(janvier 2023 – décembre 2023)
Lola Isidro
Estelle Lilliu
Alexis Zarca
L’imposant corpus juridique français dédié à l’égalité hommes femmes1 va s’enrichir d’un nouveau dispositif. Le 10 mai 2023, la directive (UE) du Parlement et du Conseil 2023/970 visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes2 a été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne, les États membres ayant jusqu’au 7 juin 2026 pour la transposer3.
Par cette nouvelle directive, consacrée à la question des différences de rémunération entre les sexes, le législateur européen poursuit sa quête d'une égalité concrète en imposant la mise en place de mesures assurant la transparence des rémunérations et des règles nécessaires à sa mise en œuvre. Le texte s’ouvre par un préambule volontariste dans lequel se révèle une conception riche de l’inégalité professionnelle entre femmes et hommes. Le préambule met l’accent sur les soubassements genrés4 des inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes. « Les stéréotypes sexistes, la perpétuation du “plafond de verre” et du “plancher collant”, la ségrégation horizontale, y compris la surreprésentation des femmes dans les emplois de service faiblement rémunérés, et le partage inégal des responsabilités familiales » (cons. 15) constituent, rappelle le préambule, autant de facteurs qui contribuent au maintien des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Les « partis pris sexistes » sont dénoncés à plusieurs reprises (cons. 11, 16, 33, 39) ; ils font obstacle à la marche vers l’égalité des rémunérations. Pour combattre les biais genrés des systèmes de rémunération dans les entreprises, la directive a choisi une perspective particulière, celle de la mise en visibilité des rémunérations pratiquées dans les entreprises, de leurs écarts et des déterminants de leur fixation. Le texte européen impose alors une exigence de transparence rigoureuse (A) dont il faut chercher à mesurer les effets sur le droit positif français actuel (B).
1. Transparence à l’égard des travailleur·ses6
La directive crée l’obligation pour l’employeur de mettre à la disposition des travailleurs un panel de données statistiques en lien avec la politique de rémunération de l’entreprise. Certaines de ces données sexuées relatives aux salaires doivent être laissées à la libre consultation des travailleurs (informations portables), d’autres ne sont communiquées que sur demande (informations quérables). S’agissant d’abord des informations portables, l’article 6 de la directive énonce que les travailleurs peuvent librement accéder aux critères établis pour déterminer les rémunérations, les niveaux de rémunération ainsi que leur progression au sein de l’entreprise. Ces critères doivent être « objectifs et non sexistes » 7 précise le texte européen. Mais que faut-il entendre par « critères non sexistes » ? L’article 4 de la directive, relatif à l’évaluation et à la comparaison de la valeur du travail, apporte quelques éclairages. Pour être « non sexistes », ces critères ne peuvent être, directement ou indirectement, fondés sur le sexe des travailleurs. Ils peuvent en revanche s’appuyer sur « les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail, ainsi que, s’il y a lieu, tout autre facteur pertinent pour l’emploi ou le poste concerné. (…) En particulier, les compétences non techniques pertinentes ne sont pas sous-évaluées »8. Précisons que dans la version anglaise du texte de la directive, c’est l’expression « gender neutral » qui est mobilisée pour qualifier ces critères. L’utilisation des termes « non-sexiste » comme traduction interroge : ne s’agit-il pas ici de l’expression d’une réticence, celle de faire figurer le mot « genre » dans un texte juridique ?
S’agissant ensuite des informations quérables, les travailleurs peuvent demander et recevoir par écrit « des informations sur leur niveau de rémunération individuelle et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilées par sexe, pour les catégories de travailleur accomplissant le même travail qu’eux, ou un travail de même valeur que le leur »9. Ces données doivent être fournies « dans un délai raisonnable » de deux mois à compter de la demande. Si les informations communiquées sont incomplètes ou inexactes, le travailleur pourra faire appel à ses représentants pour l’accompagner dans une nouvelle demande. Une fois par an les employeurs doivent communiquer à leurs salarié·es la procédure à suivre pour obtenir ces informations10. Cette obligation souligne ainsi le souci d’effectivité associé à ce droit à l’information des travailleurs instauré par le législateur européen.
La directive adopte une vision large de la transparence des politiques salariales qui ne saurait s’arrêter aux portes de l’entreprise. Elle prévoit également la diffusion de données au public.
2. Transparence à l’égard du public
Certaines informations relatives aux écarts de rémunération entre les sexes dépassent le simple cadre de l’entreprise et doivent être mises « à la disposition du public »11. Il ne convient pas ici d’en dresser une liste exhaustive12, deux éléments méritent toutefois d’être soulignés à leur propos. On remarque d’abord que certaines informations restent générales et ont donc une vocation analytique globale, c’est le cas par exemple de « l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes » ou encore de « l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes »13 ; tandis que d’autres, notamment « l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires » 14, permettent une analyse fine des différences de rémunération entre hommes et femmes. Ensuite, certaines données que l’entreprise doit rendre publiques portent spécifiquement sur des éléments de rémunération, qui jusqu’alors demeuraient dans la « boîte noire » des systèmes de rémunération d’entreprise. Ainsi l’entreprise doit publier « l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables et complémentaires »15. Ces composantes renvoient à toutes les prestations, perçues directement ou indirectement en espèces ou en nature, qui s’ajoutent au salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum16. S’il est désormais rare que le salaire de base diffère entre un homme et une femme à travail égal ou poste de travail comparable, les écarts entre les sexes sont davantage notables quand il est question d’heures supplémentaires et/ou complémentaires, d’indemnités de déplacement, de primes, de bonus etc. Ce phénomène est le produit de différents facteurs. Il peut traduire une attitude sexiste de la part des employeurs, des routines managériales genrées ou encore trouver son origine dans les différents obstacles sociaux que rencontrent les salariés.es pour concilier la vie privée et la vie professionnelle.
