En finir avec le sexe ?

Marie-Xavière Catto  1











Résumé :

Le sexe est une notion juridique qui, du fait de son interprétation strictement binaire, n’a pas permis de protéger tant les personnes trans que les personnes intersexe. Dès lors, la volonté de prendre en compte ces situations a conduit à l’émergence de nouvelles notions apparues en droit récemment (l’identité de genre ou le genre pour les personnes qui changent de sexe ; les caractéristiques sexuées pour les personnes intersexes) qui peuvent s’appliquer soit exclusivement au groupe restreint de personnes qu’elles sont censées protéger, soit à toutes les personnes, et dans ce cas elles peuvent paraître concurrencer le sexe. L’article propose de revenir sur l’émergence de ces notions, leur finalité et leur fonctionnement et suggère que si le sexe peut être concurrencé par le genre, il serait préférable qu’il le soit par les caractéristiques sexuées.

Mots-clés :

Sexe, genre, personnes trans, personnes intersexes, caractéristiques sexuées, discriminations.

Abstract :

Sex is a legal concept which, because of its strictly binary interpretation, has not been able to protect either trans or intersex people. As a result, the desire to take these situations into account has recently led to the emergence of new legal notions such as gender identity or gender, for those people who have changed sex; or sexed characteristics for intersex people). These new notions can be read as applying exclusively to the restricted group of people they are intended to protect or, alternatively, to all people – in which case they appear to compete with that of sex. This article looks back at the emergence of these notions, their purpose and how they work. It suggests that if sex can be competed with by gender, it would be preferable if it were competed with by sexed characteristics.

Keywords :

Sex, gender, trans people, intersex people, sexed characteristics, discrimination.


Introduction

  1. Peut-on encore parler de sexe ? La question pourrait surprendre, tant le terme demeure, en droit interne, absolument dominant. La révision constitutionnelle de 1999 relative à la parité a inscrit les termes femmes et hommes à l’alinéa 2 de l’article 1er de la Constitution avant que celle de 2008 n’étende la portée du dispositif ; et la révision constitutionnelle initiée, puis interrompue, en 2018, avait même envisagé de remplacer le terme de race par celui de sexe au premier alinéa de l’article premier2. L’idée, telle qu’énoncée dans l’exposé des motifs du projet de révision, était d’« introduire le terme "sexe" pour affirmer l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans discrimination entre les femmes et les hommes, ainsi [que de] supprimer le terme "race" qui est scientifiquement infondé et juridiquement inopérant ». Le sexe faisait donc figure, à l’inverse, de terme renvoyant à une catégorie scientifiquement fondée et juridiquement opérante.

  2. Si le sexe tend ainsi à s’ancrer dans la Constitution, il l’est déjà très fermement dans la loi. Le Code civil en fait même un élément constitutif de la personne et ne recourt qu’à cette seule notion pour désigner les personnes selon un mode binaire. Sur la période récente, le sexe est cependant de plus en plus concurrencé par le « genre », dont le champ d’utilisation s’étend à une mesure telle qu’il en vient progressivement à se substituer au sexe dans différents textes et énoncés. Ainsi, la notion d’« identité de genre », qui apparaît pour la première fois à l’été 2013 dans une circulaire de Christiane Taubira3, vient se substituer à celle d’« identité sexuelle » créée un an auparavant par la loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel – avant d’être reprise par le législateur. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle l’introduit en effet en droit de la non-discrimination4, puis la loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 l’intègre aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse5. À ce jour, c’est essentiellement au travers de cette notion d’« identité de genre » que la loi consacre la notion de genre – que ce soit dans le Code pénal6, en droit des étrangers7, en droit pénitentiaire8, en droit de la fonction publique9, dans le Code de la sécurité intérieure10 ou dans le Code de la santé publique11. Si l’on pouvait estimer que le terme « d’identité sexuelle » était impropre, il est possible d’interroger l’opportunité de la substitution. D’abord parce que la notion de sexe aurait pu être interprétée d’une manière qui permette de protéger les personnes trans. Ensuite parce que l’identité de genre vise en réalité à réprimer exactement les mêmes attitudes et comportements que ceux qui étaient visés par la notion précédente d’identité sexuelle. Depuis, la diffusion de la notion de genre en droit se poursuit. Dans le sillage d’une tendance plus générale dans le vocabulaire international et européen qu’exprime notamment la Convention du Conseil de l'Europe du 12 avril 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul)12, les violences sexuelles et sexistes sont parfois qualifiées de « violences fondées ou basées sur le genre »13 ; et les « stéréotypes sexistes »14 ou « stéréotypes liés au sexe »15 tendent également à être qualifiés de « stéréotypes de genre »16. L’adjonction ou la substitution progressive de « genre » à « sexe » se diffuse donc dans tous les champs – en dépit de certaines résistances, à l’instar de celle de la Commission générale de terminologie et de néologie qui, face au constat de son utilisation croissante même dans « les documents administratifs »17, invite à ne pas recourir au terme de genre. Au point de se substituer désormais, parfois, au sexe, même lorsqu’il est question d’état civil.

  3. La notion de genre renvoyant (nous y reviendrons) à la dimension sociale du sexe, elle n’a plus prétention à désigner les corps physiques. L’insuffisance supposée de la catégorie de sexe, concurrencée par le genre, conduit donc à une substitution qui se révèle toutefois insuffisante pour subsumer l’ensemble des discriminations liées au sexe. En cela, elle soulève des difficultés. En effet, si hommes ou femmes sont des genres et que ces catégories ne disent (plus) rien des corps – ce à quoi prétendait la catégorie de sexe –, ce sont bien cependant ces corps qu’il faudra de nouveau montrer pour saisir les discriminations ou les violences qui leur sont liées. Ainsi, bien qu’il ait été mis de côté parce que considéré comme insuffisant pour protéger les personnes trans (d’où la création de la notion « d’identité de genre »), le sexe pourrait retrouver un intérêt lorsqu’il s’agit de désigner l’ensemble des discriminations ou violences liées aux corps. Le critère est néanmoins à son tour dénoncé en ce qu’il ne permettrait qu’imparfaitement de les protéger. En témoigne notamment le cas des personnes naissant avec des caractères sexués atypiques (les personnes intersexes), qui ne sont pas protégées par la catégorie de genre (dont ce n’est pas la vocation), mais qui ne le sont pas non plus par celle de sexe puisque leur sexe est, précisément, non reconnu18. Apparaît alors la revendication d’un nouveau critère, celui des « caractéristiques sexuées », pour lutter contre les violences et les discriminations à l’égard des personnes intersexes, qui ne relève pas de l’identité mais des corps, qu’il faudrait ainsi désigner. Un paysage alors bien particulier se dessine avec une immense majorité de personnes qui ont un sexe, au milieu de deux autres catégories, celles qui ont un genre et non un sexe (les personnes trans), et celles qui ont des caractéristiques sexuées (les personnes intersexes). Cette complexification pourrait être interprétée dans le sens d’une plus grande diversité, qui peut être souhaitée. Elle peut également faire craindre, par la désignation de minorités, le statu quo quant à la structure fondamentalement sexuée et binaire de la société. C’est cette difficulté qu’affronte le présent article, qui entend examiner la manière dont le fonctionnement du critère du sexe a fait émerger de nouvelles revendications, censées pallier ses manques, et la pertinence des réponses apportées. Quelle place pourrait dès lors occuper le sexe à l’aune de l’émergence de ses concurrents ? Le présent article entend soutenir la thèse de l’utilité d’un nouveau critère – les caractéristiques sexuées – pour lutter contre l’ensemble des violences et discriminations visées par les trois notions de genre, de sexe et de caractéristiques sexuées. Nous constaterons ainsi que le sexe est majoritairement, mais nous le regretterons, concurrencé par le genre (I), alors qu’il est marginalement, mais nous espérons qu’il le sera davantage, concurrencé par les caractéristiques sexuées (II).

I. Un sexe inopportunément – mais majoritairement - concurrencé par le genre

  1. En droit, le genre est d’abord apparu sous la forme du sentiment d’identité des personnes. Traduit socialement, il est alors marqué par son écart avec le sexe (A). Mais l’acception initiale, critiquée, a ensuite conduit à faire du genre non pas tant un complément qu’un concurrent du sexe (B).

A. Le genre, complément du sexe

  1. En droit international, si la Cour européenne avait d’abord constaté l’existence d’un « sexe social »19, le genre a pris le relai. Il a d’abord permis de distinguer les rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes : « le genre masculin ou féminin (gender) procède d’une mise en place d’une identité sociale d’homme ou de femme. Soit la traduction sociale du sexe biologique, déterminée par une attribution des tâches, des fonctions et des rôles propres à chaque sexe dans la société, dans la vie publique et privée »20. Il a également permis de désigner les stéréotypes sur lesquels reposent ces rôles sociaux de sexe21. L’identification, par les personnes, au sexe auquel on lie ces rôles a conduit à la construction de la notion d’identité de genre. La formule a été précisée dans le cadre des Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre (dits « principes de Jogjakarta ») ; et largement reproduite par la suite. Ainsi,

  2. « L’‘identité de genre’ fait référence à l'expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l'apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autre) et d’autres expressions du genre, y compris l'habillement, le discours et les manières de se conduire »22.

  3. Cette définition du genre comme « expérience intime et personnelle profonde »23 a été reprise par le Rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme en 2009, puis dans différents textes l’année suivante dans le cadre du Conseil de l’Europe24 ; et l’opposition sexe / genre est encore présentée dans la recommandation n°28 de 2010 du comité de suivi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (le comité Cedaw), aux termes de laquelle :

  4. « Le mot ‘sexe’ s’entend ici des différences biologiques entre l’homme et la femme. Le mot ‘genre’ renvoie à l’identité, aux attributs et au rôle de la femme et de l’homme, tels qu’ils sont définis par la société, et à la signification sociale et culturelle que la société donne aux différences biologiques »25.

