Actualités choisies
Discriminations, Inégalités, Exclusions

(janvier 2023 – décembre 2023)

Sophia Ayada
Alexandra Korsakoff
Isabelle Rorive
Robin Médard Inghilterra
Marion Tissier-Raffin
















  1. L’actualité de l’année 2023 dans le domaine des discriminations, inégalités et exclusions peut être analysée au regard des obligations positives qui pèsent sur les États quant à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (I), de la lutte contre les stéréotypes de genre (II), des question neutralité du service public et de liberté religieuse (III), du droit au séjour des étranger·ères (IV) et enfin de la question de l’unité des familles des réfugié·es (V).

I. Obligations positives face aux violences sexuelles et sexistes

  1. Les trois affaires dans lesquelles des violences fondées sur le genre ont été reconnues par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après Cour EDH) en 2023 concernent des cas de violence domestique à l’encontre de femmes1. Suivant la Convention d’Istanbul, la notion de violence domestique « désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime »2. Il s’agit de la forme de violence à l’égard des femmes la plus courante, qui a longtemps été invisibilisée en étant cantonnée à la sphère privée. Bien qu’elle soit aujourd’hui considérée comme une violation des droits humains et une discrimination, la violence domestique, même dénoncée auprès des autorités, continue souvent de se déployer en toute impunité. Ainsi, dans l’Union européenne, « plus d’une femme sur cinq ont subi des violences domestiques »3. En 2021, l’Organisation mondiale de la santé soulignait que, « au cours de sa vie, une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle » et « la violence exercée par un partenaire intime est de loin (…) la plus répandue »4. Ce phénomène ne semble pas régresser avec le temps et est encore épinglé comme « un problème social grave qui reste souvent dissimulé »5.

  2. L’arrêt Opuz c. Turquie, rendu en 2009 par la Cour EDH6, est considéré comme la pierre angulaire d’une jurisprudence qui impose aux États des obligations positives au titre du respect du droit à la vie (art. 2 de la Convention EDH) et de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants (art. 3 de la Convention EDH) pour protéger les victimes de violences domestiques et éviter, en raison d’une passivité des autorités, un climat « d’apparence de complicité ou de tolérance »7 propre à encourager ces violences. Pour la première fois dans cet arrêt, la Cour avait qualifié ces dernières de discriminatoires, en retenant une violation des articles 2 et 3, combinés à l’article 14 (interdiction de la discrimination), et en s’appuyant sur la jurisprudence du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes8. Les obligations qui incombent aux États ont été détaillées de manière plus précise dans des arrêts ultérieurs. Elles s’articulent autour de trois axes : d’abord, mettre en place et appliquer un cadre législatif et réglementaire approprié pour prévenir et sanctionner ce type de violences ; ensuite, apporter une réponse immédiate aux allégations de violences domestiques en menant une évaluation du risque qui soit autonome, proactive et exhaustive, ainsi qu’en prenant les mesures opérationnelles qui s’imposent à la lumière de cette évaluation ; enfin, conduire une enquête effective face à des allégations plausibles de violences domestiques9.

  3. La reconnaissance du caractère discriminatoire de ces violences est cependant devenue particulièrement délicate à la suite des arrêts Y et autres c. Bulgarie et Landi c. Italie rendus par la Cour EDH en 202210. Si une violation du droit à la vie avait été constatée par la Cour dans ces deux affaires par application des critères définis dans sa jurisprudence antérieure, la charge de la preuve exigée des victimes pour « établir un commencement de preuve d’une passivité généralisée de la justice à fournir une protection efficace aux femmes victimes de violence domestique » était particulièrement lourde. Pour la Cour, « il ne peut y avoir violation de l’article 14 qu’en cas de défaillances généralisées découlant d’un manquement clair et systémique des autorités nationales à apprécier la gravité, l’ampleur et l’effet discriminatoire sur les femmes du problème de la violence domestique »11 ; et d’exiger, pour l’établir, la production de données statistiques ou d’observations d’organisations non gouvernementales12. Dans l’arrêt Y et autres c. Bulgarie, la position de la Cour était encore plus restrictive. Tout en reconnaissant que les autorités bulgares ne recueillaient pas de statistiques complètes sur la manière dont la loi était appliquée dans les cas de violence domestique, et manquaient ainsi à leurs obligations internationales, la Cour avait considéré que les statistiques produites par la partie requérante étaient insuffisantes pour renverser la charge de la preuve. S’agissant des rapports internationaux mobilisés pour soutenir le caractère discriminatoire de la défaillance des autorités face aux violences domestiques, la Cour avait ajouté qu’ils ne peuvent avoir de valeur probante que dans la mesure où ils contiennent des informations spécifiques sur les faits examinés, ou des éléments contextuels directement liés à ces faits13.

  4. Les arrêts A.E. c. BulgarieGaidukevich c. Géorgie et Luca c. Moldavie, rendus par une Cour unanime en 2023, tranchent avec cette approche qui conduit à invisibiliser le caractère discriminatoire de ces violences. Ainsi, dans le premier, l’exigence de production de statistiques est très fortement nuancée. Dans le deuxième, elle est abandonnée au profit d’une analyse systémique. Dans le troisième, ce sont les stéréotypes de genre reproduits dans les décisions nationales qui fondent le constat d’une violation de l’article 14 de la Convention.

  5. L’affaire A.E. c. Bulgarie concerne le refus du parquet bulgare d’engager des poursuites pénales à l’encontre du compagnon de la requérante, âgé de 23 ans, qui a un passé violent et chez lequel elle avait emménagé, alors qu’elle n’avait que 15 ans, après s’être disputée avec sa mère à la suite du décès de son père14. Ce compagnon l’a notamment battue, frappée à coups de pied et étranglée, ce qui l’a conduite à l’hôpital pour recevoir des soins médicaux. Pour le parquet, il s’agissait de coups et blessures légers qui n’étaient pas susceptibles de poursuites pénales, étant entendu que rien ne prouvait que la vie de A.E. était en danger et qu’une relation de couple n’existait pas au sens de la loi bulgare qui la réservait aux personnes majeures. Sous l’angle de l’article 3 de la Convention, la Cour EDH considère que le seuil de gravité est bien atteint pour des traitements dégradants. Elle souligne ainsi la peur, l’anxiété et l’humiliation auxquelles A.E., mineure au moment des faits, a été exposée. C’est le cadre législatif lui-même qui est ici jugé insuffisant pour protéger les femmes victimes de violences domestiques. En particulier, l’exigence par la loi d’une récurrence des actes de violence afin de déclencher une protection est estimée totalement inadéquate dans la mesure où il est bien établi que ce type de violences tend à s’aggraver avec le temps. Par ailleurs, la définition restrictive de la notion de relation de couple dans la loi bulgare a pour conséquence d’écarter de nombreux cas de violences domestiques de son champ d’application. Ensuite le seuil de gravité des blessures exigé par la loi pour déclencher l’action publique est beaucoup trop élevé. Enfin, le pouvoir discrétionnaire laissé au procureur de conduire ou non une enquête alors que les victimes sont dans l’impossibilité de se défendre est inadapté15. La Cour EDH souligne également l’attitude « insensible » et « irrespectueuse » du parquet régional de Sofia qui a notamment justifié l’absence de poursuites pénales par le refus de A.E. de se soumettre à un examen gynécologique, alors que ses plaintes concernaient des violences physiques et non des violences sexuelles16. Sous l’angle de l’article 14 combiné à l’article 3 de la Convention, A.E. dénonçait l’absence de protection de la part des autorités, tant en droit qu’en pratique, qui découle d’une « grande tolérance institutionnelle à l’égard de la violence domestique et d’une complaisance des autorités bulgares à l’égard de ces affaires qui, incontestablement, touchent davantage les femmes que les hommes »17. Pour constater le caractère discriminatoire des traitements dégradants, la Cour admet que celui-ci peut résulter d’une « situation de fait » tirée de différents éléments : (1) il s’agit de la troisième affaire de ce type contre la Bulgarie ; (2) des statistiques suffisantes sont produites par la partie requérante pour montrer que la violence domestique affecte les femmes de façon disproportionnée en Bulgarie, ce qui exige une action particulière de la part des autorités18 ; (3) le gouvernement n’a pas établi la mise en œuvre de politiques spécifiques visant à protéger les victimes de violences domestiques et à punir leurs auteurs ; (4) l’absence de statistiques officielles complètes à disposition des autorités ne peut plus être expliquée par une simple omission de les récolter ; (5) l’absence de ratification par la Bulgarie de la Convention d’Istanbul est révélatrice de son manque d’engagement pour lutter contre les violences domestiques19.