L’article 9 de la directive précise que toutes ces données ouvertes au public doivent être communiquées à une autorité publique chargée de leur diffusion. L’employeur peut également les publier sur son site internet. Dans le système juridique français actuel, les données relatives aux écarts salariaux au sein des entreprises sont centralisées par le ministère du travail et l’index égalité femmes-hommes est disponible sur le site Egapro17. Sur ce point, la directive n’introduit donc pas une grande nouveauté. Cette nouvelle vitrine de données sexuées, tout comme la précédente, poursuit un double objectif. Elle permet aux salarié·es de mieux diagnostiquer les discriminations salariales. Elle vise également à inciter les entreprises à adopter un comportement vertueux par l’effet de réputation que charrie la publication des données.
Enfin, lorsque les écarts de salaire ne sont pas jugés satisfaisants, notamment qu’ils dépassent un certain seuil, la directive met en place un système d’évaluation conjointe.
3. Des mesures correctives en cas d’écarts de salaire importants et injustifiés
Le législateur européen envisage l’hypothèse selon laquelle les écarts salariaux publiés dépassent un certain seuil et ne sont pas justifiés ni corrigés dans les six mois à compter de leur communication18. Dans ce cas de figure, les contraintes de transparence qui pèsent sur l’employeur conduisent à une obligation d’évaluation conjointe en vue de « recenser, corriger et prévenir les différences de rémunération entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins »19. Pour mener cette évaluation, l’employeur devra travailler aux côtés des représentants.es du personnel20. Cette évaluation impose notamment de produire une « analyse de la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins au sein de chaque catégorie de travailleurs »21. Le législateur semble ici vouloir attirer l’attention sur les biais genrés faisant obstacle à une véritable égalité de rémunération entre hommes et femmes. Il s’agit de débusquer les inégalités de rémunération liées au type d’emploi occupé, c’est-à-dire à la ségrégation professionnelle22. Il existe en effet des trajectoires distinctes entre les hommes et les femmes au sein des postes de l’entreprise. On peut toutefois regretter que le plafond de verre, à savoir la faible féminisation des postes de direction, ne soit pas explicitement mis en valeur par le dispositif de transparence européen. C’est un point qui à l’inverse est envisagé par le droit français. En effet, l’index égalité femmes-hommes, qui fait l’objet des prochains développements, impose aux entreprises de renseigner « le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations »23. Toutefois, en raison de la définition du « travail égal » retenue par la directive24, similaire à celle du droit français25, les employeurs pourraient bien être amenés à analyser les écarts de rémunération entre les membres du top management de leur structure dans le cadre de la publication des données prévues par la directive. Dans un arrêt du 6 juillet 201026, la chambre sociale de la Cour de cassation a retenu que des salarié·es aux fonctions de direction différentes – directrice des ressources humaines, d’une part, directeur commercial, d’autre part - accomplissent un travail de valeur égale au sens de l’article L. 3221-1 du Code du travail27. Les postes les plus élevés dans la hiérarchie de l’entreprise constituent donc bien une catégorie de travailleurs au sens de la directive, imposant une mesure des écarts en son sein. Il ne s’agit pas précisément des dix plus hautes rémunérations ; il n’en reste pas moins que cette catégorie regroupera un nombre restreint de salarié·es, percevant les rémunérations les plus élevées.
Il incombe désormais au législateur français de traduire cette transparence dans notre système juridique, quels pourraient en être les effets principaux ?
1. Une exigence de transparence renforcée
a. Une transparence déjà existante
La transparence introduite par la directive ne relève en réalité pas de l’inédit du point de vue français. Il existe depuis plusieurs années déjà en France, un objectif légal d’identification et de quantification des inégalités salariales en entreprise. Dés 198328 le législateur affiche la volonté d’éclairer les inégalités de salaire entre hommes et femmes, volonté qui se traduit par la création du « rapport de situation comparée » (RSC) 29, le premier outil de diagnostic des inégalités. Le droit positif français compte aujourd’hui deux principaux outils de transparence salariale. D’abord, la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), héritière du RSC, doit contenir un diagnostic et une analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière notamment de rémunération effective ainsi qu’une analyse des écarts de salaire30. Cette base de données est réservée à l’information des seuls représentants du personnel31. Ensuite, l’index égalité femmes-hommes (l’index) permet une bien plus large diffusion des données salariales sexuées. Il s’agit d’un dispositif de diagnostic en vue de la suppression des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes introduit dans le secteur privé en 201832. Comment cet index fonctionne-t-il ? Les entreprises d’au moins 50 salarié·es sont dans l’obligation de publier chaque année, au plus tard le 1er mars, une note globale obtenue en fonction de quatre ou cinq indicateurs33 selon leur taille (plus ou moins de 250 salarié·es). Cette note globale renvoie à l’ensemble des points récoltés pour chaque indicateur qui la compose34. Plus la note est élevée moins les écarts de rémunération entre les sexes sont importants. Cette note doit être supérieure à 75 sur 100 points. A défaut, les entreprises doivent prendre et publier des mesures de correction et de rattrapage35. Depuis le 20 juillet 2023, le secteur public s’est également enrichi d’un index égalité professionnelle similaire à celui du secteur privé.36
Dans quelle mesure cet index, mis en place tant dans dans le secteur privé que dans le secteur public, constitue-t-il un instrument adéquat de transposition du dispositif transparence introduit par la directive ?
b. Une importante modification de l’index égalité femmes-hommes
Dans son rapport sur l’index publié le 7 mars dernier, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) préconise de modifier l’index afin qu’il accueille les données sexuées issues de la directive37. Une telle démarche conduirait à un renouvellement important de l’index. En effet, cet outil, certes dédié à la transparence salariale, répond à une logique et à un fonctionnement différents de ce que propose la directive.