  5. Qu’il soit défini comme ordre normatif ou comme attribut individuel, l’acception du genre en droit renvoie toujours à la construction sociale d’un ordre déjà sexué et non pas à la logique à l’origine de la construction binaire des sexes eux-mêmes. En 2011, la Convention d’Istanbul précitée le définit comme :

  6. « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes »26.

  7. Le terme est à son tour repris par le rapport du Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies en novembre 201127 avant de gagner dès le mois suivant le droit de l’Union Européenne avec la directive 2011/95/UE qui protège les personnes en raison de leur genre et de leur l’identité de genre dans le cadre des régimes de protection internationale28. Ainsi défini, le genre n’est pas un substitut du sexe ; il apparaît comme le complément, le volet culturel, vécu, d’un sexe qui, lui, s’impose naturellement aux individus.

  8. Une apparition récente, à propos des personnes trans. Cette brève généalogie du terme « genre » dans le droit international mériterait assurément d’être complétée ; elle mènerait certainement alors au Royaume Uni. À la suite de sa condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2002 dans l’affaire Christine Goodwin c. Royaume-Uni29, ce pays a en effet adopté le Gender Recognition Act30. Sous l’idée de « gender recognition », il s’agissait en fait de confirmer qu’il est impossible de changer de sexe, mais aussi d’acter que les personnes trans, parce qu’elles adoptent le comportement lié au sexe revendiqué, peuvent changer de « genre »31. Ce faisant, le sexe reste intact, comme, au demeurant, dans toutes les définitions du droit international précitées.

  9. L’effet évident mille fois dénoncé : la naturalisation du sexe. Le terme de genre, issu du « paradigme de Johns Hopkins » développé par John Money, Joan G. Hampson & John L. Hampson au sein d’un collectif de pensée médico-psychologique32, a été construit comme un équivalent du sexe d’élevage, dans lequel ces auteurs voyaient le critère principal d’assignation du sexe des nouveau-nés « hermaphrodites »33. C’est dans cette acception, reprise dans les sciences sociales (Ann Oakley le définit ainsi en 1972)34, qu’il a été intégré en droit. Or il avait rapidement fait l’objet de critiques par les féministes matérialistes françaises, qui avaient immédiatement saisi l’effet de naturalisation du sexe produite par une telle division nature / culture. Certes, les corps existent - comme les dinosaures ont existé35- indépendamment de la perception qu’on en a. Pour le formuler autrement, « si […] on admet que tous les caractères dits du "sexe" ne disparaîtraient pas dans une société sans genre, il faut se rendre à l’évidence : les normes sociales n’ont pas le pouvoir de créer de telles variations »36, lesquelles existent de manière indépendante de notre perception. Il ne s’agit donc aucunement de nier (car il s’agira même de reconnaître) « l’existence d’une matérialité des corps indépendante de la pensée », laquelle est précisément « boycotté[e] par l’équivalence théorique entre sexe et genre »37. Il s’agit en revanche de mettre en avant le fait que ce que cette matérialité façonne, ce sont d’innombrables caractéristiques physiques, dont certaines sont sexuées, et non deux sexes. Il s’agit aussi de souligner qu’au-delà, la valeur attribuée à l’un de ces éléments corporels (les organes génitaux à la naissance par exemple, ou la possibilité de mener une grossesse), de même que l’organisation sociale selon une logique binaire en fonction de l’élément retenu, sont des choix sociaux. Le « sexe » pensé comme critère de partition des personnes doit donc être interrogé : les corps ne sont pas « naturellement » distingués selon deux catégories38. Ce qui est pensé comme « le sexe des personnes » présuppose une congruence entre des éléments relevant des chromosomes, des gonades, des hormones, etc. qui ne sont parfois pas congruents et qui, pris isolément, ne répondent pas à une logique binaire. La seule binarité des sexes pertinente en biologie consiste à dire que, l’espèce humaine étant sexuée, il faut un gamète mâle et un gamète femelle pour procréer. Mais le droit comme la société ne retiennent nullement ce critère pour catégoriser les personnes (le sexe a bien plutôt été le critère retenu afin d’obtenir des gamètes pour pallier leur défaut, dans le droit de la procréation), et tous les individus n’ont pas de gamètes, donc la binarité n’est jamais pertinente. En outre, l’existence d’un tel critère aurait-il permis de distinguer les individus selon deux catégories, le retenir pour définir les personnes relève d’un choix politique (social ou juridique) et ne peut donc être imputé à « la nature ». C’est pourquoi Colette Guillaumin situe le sexe, qui comme la race est construit comme un « évident naturel »39, dans les « "catégories biologiques" » entre guillemets, au sens où elles sont dites telles alors qu’il n’y a pas plus de naturalité du sexe qu’il n’y a de naturalité de la race40. C’est encore dans cette logique que Michel Foucault avait pu suggérer que « le sexe n’est sans doute qu’un point idéal rendu nécessaire par le dispositif de sexualité et par son fonctionnement »41. Aussi, « le genre crée le sexe »42 en en faisant « un domaine "prédiscursif", qui précède la culture, telle une surface politiquement neutre sur laquelle intervient la culture après coup »43.

  10. Sur le terrain juridique, percevant la reprise de cette distinction sexe (nature) / genre (culture) dans la nouvelle loi anglaise, Sharon Cowan la dénonce immédiatement44. Si le genre est au social ce que le sexe est au biologique, et que le droit permet un changement « de genre » au nom de « l’identité de genre », reconnaître le genre des personnes trans c’est aussi affirmer qu’elles ne seront jamais des hommes ou des femmes du sexe revendiqué, mais bien toujours les hommes et les femmes que la biologie aurait fait d’eux et elles, et dont seul le genre peut être socialement reconnu45. Le slogan « mon sexe n’est pas mon genre »46 interroge alors évidemment les personnes qui voient déjà dans le sexe une construction. Cette dernière subsume des éléments à la fois sociaux et corporels. Le sexe relève, en droit, d’une telle construction, laquelle a précisément permis l’assignation initiale de toutes les personnes dans l’un des deux sexes et le maintien des catégories, y compris face à des personnes dont la physiologie les défie, au nom de « l’organisation sociale »47. C’est également cette construction juridique du sexe qui a permis aux personnes d’en changer (qu’elles soient intersexes ou trans)48. Dans la perspective du féminisme matérialiste au prisme de laquelle une autrice comme Pauline Clochec pense la transition, sortir du discours de l’identité, donc de l’identité de genre ou de la transidentité est nécessaire pour que le changement de sexe soit pensable49. Il en est de même dans une perspective juridique : le changement de sexe n’est pensable que si l’on admet à la fois le caractère construit de la catégorie et la matérialité de ses éléments constitutifs (physiques et sociaux).

  11. Le genre apparaît donc en opposition avec des éléments biologiques auxquels renverrait le sexe, alors que le sexe juridique ne relève pas d’une donnée biologique mais d’une construction qui, historiquement, ne prend en compte que certains éléments biologiques – c’est précisément ce qui a permis de décider d’un sexe selon une logique binaire pour les personnes intersexuées et permis aux personnes trans de changer de sexe. Mais si le sexe est à la fois le critère de catégorisation selon une logique binaire (selon l’apparence des organes génitaux, à la naissance) et, par le mécanisme de la synecdoque, le mode de désignation des personnes (les génitoires faisant toute la personne, ainsi naissent les hommes et les femmes50), il apparaît déjà comme un construit social. En d’autres termes, il serait possible de considérer que le sexe imposé à la personne (projeté dès son annonce prénatale, inscrit sur son état civil), loin d’une description physique, relève de l’assignation de chaque personne à l’une des deux places selon un ordre social prédéterminé. Dès lors, pourquoi ne pas dire que cette place est un genre ? En d’autres termes, le genre ne serait pas « le sexe social des trans » mais, dans cette acception, il permettrait de montrer le caractère construit du sexe et pourrait donc se substituer à lui. L’hypothèse gagne à son tour du terrain.

B. Le genre, substitut du sexe ?

  1. Le genre, substitut du sexe des personnes trans. La substitution du sexe au genre, pour affirmer que seul ce dernier peut être reconnu pour les trans (Royaume Uni) mais également que lui seul compte réellement (généralisation de son emploi aussi par des personnes concernées), s’est diffusée. L’identité de genre conduit même à ce que certains textes évoquent désormais un « changement de genre », et non plus « de sexe ». C’est le cas au Conseil de l’Europe51, mais aussi en droit international52 ; et la Cour européenne elle-même a pu se référer au « changement de genre à l’état civil »53. Une partie de la doctrine pense ainsi les mentions figurant sur les documents administratifs54 et l’expression utilisée par une juridiction55 de « mention de son genre féminin » dans un contentieux relatif à l’état civil (portée en l’espèce sur un diplôme) a été reprise dans la jurisprudence citée par les éditeurs sous l’art. 61-5, § 3 du Code civil annoté56. Cette substitution tend à son tour à se diffuser au-delà de cas des seules personnes trans. Ce « genre », qui initialement n’était pas un sexe parce que c’est un genre (social), devenu ensuite le « sexe-des-trans » (substitution, dans leur cas), tend désormais à équivaloir au sexe en population générale.