  6. Dans l’affaire Albina Gaidukevich, du nom de la mère de la victime, retrouvée pendue dans l’appartement de son ex-conjoint où se trouvait également leur enfant, la Géorgie est condamnée pour une violation des articles 2 et 14 de la Convention, en raison d’un défaut de protection contre des violences domestiques ainsi que de l’absence d’une enquête adéquate sur les causes du décès20. Ce dernier intervient après que la victime, prénommée A.L., se soit plainte au moins à seize reprises de comportements violents de son compagnon. À trois occasions, la police est intervenue et des ordonnances de protection ont été délivrées. Une condamnation a une courte peine de prison pour un seul incident de violence fut prononcée à l’encontre de l’auteur. Quand les plaintes étaient retirées, aucune mesure de protection n’était adoptée, alors que les pressions exercées dans le cycle de ces violences sont bien connues. Aucune enquête pénale complète n’avait par ailleurs été menée. Lorsque la mort par asphyxie est constatée, le corps d’A.L. est couvert d’hématomes et la version du suicide est rapidement acceptée par les autorités sur la base des seules déclarations de l’ex-conjoint. Pour la Cour EDH, non seulement les autorités géorgiennes ont manqué à leur obligation positive de protéger la vie d’A.L. de manière effective21, mais il est de surcroît relevé que la Cour suprême de Géorgie appréhende le phénomène de la violence domestique de manière erronée en la réduisant à des incidents isolés. Chaque incident individuel constitue, à l’inverse, selon la Cour EDH, un élément constitutif d’un schéma plus large de violences caractérisées par leur persistance et leur dynamique, qui les rend si dangereuses. Or, « en n’agissant pas avec rapidité et diligence, les autorités nationales ont contribué à créer une situation d’impunité propice à la répétition des actes de violence »22. Sur le caractère discriminatoire de la violation du droit à la vie, la Cour constate « que la réponse déficiente des autorités chargées de l’application de la loi en l’espèce semble particulièrement alarmante lorsqu’elle est évaluée dans le contexte national pertinent de l’échec documenté et répété des autorités géorgiennes à prévenir et à faire cesser la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique »23. C’est bien le caractère systémique de l’absence de considération de la violence fondée sur le sexe en Géorgie qui permet d’établir la discrimination. La Cour s’appuie plus particulièrement sur un rapport national du Défenseur des droits, publié en 2017, ainsi que sur le constat alarmant effectué par le GREVIO (Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) dans sa dernière évaluation relative à la Géorgie communiquée en 202224. La preuve par statistiques n’est nullement exigée ici, ni du reste évoquée par la Cour.

  7. Dans l’affaire Luca c. Moldavie, les autorités nationales sont condamnées pour ne pas avoir protégé la requérante contre les violences infligées par son ex-conjoint à la suite desquelles elle fut notamment hospitalisée pendant huit jours25. Pour conclure à la violation de l’article 3 de la Convention, la Cour EDH relève l’absence d’évaluation proactive du risque, l’absence de mise en œuvre de mesures de prévention adéquates, ainsi que le défaut d’enquête effective. La Moldavie est également condamnée pour ne pas avoir aidé Mme Luca à préserver sa relation avec ses enfants au moment où une procédure pour violences domestiques avait été engagée et où ceux-ci vivaient chez leur père qui les poussait à couper les liens maternels. Pour la Cour EDH, les autorités auraient dû prendre en compte le contexte de violence domestique lors de l’examen des questions relatives aux relations personnelles de la requérante avec ses enfants (violation de l’art. 8 de la Convention)26. À défaut de passivité générale et discriminatoire avérée de la part des autorités moldaves à l’égard des violences domestiques, y compris les violences psychologiques exercées au travers des enfants, le contrôle de la Cour EDH porte sur l’existence d’une preuve de partialité à l’égard des femmes de la part des fonctionnaires de l’État qui se sont occupés spécifiquement de la situation de Mme Luca27. Pour la Cour EDH, cette preuve peut être tirée d’un ensemble de facteurs qui « démontrent clairement que les actions des autorités n’étaient pas simplement une défaillance isolée ou un retard dans le traitement de la violence contre la requérante, mais qu’elles ont en fait toléré la violence, reflétant une attitude discriminatoire à l’égard de la requérante en tant que femme »28. En l’espèce, de tels facteurs ressortaient manifestement de l’attitude des juridictions moldaves, qui avaient estimé que l’affaire concernerait des « malentendus familiaux », que la requérante était « trop dramatique » dans ses allégations de violence et que ses demandes de protection étaient « agressives ». Elle aurait, du reste, sollicité ces mesures de protection comme un « moyen de vengeance » parce qu’elle « manifestait son mécontentement » de ne plus avoir de contact avec ses enfants. Pour la Cour EDH, qui s’aligne sur des recommandations générales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, « ce type de langage semble véhiculer des stéréotypes, des croyances préconçues et des mythes sur les femmes qui abusent du système mis en place pour les protéger de la violence domestique »29.

  8. Ces trois arrêts rendus par la Cour EDH en 2023 illustrent combien la dynamique interne de la violence domestique est renforcée par une mécanique institutionnelle qui génère un climat d’impunité et contribue à perpétuer le cycle des violences à l’égard des femmes. Qu’elle relève de la « tolérance », de la « complaisance », de la « collusion », de biais implicites, voire de formes plus ou moins assumées de misogynie, c’est bien le caractère profondément discriminatoire de cette mécanique qui doit être rendu visible, dénoncé et transformé. La jurisprudence de la Cour EDH continue d’y contribuer en réaffirmant les obligations positives qui pèsent sur les États et en explicitant combien la violence domestique reste fondamentalement une violence de genre. I.R.

II. Stéréotypes de genre

  1. La question de l’âge de départ à la retraite est, depuis les années 1970, présente dans l’actualité juridique européenne. Deux décennies plus tard, de nombreux pays européens ont unifié les âges de départ à la retraite des travailleuses et travailleurs, alors qu’ils et elles bénéficient d’un âge d’accès à la retraite différencié en fonction de leur genre. Toutefois, la Pologne fait figure d’exception30. Après avoir instauré un âge de 67 ans pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses, en 2016 et 2017, la réforme constitutionnelle (au demeurant largement contestée pour ses implications antidémocratiques) réinstaure un âge de départ à la retraite des juges genré, en abaissant l’âge de départ à 60 ans pour les juges femmes et en fixant celui de leurs homologues masculins à 65 ans.

  2. Cette modification constitutionnelle et législative était déjà passée au crible de la Cour de justice de l’Union européenne31. Cette dernière constatait, en 2019, qu’en instaurant un âge du départ à la retraite différent pour les juges du siège dans les juridictions de droit commun et à la Cour suprême, ainsi que du parquet, la Pologne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) garantissant le principe d’égalité de rémunération entre travailleuses et travailleurs, et de la directive dite « refonte » 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. La Cour de justice avait, en effet, analysé la condition d’âge différent selon le sexe comme étant directement discriminatoire au détriment des hommes, ces derniers ayant un accès effectif plus tardif aux avantages prévus par les régimes de pension concernés.