Parmi les éléments pouvant être problématiques lors de la transposition de la directive dans l’index, la constitution des catégories à comparer pour la production des données sexuées figure au premier plan. Dans l’index égalité professionnelle, les salarié·es sont réparti.es en fonction de leur niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche ou d'une autre méthode de cotation des postes. L’employeur peut également choisir de plutôt répartir les salarié·es selon les quatre catégories socioprofessionnelles suivantes : ouvriers ; employés ; techniciens et agents de maîtrise ; ingénieurs et cadres38. Dans la directive, la détermination des catégories de travailleurs proposée est tout autre. En effet, le texte commande l’établissement des groupes de travailleurs en fonction de la similitude de leur travail : les comparaisons de salaires doivent s’effectuer entre « les travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur »39. En somme, alors que le droit français se limite à la constitution de catégories de métiers génériques, la directive invite les employeurs à réfléchir sur la valeur des emplois au sein de leurs structures organisationnelles et ce sur la base de critères « objectifs et non sexistes » (telles que les compétences, les efforts ou encore les conditions de travail)40. L’objectif affiché par le droit européen est clair : éviter une détermination des catégories qui pourrait être discriminatoire. Ainsi, une évolution de l’index, dont la manière de construire les groupes de salarié·es à comparer est parfois critiquée41, serait très certainement la bienvenue.
Le second point devant être envisagé avec attention au moment de la transposition de la directive est la présentation des résultats issus de la comparaison salariale entre hommes et femmes. Ainsi qu’il a déjà été mentionné, l’index se présente uniquement sous la forme d’une note agrégeant des scores partiels eux-mêmes agrégeant différentes données. La directive répond quant à elle à une logique tout autre, il s’agit de présenter sous forme détaillée des données sexuées relatives aux écarts de salaire dans l’entreprise, exprimées en pourcentage. Ainsi, l’index ne propose pour le moment qu’un résultat global, un nombre de points recensés dans un tableau Excel dont on ne connait pas la teneur exacte42. Tandis que la directive présente justement avec détail les écarts de salaire. Transposer les indicateurs d’écarts de salaire proposés par la directive dans l’index changerait drastiquement son niveau de précision. Certains s’interrogent : « Les autorités publiques françaises cherchent-elles une transparence allant aussi loin ? »43.
Enfin, l’introduction par la directive de données résultant d’une comparaison des composantes variables ou complémentaires de la rémunération pourrait engendrer un changement important au sein de l’index. D’abord car « l’assiette de rémunération diagnostiquée »44 proposée par la directive est plus importante que celle de l’index. Le droit français écarte, au titre de la comparaison des rémunérations, un certain nombre d’éléments complémentaires (indemnités de licenciement et de départ à la retraite, heures complémentaires …)45, que la directive n’exclut pas46. Ensuite, si certaines composantes variables ou complémentaires sont prises en compte dans le calcul de l’index, ce point n’apparait pas lorsque l’entreprise affiche sa note globale. La transposition correcte de la directive impose de rendre visible ces parts variables et/ou complémentaires et les écarts entre hommes et femmes qui pourraient en résulter. Cela permet donc de mettre en lumière des traitements différenciés entre hommes et femmes dans l’entreprise. Rappelons que « si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l’octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables »47.
Comme l’indique le HCE dans son rapport, la directive offre l’opportunité d’un renouvellement important de l’index, dont les défauts et lacunes ont été maintes fois soulignés48. Des évolutions du côté du droit d’accès à la preuve des discriminations salariales sont également à prévoir.
2. Une consolidation du droit d’accès à la preuve des salarié·es
Le législateur européen consacre une partie de son nouvel acte à la preuve des discriminations salariales. Ainsi, la directive habilite les juridictions nationales à « ordonner la production de preuves contenant des informations confidentielles lorsqu’elles le jugent utile dans le cadre du recours lié à l’égalité des rémunérations »49. Sur ce point, le texte européen ne fait que conforter la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation en matière d’inégalités de rémunération. Dans un arrêt du 8 mars 202350, les juges du quai de l’horloge ont rappelé « que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité »51. Le droit à la preuve peut permettre la production de données à caractère personnel « à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi »52.
L’apport de la directive se situe davantage sur les nouveaux éléments de preuve qui doivent être mis à disposition des travailleurs. Ainsi qu’il a déjà été mentionné, l’employeur est désormais dans l’obligation de rendre accessibles à tous les travailleurs les critères qu’il utilise afin de déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression des rémunérations53. L’obligation d’information qui pèse sur l’employeur ne porte donc pas uniquement sur les rémunérations mais aussi sur la manière dont ces rémunérations sont déterminées. S’ouvre ainsi de nouvelles perspectives contentieuses, notamment sur le contrôle de la cohérence de la politique salariale de l’entreprise entre les critères présentés et les rémunérations effectivement versées.
Ainsi, les effets positifs de cette directive sur notre système juridique sont indéniables. Mais il reste encore du chemin à parcourir avant de ne parler des inégalités de rémunération qu’au passé. L’ultime tournant à prendre pour atteindre une égalité réelle serait certainement celui amorcé dans le texte du préambule de la directive : dépasser le cadre des inégalités de rémunération « pour un même travail ou un travail de même valeur » pour s’intéresser aux biais genrés, et partis pris sexistes encore profondément ancrés dans les entreprises. E. L.
« Changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet », tel était l’objectif affiché en 2022 par la délégation aux droits des femmes du Sénat54 au moment de la publication de son rapport sur le bilan d’application de la loi du 12 mars 201255. On se souvient que cette loi avait quelque peu bouleversé les paradigmes de notre droit de la fonction publique en consacrant pour la première fois un véritable système de quotas par sexe, matérialisé par l’obligation pour les employeurs publics de respecter (progressivement) une proportion minimale de 40% de personnes de chaque sexe dans les primo-nominations aux emplois supérieurs et de direction des trois versants de la fonction publique (soit environ 6000 emplois)56. Indépendamment des questions que ce dispositif de nominations équilibrées (DNE) soulevait – et continue de soulever – au regard de certaines exigences émanant des jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l’Union européenne57, ses limites n’avaient pas manqué d’être d’emblée identifiées, dessinant alors le scénario d’une possible « révolution manquée »58. Dix ans après, malgré quelques progrès, le bilan dressé par le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, assez sévère, est venu rappeler combien l’objectif de parité dans la haute fonction publique frisait encore l’incantation. Et combien l’arbre pouvait cacher la forêt, à deux égards au moins. D’abord en ce que le taux global de femmes occupant des emplois supérieurs et de direction continue de masquer de fortes disparités et un taux d’occupation beaucoup plus faible dans les emplois les plus prestigieux – et ce dans les trois versants de la fonction publique59. Ensuite en ce que les évolutions positives, quoique poussives, concernant le pourcentage de nominations de femmes dans les emplois supérieurs et de direction (l’effort sur le flux) masque un pourcentage beaucoup plus faible d’occupation effective de ces emplois (la réalité du stock) – là aussi dans les trois versants mais en particulier dans la fonction publique de l’État60. Il était donc urgent d’agir et, si le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat a incontestablement servi d’aiguillon au pouvoir législatif, celui-ci n’a retenu qu’une infime partie des recommandations que cette dernière avait formulées, enclenchant un changement, sans doute moins de braquet que de pignon, pour tenter d’accélérer l’égalité réelle d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité dans la fonction publique.
Aussi l’apport de la loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 est-il principalement triple : en agissant pour la première fois sur le stock des emplois, la loi vise à davantage de représentation équilibrée dans les emplois eux-mêmes (A) ; en accroissant les objectifs sur le flux, elle cherche à renforcer la représentation équilibrée dans les nominations (B) ; en créant un index sur l’égalité, elle reproduit tout à la fois le modèle pensé pour les salariés et des dispositifs déjà peu ou prou existants dans la fonction publique (C).
C’est sans doute l’apport principal de la loi du 19 juillet 2023, en réponse à la règle (issue de la loi du 12 mars 2012 et toujours en vigueur) selon laquelle le taux de nominations équilibrées à atteindre ne concerne que les primo-nominations et non les emplois déjà occupés (les renouvellements « dans un même emploi » ou « un même type d’emploi » échappant à l’obligation61). C’est cette règle qui, mécaniquement, a généré une distorsion entre le pourcentage de nominations des femmes et le pourcentage d’emplois effectivement occupés par ces dernières. Aussi, sans revenir sur cette disposition, la loi du 19 juillet 2023 a cherché à en corriger les effets délétères en consacrant une nouvelle obligation de quota pesant spécifiquement sur les emplois occupés : « la proportion de personnes de même sexe parmi les personnes occupant les emplois [supérieurs et de direction62] ne peut être inférieur à 40% »63. À l’instar de celle pesant sur les nominations, cette nouvelle obligation, qui s’apprécie « au terme de chaque année civile » (par département ministériel, par autorité territoriale, pour l’ensemble des établissements publics de la fonction publique hospitalière) entraîne, en cas de non-respect, une pénalité financière, mais dont le montant est davantage calqué sur les récents plans d’action en faveur de l’égalité professionnelle puisque ce dernier « ne peut excéder 1% de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels ».
Toutefois, outre que cette pénalité est incompatible avec celle applicable en cas de non-respect de l’obligation de nominations équilibrées64, elle risque de ne pas produire ses effets avant… un certain temps : non seulement parce que l’entrée en vigueur du dispositif a été fixée au 1er janvier 2027, mais aussi parce qu’il a été décidé de laisser aux employeurs publics, à compter de cette date, un délai de trois ans pour atteindre le quota de 40%. Pas de sanction avant 2030, donc, voire en réalité bien davantage puisque, last but not least, un régime dérogatoire a été accordé (par voie d’amendement gouvernemental) au bénéfice des administrations (fort nombreuses) dont les emplois sont occupés par moins de 37% de personnes de chaque sexe au titre des années 2020 à 2022 – lequel régime privilégie une logique de contrainte progressive (trois points tous les trois ans) qui tend à protéger plus qu’à sanctionner les mauvais élèves actuels65. Au fond, la seule contrainte qui, irrémédiablement, s’imposera dès 2027 pour les employeurs publics tient au respect d’une autre obligation, inédite, consistant en la publication annuelle du pourcentage de femmes et d’hommes dans les emplois soumis à l’obligation de quota (ces chiffres étant rendus publics sur le site internet du ministère de la fonction publique), ce sous peine de devoir verser une contribution d’un montant forfaitaire qui n’a toutefois pas encore été précisé66.