  2. Le genre, substitut du sexe pour classer toutes les personnes. Le caractère plurivoque de l’emploi du terme genre permet l’existence d’un usage du genre comme substitut du sexe. Par exemple, lorsque le droit européen mentionne « les actes dirigés contre les personnes en raison de leur genre ou contre les enfants »57, il s’agit bien de viser la classification des personnes, juridiquement, selon un critère qui était autrefois le sexe et qui désormais devient le genre. Cette diffusion du terme prend parfois la forme d’une référence à l’« égalité des genres »58 (dont le pluriel indique bien ici l’indexation comme la substitution de genre à sexe) ; et la substitution est encore plus nette lorsque certains textes européens font désormais référence au fait que des « données à caractère personnel doivent être ventilées par genre [femme, homme, personne non binaire] »59 selon la reconnaissance de ces catégories dans les droits nationaux. Le terme apparaît ainsi désormais dans cette acception dans plusieurs dizaines de circulaires ou d’instructions nationales. L’usage dans l’espace social gagne donc le vocabulaire institutionnel, comme en témoigne une décision du Conseil constitutionnel de 200260, bien qu’elle ait pu être expliquée par une inattention61, et il se diffuse au cours des années suivantes62. Circulaires et instructions demandent, à des fins statistiques, que soient recueillies des « données par genre »63 ou « l’âge par genre »64, ou que soit indiqué « Genre : M/F »65. De même, certains de ces textes mentionnent des poursuites à l’encontre des majeurs « sans distinction de genre »66 ou encore précisent que la mesure de l’indice de masse corporelle ne tient compte « ni de l’âge, ni du genre »67. Pour finir, une circulaire du 20 juin 2023 définit les personnes cisgenres comme celles dont « l'identité de genre, masculin ou féminin, correspond au genre assigné à sa naissance »68. C’est donc un genre, désormais, qui serait « assigné à la naissance »69. Si l’on ne peut, dès lors, adresser au genre les reproches antérieurement énoncés – puisqu’en se substituant au sexe, il n’en produirait pas la naturalisation –, pourquoi ne pas admettre une telle substitution ? Elle ne paraît pas opportune pour deux raisons.

  3. La première est positiviste : une telle acception n’est pas conforme à toutes les définitions du droit international, et ce n’est pas en ce sens qu’elle est usitée sur le plan interne. Si le genre relève de l’expression volontaire d’une adhésion, selon toutes les définitions qui en sont données en droit international, alors par hypothèse, l’âge auquel les personnes se reconnaissent et manifestent le souhait d’appartenir à une classe de sexe est nécessairement tardif – et non une identité imposée par la société à la naissance. Or le droit international conserve les deux notions, en les opposant largement, et ne substitue pas l’une à l’autre. Certes, il est tout à fait possible de souhaiter que seul compte ce genre défini tardivement ; mais dans ce cas il ne remplacerait pas le sexe : il relèverait d’un nouveau critère subjectif de classification, tardif, une donnée non nécessaire dans l’état civil, qui in fine pourrait apparaître comme une simple modalité de classement des personnes. La dite substitution serait en fait une suppression du sexe, faisant disparaître son caractère nécessaire et imposé dans l’état civil. Ce n’est, en outre, pas à une telle acception que les mentions du « genre » renvoient en droit interne : le genre ou les genres y existent, sans que le sexe ne soit remis en cause et sans que les classements statistiques (circulaires et instructions) ne paraissent impliquer une demande adressée aux personnes en fonction de leur vécu. Le recours au terme genre dans ces textes renvoie aléatoirement à un choix exprimé ou à un emploi substitué au sexe, bicatégoriel et imposé, qui ne réinterroge pas à ce stade l’état civil.

  4. La seconde raison est pratique : la substitution ne paraît avoir aucun intérêt. S’il est absolument problématique de définir les personnes et de créer des identités avec des dispositifs politiques tels que le sexe, quel intérêt y aurait-il à renouer avec une nouvelle catégorie qui aurait exactement la même fonction ? Si l’on pense qu’il est aberrant de définir les individus par leur sexe, pourquoi deviendrait-il pertinent de les définir par leur genre ? On pourrait répondre que le genre est choisi, et que parce qu’il relève d’un choix, il pourrait rompre avec la binarité70. Mais, comme le souligne Pauline Clochec, le potentiel révolutionnaire du genre apparaît contestable. D’abord parce que les individus continueront à être socialement assignés à une catégorie, et que leur « genre » ne relèvera donc pas d’une identité subjective. Le terme tendra à privatiser des enjeux d’ordre public (les individus ayant l’illusion subjective de choisir leur manière d’être) tout en masquant un dispositif de pouvoir (l’assignation sociale initiale liée à un ordre social hétéronormatif) qui demeurera. Ensuite, parce qu’en faisant reposer la subversion de cet ordre social sur des comportements individuels qui resteront marginaux (les personnes qui voudront bien le défier), cet ordre demeurera peu interrogé71.

  5. Le genre tel qu’il est apparu en droit demeure dans toutes ses acceptions un instrument de classification des sujets de droit, qu’il soit basé sur leurs comportements, qu’il prenne acte de leur identité ressentie ou qu’il se substitue à leur sexe. Dans toutes ses acceptions, son emploi renonce à dénoncer le sexe comme catégorie politique, ce que les décisions autorisant le changement de sexe des personnes trans (et leur lutte même, tant qu’elle se situait et continue à se situer sur le terrain du changement de sexe) avaient pu révéler, laissant de côté ce qui paraît pourtant constituer « le dur » de la catégorie de sexe : son prétendu fondement biologique. C’est pourtant lui qu’il faut interroger pour révéler que le sexe demeure ce dispositif politique et idéologique d’assignation des personnes à une place à des fins de maintien d’une société patriarcale ou hétéronormative. Une telle démarche paraît désormais également possible grâce à la critique de la catégorie de sexe portée par des personnes intersexes, qui, pour lutter contre les violences subies, revendiquent la reconnaissance et la protection de leurs caractéristiques sexuées.

II. Un sexe providentiellement – mais marginalement - concurrencé par les caractéristiques sexuées

  1. En droit interne, les références aux caractéristiques sexuelles ou aux caractéristiques sexuées sont récentes et rares : quatre pour les premières72, deux pour les secondes73. Quatre des six occurrences interviennent dans des accords d’entreprise, les deux autres figurent dans des avis : le premier, rendu par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, concerne les trans (« Des fouilles seraient parfois réalisées dans le seul but d'établir les caractéristiques sexuelles de la personne »74), le second, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, concerne les personnes qui « naissent avec des caractéristiques sexuelles autres que celles correspondant au sexe masculin ou féminin »75. En revanche, le terme est apparu plus tôt dans des textes produits par les organes internationaux de protection des droits de l’homme auxquels les associations intersexes s’adressent pour faire reconnaître leurs droits ; et la question de l’inclusion des caractéristiques sexuées dans les listes de motifs prohibés de discrimination est, depuis le début des années 2010, régulièrement posée. Les textes étrangers76 ou internationaux77 font référence principalement aux « sex characteristics » (et non sexual characteristics), mais leur traduction a pris la forme de « caractéristiques sexuelles ». Nous préfèrerons le terme « sexué », le suffixe « uel » renvoyant à la sexualité78 (comme orientation sexuelle ou « sexual orientation »). La notion peut être variablement accueillie : telle qu’elle est usitée dans certains droits nationaux et en droit international, elle vise exclusivement les personnes intersexes (A), alors qu’elle nous semble receler des potentialités beaucoup plus importantes, notamment dans l’hypothèse où elle se substituerait, totalement, au sexe (B).

A. Les caractéristiques sexuées des personnes intersexes

  1. Naissance de la prise en compte des personnes intersexes dans les textes. Les premières interventions des organes onusiens abordent la question sous l’angle par lequel ils ont été interrogés par les premières associations de personnes intersexes79, à savoir celui des discriminations et des opérations non nécessaires effectuées sur les jeunes enfants intersexes. La première mention des intersexes advient en 2009 dans un rapport du comité CEDAW80 ; elle est prolongée dans les années suivantes dans le travail d’autres comités onusiens81. À la fin de l’année 2011, ces opérations sont pour la première fois condamnées par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme82 rapidement relayée par le Comité contre la torture83. Cette même année, les personnes intersexes sont définies, dans une publication du Conseil de l’Europe, comme les personnes « nées avec des caractéristiques chromosomiques, génitales ou de niveau hormonal qui ne correspondent pas à la norme admise des catégories "masculin" et "féminin" telles qu’utilisées en anatomie sexuelle ou reproductive »84. La notion de caractéristiques sexuées sera explicitement employée par le Haut-commissariat aux droits de l’homme en 2012, qui évoque des discriminations et des traitements médicaux non nécessaires subis par les personnes intersexes, définies comme celles qui sont « nées avec des caractéristiques sexuées atypiques »85. L’année suivante, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définit les personnes « intersexuées » comme celles dont « [les] caractéristiques sexuelles anatomiques internes et/ou externes [sont] atypiques »86.

  2. Les caractéristiques sexuées, un nouveau motif de discrimination. La loi maltaise du 14 avril 2015 traduit cette évolution. La notion de caractéristiques sexuées y est introduite pour interdire les opérations sur les mineurs intersexués, tant qu’un consentement libre et éclairé ne peut être formulé ; elle y est érigée en motif de discrimination prohibé au même titre que l’orientation sexuelle et l’identité de genre87. Les caractéristiques sexuées deviennent ainsi, pour les inters, ce que l’orientation sexuelle est aux homos et ce que l’identité de genre est aux trans : le motif de discrimination censé garantir leur protection. Dans cette loi, les caractéristiques sexuées sont définies comme :

  3. « les caractéristiques chromosomiques, gonadiques et anatomiques d’une personne, qui comprennent les caractéristiques primaires telles que les organes reproducteurs et génitaux et les structures chromosomiques et les hormones, ainsi que les caractéristiques secondaires telles que la masse musculaire, la répartition des poils, les seins et la stature »88.