  3. Souhaitant poursuivre l’exercice de leurs fonctions de juge au-delà de l’âge de la retraite, quatre magistrates contestaient la compatibilité des mêmes révisions constitutionnelles et législatives avec la Convention EDH, après avoir tenté – sans succès – d’obtenir du ministre de la Justice et du Conseil national de la magistrature polonais l’autorisation de continuer à exercer leurs fonctions au-delà de leur 60e anniversaire. Elles dénonçaient l’absence de recours juridictionnel contre la décision de refus du ministre de la Justice et du Conseil national de la magistrature. Sur ce point, la Cour relève l’incompatibilité du mécanisme avec l’article 6§1 de la Convention, les décisions de refus étant insusceptibles de recours effectif. Elle souligne par ailleurs dans sa décision le caractère politique de l’abaissement de l’âge de l’accès à la retraite, notant « avec une profonde préoccupation […] que le mécanisme incriminé […] aurait servi au représentant du pouvoir exécutif à indûment écarter un grand nombre de juges chevronnés et à exercer une influence indue sur ceux se rapprochant de l’âge de la retraite »32.

  4. Surtout, les requérantes arguaient du caractère discriminatoire – sur le fondement du sexe et/ou du genre – de leurs départs à la retraite précipités, qu’elles estimaient contraires à l’article 14 de la Convention, combiné avec son article 8. Deux des requérantes soutenaient que les dispositions nationales applicables leur permettaient de nourrir une espérance légitime de pouvoir exercer leurs fonctions jusqu’à l’âge de 70 ans, sans qu’elles n’aient eu le temps de prévoir la baisse de leur revenu33. La quatrième requérante, quant à elle, arguait d’une discrimination fondée sur le sexe mais également sur l’âge. Se saisissant de la jurisprudence Konstantin Markin34, cette dernière estimait que les autorités polonaises auraient justifié cette différence de traitement par des « stéréotypes liés au sexe – par exemple l’idée que ce sont plutôt les femmes qui s’occupent des enfants et plutôt les hommes qui travaillent pour gagner de l’argent »35. A contrario, le gouvernement polonais justifiait la différence de traitement en matière d’âge de départ à la retraite par la nécessité de « compenser les désavantages dans la carrière professionnelle de ces dernières, lesquels résultent selon lui de la conciliation nécessaire de la vie professionnelle et familiale des femmes »36. Ainsi, il considérait que les mesures en cause au principal étaient des mesures d’action positive, « destinées à supprimer les inégalités de fait entre les hommes et les femmes ». L’argument est particulièrement intéressant, en ce qu’il met en avant le rôle social des femmes et les conséquences pécuniaires défavorables « lié[s] à la maternité et à l’éducation des enfants »37, inégalité qu’il conviendrait de compenser par la mesure en cause au principal. Cet argument est toutefois loin d’être novateur. L’instauration d’un âge d’accès à la retraité genré a été justifiée, dans de nombreux systèmes juridiques européens, par la volonté de compenser les discriminations que les femmes rencontrent au cours de leur vie professionnelle, notamment du fait de la maternité – dont les effets sociaux délétères pèsent majoritairement sur les femmes.

  5. Dans son analyse, la Cour EDH admet aisément la différence de traitement entre travailleurs et travailleuses introduite par le droit polonais, et relève les aptitudes des requérantes à exercer une profession intellectuelle, pour conclure que « les éventuelles considérations liées au rôle de ces derrières dans la société n’ont pas de répercussions sur l’aptitude des uns ou des autres à exercer les professions de ce type »38. La Cour rejette enfin la justification des autorités polonaises, en se référant aux conséquences néfastes de la législation sur les conditions d’existence des requérantes, notamment sur le plan financier et social. Il apparaît enfin intéressant de noter que malgré le caractère indubitablement intersectionnel de la discrimination des femmes juges de 60 ans, ce dernier n’est pas mis en avant par l’ensemble des demandeuses, et est ignoré par la Cour, qui examine seulement la discrimination sur le fondement du sexe. La Cour estime, en effet, « qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la quatrième requérante a subi de surcroît une discrimination fondée sur son âge », car elle a déjà conclu que la législation polonaise introduisait une différence de traitement injustifiée entre femmes et hommes. La Cour évite ainsi de s’engager sur le terrain glissant de l’interdiction des discriminations intersectionnelles par la Convention EDH. S.A.

III. Neutralité du service public et liberté religieuse

  1. Une confrontation importante entre neutralité du service public et libre manifestation des convictions religieuses en cas de pratique sportive a été arbitrée par le Conseil d’État dans son arrêt du 29 juin 2023, Alliance citoyenne et autres39. L’affaire des « Hijabeuses » trouve sa source dans l’article 1er des statuts de la Fédération française de football (FFF) qui, depuis 2016, dispose que « sont interdits, à l’occasion de compétitions ou de manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci : […] tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » sous peine de poursuites disciplinaires et pénales.

  2. Vingt licenciées – parmi les 220 000 que compte la FFF – et trois associations (Alliance citoyenne, Contre-attaque et Ligue des droits de l’homme) contestaient devant le Conseil d’État le refus de la FFF d’abroger ou de modifier l’article 1er de ses statuts. Elles demandaient au juge administratif de lui enjoindre de procéder à une modification de ces statuts afin de préserver la liberté religieuse garantie par la loi (art. 1 de la loi du 9 décembre 1905), la Constitution (art. 1er), la DDHC (art. 10) et la Convention EDH (art. 9). À cette liberté faisait face un autre principe de la République, à savoir le principe de neutralité du service public (ici, l’organisation des compétitions sportives).

  3. Le principe de neutralité du service public implique notamment, depuis l’entrée en vigueur de la loi « séparatisme »40, une interdiction pour les salariées et salariés ainsi que pour les personnes placées sous l’autorité hiérarchique ou sous le pouvoir de direction d’un organisme chargé de l’exécution d’un service public, de manifester leurs opinions politiques et leurs convictions religieuses lorsqu’elles et ils participent à l’exécution dudit service. Le Conseil d’État estima à cet égard que les joueuses sélectionnées pour jouer dans les équipes de France, chargées de représenter la nation, participent effectivement à l’exécution du service public d’organisation des compétitions sportives. Elles sont par ailleurs, à cette occasion, placées sous le pouvoir de direction de la FFF. Il a ainsi pu valider – comme le lui suggérait son rapporteur public – l’interdiction qui leur était faite de manifester leurs convictions religieuses. Si la solution était attendue, elle conduit à s’interroger, avec d’autres : « Faudra-t-il demain interdire aux joueurs des équipes de France tout signe de religiosité démonstrative sur un terrain ou, par exemple, le dévoilement d’un tatouage représentant le Christ – tous signes et pratiques que l’on imaginerait mal de la part d’un agent de guichet ou d’une policière municipale en uniforme, mais qui ne sont pas rares dans les compétitions internationales ? »41.

  4. L’extension du régime de neutralité des exécutants et exécutantes du service public ne pouvait, en revanche, prospérer à l’endroit d’autres licenciées pourtant visées par l’article 1er des statuts de la FFF, en l’occurrence celles jouant au football en dehors du cadre des matchs des sélections nationales. Ici, participation à la compétition ne pouvait valoir participation à l’organisation de la compétition sportive42. Les joueuses devaient dès lors être assimilées à des usagères du service public – quoique le Conseil d’État ne retienne pas expressément cette qualification, ce qui traduit une « gêne terminologique »43. Pour ces dernières, la restriction de la liberté religieuse ne saurait être admise que sous réserve de poursuivre un but légitime et d’employer des moyens nécessaires et appropriés.