C’est aussi vers davantage de représentation équilibrée dans les primo-nominations que se dirige l’encadrement supérieur de la fonction publique française en conséquence de la loi du 19 juillet 2023, et ce principalement à deux égards. En premier lieu parce que la loi donne ici enfin tout son sens à la notion de parité, en relevant le taux de primo-nominations annuelles de femmes dans les emplois supérieurs de 40 à 50%67. Toutefois, là encore, le pouvoir législatif, qui n’a pas fait évoluer le régime de sanction de la méconnaissance de l’obligation68, s’est montré fort magnanime avec les employeurs publics. En effet, outre que le dispositif continue donc d’exclure de son champ d’application les renouvellements « dans un même emploi » ou « un même type d’emploi » (auxquels s’ajoutent même désormais les renouvellements dans « un même type de fonctions »)69, la règle relative au nouveau taux de 50% n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2026 et, concernant les collectivités territoriales (régions, départements, communes et EPCI), qu’à compter du prochain renouvellement de leurs assemblées délibérantes70. Par ailleurs, ici aussi, la loi a prévu un redoutable aménagement au bénéfice des administrations n’ayant pas atteint le taux de 40% de primo-nominations sur la période 2020-2022, reposant sur une logique identique de progression de trois points tous les trois ans et renvoyant ce faisant le respect de l’obligation par les plus mauvais élèves actuels… aux calendes grecques71. Là encore, la seule contrainte immédiate pour les employeurs publics (dès la publication de la loi) tient au respect de cette nouvelle obligation consistant pour ces derniers à devoir publier chaque année le nombre de femmes et d’hommes nommés dans les emplois soumis au DNE (ces chiffres étant ici aussi rendus publics sur le site internet du ministère de la fonction publique)72, à peine d’être astreints à verser une contribution financière73 dont le montant forfaitaire a été fixé à 45 000 euros (25 000 euros pour les communes et EPCI de moins de 80 000 habitants)74, ce qui en l’occurrence paraît bien dérisoire pour un ministère ou une grande collectivité territoriale. On peut penser que le name and shame produira ici surtout ses effets en ce qu’une non-publication des résultats suggérerait une intention de ne pas s’inscrire dans la démarche paritaire – les syndicats auront assurément, sur ce point, un rôle de vigie à jouer.
Toutefois, et en second lieu, il faut mettre au crédit de la loi du 19 juillet 2023 un élargissement plutôt bienvenu du champ des emplois concernés par le DNE75, quand bien même celui-ci aurait-il pu être certainement plus audacieux. En vérité, c’est surtout dans le milieu hospitalier que cette évolution est notable, puisque intègrent désormais le périmètre du DNE, en sus des emplois supérieurs de direction qui en relevaient déjà, certaines « fonctions » d’encadrement au sein des établissements publics hospitaliers, à savoir celles de chef de pôle et de chef de service76 – à tout le moins lorsque leur nombre est au moins de huit par établissement77. Pour le reste, c’est le statu quo qui a été décidé pour la fonction publique territoriale, puisque n’a finalement pas été retenue la disposition qui visait à abaisser de 40 000 à 20 000 le seuil des communes et EPCI concernés par le DNE. Quant aux élargissements censés affecter le sommet de l’État, on les qualifiera d’assez symboliques. Le premier, parmi ceux-ci, est issu d’un amendement déposé par un élu écologiste et vise les emplois des cabinets ministériels et du cabinet du président de la République. Mais si les nominations dans ces emplois doivent bien, à compter du 1er janvier 2026, « concerner 50% de personnes de chaque sexe », cette obligation n’en a que le nom puisqu’elle n’est assortie d’aucune sanction financière. Peut seulement être imposée la contribution due en cas de non-respect de l’obligation de publication des chiffres de DNE qui s’applique ici aussi78. Une telle neutralisation du dispositif de sanction se justifiait, selon le gouvernement, par les exigences de la séparation des pouvoirs – ce qu’on pourrait sans doute discuter. On sait par ailleurs que ce sont ces mêmes exigences qui avaient justifié que les emplois de la magistrature soient exclus du DNE, et si la loi du 19 juillet 2023 perpétue cette logique, elle procède toutefois à une première ouverture des juridictions à la parité, quoique très mesurée : d’abord parce que ne sont concernés que certains emplois des juridictions administratives et financières (la magistrature judiciaire reste hors du jeu) ; ensuite et surtout parce que, loin de les soumettre au dispositif de DNE sus-décrit, la loi se contente de prévoir que les nominations dans ces emplois « favorisent l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions » en cause79.
Enfin, s’inspirant très directement du dispositif que la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 (telle que complétée par la loi n° 2021-1174 du 24 décembre 2021) a mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la loi du 19 juillet 2023 instaure un index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, qui affecte seulement indirectement la question de l’accès aux emplois supérieurs (en tant qu’il ne porte que sur la question des rémunérations80) et dont la portée novatrice doit être, à certains égards, relativisée. Certes, de façon tout à fait salutaire, la loi introduit une nouvelle section dans le code général de la fonction publique, qui oblige les employeurs publics gérant au moins cinquante agents81 à publier chaque année, sur leur site internet, « les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi qu’aux actions mis en œuvre pour les supprimer » (étant entendu que ces indicateurs sont également rendus publics sur le site du ministère de la fonction publique)82. Un défaut de publication est puni d’une pénalité financière dont le montant, forfaitaire83, a été fixé à 90 000 euros pour les ministères et 45 000 euros pour les établissements publics84. Surtout, lorsque les résultats obtenus au regard desdits indicateurs85 sont inférieurs à une cible définie par décret86, des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs sont fixés et publiés, à partir de quoi l’employeur dispose d’un délai de trois ans pour atteindre la cible, à peine de se voir appliquer une pénalité financière « dont le montant ne peut excéder 1% de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels »87.
Il reste que la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, tout en imposant aux administrations l’élaboration d’un « rapport social unique » présentant les éléments d’information sur la situation comparée des femmes et des hommes88 (en s’appuyant sur une base de données sociales incluant les écarts de rémunération89), avait par ailleurs consacré l’obligation pour les employeurs publics d’élaborer un « plan d’action pluriannuel en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes »90, lequel dépasse la seule question des rémunérations mais dont l’un des objectifs est bien d’« évaluer, prévenir et, le cas échéant, traiter les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes »91, l’absence d’élaboration d’un tel plan entraînant « une pénalité dont le montant ne peut excéder 1% de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnelles »92. On comprend, dès lors, pourquoi la loi du 19 juillet 2023 a consacré l’impossible cumul des deux pénalités afférentes respectivement à l’index et au plan d’action, tant l’une et l’autre répondent à un objectif largement identique. On peut donc se satisfaire des nouvelles exigences imposées par cette loi, à la liste desquelles il convient d’ajouter l’élargissement du champ des employeurs publics soumis à l’obligation de publier chaque année tout à la fois la somme des dix rémunérations les plus élevées et le nombre de femmes et d’hommes figurant parmi ces dix rémunérations93. Mais, alors que le dispositif de l’index, politiquement porteur, nourrit assurément l’image d’une politique publique en faveur de l’égalité, et au moment même où l’efficacité de ce dernier a été sérieusement mis en doute par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes94, on peut aussi s’interroger sur cette forme de cumul normatif qui masque assez mal, au final, l’ensemble des mesures de nature à considérablement retarder, on l’a vu, la concrétisation d’une véritable parité dans l’accès aux emplois supérieurs et de direction de la fonction publique. A. Z.