La même année, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a consacré un rapport au thème Droits de l’homme et personnes intersexes, dans lequel il était suggéré que les variations des « caractéristiques sexuelles » ne devraient plus être considérées comme pathologiques dans les classifications médicales89, et qu’elles devraient, en revanche, figurer dans les législations nationales « en tant que motif de discrimination interdit à part entière, ou, à tout le moins, le motif "sexe/genre" devrait être interprété d’autorité comme incluant les caractéristiques sexuelles »90. La notion apparaît encore l’année suivante dans un rapport du Comité sur les droits de l’enfant à l’égard de la Lettonie, qui recommande à l’État partie « c) De réaliser des études sur la discrimination à l’égard des enfants […] intersexués [donc] fondée sur […] leurs caractères sexuels »91. Elle gagne en 2017 l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont la résolution intitulée Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes invite les États, « afin de combattre la discrimination à l’égard des personnes intersexes, à veiller à ce que les lois antidiscrimination s’appliquent effectivement aux personnes intersexes et les protègent, en faisant en sorte d’interdire expressément la discrimination fondée sur les caractéristiques sexuelles dans tous les textes pertinents »92.

  1. Cette catégorie est reprise et développée dans les Principes de Jogjakarta + 10 pour appliquer également aux personnes intersexes les dispositifs de protection, de prévention des violences, de lutte contre les discriminations et de réparation prévus pour l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre. De son côté, le Parlement européen regrette, dans sa résolution sur les droits des personnes intersexuées du 14 février 2019 « que les caractéristiques sexuelles ne soient pas reconnues comme un motif de discrimination dans l’ensemble de l’Union, et souligne dès lors l’importance de ce critère pour garantir l’accès à la justice des personnes intersexuées »93. C’est encore pour protéger les personnes intersexes contre les discriminations que le terme est employé dans la Résolution du Parlement européen sur les droits des personnes LGBTIQ dans l’Union européenne en 202194 et que son insertion est parfois préconisée en France95. En d’autres termes, un mouvement similaire à celui qui s’est donné à voir à propos de l’identité de genre se déploie avec les caractéristiques sexuées : initiatives nationales, Commissaire aux droits de l’homme, Comités ONU, Jogjakarta, Parlement européen, mais il s’agit cette fois de protéger non plus les personnes trans, mais les personnes intersexuées.

  2. L’intérêt de la notion. La reconnaissance des caractéristiques sexuées comme motif de discrimination paraît ainsi constituer le second volet d’un arsenal répressif visant à garantir le respect des droits des personnes intersexes : tandis que le premier réprime les atteintes à leur intégrité physique par des interventions médicales ni nécessaires ni consenties96, ce motif désigne l’élément physique (les caractéristiques sexuées) à l’origine de la violation des droits que ces personnes subissent. La notion de caractéristiques sexuées permet donc à la fois de circonscrire les actes appelés à être poursuivis et de sanctionner les discriminations. En France, elle est ainsi apparue dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à la loi bioéthique de 2021 : plusieurs amendements visant à interdire les opérations destinées à définir les caractéristiques sexuelles ont été présentés97. In fine, ces opérations n’ont pas été interdites, mais encadrées par l’article 30 de la loi de bioéthique98. C’est pourquoi, dans son rapport périodique publié en 2022 relatif à la situation des droits des personnes LGBTI en France, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) considère qu’il demeure de la plus haute importance de « prendre des mesures d’ordre législatif et procédural visant à protéger les nouveau-nés et les enfants intersexués contre d’éventuelles interventions médicales prématurées sur leurs caractéristiques sexuelles (hormonothérapie et chirurgie) »99. L’intégration de la notion dans le droit de la non-discrimination permettrait également, selon ses défenseurs, de lutter contre les discriminations qui commencent à être documentées, et dont certaines touchent spécifiquement les personnes intersexes (ainsi par exemple, la difficulté d’accès des personnes à leur dossier médical a pu être relevée100). Elle permettrait, enfin, de garantir leur visibilité par des dispositifs de prévention, de formation et d’information101.

  3. Une reconnaissance limitée aux personnes intersexes problématique. La démarche convainc ; mais pourquoi limiter la protection des caractéristiques sexuées aux personnes intersexes, alors que c’est sur la base des mêmes caractéristiques (réelles ou supposées) que les « hommes » et les « femmes » sont perçus et classés comme tels et, par suite, potentiellement discriminés à raison de leur « sexe » ? Revendiquer la protection des « caractéristiques sexuées » pour les seules personnes intersexes présume, d’une part, qu’elles constitueraient une catégorie de personnes bien définie, clairement distinguable de celle des personnes dites dyadiques102. Elle risque, d’autre part, de conduire à l’aberration que représente le fait de les designer comme les seules personnes présentant des « variations du développement génital », alors même que les catégories « homme » et « femme » sont précisément les noms donnés aux personnes présentant certaines variations dudit développement. Reproduisant cette curieuse logique, le Conseil d’État en vient à affirmer que « les enfants présentant des variations du développement génital sont dans une situation différente de ceux qui ne présentent pas de telles variations »103. La perspective, pensée comme inclusive, de l’ajout des caractéristiques sexuées aux autres motifs de discrimination que seraient le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, nous paraît dès lors présenter des limites en ce qu’elle laisse les « hommes » et « femmes » en l’état. Ces personnes passent en effet pour relever d’autres catégories (elles auraient un sexe), alors qu’elles n’ont en réalité que des variations des caractéristiques sexuées que l’on a qualifié de sexes pour leur assigner des places (des statuts) et que, pour la cohérence des statuts ainsi créés, il n’y en aurait que deux. Mais si le sexe est une construction idéologique qui prétend s’appuyer sur les corps, prêter enfin attention à ces derniers permettrait de constater la variabilité des caractéristiques sexuées pour enfin voir, non plus des sexes, mais des sujets aux caractéristiques variées.

B. Les caractéristiques sexuées du sujet

  1. Une reconnaissance opportune. Les Principes de Jogjakarta + 10 de 2017 définissent les caractéristiques sexuelles comme « les aspects physiques propres à chaque personne en matière de sexe, y compris les organes génitaux, l’anatomie sexuelle et reproductrice, les chromosomes, les hormones et les caractéristiques secondaires apparaissant à la puberté »104. Ce caractère composite est largement connu, non seulement par les médecins, mais également en droit. En effet, dès les premiers contentieux inter et trans, cette pluralité de caractéristiques a été reconnue via les qualifications de sexe gonadique, sexe chromosomique, sexe hormonal, sexe phénotypique, etc. Le sexe juridique, de son côté, pourrait être dit ne retenir qu’un sexe parmi cet ensemble (le sexe phénotypique). Mais le sexe n’est pas qualifié, juridiquement et socialement, en fonction de sa place dans le système des variations (génitales, etc.) ; il l’est en fonction du statut qu’il permet d’assigner (homme ou femme). En d’autres termes, le sexe en droit ne dit pas le corps mais la place ; et c’est précisément la raison pour laquelle la caractéristique servant de prétexte à la détermination de cette place n’est jamais mentionnée, précisément pour ne pas être questionnée. Le sexe apparaît donc sous la forme d’un double mouvement. Ascendant, il est ce processus qui prend une partie pour dire le tout (synecdoque), de l’élément aux catégories de personnes – homme et femme. Descendant, il part du tout (la personne classée comme homme ou femme) pour façonner les parties conformément au sexe assigné, ce qui conduit à conformer les corps intersexués et à construire la manière dont chacun devra être en société (la binarité des sexes étant un élément fondateur de l’ordre social et juridique105). Dès lors, montrer les corps dans la variété de leurs caractéristiques sexuées permettrait de démasquer ce que leur fait la catégorie de sexe. L’intérêt d’une telle reconnaissance paraît ainsi relever de ses potentialités unifiantes. Pour que celles-ci puissent pleinement se déployer, il importe toutefois que la reconnaissance des « caractéristiques sexuées » comme catégorie s’accompagne de la remise en cause de celle de sexe. L’intérêt de l’opération est en effet subordonné à ce que la reconnaissance des caractéristiques sexuées ne fasse pas passer les personnes dyadiques (hommes et femmes) pour des personnes ayant un sexe tandis que les autres auraient des caractéristiques sexuées. Il ne s’agira donc pas de comparer – la comparaison étant la condition de mise en œuvre d’un droit de la non-discrimination applicable – les caractéristiques sexuées des intersexes, d’une part, et les sexes des hommes et des femmes, d’autre part ; car, comme l’atteste le raisonnement précité du Conseil d’État, la catégorie de sexe permettra de considérer qu’ils sont dans des situations différentes. Au contraire, il s’agira de comparer des caractéristiques sexuées avec des caractéristiques sexuées, de constater leurs différences en population générale, et de briser le dispositif idéologique appelé « sexe » en tant qu’il présuppose (et impose) leur congruence.

  2. Un critère de discrimination unifiant. L’intérêt évident d’un tel critère est qu’il permettrait de regarder les corps tels qu’ils sont et non plus à travers la catégorie (ou les lunettes) du sexe, et ainsi de les protéger contre tout ce que l’existence de la catégorie de sexe fait aux personnes. Contre les violences, et notamment les mutilations, le critère devrait conduire à ne plus distinguer celles qui sont subies par des personnes dont les caractéristiques sexuées ne sont pas atypiques (mutilations génitales féminines par exemple) de celles subies par les personnes aux fins de conformer leurs caractéristiques sexuées atypiques (autres mutilations). En droit de la non-discrimination, il permettrait d’unifier les critères de discrimination en en supprimant un très grand nombre. La reconnaissance des caractéristiques sexuées comme catégorie conduirait, en première intention, à supprimer celle de sexe. Mais elle pourrait encore, en raison de l’ordre social que produit la catégorie de sexe, mener à distinguer les caractéristiques sexuées au sens physiologique des caractéristiques socialement sexuées (telles que l’habillement, la manière de se conduire, etc.). A ce titre, la reconnaissance des caractéristiques sexuées conduirait donc à la suppression du critère d’identité de genre. En outre, elle conduirait également à la suppression du motif de l’orientation sexuelle, puisque la discrimination selon « l’orientation sexuelle » relève toujours d’une discrimination selon les caractéristiques sexuées des membres de la relation. Comme l’a relevé la Cour suprême américaine, « un employeur qui discrimine pour ces motifs a inévitablement l’intention de se fonder sur le sexe dans sa prise de décision » car « certes, l’objectif ultime de cet employeur peut être de discriminer sur la base de l’orientation sexuelle. Mais pour atteindre cet objectif, l’employeur doit, en cours de route, traiter intentionnellement un employé de manière moins favorable en raison notamment de son sexe »106. Il faudrait enfin ajouter que ces caractéristiques peuvent être « vraies ou supposées »107. Intégré au droit de la non-discrimination, le critère des caractéristiques sexuées permettrait donc de réduire la liste des critères prohibés, car il permettrait d’intégrer toutes les personnes sans entrer dans la logique inflationniste d’ajouts de nouvelles identités108. La démarche paraît trouver quelque écho dans un accord d’entreprise qui prévoit, au titre des « critères d’embauche identiques pour les femmes et les hommes », que « l’ensemble du processus du recrutement devra systématiquement reposer sur les compétences recherchées par l’entreprise et exclure toute caractéristique sexuée ou tout autre signe de discrimination »109.