  5. Toutefois, pour le Conseil d’État, objectifs légitimes il y avait bien. Le bon fonctionnement du service et l’absence de perturbation des compétitions d’une part, comme la protection des joueuses et la prévention des confrontations ou affrontements sans lien avec le sport au cours des matchs d’autre part, pouvaient tous deux justifier l’obligation de neutralité religieuse des licenciées (non sélectionnées dans les équipes de France).

  6. Quant à la proportionnalité de la restriction apportée à leur liberté religieuse, deux phrases ont suffi au Conseil d’État pour l’entériner et pour estimer que les critères de son « triple test »44 étaient satisfaits. Aucune considération sur le caractère adapté de l’obligation de neutralité, à savoir son aptitude à satisfaire les objectifs poursuivis, n’a été relevée. Son caractère nécessaire était, lui, affirmé, sans qu’à aucun moment ne soient documentés d’éventuels troubles intervenus avant la modification des statuts en 2016, ni même de troubles intervenus postérieurement en violation de l’interdiction de manifestation des convictions religieuses sur les terrains de football posée par l’article 1er. Tout au plus le caractère proportionné de l’obligation de neutralité qui affecte les joueuses de football était-il soutenu par la double limitation de sa portée, « aux temps et lieux des matchs », à l’exclusion de la vie interne des clubs et des entraînements. Le monopole dont dispose la FFF pour l’organisation des compétitions sportives n’a pas été, lui, appréhendé ; pas plus que ses effets cumulés à la validation de l’obligation de neutralité des licenciées, à savoir l’exclusion de facto des joueuses de confession musulmane souhaitant porter un foulard lors des compétitions ainsi que l’altération inévitable de leur possibilité de poursuivre, le cas échéant, une carrière footballistique.

  7. Le moyen tiré de l’existence d’une discrimination indirecte contraire à la loi du 27 mai 200845 et à l’article 14 de la Convention EDH a aussi été écarté, sans même que n’ait été envisagé le désavantage particulier pour les joueuses de confession musulmane. La rigueur du contrôle y perd ce que la constance de la jurisprudence y gagne, particulièrement eu égard à la mise à distance des approches conséquentialiste et intersectionnelle de la discrimination par le juge administratif.

  8. Des voix dissidentes émergent toutefois du Palais Royal. Clément Malverti, rapporteur public dans cette affaire, concluait à l’illégalité de l’obligation de neutralité religieuse pour les licenciées non sélectionnées dans les équipes de France, à défaut de troubles avérés et considérant l’application indifférenciée de cette règle, aux majeures comme aux mineures. Face aux arguments tirés de la nécessaire émancipation des joueuses concernées, il relevait que, à l’inverse des postulats sur lesquels ces arguments sont fondés, « on peut pourtant considérer que les intéressées, en défendant sur la place publique la faculté de participer à des compétitions sportives tout en affichant leur singularité religieuse, s’émancipent du rôle qui leur est assigné et, ce faisant, témoignent de ce que Hannah Arendt nommait le “courage d’apparaître” »46. Quant à Alexis Goin, responsable du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État, il confiait dans son commentaire de la décision plusieurs réserves face à la légalité retenue d’une « restriction rédigée de manière aussi large […] au droit des usagers d’exprimer leurs convictions », « précédent dont on pourra tenter de se prévaloir dans d’autres services publics »47. L’exclusion de certaines usagères d’un service public, dont la vocation doit en principe être inclusive, le conduisait en outre à regretter, à son tour, l’absence de justification explicite et la faiblesse du contrôle de proportionnalité opéré par le Conseil d’État dans cette affaire.

  9. À peine la trêve estivale achevée, c’est une autre restriction de la liberté religieuse des usagères et usagers du service public qui était actée avec l’aval du juge administratif. Le cadre juridique était toutefois plus resserré en raison de l’existence de la loi du 15 mars 200448 et de l’article L. 145-5-1 du Code de l’éducation, objet d’une interprétation fournie par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation. Par une note de service du 31 août 2023, il assimilait le port de tissus désormais fameux, « de type abaya ou qamis », dans les écoles, collèges et lycées publics à une manifestation ostensible et « intolérable » d’appartenance religieuse49. À l’issue d’une phase de dialogue, tout refus de renoncer au port de ces vêtements devait aboutir à l’engagement d’une procédure disciplinaire.

  10. Le Conseil d’État a refusé, dans un premier temps, de constater l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (droit à l’éducation, liberté religieuse, non-discrimination) du fait de ladite note de service50. Il a exclu, par la suite, d’en suspendre les effets en l’absence de doute sérieux quant à sa légalité51. Les deux ordonnances étaient soutenues par la même motivation. Après avoir souligné qu’étaient en cause des vêtements « couvrant l’ensemble du corps à l’exception du visage et des mains » – à l’instar de ce qui est toutefois habituellement toléré, voire attendu, au sein d’un établissement scolaire – il a relevé, cette fois, divers éléments empiriques pour soutenir la nécessité de la mesure : 1984 signalements au cours de l’année scolaire 2022-2023, contre 617 seulement au cours de l’année précédente, en grande majorité liés au port desdits vêtements, régulièrement accompagné de discours religieux lors du dialogue avec l’élève préalable à l’engagement de la procédure disciplinaire. Attendues au regard de la dynamique jurisprudentielle et du cadre législatif, ces solutions illustrent une fois de plus la force limitée des lois face à « l’ingéniosité des tailleurs »52 que des notes ministérielles s’évertuent pour l’heure à compenser, au prix d’une application pour le moins délicate53.

  11. Deux mois plus tard, c’est à Luxembourg que se poursuivait la dynamique d’admission des restrictions à la liberté religieuse au nom de la neutralité du service public. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, en effet, poursuivi une ligne jurisprudentielle solidement établie54. En continuité de ses décisions rendues en 2017, Achbita c. G4S Secure solutions (aff. C–157/15) et Bougnaoui c. Micropole SA (C-188/15), en 2021, IX c. Wabe eV (C-804/18) et MH Müller Handels Gmbh c. MJ (C-341/19), et en 2022, LF c. SCRL (C-344/20), la CJUE a admis pour les agentes et agents publics ce qui ne faisait plus de doute pour les salariés et salariées de droit privé, à savoir que le droit de l’Union européenne (directive 2000/78) ne s’oppose pas à ce qu’une règle interne impose de façon générale et indifférenciée une obligation de neutralité religieuse aux membres du personnel, y compris en l’absence de tout contact avec les administrés. La volonté d’instaurer un « environnement administratif totalement neutre » constitue un objectif légitime qui, s’il est poursuivi de manière cohérente et systématique, peut justifier – sous réserve de proportionnalité – la neutralisation de la liberté religieuse des travailleurs publics et, de facto, principalement des travailleuses publiques. R.M.I.

IV. Droit au séjour des étranger·ères et violences conjugales

  1. Selon le ministère de l’Intérieur, 244 000 personnes ont été victimes de violences conjugales enregistrées par la police et la gendarmerie en 2022, ce qui correspond à une hausse de 15 % par rapport à 2021. Parmi ces victimes, 86 % sont des femmes et 15 % sont de nationalité étrangère55.