L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle est au cœur de la problématique de l’égalité hommes-femmes. À cet égard, la question des congés accordés en lien avec la maternité, la paternité, la parentalité ou encore la santé des femmes est essentielle. Elle a connu une riche actualité en 2023.
En la matière, la tendance est à un renforcement des protections accordées aux pères, comme levier de réduction des inégalités frappant les salariées traversant l’expérience de la maternité (A). Les mesures ciblant les femmes, tels les congés et arrêts menstruels, sont en revanche moins largement plébiscitées (B).
La meilleure prise en compte de la paternité résulte tout d’abord d’initiatives locales, en l’occurrence celle de la Mairie de Lyon en faveur d’une extension du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, dit « congé de paternité ». Tandis que le congé légal ouvert aux pères est, depuis le 1er juillet 2021, de 4 semaines (25 jours (dont 4 obligatoires), s’ajoutant aux 3 jours obligatoires du « congé de naissance »)95 – contre 2 semaines auparavant (congé de naissance + 11 jours optionnels) –, la Ville de Lyon est la première collectivité territoriale de France à proposer à ses agents un congé porté à dix semaines, soit la même durée que le congé de maternité postnatal96. La mesure a été présentée et adoptée au conseil municipal du 21 décembre 2023 en vue d’« agir résolument en faveur de l'égalité femmes-hommes, en permettant aux pères d'investir pleinement la période charnière de l'accueil des enfants, durant laquelle bien des choses se jouent en matière d'organisation familiale, de répartition des tâches domestiques et de relations parent-enfant », selon les termes de l’adjoint au maire, délégué à la promotion des services publics97. Concrètement, les agents accueillant un nouvel enfant bénéficient désormais d’une autorisation spéciale d’absence de 30 jours ouvrés supplémentaires. L’allongement du congé de paternité entend inciter les pères (et plus largement les conjoint·es ou concubin·es des mères) à être davantage, voire entièrement, présents pendant les premières semaines de vie de leurs enfants, période cruciale aussi bien pour ces derniers que pour les parents, et pour le développement des liens entre eux. En 2002, lorsque le congé paternité a été mis en place, la France a été l’un des premiers pays européens à s’engager dans cette voie. Près de vingt ans plus tard, le congé de 11 jours se situait juste au-dessus du minimum requis par la directive du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants (directive (UE) 2019/1158), et trois pères sur dix ne s’en saisissaient pas. L’allongement à 25 jours, dont 7 jours obligatoires immédiatement après la naissance, en 2021, a entendu favoriser l’implication des pères auprès des nouveau-nés, ainsi qu’au sein du foyer dans la répartition des tâches domestiques. Selon un rapport d’enquête réalisé pour la Drees98, le congé de paternité apparaît maintenant comme une « évidence » pour la quasi-totalité des pères interrogés qui, en plus d’avoir pris l’intégralité des jours non obligatoires, y ont bien souvent accolé d’autres types de congés. Si l’évolution est positive, cette dernière pratique souligne le caractère toujours insuffisant du congé de paternité qui reste une « parenthèse dans la répartition du travail domestique »99. Dès le retour des pères au travail, qui intervient la plupart du temps avant celui des mères, les inégalités se creusent à nouveau. L’alignement du congé de paternité sur le congé de maternité post-natal, tel que mis en place par la Ville de Lyon pour ses agents, peut sans aucun doute contribuer à pérenniser l’équilibre qui se crée lorsque les deux parents sont en congés. Encore faudrait-il s’assurer que les pères prennent effectivement leur congé. Pour que la symétrie soit totale, aligner la durée ne suffit donc pas ; il conviendrait également de rendre le congé obligatoire, à l’instar des six premières semaines du congé de maternité post-natal100. C’est le cas en Espagne depuis le 1er janvier 2021 : chaque parent bénéficie d’un congé de 16 semaines, dont 6 semaines obligatoires à partir de la naissance, indemnisé de surcroît à 100%. Calquer le congé de paternité sur le congé de maternité post-natal participerait en outre à la réduction des discriminations subies par les salariées, à l’embauche et dans l’évolution de leurs carrières en limitant la perception des femmes comme des travailleuses « à risque ».