  3. Certes, il serait également possible de considérer que le sexe peut jouer ce rôle, les juges ayant précisément pu interpréter la notion en ce sens. En droit européen, la Cour de justice des Communautés européennes a en effet pu prendre appui sur une interprétation extensive du principe de non-discrimination fondé sur le sexe pour protéger les personnes trans110, avant même qu’aient été intégrées aux directives européennes les « discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe d'une personne »111. Et des interprétations similaires se sont données à voir dans d’autres ordres juridiques112. Mais de tels raisonnements jurisprudentiels demeurent fragiles et peuvent être écartés113. Les personnes intersexuées pourraient, elles aussi, être protégées au moyen de l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe. À la suite de plusieurs interventions en ce sens d’organes de défense des droits humains, le député Raphaël Gérard a ainsi demandé au Ministre de la justice « si le sexe est un motif mobilisable pour réprimer les actes de discrimination et de violences fondées sur les caractéristiques sexuées »114. Mais quand bien même cette logique reposant sur un élargissement de l’interprétation du critère de sexe nous paraît préférable à celle de l’adjonction d’un nouveau critère, elle demeure improbable. Si « la catégorie de sexe est le produit de la société hétérosexuelle »115, elle fonctionne comme un dispositif d’assignation selon la bicatégorisation et les personnes intersexuées n’auront jamais de sexe. La jurisprudence de la Cour de cassation116, tout comme la nouvelle rédaction de l’article 57 du Code civil117, le confirment. On pourrait certes arguer qu’il en est du sexe comme du mariage : la logique intrinsèque du mariage rendait absurde la revendication du mariage pour les couples de même sexe. Et effectivement, la logique intrinsèque des institutions peut toujours être contredite par la logique sociétale de leur redéfinition, qui elle aussi a une histoire, ce qui a rendu possible le mariage pour les couples de même sexe et la reconnaissance par certains États d’un troisième sexe (ce qui conduit d’ailleurs le droit de l’Union européenne à devoir préciser que les textes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes n’affectent pas les règles nationales pertinentes dans ces États118). Il n’en reste pas moins que seule la suppression du sexe (de l’identité de genre, etc.) permettrait d’éviter ces débats sur son sens, de quitter la métaphysique pour en venir à la matérialité des corps et des signes.

  4. Retenir les caractéristiques sexuées pourrait donc permettre d’éviter les spécifications et, par conséquent, de couvrir l’ensemble des discriminations. Dès lors que l’on supprime toute mention du sexe pour ne conserver que les caractéristiques sexuées, alors la question de savoir si les femmes, les hommes, les homos, les trans durant leur transition (et évidemment après) ou les intersexes, sont compris sous le critère des caractéristiques sexuées ne se pose plus : toutes ces personnes sont ainsi qualifiées en raison de certaines de ces caractéristiques – et la liste en est depuis longtemps dressée, que celles-ci soient physiologiques (sexe chromosomique, gonadique, génital, phénotypique, caractères sexués secondaires, etc.) ou socialement sexuées (habillement, comportement, rapport sexuel ou attirance pour une personne ayant les mêmes caractéristiques sexuées, etc.).

  5. Supprimer le sexe. Le caractère positif et normatif de la notion de caractéristiques sexuées, à la fois précise et opératoire, pourrait donc permettre d’en finir avec la catégorie de sexe. Il serait même possible d’imposer la substitution des caractéristiques sexuées partout où le sexe est mentionné, ce qui comporte un intérêt bien au-delà du champ de la discrimination.

  6. D’abord, cette exigence de précision, en droit, ferait vraisemblablement disparaître le sexe de tous les documents d’identité ; il est en effet fort peu probable que le jurislateur décide de définir les personnes par leurs caractéristiques sexuées. On imagine mal un législateur requérir des mentions « P » ou « C » (pour pénis ou clitoris), ou « PB » et « CGL », pour pénis et bourse et clitoris et grandes lèvres, sur nos actes de naissance. Cette logique va en outre dans le sens des principes des Jogjakarta, qui énoncent qu’il faudrait « veiller à ce que les documents d’identité contiennent uniquement l’information personnelle qui est pertinente, raisonnable et nécessaire, prescrite par la loi dans un but légitime, et cesser par conséquent l’enregistrement du sexe et du genre de la personne sur des documents d’identité tels que les certificats de naissance, les cartes d’identité, les passeports et les permis de conduire, ainsi que comme élément de leur personnalité juridique »119 – une position qui fait écho à celle du Défenseur des droits, pour qui toute « personne devrait avoir le droit de ne pas renseigner la mention de son sexe sur les documents de la vie courante »120. Loin d’être anecdotique, cette question de la pertinence des mentions est aujourd’hui interrogée dans le cadre d’une procédure contentieuse, une question préjudicielle ayant été renvoyée à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une contestation portée par l’association Mousse relativement à la pertinence, au regard du RGPD, de l’indication du sexe pour acheter des titres de transports et cartes dans l’application SNCF connect121.

  7. Ensuite, la suppression de sa mention permettrait au système juridique, économe en termes de références au corps des personnes, de gagner en cohérence. Car la mention du sexe n’apparaît pas seulement sur les documents d’identité, mais également pour la reconnaissance de certains droits. Pour ne prendre que ce seul exemple, la loi constitutionnelle n°2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse prévoit désormais que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Par ces termes, le législateur constitutionnel montre son incapacité à penser le droit d’avorter comme un droit universel et ce, alors même que le Conseil d’État (repris sur ce point dans les travaux parlementaires122) a bien quant à lui indiqué, dans l’avis rendu sur le projet de loi constitutionnelle, que le recours à ce droit ne concernant ni toutes les femmes, ni seulement des femmes, et qu’il « résulte de l’objet même de cette liberté […] qu’elle doit être entendue comme bénéficiant à toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l’état civil »123. La femme du droit constitutionnel n’est donc pas forcément celle du droit civil – nonobstant certaines acrobaties réalisées par le rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale, où l’on lit que « dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce dernier terme désigne toute personne. Il en est de même ici [dans le projet de loi constitutionnelle] pour le mot ‘femme’ »124. Quelle utilité, dès lors, de s’y référer ?

  8. Enfin, si le sexe comme catégorie juridique est fondateur non seulement de l’ordre juridique, mais aussi de l’ordre social, comme l’avait énoncé la Cour de cassation125, sa disparition est susceptible d’apparaître comme nécessaire à un ordre social et juridique universaliste. Dans ce contexte, le droit pourrait en imposer la disparition dans nombre de pratiques sociales (comme il en a été pour les offres d’emploi), ce qui pourrait conduire à préciser, pour toutes, la pertinence des distinctions effectuées (tarifs différenciés chez le coiffeur selon la demande précise de la coupe, ou le temps passé, et non selon le sexe ; distinction des toilettes assis / debout selon qu’il s’agit d’un siège ou d’un urinoir, etc.). Il paraît également possible, parmi d’autres mesures, d’imposer aux médecins une description strictement physiologique du fœtus à l’occasion des échographies, et on peut s’interroger sur le fait qu’ils puissent mentionner, sur la seule demande du ou des futurs parents, une description du tubercule génital (qui ne relève pas de la santé de l’enfant), sans qualification (ce qui rendrait les parents moralement responsables, s’ils y procédaient, d’imposer cette idéologie à leurs enfants). Le sexe comme dispositif de pouvoir disparaîtrait progressivement.

Conclusion

  1. La rupture avec les logiques essentialisantes ou métaphysiques induite par le remplacement obligatoire des seules caractéristiques sexuées dans tous les champs où le sexe est mentionné devrait conduire à supprimer nombre de ces mentions. En effet, déclinées dans leur variété, elles ne feront pas une identité, mais décriront des corps, des signes ou des rapports sociaux, dans leur diversité, qui ne seront dès lors plus des catégories juridiques autorisant des hiérarchies, mais des caractéristiques des sujets qui pourront enfin être pris en compte pour ce qu’ils sont et qui pourront être universellement protégés.