  2. Les violences conjugales comprennent toutes les violences physiques, sexuelles ou psychologiques qui sont exercées sur l’actuel·le ou ancien·ne conjoint·e, concubin·e ou partenaire lié·e à la victime par un pacte civil de solidarité. Ces violences, commises dans la sphère privée, ne sont plus considérées comme des violences de l’ordre de l’intime à l’égard desquelles l’autorité publique n’aurait pas à intervenir. Ces violences sont constitutives de violations des droits fondamentaux de la personne, et c’est à ce titre que l’État a l’obligation positive de prendre toutes les mesures nécessaires pour les prévenir et sanctionner leurs auteur·trices. En matière de violences conjugales à l’égard d’étranger·ères, c’est fréquemment le statut d’étranger·ères, c’est-à-dire l’appréciation restrictive et suspicieuse du droit au séjour dans un contexte de remise en cause de l’immigration familiale, qui conditionne l’accès à une protection effective et durable sur le territoire français. De même, quand les responsables politiques évoquent les étranger·ères coupables de violences conjugales, c’est encore leur statut d’étranger·ères qui conditionne les sanctions qu’ils ou elles encourent, car ils ou elles sont considéré·es comme rejetant les principes et les valeurs de la République, et donc comme une menace à l’ordre public. De ce fait, la priorité des autorités est surtout de les éloigner du territoire, en plus de les sanctionner pénalement.

  3. Depuis 2003, les étranger·ères victimes de violences conjugales ont fait l’objet d’une protection croissante afin de sécuriser leur droit au séjour, et les juges sont là pour le rappeler aux pouvoirs publics. Cette protection demeure toutefois insuffisante. De même, malgré un élargissement croissant des motifs permettant l’éloignement des étranger·ères présentant une menace pour l’ordre public, les juges restent des garde-fous indispensables pour contrôler la légalité des motifs invoqués par l’État pour éloigner les étranger·ères coupables de violences domestiques et s’assurer que cet éloignement ne viole pas leurs droits fondamentaux.

  4. Une protection renforcée mais insuffisante des étranger·ères victimes de violences conjugales - La protection des étranger·ères victimes de violences conjugales passe d’abord par le maintien de leur droit au séjour quand il ou elle quitte leur conjoint·e violent·e et que leur titre de séjour dépendait du maintien de la communauté de vie. C’est ce que rappelle le Conseil d’État dans un arrêt du 19 avril 202356. Sont concerné·es les étranger·ères titulaires d’une carte de séjour vie privée et familiale, soit parce que marié·es à un·e ressortissant·e français·e, soit parce que marié·es à un·e ressortissant·e étranger·ère et entré·e s en France par le biais du regroupement familial. Sont aussi concernées les personnes mariées à un·e réfugié·e titulaire d’une carte de résident·e. Le renouvellement de ces titres de séjour est, par principe, conditionné au maintien de la communauté de vie. Mais, par exception, l’article L. 423-5 et L. 423-18 du Code de l’entrée et du séjour des étranger·ères et du droit d’asile (CESEDA) dispose que « la rupture de la vie commune n’est pas opposable lorsqu’elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ». Non seulement le renouvellement de ces titres de séjour est de droit, mais la preuve de l’existence de violences conjugales n’est pas conditionnée à la production d’une condamnation définitive de l’auteur·trice des violences, ni même – théoriquement – au dépôt d’une plainte57. Comme le rappelle le Conseil d’État, « en se bornant à constater qu’aucune suite judiciaire n’avait été donnée à la plainte déposée (….) sans rechercher si les faits dénoncés étaient corroborés par d’autres éléments du dossier », la Cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit58. Peuvent être admis des certificats médicaux, des témoignages, des attestations de voisin·es ou autres moyens de nature à attester de la réalité des violences conjugales. Ce point est crucial pour les femmes dès lors qu’une femme sur quatre seulement déclare les violences subies aux services de sécurité59 et que les deux tiers des plaintes sont classés sans suite60. Reste qu’apporter la preuve de telles violences, même quand les moyens de preuve acceptées sont souples, n’est pas si simple dans un climat de suspicion généralisée à l’égard des étranger·ères et c’est sur ce dernier point que le préfet garde un pouvoir d’appréciation.

  5. Pour les autres étranger·ères victimes de violences conjugales, en situation irrégulière ou détenteur·rices d’un autre titre de séjour, leur protection reste encore très fragile car l’accès à un titre de séjour est conditionné. Il faut, d’abord, apporter la preuve d’une ordonnance de protection ou du dépôt d’une plainte pour obtenir un titre de séjour temporaire (article L425-6 CESEDA). Il faut, ensuite, apporter la preuve d’une condamnation pénale de l’auteur·trice des violences pour bénéficier d’une carte de résident·e (article L425-8 CESEDA). La protection des étranger·ères est donc ici conditionnée à un acte judiciaire dont le résultat est incertain. En effet, seuls 60 % des demandes d’ordonnances de protection sont accordés, et sa durée n’est que de six mois. Le rapport du groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique pour la France pointait déjà en 2019 le difficile accès des femmes étrangères à une ordonnance de protection61. Les femmes étrangères se voient, par ailleurs, entravées dans leurs démarches à la police, soit parce que leur dépôt de plainte est refusé, soit car des preuves supplémentaires des violences leur sont demandées, soit encore parce qu’elles sont placées en centre de rétention62. De plus, si le·la conjoint·e n’est pas reconnu·e coupable de violences conjugales, les étranger·ères n’ont plus le droit à la délivrance d’une carte de résident·e. Cette incertitude sur l’accès à un titre de séjour permanent place évidemment ces victimes dans une précarité qui les dissuade d’engager des procédures pénales. La protection des étranger·ères victimes de violences conjugales est donc encore fortement dépendante de leur statut d’étranger·ères.

  6. Un renforcement des conditions d’éloignement des étranger·ères coupables de violences conjugales - Le gouvernement ne cesse de rappeler sa priorité d’éloigner les étranger·ères menaçant l’ordre public, qu’il faudrait doublement punir, en les éloignant après les avoir condamné·es pénalement. Perçu·es comme ayant un comportement attentatoire aux principes et valeurs de la République, les étranger·es coupables de violences conjugales sont d’autant plus concerné·es par cette politique d’éloignement prioritaire. D’abord, les étranger·ères coupables de violences conjugales peuvent voir leur droit au maintien au séjour remis·es en cause et être obligé·es de quitter le territoire français (OQTF) sur le fondement de la menace à l’ordre public qu’il ou elle représente. Mais, comme le rappellent de récents arrêts de la Cour administrative d’appel de Marseille et de Versailles respectivement en date des 6 janvier et 29 août 202363, la menace à l’ordre public n’est caractérisée qu’en cas de menace suffisamment grave, actuelle et certaine pour l’ordre public, et la légalité de la mesure finale de l’éloignement s’apprécie au regard du droit au respect à la vie privée et familiale de l’étranger·ère visé·e.

  7. La gravité de la menace est définie sur le fondement des infractions commises. En ce qui concerne les violences conjugales, leur sanction relève des articles 222-7 à 222-13 du Code pénal. Les violences ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de huit jours sont notamment punies de cinq ans d’emprisonnement, et celles ayant entrainé une incapacité de travail de moins de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement. Les juges rappellent alors qu’une infraction isolée, assortie d’une peine délictuelle avec sursis pour des faits de violence n’excédant pas huit jours d’incapacité, ne suffit pas à constituer une menace suffisamment grave pour éloigner un·e étranger·ère64. Un tel éloignement est d’autant plus illégal et disproportionné quand il vise un·e étranger·ère marié·e à un·e ressortissant·e de l’UE depuis six ans, dont la communauté de vie n’a pas été rompue, qui a un enfant scolarisé né de cette union et qui occupe un travail régulier65. Le juge exerce ici un contrôle de proportionnalité de la conciliation entre l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, fonction de la gravité des motifs justifiant la menace, et le droit au respect de la vie privée et familiale de l’étranger·ères, susceptible de faire obstacle à son éloignement.

  8. Comme toute autre infraction pénale, les juges rappellent donc que les infractions liées à des violences conjugales doivent être appréciées de manière objective afin de caractériser l’existence d’une menace suffisamment grave, actuelle et certaine à l’ordre public de nature à justifier l’éloignement des étranger·ères coupables.