Cela est déjà le sens de la protection contre le licenciement prévue à l’article L. 1225-4 du Code du travail au profit des salariées enceintes et ayant accouché, qui a été étendue aux salariés par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, moyennant quelques variations. L’article L. 1225-4-1, créé par cette loi, prévoit en effet que le contrat de travail d’un salarié ne peut être rompu pendant une période « suivant la naissance de son enfant », d’une durée initialement fixée à 4 semaines, puis allongée à 10 semaines par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail ». La durée de la protection est identique pour les salariées mais le point de départ du délai diffère puisque, pour celles-ci, les 10 semaines courent non pas à partir de la naissance de l’enfant mais, plus tardivement, à partir de l’expiration du congé de maternité, ou des congés payés pris immédiatement après ledit congé le cas échéant. Que ce soit pour la mère ou le père (ou la mère qui n’a pas accouché de l’enfant), la protection contre le licenciement dans cette période n’est toutefois pas absolue, l’employeur pouvant rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé·e ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement pour l’une, à « l’arrivée de l’enfant »101 pour l’autre. En outre, la Cour de cassation a jugé que l’article L. 1225-4-1 ne s’opposait pas à l’engagement d’une procédure de licenciement, via des actes préparatoires tels que la convocation à un entretien préalable au licenciement. Ici, la situation du jeune père diffère, selon la Chambre sociale, de celle de la mère couverte par l’article L. 1225-4 mettant en œuvre la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, et plus précisément l’article 10 relatif à l’interdiction du licenciement102. Au terme de cette directive, les salariées ayant accouché sont protégées contre le licenciement et, par extension, selon la Cour de justice103, contre les mesures préparatoires à une telle décision. Pour la Cour de cassation, le texte européen concernant uniquement les femmes ayant porté et mis au monde l’enfant, il ne s’applique pas aux pères qui ne sont dès lors pas protégés contre les mesures préparatoires à un licenciement. Hormis ces différences, non négligeables et largement fondées sur une conception biologique des protections accordées à la mère104, la protection contre le licenciement au profit de l’autre parent tend à être équivalente. C’est ce qui ressort d’un arrêt la Cour de cassation rendu le 27 septembre 2023105 à propos de la notion d'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la naissance de l'enfant, au terme duquel la Cour transpose sa jurisprudence rendue à propos de l’article L. 1225-4 concernant les jeunes mères106. En l’espèce, un salarié, engagé en juillet 2016 en qualité de responsable commercial, a été licencié le 24 janvier 2018, soit 14 jours après la naissance de son enfant. Devant les juges, l’employeur a fait état de manquements professionnels objectifs incompatibles avec ses fonctions de responsable commercial et rendant, selon lui, impossible le maintien du contrat de travail. Son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui considère que la cour d’appel, ayant relevé que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne caractérisaient pas une telle impossibilité de maintenir le contrat de travail, a légalement justifié sa décision. Le licenciement est donc frappé de nullité, en vertu de l’article L. 1225-70 du Code du travail, le salarié pouvant ainsi notamment prétendre à sa réintégration.
Le retour au travail n’est cependant pas toujours souhaité par les parents d’enfants en bas âge. C’est en ce sens qu’a été créé le « congé parental d’éducation » (dit « congé parental ») par une loi n° 77-766 du 12 juillet 1977. Dans un second temps, en 1985107, le congé parental a été assorti d’une rémunération par le biais du versement d’une allocation servie par la caisse d’allocations familiales, aujourd’hui la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PrePare). Depuis lors, le congé parental présente deux écueils : il est, d’une part, faiblement indemnisé (actuellement, un peu moins de 450 € en cas d’interruption complète de l’activité) et, il est, d’autre part, pris dans la très grande majorité des cas par la mère qui réduit ou suspend alors son activité professionnelle. Le choix ainsi opéré au sein du couple est guidé à la fois par des considérations financières – la volonté de conserver la rémunération la plus élevée qui est le plus souvent celle du père – et intimes – le désir des mères de continuer à être au plus près de leur enfant, dans la continuité du congé de maternité. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a entendu encourager les pères à davantage recourir au congé parental, l’objectif étant que 25% d’entre eux le prennent. En ce sens, la loi a modifié la durée et la répartition du droit à l’allocation entre les parents : pour un premier enfant, la durée maximale de versement a été étendue, passant de 6 mois à partager entre les deux parents à 6 mois pour chaque parent ; à partir du deuxième enfant, la réforme a réduit la période d'indemnisation pour un même parent à deux ans maximum au lieu de trois antérieurement, obligeant l'autre parent (les pères étaient visés) à prendre une partie du congé pour couvrir la période allant jusqu'aux trois ans de l'enfant. La réforme n’a rien amélioré, au contraire. Actuellement, moins d’1% des pères recourent au congé parental indemnisé à taux plein (c’est-à-dire, pour compenser un arrêt total de l’activité professionnelle), contre près de 14% chez les mères108, pour qui le congé est devenu (encore) moins favorable. La tendance globale est donc à une diminution du recours au congé parental. C’est dans ce contexte qu’Aurore Bergé, nouvellement nommée ministre des Solidarités à l’été 2023, a, dans un premier temps, indiqué réfléchir à réduire la durée du congé parental tout en améliorant son indemnisation109. La mesure n'ayant pas été bien accueillie, elle a annoncé, par voie de presse, en novembre 2023, la création en 2025 d’un « congé familial » mieux rémunéré qui pourrait coexister avec le congé parental110. Devenue ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations à la suite du remaniement ministériel intervenu en début d’année 2024, Mme Bergé a confirmé la création d’un « congé de naissance », au lendemain de l’annonce faite par le président de la République lors de la conférence de presse du 16 janvier 2024 sur les priorités du nouveau gouvernement, au rang desquelles figure le « réarmement démographique ». Ce nouveau congé remplacerait le congé parental ; les parents pourraient s’arrêter, totalement ou partiellement, simultanément ou successivement pour une durée plus courte – 6 mois – mais avec une indemnisation plus élevée, non encore définie pour le moment, dans l’attente de la position des interlocuteurs sociaux invités à se concerter sur le sujet. Les incertitudes sont donc encore nombreuses. Par ailleurs, la durée de 6 mois envisagée pour le « congé de naissance » rappelle en creux l’inexistence, à ce jour, d’un véritable service public de la petite enfance111 : quelles solutions de garde s’offriront aux parents à l’issue de ce nouveau congé mieux rémunéré mais plus court ?