Marie-Xavière Catto, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS)



Références

  1. Je remercie les deux « peer review » anonymes, ainsi que Odile Fillod, Stéphanie Hennette-Vauchez et Marc Pichard, pour leurs relectures et critiques sur cet article.↩︎

  2. Projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, amendement de M. Lagarde et plusieurs de ses collègues n°199, déposé le 3 juillet 2018 et adopté par l’Assemblée nationale : « À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, après le mot : “distinction”, sont insérés les mots : “de sexe,” et les mots : “de race” sont supprimés ».↩︎

  3. Circulaire du 23 juillet 2013 portant sur la réponse pénale aux violences et discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, NOR : JUSD1319893C, BOMJ, n° 2013-08 du 30 août 2013. Un mois plus tôt, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait publié son premier avis sur l’identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l'état civil : Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), 27 juin 2013, Avis sur l'identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l'état civil, NOR : CDHX1320077V.↩︎

  4. Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 86 : « la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est ainsi modifiée : au premier alinéa de l'article 1er, les mots : « […] son orientation ou identité sexuelle, son sexe […] » sont remplacés par les mots : « […] de son sexe […], de son orientation sexuelle, de son identité de genre […] ».↩︎

  5. Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, art. 170.↩︎

  6. Code pénal, art. 132-77, 222-13, 222-33-1-1, 225-1, 225-4-13, 226-19.↩︎

  7. Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L. 511-3, L. 521-6, L. 531-15.↩︎

  8. Code pénitentiaire, art. L. 6.↩︎

  9. Code général de la fonction publique, article L. 131-1.↩︎

  10. Code de la Sécurité Intérieure, art. L. 212-1.↩︎

  11. Code de la santé publique, art. L. 4163-11 (dispositions pénales) et art. R. 2311-1 (information, promotion du respect).↩︎

  12. Ratifiée par la France le 4 juillet 2014 et entrée en vigueur le 1er novembre 2014.↩︎

  13. Code de procédure pénale, art. D.1-6 ; Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, Instruction relative aux priorités pour 2023 de la politique d'intégration des étrangers primo-arrivants, dont les personnes réfugiées, 8 février 2023, NOR : IOMV2303177J.↩︎

  14. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques du Portugal, CEDAW/C/PRT/CO/8-9, 24 novembre 2015.↩︎

  15. Cour EDH, GC, 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie, req. n° 30078/06, § 141-143 ; Cour EDH, 4 février 2021, Jurcic c. Croatie, req. n° 54711/15, § 83.↩︎

  16. Code de l'éducation, article L. 313-1.↩︎

  17. Commission générale de terminologie et de néologie, Recommandation sur les équivalents français du mot gender, JORF, 22 juillet 2005, n°169.↩︎

  18. Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17.189.↩︎

  19. Cour EDH, plén., 6 novembre 1980, Van Oosterwijck c. Belgique, req. n° 7654/76, § 9.↩︎

  20. Conseil de l’Europe, Direction générale des droits de l’homme, L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques », Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, Strasbourg, 2004, p. 8.↩︎

  21. Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 1464 (2005) adoptée le 4 octobre 2005, Femmes et religion en Europe, §2.↩︎

  22. Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, 2007, note 2, p. 6.↩︎

  23. Commissaire aux Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, Droits de l'homme et identité de genre, Document thématique, CommDH/IssuePaper(2009)2, 2009, p. 6.↩︎

  24. Les travaux préparatoires de la Résolution 1728 (2010) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre se réfèrent à la définition des principes de Jogjakarta (v. Rapport de Andreas Gross du 8 décembre 2009, Doc. 12087, p. 7). V. aussi Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Recommandation 1915 (2010), Discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre ; et Comité des ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation CM / Rec (2010) 5.↩︎

  25. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), Recommandation générale n° 28 concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, CEDAW /C/GC/28, 16 décembre 2010.↩︎

  26. Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, art. 3 c. repris dans Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Recommandation de politique générale n° 15 sur la lutte contre le discours de haine, 8 décembre 2015, pts h, i, j.↩︎

  27. Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/19/41, 17 novembre 2011.↩︎

  28. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les refugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte), cons. 30, art. 9.2.f et 10.1.d.↩︎

  29. Cour EDH, GC, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, req. n° 28957/95.↩︎

  30. Gender Recognition Act 2004, https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2004/7/contents↩︎

  31. Sharon Cowan, « “Gender is No Substitute for Sex”: A Comparative Human Rights Analysis of the Legal Regulation of Sexual Identity », Feminist Legal Studies, 2005, vol. 13, n° 1, p. 78-79.↩︎

  32. Sur l’histoire de ce paradigme, v. Michal Raz, « La médicalisation précoce de l’intersexuation. Genèse d’un paradigme », in Marie-Xavière Catto, Julie Mazaleigue dir., avec la participation de Laurence Brunet, La bicatégorisation de sexe. Entre droit, normes sociales et sciences biomédicales, Mare & Martin, 2021, pp. 47-73.↩︎

  33. Le sexe d’élevage est considéré, en vertu de ce paradigme, comme « the far better than any other variable—gonadal, chromosomal, morphologic or hormonal — as a prognosticator of the gender role in an individual » (Joan G. Hampson, John Money, et John L. Hampson, « Case management of hermaphroditism », Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, 1956, vol. 16, n° 4, p. 547, p. 549).↩︎

  34. Ann Oakley, Sex, Gender, and Society, Gower / Maurice Temple Smith, New York, [1972] 1985, p. 16 : « “Sexe” est un mot qui fait référence aux différences biologiques entre mâle et femelle […]. “Genre”, par contre, renvoie à la culture : il concerne la classification sociale en “masculin” et “féminin” […]. On doit admettre l’invariance du sexe comme on doit également admettre la variabilité du genre » (notre traduction).↩︎

  35. Pour reprendre « l’argument des dinosaures » de Thierry Hocquet, Des sexes innombrables, Seuil, 2016, p. 46.↩︎

  36. Priscille Touraille, « L’indistinction sexe et genre ou l’erreur constructiviste », Critique, 2011, n° 764-765, p. 88.↩︎

  37. Ibidem.↩︎

  38. Sur cette question, v. Evelyne Peyre, Joëlle Wiels, Michèle Fonton, « Sexe biologique et sexe social », in Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail, Hélène Rouch dir., Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, Éditions du CNRS, 1991, p. 27-50 ; Cynthia Kraus, « La bicatégorisation par sexe à l’épreuve de la science » in Delphine Gardey et Ilana Löwy dir., L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 2000, p. 187-213 ; Ilana Löwy, « Intersexe et transsexualités : Les technologies de la médecine et la séparation du sexe biologique du sexe social », Cahiers du Genre, 2003/1, n°34, p. 81-104 ; Joëlle Wiels, « La différence des sexes : une chimère résistante » in Catherine Vidal dir., Féminin Masculin – Mythes et idéologies, Paris, Belin, 2006, p. 71-81 ; Anne Fausto-Sterling, Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science, La Découverte, Paris, [2000] 2012 ; Anne Fausto-Sterling, Les cinq sexes. Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants, Payot, Paris, [1993] 2013.↩︎

  39. Colette Guillaumin, L’idéologie raciste, Mouton & Co, 1972, p. 166.↩︎

  40. Colette Guillaumin, ibid., p. 164 et Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir, Côté femmes, 1992, pp. 57-60.↩︎

  41. Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La volonté de savoir, Gallimard, 1976, p. 205.↩︎

  42. Christine Delphy, « Le patriarcat, le féminisme et leurs intellectuelles », Nouvelles Questions Féministes, 1981, n° 2,‎ p. 65.↩︎

  43. Judith Butler, Trouble dans le genre, La découverte, 2005, p. 69.↩︎

  44. Sharon Cowan, « “'Gender is No Substitute for Sex” : A Comparative Human Rights Analysis of the Legal Regulation of Sexual Identity », op. cit., p. 78-79.↩︎

  45. Ibid., p. 79-80.↩︎

  46. Repris comme titre du documentaire militant de Valérie Mitteaux de 2016, « Fille ou garçon, mon sexe n'est pas mon genre ». Dans ce sens encore, le « coming out trans » d’Océan (Brut, 22 mai 2018) qui a également pu reprendre un journaliste l’interviewant pour affirmer qu’il a changé de genre et non de sexe (Océane est devenue Océan : Clique Dimanche, Canal +, 27 mai 2018), tout en ajoutant que certaines personnes se définissent comme transsexuelles et parlent de leur côté de changement de sexe. Sur le problème de la reprise de cette catégorie psychiatrique par des théoriciennes et militantes queer, v. Pauline Clochec, Après l’identité. Transitude & féminisme, Hystériques et AssociéEs, 2023, p. 10.↩︎

  47. Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17.189, préc..↩︎

  48. Tant pour les personnes intersexes (CA, Versailles, 22 juin 2000, n° 7799-99, intégrant le « sexe d’élevage de l’enfant » dans les éléments pertinents) que pour les personnes trans (depuis 1992 et l’admission du changement de sexe). La Cour EDH avait de son côté indiqué qu’elle n’était « pas convaincue que l’on puisse aujourd’hui continuer d’admettre que [les termes de l’article 12] impliquent que le sexe doive être déterminé selon des critères purement biologiques » (Cour EDH, GC, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, req. n° 28957/95, § 100).↩︎

  49. Pauline Clochec, Après l’identité. Transitude & féminisme, op. cit.. C’est la thèse des deux premiers articles de l’ouvrage, mais v. not. p. 7, pp. 29-57.↩︎

  50. Thierry Hoquet, Sexus nullus, ou l’égalité, Paris, iXe, 2015, p. 22.↩︎

  51. En 2010, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se réfère encore à la « reconnaissance juridique de leur nouveau sexe » (Résolution 1728 (2010) relative à la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, §4). Mais la même année, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe mentionne la possibilité de « changer le nom et le genre de l’intéressé́ dans les documents officiels » (Recommandation CM / Rec (2010) 5, § 20-21) tout en se référant également au changement de sexe, pour l’accès aux services médicaux (§ 35-36).↩︎

  52. Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/19/41, 17 novembre 2011, § 72-73.↩︎