  9. Ensuite, précisons que la récente loi Immigration de 2024 a considérablement abaissé les protections contre les mesures d’expulsions, d’une manière qui affecte directement les étranger·ères coupables de violences conjugales66. Non seulement la levée de la protection intervient au regard de la peine encourue de cinq ans, et non du quantum de la peine effectivement prononcée, ce qui comprend les violences conjugales ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de huit jours, mais la levée des protections absolues contre l’expulsion est considérablement étendue à tou·tes les étranger·ères précédemment protégé·es, au titre de l’article L631-3 du CESEDA, dès lors qu’ils ou elles ont été coupables de violences intrafamiliales. M.T.S.

V. Unité de famille des réfugié·es et violences familiales

  1. Aux termes de l’article L. 511-1 du CESEDA, est reconnue réfugiée toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté, ou sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat en vertu des articles 6 et 7 de son Statut en date du 14 décembre 1950, ou qui répond aux stipulations de l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Cette définition législative des réfugié·es n’est toutefois pas exhaustive. En effet, ces dispositions ont été complétées par la jurisprudence, qui a consacré le principe de l’unité de famille dès les années 1950. Ce dernier assimile également à des réfugié·es certain·es proches parent·es d’individus auxquels la qualité a déjà été reconnue. Il s’agit en particulier du ou de la conjoint·e67 des réfugiés principaux (ou à défaut leur concubin·e68), leurs enfants entré·es mineur·es en France69 et ascendant·es placé·es sous leur tutelle70. Cette extension a d’ailleurs été érigée au rang de principe général du droit à compter de 199471. Mais l’année 2023 s’est faite le témoin de restrictions inédites du champ d’application de l’unité de famille dans l’hypothèse de violences familiales. Deux affaires l’attestent.

  2. Dans la première en date du 24 juillet 2023, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) refuse de mobiliser le principe en faveur du conjoint d’une réfugiée victime de violences conjugales72. En l’espèce, le demandeur auquel le statut est refusé avait été condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour des faits de violence suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours73. Pour se justifier, la Cour affirme que « le requérant ne saurait (…) se prévaloir du principe de l’unité de famille, lequel a pour objet d’assurer pleinement à Mme Zakrieva [son épouse réfugiée] la protection qui lui a été accordée au titre de la convention de Genève ».

  3. Dans une seconde affaire du 23 mai 2023, la CNDA prononce cette fois la cessation de l’unité de famille dont bénéficiait jusqu’alors un enfant, reconnu coupable de violences et de viol et commis sous la menace d’une arme à l’encontre de sa mère réfugiée74. Il avait été condamné à une peine de vingt ans de réclusion criminelle assortie de plusieurs peines complémentaires, dont l’obligation de s’abstenir d’entrer en relation avec sa mère75. La Cour affirme à cette occasion qu’« indépendamment même de la persistance du lien de filiation l’unissant à sa mère au sens du droit civil, les faits commis à son encontre par M.M. doivent être regardés comme ayant entrainé une altération des liens familiaux telle que ce dernier ne peut plus être reconnu réfugié sur le fondement du principe de l’unité de famille, ce principe ne pouvant plus recevoir en l’espèce une application répondant à son objet ».

  4. Pourtant la seule référence à l’objet du principe de l’unité de famille qui est faite par la Cour ne peut suffire à justifier de telles solutions, ou en tout cas ne peut plus les justifier aujourd’hui.

  5. Certes, initialement, l’unité de famille avait un seul et unique objet : assurer la vie familiale du ou de la réfugié·e principal·e. En effet, rappelons qu’avant 1989, il n’existait pas de disposition spécifique accordant un droit au séjour à la famille des réfugié·es. C’est pourquoi l’ancêtre de la CNDA, la Commission des recours des réfugiés (CRR), a pris à l’époque l’initiative d’étendre la protection internationale à sa famille la plus proche, afin de lui assurer ce droit au séjour sur le territoire français. D’ailleurs, la CRR reconnaîtra expressément quelques années plus tard que le « droit du réfugié à une vie familiale normale [est] à l’origine du principe de l’unité de famille »76. Celui-ci est alors appréhendé comme un droit attaché au statut du ou de la réfugié·e principal·e puisqu’il découle de la protection internationale dont il ou elle bénéficie. Dans un tel contexte, il serait loisible de défendre une neutralisation de l’unité de famille en cas de violences familiales au regard de son objet, parce que la reconnaissance ou le maintien de la qualité de réfugié à l’auteur des violences ne permet plus de protéger (au contraire !) la réfugiée principale.

  6. Pour autant, cette lecture nous apparaît caduque, car l’objet du principe de l’unité de famille a connu de profondes mutations. Le législateur est en effet intervenu à partir de 1989 pour accorder de plein droit une carte de résident·es aux proches parent·es des réfugié·es77. Le respect de la vie privée et familiale du ou de la réfugié·e principal·e ne peut donc plus justifier, en tout cas à lui seul, l’unité de famille, dans la mesure où il apparaît désormais pourvu par le droit commun des étranger·ères, qui reconnaît un droit au séjour à sa famille. C’est pourquoi le principe de l’unité de famille a été profondément repensé.

  7. En particulier, son objet a été dédoublé. Dès les années 1990, Martine Denis Linton explique ainsi que ce n’est, non plus la seule vie familiale des réfugié·es qui fonde l’unité de famille, mais également « la communauté de risques que le mariage ou la filiation fait courir au conjoint et à ses enfants qui justifie la communauté de statut ». Elle poursuit : « il est clair que celui qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention fait inévitablement courir à ses proches des risques qui rendent à tout le moins aventureux un retour dans le pays dont ils ont la nationalité. Le seul fait d’avoir épousé une personne qui, au sens de l’article 1er de la Convention de Genève, craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, etc. (…) place dans le même état d’insécurité le compatriote avec lequel il est uni par un lien matrimonial ainsi que ses enfants »78. Il faut néanmoins attendre l’année 2013 pour que cette compréhension de l’unité de famille soit expressément consacrée dans la jurisprudence. Depuis, il est constant que : « les principes généraux du droit applicables aux réfugiés (…) imposent, en vue d’assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la convention, que la même qualité soit reconnue, à raison des risques de persécutions qu’ils encourent également »79 à son·sa conjoint·e ou concubin·e, ses enfants entré·es mineur·es en France et ascendant·es placé·es sous sa tutelle. Il existe donc dorénavant deux fondements juridiques, distincts mais concomitants, à l’unité de famille : d’une part, le respect de la vie familiale du ou de la réfugié·e principal·e, par la référence expresse à la nécessité d’« assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la Convention », et, d’autre part, la communauté de risques unissant le ou la réfugié·e et ses parent·es proches, au sens où c’est « à raison des risques de persécutions qu’ils encourent » qu’ils ou elles sont susceptibles de bénéficier à leur tour de la protection.

  8. Or, dans les deux décisions précitées, la CNDA neutralise le principe de l’unité de famille, en se référant à un seul de ses fondements juridiques (la protection de la vie privée et familiale des réfugiées), tout en « oubliant » le second80. Pourtant, la communauté de risques ne disparaît pas, elle, avec les violences familiales. En d’autres termes, les risques de persécutions encourus par les auteurs de ces violences en cas de retour dans leur pays demeurent, et justifient toujours l’application de l’unité de famille à leur profit. Une plus grande rigueur juridique aurait dû conduire la CNDA à relever leur persistance, et empêcher la neutralisation dudit principe.

  9. Mais il convient de souligner ici que, même si la Cour admettait l’éligibilité des auteur·trices de violences familiales à la qualité de réfugié·es en vertu de l’unité de famille, elle resterait admise à prononcer, si les conditions le permettent, l’exclusion ou la révocation de leur protection internationale.

