembre 2024 : « Le magazine Elle décrit ainsi “le double visage de Dominique Pelicot : de bon père de famille à prédateur sexuel”, Marianne évoque les hommes “presque tous ordinaires” de Mazan, “bons pères de famille, célibataires”, et Libération revient sur ces “bons pères de famille, comme on dit, de tous âges et de tous milieux sociaux” ».↩︎
Clara Cini, art. préc.↩︎
Eloïse Bartoli, « “Il y a viol et viol” : pourquoi la stratégie d'un avocat de la défense est critiquée au procès de Dominique Pelicot et de ses 50 coaccusés », France Info, 12 septembre 2024.↩︎
Pascale Robert-Diard et Henri Seckel, « Huit semaines dans le “marécage” du procès des viols de Mazan : les chroniqueurs judiciaires du “Monde” racontent », préc.↩︎
Proposition de loi visant à inclure et définir explicitement la notion de consentement dans la définition pénale du viol, n° 731, 17e législature, déposée le jeudi 19 décembre 2024.↩︎
Clément Lanier, Les victimes de violences sexuelles face à l’épreuve de la justice, L’Harmattan, 2024.↩︎
Lola Lafon, chron. préc.↩︎