  53.  Par exemple dans Cour EDH, 10 mars 2015, Y.Y. c. Turquie, req. n° 14793/08, §43 (tout en se référant également au changement de sexe légal, § 105). La Cour se réfère encore au changement de sexe en 2017 (Cour EDH, 6 avril 2017, A. P., Nicot et Garçon c. France, req. n° 79885/12, 52471/13 et 52596/13, § 142-143). Les deux termes sont utilisés, parfois dans le même paragraphe, dans Cour EDH, 4 avril 2023, O.H. et G.H. c. Allemagne, req. n° 53568/18, § 76. Mais la Cour reprend largement cette nouvelle terminologie à son compte, § 114, § 118-120, etc. ; Cour EDH 4 avr. 2023, A.H. et autres c. Allemagne, req. n° 7246/20, § 118-120, § 127, etc.↩︎

  54. Selon Benjamin Moron-Puech par exemple, le marqueur « dit, “de sexe” » est « en réalité [un marqueur] de genre », donc il se réfère aux « mentions de genre » : « Suppression de la “mention du sexe” ou ajout du “sexe neutre” sur les cartes d’identité ou les passeports », in Olivia Bui-Xuan (dir.), Le(s) droit(s) à l’épreuve de la non-binarité, Institut francophone pour la justice et la démocratie, Paris, 2023, p. 56.↩︎

  55. Chambéry, 25 janv. 2022, n° 21/01282.↩︎

  56. Code civil Dalloz annoté (sous l’art. 61-5, § 3 sur les mineurs) : « la mention de son genre féminin, qui sera portée sur ses diplômes sanctionnant la fin de sa scolarité ».↩︎

  57. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.↩︎

  58. L’expression est courante, notamment après la requalification de la Commission du Parlement européen des « droits de la femme » en « Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres ». Elle apparaît dans certains textes (Décret n° 2012-1077 du 24 septembre 2012 portant publication de l'accord relatif à la consolidation du projet de valorisation du français en Asie du Sud-Est (VALOFRASE), signé à Hanoï le 10 janvier 2012, art. 10). Elle est largement présente dans le vocabulaire des institutions et en doctrine.↩︎

  59. Annexes I et II des Règlements (UE) 2021/1057 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 et du Règlement (UE) 2021/691 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021.↩︎

  60. Cons. const., 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC, Loi de modernisation sociale, § 115 : « considérant (…) que les articles 134 et 137 (…) ne fixent qu'un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ; qu'ils n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire prévaloir, lors de la constitution de ces jurys, la considération du genre sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications » ; comme l’a remarqué Jimmy Charruau, « L’introduction de la notion de genre en droit français », RFDA, 2015, n° 1, p. 129, not. p. 134.↩︎

  61. Ibid., p. 134.↩︎

  62. Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 2191 (2017) adoptée le 12 octobre 2017, Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes, § 5 et § 7.3 ; Cour EDH, 31 janvier 2023, Y c. France, req. n° 76888/17, § 90. Pour une occurrence antérieure en droit interne, v. Ministère de la santé et des sports, Décision du 20 octobre 2010 fixant le contenu du dossier technique mentionné à l’article R. 5139-3 et accompagnant la demande d’autorisation prévue à l’article R. 5139-1 du code de la santé publique, NOR : SASM1020253S, JO du 4 novembre 2010.↩︎

  63. Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Note de service DAF D1 n° 2020-058 du 14 mai 2020, Accès à la classe exceptionnelle des maîtres exerçant dans les établissements d'enseignement privés sous contrat appartenant aux échelles de rémunération des professeurs agrégés, des professeurs certifiés, des professeurs de lycée professionnel, des professeurs d'éducation physique et sportive et des professeurs des écoles à compter de l’année 2020, NOR : MENF2010993N.↩︎

  64. Ministère du logement et Ministère de la citoyenneté, Instruction relative aux orientations de la politique d'accueil des réfugiés réinstallés pour l'année 2021, 24 février 2021, NOR : INTV2101167J.↩︎

  65. Ministère de l’Agriculture, Conditions d’inscription sur la liste d’aptitude aux emplois d’agent de direction des organismes de mutualité sociale agricole pour l’année 2020, 15 janvier 2019, NOR : AGRS1900316J ; Ministère du Travail et Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Instruction interministérielle n° DGEFP/MAJE/CGET/2019/251 du 16 décembre 2019 relative à la mise en œuvre des conventions pluriannuelles d'objectifs des E2C, NOR : MTRD1935095J.↩︎

  66. Ministère de la justice, Circulaire CRIM-2020-05/G1 du 17 février 2020 de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme, NOR : JUSD2003946C.↩︎

  67. Ministère des solidarités et de la santé et Ministère des sports, Instruction interministérielle n° DGS/EA3/DS/B1/2019/204 du 13 septembre 2019 relative à la procédure d’évaluation des dossiers de candidature déposés dans le cadre de l’appel à projets « Maisons sport-santé », NOR : SSAP1926894J, annexe.↩︎

  68. Ministère de la transformation et de la fonction publiques, Circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenres dans la fonction publique de l’État, NOR : TFPF2314656C.↩︎

  69. Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Avis du 25 mai 2021 relatif à la prise en charge des personnes transgenres dans les lieux de privation de liberté, JORF, 6 juillet 2021, n° 0155, § 4.2.↩︎

  70. Judith Butler, Trouble dans le genre, op. cit., p. 224.↩︎

  71. Clochec Pauline, Après l’identité. Transitude & féminisme, op. cit., p. 20.↩︎

  72. Dont l’un qui vise les comportements sexuels, et l’autre les caractéristiques, à deux reprises, mais sans les définir : Accord collectif sur l'égalité professionnelle entre les Hommes et les Femmes 2020-2022, au sein de Baron Philippe de Rothschild SA, signé le 31 mars 2020, publié sur Légifrance le 22 septembre 2021, réf. T03320005259 ; Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, Avis du 25 mai 2021, préc. ; CNCDH, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, 19 novembre 2019, NOR : CDHX1933518V.↩︎

  73. Accord d’Entreprise portant sur l’égalité professionnelle entre les Femmes et les Hommes, au sein de UES SCC, signé le 8 novembre 2023, publié sur Légifrance le 25 décembre 2023, réf. T09223061987, p. 6 ; Accord égalité professionnelle au sein d’Altimance, signé le 26 octobre 2021, publié sur Légifrance le 15 novembre 2021, réf. T59V21001673, p. 9.↩︎

  74. CGLPL, Avis du 25 mai 2021, préc..↩︎

  75. CNCDH, Avis sur les 30 ans de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, 19 novembre 2019, préc., p. 11.↩︎

  76. Loi maltaise : The Gender Identity, Gender Expression and Sex Characteristics Act 2015.↩︎

  77. Additional principles and state obligations on the application of international human rights law in relation to sexual orientation, gender identity, gender expression and sex characteristics to complement the Yogyakarta principles (ci-après principes de Jogjakarta P+10), 10 novembre 2017, Genève ; Résolution du Parlement européen du 14 février 2019 sur les droits des personnes intersexuées (2018/2878 (RSP)), A, K, 10.↩︎

  78. Comme dans les expressions « orientation sexuelle » ou « connotation sexuelle ». « Caractéristique sexuelle » est le terme qui est visé dans l’Accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein du Groupe Bayer en France pour dire la connotation sexuelle (accord signé le 21 décembre 2022, publié sur Légifrance le 3 juillet 2023, réf. T06923024415).↩︎

  79. Notamment par l’association Intersexuelle Menschen e.V. / XY-Frauen et l’Association of Intersexual People / XY-Women, avant de voir leur action prolongée par l’association suisse StopIGM dont la documentation des pratiques et le travail de plaidoyer remarquable ont pris la forme de rapports principalement adressés aux Comités onusiens (https://intersex.shadowreport.org ).↩︎

  80. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Allemagne, CEDAW/C/DEU/CO/6, 21 avril 2009, § 61-62.↩︎

  81. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observations finales sur l’Allemagne, E/C.12/ DEU/CO/5, 12 juillet 2011, § 26 ; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), Observations finales concernant le rapport unique du Costa Rica valant cinquième et sixième rapports périodiques, CEDAW/C/CRI/CO/5-6, 2 août 2011, § 40.↩︎

  82. Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/19/41, 17 novembre 2011, § 57.↩︎

  83. Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention, Observations finales sur l’Allemagne, CAT/C/DEU/CO/5, 12 déc. 2011, § 20.↩︎

  84. La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Europe, Éditions du Conseil de l’Europe, 2011, p. 141.↩︎

  85. Rapport du Haut Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme, Born free and equal. Sexual Orientation and Gender Identity in International Human Rights Law, 2012, note 2, p. 9 (termes repris p. 51) : « persons born with atypical sex characteristics ».↩︎

  86. Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Le droit des enfants à l’intégrité physique, Doc. 132977, 6 sept. 2013, § 49, p. 14.↩︎

  87. V. la loi maltaise du 14 avril 2015, The Gender Identity, Gender Expression and Sex Characteristics Act 2015, § 13 (2) et § 14.↩︎

  88. Ibid., §2: « "sex characteristics" refers to the chromosomal, gonadal and anatomical features of a person, which include primary characteristics such as reproductive organs and genitalia and, or in chromosomal structures and hormones; and secondary characteristics such as muscle mass, hair distribution, breasts and, or structure ». La définition posée par le Préambule des principes de Jogjakarta P+10 (préc.) est très proche.↩︎

  89. Commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe, Droits de l’homme et personnes intersexes, Document thématique, 23 juin 2015, rec. 3 p. 9.↩︎

  90. Ibid., rec. 5 p. 9.↩︎

  91. Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport de la Lettonie valant troisième à cinquième rapports périodiques, CRC/C/LVA/CO/3-5, 14 mars 2016, § 27 c).↩︎