  10. Pour rappel, l’exclusion de la qualité de réfugié·e intervient lorsqu’un·e demandeur·euse y est éligible, y compris sur le fondement de l’unité de famille81, mais a commis (notamment) un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis·e comme réfugié·e (article L. 511-6 du CESEDA). Cette clause d’« indignité », pour reprendre les termes de la CNDA82, pourrait donc jouer uniquement dans le cadre de violences familiales commises avant l’entrée en France. Notons ici que la notion de « crime grave de droit commun » est une notion autonome du droit pénal français83, appliquée essentiellement aux atteintes particulièrement graves ou répétées à l’intégrité physique des personnes.

  11. La révocation du statut de réfugié est, elle, susceptible de jouer à raison de faits commis après l’entrée sur le territoire français, notamment lorsque l’intéressé·e constitue une menace grave pour la société française et a été condamné·e en dernier ressort pour (notamment) un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement84 (article L. 511-7 du CESEDA). Les qualifications pénales étant strictes ici, la révocation n’aurait vocation à s’appliquer qu’aux hypothèses de violences familiales les plus graves.

  12. En ce sens, privilégier la voie de l’exclusion ou de la révocation à la neutralisation de l’unité de famille conduirait à évincer de la protection internationale, non pas tous les auteur·trices de violences familiales, mais seulement celles ou ceux ayant commis les faits les plus graves. Par exemple, dans les deux affaires ci-dessus mentionnées, seul le fils l’aurait été, contrairement au conjoint violent, mais cela requerrait de renforcer l’efficacité de la prise en charge pénale des violences familiales sur le sol français... En tout état de cause, nous ne pouvons que regretter ici l’abandon de la solution pénale au profit d’une instrumentalisation du droit des réfugié·es qui permet ici de rejeter les étrangers « indésirables », au prix d’un raisonnement juridique très contestable. A.K.

Sophia Ayada, docteure en droit de l’Institut universitaire européen et chercheuse associée au Centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux de l’Université Paris Nanterre (CTAD-CREDOF) ;

Alexandra Korsakoff, maîtresse de conférences, Université de Caen Normandie, Institut caennais de recherche juridique (ICReJ) ;

Isabelle Rorive, professeure ordinaire à la Faculté de droit et de sciences criminelles de l’Université libre de Bruxelles, Centre Perelman de philosophie du droit ;

Robin Médard Inghilterra, maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS);

Marion Tissier-Raffin, maîtresse de conférences, Université de Bordeaux, Centre de recherche et de documentation européennes et internationales (CRDEI).


Références

  1. Cour EDH, 23 mai 2023, A.E. c. Bulgarie, n° 53891/20 ; Cour EDH, 15 juin 2023, Gaidukevich c. Géorgie, n° 38650/18 ; Cour EDH, 17 octobre 2023, Luca c. Moldavie, n° 55351/17.↩︎

  2. Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, ouverte à la signature le 11 mai 2011 et entrée en vigueur le 1er août 2014, art. 3. Cette Convention a été ratifiée par l’Union européenne le 28 juin 2023 et est entrée en vigueur, pour l’Union européenne, le 1er octobre 2023.↩︎

  3. Contexte de la proposition de directive du Parlement et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, 8 mars 2022, COM(2022) 105 final, qui se réfère, en note 3, à une enquête de l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA), Violence à l’égard des femmes : une enquête à l’échelle de l’UE. Les résultats en bref (2014). En 2002, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soulignait déjà ceci : « en Europe, selon les pays, de 20 à plus de 50 % de femmes sont victimes de violences conjugales. Il n’existe pas de portrait-robot type du conjoint violent. La violence conjugale concerne toutes les couches de la société et tous les âges » (Olga Keltošová, rapporteuse pour la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, La violence domestique, 17 juillet 2002, Doc. 9525, pt. 13 de l’exposé des motifs).↩︎

  4. OMS, Global, regional and national estimates for intimate partner violence against women and global and regional estimates for non-partner sexual violence against women 2018, mai 2021. Les citations sont tirées du communiqué de presse de l’OMS publié en français du 9 mars 2021 : https://www.who.int/fr/news/item/09-03-2021-devastatingly-pervasive-1-in-3-women-globally-experience-violence↩︎

  5. Préambule de la proposition de directive du 8 mars 2022, op. cit., cons. 8.↩︎

  6. Cour EDH, 3e sec., 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, n° 33401/02.↩︎

  7. Ibid., § 150.↩︎

  8. Ibid., § 184 et s.↩︎

  9. V. not. Cour EDH, 1e sect., 2 mars 2017, Talpis c. Italie, n° 41237/14, § 117 ; Cour EDH, 3e sect., 9 juillet 2019, Volodina c. Russie, n° 41261/17, § 77 ; Cour EDH, GC, 2 février 2021, X et autres c. Bulgarie, n° 22457/16, § 178-192 ; Cour EDH, GC, 15 juin 2021, Kurt c. Autriche, n° 62903/15, § 161-190. V. not. Ronagh J.A. McQuigg, « The European Court of Human Rights and domestic violence : Volodina v. Russia », International Human Rights Law Review, 2021, n°10, p. 155-167 ; Pauline Porche Koster Vel Kotlarz, « Arrêt Kurt : obligations des États concernant les victimes de violences familiales : le mauvais signal ? », RDLF, 2021, Chron. n° 31 ; Catherine Le Magueresse, « Responsabilité des États dans le traitement judiciaire des violences domestiques : les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 2023, vol. 3, n° 135, pp. 699-719 et les références doctrinales françaises citées en note 12, p. 702.↩︎

  10. Cour EDH, 4e sect., 22 mars 2022, Y et autres c. Bulgarie, n° 9077/18 ; Cour EDH, 1e sect., 7 avril 2022, Landi c. Italie, n° 10929/19. Pour un commentaire de ces arrêts, v. not. Ronagh J.A. McQuigg, « The Osman test in the context of domestic abuse : Y and Others v Bulgaria », European Human Rights Law Review, 2022, n°5, pp. 501-508 ; Stella Christoforidou, « Landi v. Italy : Proving discrimination with statistics in case of domestic violence », Strasbourg Observers (blog), 26 août 2022.↩︎

  11. Cour EDH, 1e sect., 7 avril 2022, Landi c. Italie, préc., § 107.↩︎

  12. Ibid., § 104.↩︎

  13. Cour EDH, 4e sect., 22 mars 2022, Y et autres c. Bulgarie, préc., § 125 et 128.↩︎

  14. Cour EDH, 3e sect., 23 mai 2023, A. E. c. Bulgarie, préc.↩︎

  15. Ibid., § 100.↩︎

  16. Ibid., § 105 (notre traduction).↩︎

  17. Ibid., § 117 (notre traduction).↩︎

  18. Ainsi, selon l’Indice européen d’égalité entre les femmes et les hommes, la Bulgarie occupe la plus mauvaise position de tous les pays de l’UE en termes de prévalence, de gravité et de divulgation des cas de violence à l’égard des femmes.↩︎

  19. Cour EDH, 3e sect., 23 mai 2023, A. E. c. Bulgarie, § 118-123.↩︎

  20. Cour EDH, 5e sect., 15 juin 2023, Gaidukevich. c. Géorgie, n° 28650/18.↩︎

  21. Ibid., § 57↩︎

  22. Ibid., § 68 et 71 (notre traduction).↩︎

  23. Ibid., § 74.↩︎

  24. Ibid., § 40-45. La Cour EDH a condamné la Géorgie à plusieurs reprises récemment dans des affaires de violences à l’égard des femmes. V. not. Cour EDH, 8 juillet 2021, Tkhelidze c. Géorgie, n° 33056/17 ; Cour EDH, 10 février 2022, A et B. c. Géorgie, n° 73975/16, et le commentaire de Ronagh J.A. McQuigg, « Tkhelidze v. Georgia : Domestic abuse and the European Court of Human Rights », International Human Rights Law Review, 2022, vol. 11, pp. 138-150.↩︎

  25. Cour EDH, 2e sect., 17 octobre 2023, Luca c. Moldavie, n° 55351/17.↩︎

  26. Sur ce point, v. Ronagh J.A. McQuigg, « Domestic abuse and child contact : Luca v The Republic of Moldova », Strasbourg Observers (blog), 14 novembre 2023.↩︎

  27. Cour EDH, 2e sect., 17 octobre 2023, Luca c. Moldavie, préc., § 103-104.↩︎

  28. Ibid., § 106 (notre traduction).↩︎

  29. Ibid., § 105 (notre traduction). ↩︎

  30. Elle n’est pas la seule, toutefois : l’âge de départ à la retraite des femmes étant plus bas en Autriche, en Bulgarie, en Croatie, en Lituanie, en République tchèque et en Roumanie. À la différence de l’ensemble de ces pays, à l’exception de la Roumanie, qui conservera une différence genrée de 2 ans, un redressement des âges d’accès à la retraite est, cela dit, prévu pour l’orée 2025 au plus tard.↩︎

  31. CJUE, 5 novembre 2019, Commission européenne contre République de Pologne, aff. C–192/18.↩︎

  32. Cour EDH, 1e sect., 24 octobre 2023, Pajak et autres c. Pologne, n° 25226/18, § 186.↩︎

  33. Ibid., § 238.↩︎

  34. Cour EDH, GC, 22 mars 2003, Konstantin Markin c. Russie, req. n° 30078/06.↩︎

  35. Cour EDH, 1e sect., 24 octobre 2023, Pajak et autres c. Pologne, § 241.↩︎

  36. Ibid., § 248.↩︎

  37. Ibid., § 245.↩︎

  38. Ibid., § 259.↩︎

  39. CE, 29 juin 2023, Alliance citoyenne et autres, n° 458088.↩︎

  40. Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.↩︎

  41. Alexis Goin, « La main de dieu », AJDA, 2023, p. 1646 et s.↩︎

  42. CE, Sect., 10 février 1984, n° 31459.↩︎

  43. Alexis Goin, « La main de dieu », op. cit.↩︎

  44. CE, Ass., 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image, n° 317827.↩︎

  45. Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.↩︎

  46. Clément Malverti, conclusions sous CE, 29 juin 2023, Alliance citoyenne et autres, n° 458088, p. 26.↩︎

  47. Alexis Goin, « La main de dieu », op. cit..↩︎

  48. Loi n° 2004-428 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.↩︎

  49. BO n° 32 du 31 août 2023.↩︎

  50. CE, ord., 7 septembre 2023, Action droits des musulmans, n° 487891.↩︎

  51. CE, ord., 25 septembre 2023, Associations La voix lycéenne et Le poing levé, n° 487896.↩︎

  52. Débats préparatoires, loi du 9 décembre 1905, séance du 26 juin 1905, annales de la Chambre des députés, allocution d’Aristide Briand, p. 989-990 : « ce serait encourir, pour un résultat problématique, le reproche d’intolérance et même s’exposer à un danger plus grave encore, le ridicule (applaudissements et rires au centre et à droite), que de vouloir, par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements. Je ferait du reste, observer à l’honorable M. Chabert que le problème n’est pas aussi simple ni aussi facile à résoudre qu’il semble le supposer. Ce que notre collègue voudrait atteindre dans la soutane, c’est le moyen qu’elle procure de se distinguer facilement des autres citoyens. Mais la soutane une fois supprimée, M. Chabert peut être sûr que, si l’Église devait y trouver son intérêt, l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs aurait tôt fait de créer un vêtement nouveau, qui ne serait plus la soutane, mais se différencierait encore assez du veston et de la redingote pour permettre au passant de distinguer au premier coup d’œil un prêtre de tout autre citoyen ».↩︎

  53. Anaïs Condomines, « Interdiction de l’abaya : que sait-on de l’exclusion d’une lycéenne pour port d’un kimono ? », Libération, 6 septembre 2023.↩︎

  54. CJUE, 28 novembre 2023, Commune d’Ans, aff. C–148/22.↩︎

  55. Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, Info Rapide, n° 28, novembre 2023, 8 p.↩︎

  56. CE, 19 avril 2023, n° 454072.↩︎

  57. Ministère de l’Intérieur, Instruction relative à la délivrance des titres pour les victimes de violences conjugales et familiales, 23 décembre 2021.↩︎

  58. CE, 19 avril 2023, n° 454072.↩︎

  59. Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, op. cit.↩︎

  60. Emilie Chandler, Dominique Vérien, Plan Rouge vif : améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, Rapport parlementaire, 22 mai 2023.↩︎

  61. GREVIO, Rapport d’évaluation de référence sur la France, 19 novembre 2019.↩︎

  62. Tribune collective, « Notre système institutionnel permet de violer ou de battre une femme en toute impunité dès lors qu’elle est en situation irrégulière », Le Monde, 25 novembre 2023.↩︎

  63. CAA Marseille, 6 janvier 2023, n° 22MA00376 ; CAA Versailles, 29 août 2023, n° 22VE02800.↩︎

  64. CAA Marseille, 6 janvier 2023, n° 22MA00376.↩︎

  65. CAA Versailles, 29 août 2023, n° 22VE02800.↩︎

  66. Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.↩︎

  67. Commission de recours des réfugiés (CRR), 12 mars 1957, n° 1474 ; CE, Ass., Mme Agyepong, 2 décembre 1994, n° 112842.↩︎

  68. CRR, 2 juin 1981, n° 11995 ; CE, Gomez Botero, 21 mai 1997, n° 159999.↩︎

  69. CRR, 27 mars 1958, n° 1778 ; CE, Sirzum, 21 mai 1997, n° 172161.↩︎

  70. CE, Mme Trin épouse Mer, 28 juillet 2004, n° 229053. Notons néanmoins que la CRR / CNDA applique, elle, le principe à tout·e parent·e (au sens large) placé·e sous la tutelle des réfugié·es. Voir par exemple : CRR, 3 juin 2005, n° 511149.↩︎

  71. CE, Ass., Mme Agyepong, 2 décembre 1994, n° 112842.↩︎

  72. CNDA, 24 juillet 2023, n° 21000656.↩︎

  73. CNDA, 24 juillet 2023, n° 21000656.↩︎

  74. CNDA, 23 mai 2023, n° 21065942.↩︎

  75. CNDA, 23 mai 2023, n° 21065942.↩︎

  76. CRR, 7 juin 1994, n° 249793.↩︎

  77. Sont en particulier concerné·es : le ou la conjoint·e du ou de la réfugié·e et ses enfants mineur·es (article 6 de la loi n° 89-548 du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France), les ascendant·es direct·es au premier degré des réfugié·es mineur·es non accompagné·es (article 38 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration), ainsi que le ou la concubin·e ou partenaire du ou de la réfugié·e (article 28 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile).↩︎

  78. Martine Denis-Linton, « Le maintien de l’unité familiale comme principe général du droit applicable aux réfugiés politiques », RFDA, 1995, pp. 86-93, p. 90.↩︎

  79. CE, Avis, 20 novembre 2013, Époux Fall, n° 368676.↩︎

  80. La référence à la communauté de risques disparaît même des considérants de principe de la CNDA, alors que le Conseil d’État l’a rappelée postérieurement : CE, 26 juillet 2023, M.B., n° 469273.↩︎

  81. CRR, SR, 12 mars 1993, n° 230875 ; CE, 24 octobre 2001, Wingi Dimawete, n° 211309.↩︎

  82. CNDA, 26 septembre 2017, n° 16029802.↩︎

  83. CRR, 7 février 1958, n° 2800.↩︎

  84. La condamnation doit avoir été prononcée en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État tiers dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales.↩︎