  92. Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 2191 (2017). Le texte poursuit : « et/ou en sensibilisant les avocats, la police, les procureurs, les juges et tous les autres professionnels compétents, ainsi que les personnes intersexes sur la possibilité de réagir aux actes de discrimination à leur égard en invoquant une discrimination fondée sur le sexe ou encore “sur tout autre motif” (non précisé) lorsque la liste des motifs interdits dans les dispositions nationales antidiscrimination applicables n’est pas exhaustive », Ibid., pt. 7.4. L’Assemblée parlementaire a ensuite préconisé l’intégration des « caractéristiques sexuelles » dans la législation contre les crimes de haine (critère de discrimination et circonstance aggravante) (Résolution 2417 (2022), adoptée le 25 janvier 2022, Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre des personnes LGBTI en Europe, § 14.1 à 14.4.↩︎

  93. Parlement Européen, Résolution du 14 février 2019 sur les droits des personnes intersexuées, préc., § 10.↩︎

  94. Parlement européen, Résolution du 14 septembre 2021 sur les droits des personnes LGBTIQ dans l’Union européenne (2021/2679 (RSP)), M et § 2.↩︎

  95. Crimes de haine et autres incidents motivés par la haine en raison de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou des caractéristiques sexuelles en France, Rapport national, préparé pour le Conseil de l'Europe par Flora Bolter en collaboration avec Stéphanie Cramer Marsal, janvier 2023, p. 85.↩︎

  96. Parmi de nombreux autres États, la France a été épinglée à trois reprises sur ce point par les comités onusiens : Comité des droits de l'enfant, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, CRC/C/FRA/CO/5, 23 février 2016, § 48b ; Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Observations finales concernant le septième rapport périodique de la France, CAT/C/FRA/CO/7, 10 juin 2016, § 34 ; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), Observations finales concernant le rapport de la France valant septième et huitième rapports périodiques, CEDAW/C/FRA/CO/7-8, 25 juillet 2016, § 19 f.↩︎

  97. Assemblée nationale, Rapport n°3181 de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique, p. 599, Amendement n° 133, (G. Chiche) ; v. aussi p. 606 et p. 609, Amendements n° 1105 et 1096 (D. Obono), n° 1101 et 1107 (B. Lachaud) et n°1349 (M. Petit). En séance, le même problème s’est posé (Amendement n° 473 (G. Chiche et al.)). Des formulations identiques sont employées au Sénat : V. Amendement n° 90, JO Sénat 3 février 2021, p. 796.↩︎

  98. Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, avant que l’arrêté n’interdise la majorité de celles-ci (mais ce n’est qu’un arrêté) en posant que « la seule finalité de conformation des organes génitaux atypiques de l'enfant aux représentations du féminin et du masculin ne constitue pas une nécessité médicale » : Arrêté du 15 novembre 2022 fixant les règles de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital en application de l'article L. 2131-6 du Code de la santé publique, NOR : SPRP2232078A JORF, 17 novembre 2022, n° 266.↩︎

  99. Conseil de l’Europe, Rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la France (sixième cycle de monitoring), 28 juin 2022, § 34.↩︎

  100. Michal Raz (avec la collaboration de Loé Petit), Intersexes. Du pouvoir médical à l’auto-détermination, Le cavalier bleu, Paris, 2023, p. 131.↩︎

  101. Parlement Européen, Résolution du 8 juillet 2021 sur les violations du droit de l’UE et des droits des citoyens LGBTIQ en Hongrie (2021/2780 (RSP), § 27 : « rappelle que les informations publiées devraient refléter la diversité des orientations sexuelles, des identités et expressions de genre, ainsi que des caractéristiques sexuelles, afin de lutter contre la désinformation fondée sur des stéréotypes ou des préjugés » ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 2417 (2022), 25 janvier 2022, Lutte contre la recrudescence de la haine à l’encontre des personnes LGBTI en Europe, pt 12.3 et 16.4).↩︎

  102. Nous remercions Odile Fillod d’avoir rappelé ce point à notre attention lors de sa relecture.↩︎

  103. Conseil d’Etat, 14 avril 2023, n° 470546.↩︎

  104. Principes de Jogjakarta P+10, préc., Préambule p. 6. La définition de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) est proche : v. Recommandation de politique générale n° 17 sur la prévention et la lutte contre l’intolérance et la discrimination envers les personnes LGBTI adoptée le 28 juin 2023, Strasbourg, 28 septembre 2023, p. 6.↩︎

  105. Cass. 1re civ. , 4 mai 2017, n° 16-17.189, préc.↩︎

  106. Cour suprême des États-Unis, Bostock v. Clayton County, Georgia, 15 juin 2020, p. 2 et p. 11, notre traduction. Pour le reformuler encore avec un exemple, « Être en couple avec un homme » n’est en effet pas universellement un problème, mais peut l’être pour certaines personnes lorsqu’on a des caractéristiques sexuées communes. Ou, pour l’appliquer à l’inverse, « être un homme et être en couple » n’est pas un problème mais peut le devenir si l’autre membre du couple a ces mêmes caractéristiques (caractéristiques sexuées du partenaire). De quelque manière que l’on souhaite la saisir, la discrimination selon l’orientation sexuelle fait intervenir une discrimination selon le sexe (donc les caractéristiques sexuées), qu’elle soit pensée comme celle de la personne visée ou celle de son ou sa partenaire.↩︎

  107. Pour reprendre la terminologie du droit pénal (C. pén., art. 132-76, 132-77, 225-1 etc.).↩︎

  108. Pour un exemple de liste, v. Mathieu Trachman et Tania Lejbowicz, « Des LGBT, des non-binaires et des cases : catégorisation statistique et critique des assignations de genre et de sexualité dans une enquête sur les violences », Revue française de sociologie, 2018/4, vol. 59), p. 682 : agenre, aromantique, asexuelle, butch, cis’, demiboy, demigirl, fluide, non-binaire, pansexuelle, polyamoureuse, queer. Pour une analyse critique de cette prolifération en matière d’identités sexuelles (liées à la sexualité), v. Noémie Marignier, « La prolifération des catégories de l’identité sexuelle. Enjeux politico-discursifs », L’Homme & la Société, vol. 208, n° 3, 2018, pp. 63-82.↩︎

  109. Accord d’Entreprise portant sur l’égalité professionnelle entre les Femmes et les Hommes au sein de l’UES SCC, signé le 8 novembre 2023, publié sur Légifrance le 25 décembre 2023, réf. T09223061987, p. 6 (la formule apparaissait déjà dans l’accord de la même entreprise signé le 13 novembre 2019, publié sur Légifrance le 26 février 2020, réf. T09219014615, p. 6) ; et Accord égalité professionnelle au sein d’Altimance, signé le 26 octobre 2021, publié sur Légifrance le 15 novembre 2021, réf. T59V21001673, p. 9 (qui ajoute « les qualités comportementales » aux « compétences recherchées »).↩︎

  110. La CJCE reconnaissait ainsi l’applicabilité d’une directive prohibant les discriminations fondées sur le sexe, tout en estimant qu’il ne s’agissait pas d’une « discrimination découlant de l’appartenance à l’un ou l’autre sexe » : CJUE, 30 avril 1996, P c/ S et Cornwall County Council, aff. C-13/94, § 20.↩︎

  111. Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ; Directive (UE) 2023/970 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit.↩︎

  112. V., dans la jurisprudence britannique, les arrêts cités par Sharon Cowan, « “Gender is No Substitute for Sex” », op. cit., p. 82 ; pour le Canada, v. Michelle Giroux et Louise Langevin, « La reconnaissance des droits des personnes trans au Canada », in Isabel Jaramillo, Laura Carlson dir., Trans Rights and Wrongs : A Comparative Study of Legal Reform Concerning Trans Persons, Springer, 2021, note 11 p. 368 ; pour les États-Unis, v. Cour suprême des États-Unis, Bostock v. Clayton County, Georgia, 16 juin 2020, p. 9-10.↩︎

  113. Estimant que les personnes qui ont changé de sexe ou qui n’en ont pas changé ne sont pas dans la même situation, v. Cour EDH, 16 juillet 2014, Hämäläinen c. Finlande, req. n° 37359/09, § 112.↩︎

  114. Assemblée nationale, Question écrite n° 14610, de M. Raphaël Gérard, Lutte contre les discriminations visant les personnes intersexuées, JOAN, 30 janvier 2024.↩︎

  115. Monique Wittig, « La catégorie de sexe », La pensée straight, Amsterdam, 2007, p. 39.↩︎

  116. Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17.189, préc.  : « La dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l'état civil poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur ».↩︎

  117. L’article 57 du Code civil issu de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique faisant de l’intersexuation perçue à la naissance une « impossibilité médicalement constatée de déterminer le sexe de l'enfant ».↩︎

  118. Directive (UE) 2023/970 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit, cons. 6.↩︎

  119. Principes de Jogjakarta P+10, préc., principe 31. En ce sens également, Michal Raz (avec la collaboration de Loé Petit), Intersexes. Du pouvoir médical à l’autodétermination, op. cit., p. 153.↩︎

  120. Défenseur des Droits, 20 février 2017, Avis n° 17-04 relatif au respect des droits des personnes intersexes, p. 15 (réaffirmé dans DDD, Fiche réforme n° 09, L’intersexualité, juillet 2023, p. 4.↩︎

  121. CE, 21 juin 2023, n° 452850 ; CJUE, 28 juin 2023, Mousse, aff. C-394/23.↩︎

  122. V. not. Assemblée nationale, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, Compte rendu de réunion n° 41, 16 janvier 2024, audition de M. Éric Dupond-Moretti, sur le projet de loi constitutionnelle n° 1983 relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse ; Assemblée nationale, Rapport n° 2070 de la commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle n°1983 relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, par Guillaume Gouffier Valente, p. 74 ; Assemblée nationale, Débats, séance du 24 février 2024, JOAN, pp. 434-435.↩︎

  123. CE, avis, 7 déc. 2023, n° 407667, § 15.↩︎

  124. Assemblée nationale, Rapport n° 2070 de la commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle n°1983 relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, préc., p.  74.↩︎

  125. Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17.189, préc.↩︎