Enfin, toujours dans le sens d’un alignement mais cette fois de la situation des mères par rapport à celle des pères, la durée d’affiliation requise pour ouvrir droit aux indemnités journalières de l’assurance maternité a été réduite de 10 à 6 mois par un décret du 17 août 2023112, soit la même durée que celle applicable pour le congé de paternité. Sont notamment concerné·es les salarié·es, les exploitant·es agricoles, les indépendant·es et les artistes-auteur·es. Cette mesure s’inscrit dans le contexte de la transposition de la directive 2019/1158 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents qui, en matière de congé de paternité, prévoit en son article 8-2 que les « États membres peuvent subordonner le droit à une rémunération ou allocation à des périodes d'emploi antérieures ne dépassant pas six mois immédiatement avant la date prévue de la naissance de l'enfant ». Il aurait été incohérent de maintenir une durée d’affiliation plus longue pour le congé de maternité, d’autant que, d’après une étude de la Drees113, les pères, plus présents sur le marché du travail, sont davantage éligibles au congé de paternité que les mères au congé de maternité. En 2021, parmi les parents d’un enfant de moins de 3 ans, 94% des pères étaient éligibles au congé de paternité à la naissance de leur plus jeune enfant contre 82% des mères.
Tandis que différentes municipalités et région, ainsi que quelques entreprises114, expérimentent115, voire ont acté la mise en place116 d’un congé menstruel pour leurs agentes et salariées, consistant en général en une autorisation spéciale d’absence de 2 jours par mois, une proposition de loi117 visant à instaurer un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes a été déposée en juin 2023 par le groupe écologiste - NUPES et rejetée en Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale le 27 mars 2024. Ayant pour ambition de briser le tabou des règles douloureuses et de leur incidence sur la condition des salariées et des agentes de la fonction publique, les député·es proposaient de mettre en place un dispositif permettant aux personnes menstruées, reconnues par un·e professionnel·le de santé comme souffrant de règles incapacitantes, de se voir délivrer un arrêt de travail, une fois renouvelable, leur permettant de s’absenter jusqu’à 13 jours dans l’année avec prise en charge à 100% par la sécurité sociale, sans délai de carence. La mesure était au cœur de la proposition tout en se présentant comme un dernier recours, dans l’hypothèse où des adaptations du poste de travail – par exemple, via le télétravail – seraient insuffisantes. Quelques semaines plus tôt, une proposition de loi similaire des élu·es socialistes118 avait connu le même sort au Sénat119. Ces différentes initiatives donnent à voir deux options. D’un côté, on trouve des dispositifs consistant à octroyer des jours de congés supplémentaires aux femmes, rémunérés le cas échéant par leurs employeurs publics ou privés. Ce type de congé existe déjà au Japon120, en Corée du Sud, en Indonésie ou encore en Zambie. De l’autre, il s’agit d’un nouveau type d’arrêt de travail médicalement justifié et pris en charge par la collectivité, via l’assurance maladie. Depuis février 2023, l’Espagne – de nouveau pionnière – a mis en place un tel régime121. Si aucune des options ne fait l’unanimité, la seconde suscite davantage de réticences. Les arguments avancés sont de divers ordres. Certain·es, à droite de l’échiquier politique, craignent notamment un effet d’aubaine coûteux pour les finances sociales, à l’heure où le Gouvernement pourrait au contraire envisager un allongement du délai de carence en matière d’arrêts maladie122. D’autres, dont des militantes féministes123, mettent en avant le risque qu’un dispositif spécifique aux femmes de cet ordre soit la source de nouvelles discriminations dans le monde du travail.
En matière de congés, les initiatives en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ne manquent donc pas, et les marges de progression sont encore réelles. L. I.
Lola Isidro, Maîtresse de conférences, Université Paris Nanterre, Institut de Recherche Juridique sur l’Entreprise et les Relations professionnelles (IRERP) ;
Estelle Lilliu, Doctorante, Université Paris Nanterre, Institut de Recherche Juridique sur l’Entreprise et les Relations professionnelles (IRERP) ;
Alexis Zarca, Professeur à l’université d’Orléans, Centre de Recherche Juridique Pothier (CRJP).
On ne peut que remarquer l’accumulation des textes législatifs sur le sujet au cours de ces dernières années. On peut notamment citer les lois du 16 novembre 2001 (n° 2001-1066), du 23 mars 2006 (n° 2006-340), du 9 novembre 2010 (n° 2010-1330), du 4 août 2014 (n° 2014-873) ou encore du 5 septembre 2018 (n° 2018-771).↩︎
Directive (UE) 2023/970 visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'application du droit.↩︎
Konstantina Chatzilaou, « Directive (UE) 2023/970 sur la transparence des rémunérations entre hommes et femmes : de nouveaux outils pour lutter contre les inégalités salariales », Droit ouvrier, 2023, n° 904, p. 631-638 ; Laura Carlson, « Access to Justice and a resilient institutional structure under the EU Pay Transparency Directive », RDT, 2024, n° 2, p. 134-138 ; Laura Grouberman, « Faire de la transparence des rémunérations un atout », RF Social, 2024, n° 249, p. 9 ; Nicolas Moizard, « Les logiques de la directive (UE) 2023/970 visant à renforcer l’application du principe d’égalité des rémunérations entre les sexes », Dr. soc., 2023, p. 877 et suiv.↩︎
Le genre peut être décrit comme « le système qui produit une bipartition hiérarchisée entre hommes et les femmes, et les sexes renvoient aux groupes et catégories produites et organisées par ce système » (Stéphanie Hennette-Vauchez, Marc Pichard, Diane Roman dir., Genre et droit. Ressources pédagogiques, Dalloz, Coll. « Méthodes du droit », 2016, p. 5-6).↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, chap. 2.↩︎
La directive retient une notion large du travailleur, englobant notamment les apprenti·es et les stagiaires, à la différence des règles françaises relatives à l’index égalité femmes-hommes (C. trav., annexe 1, sous D. 1142-2).↩︎
Les entreprises de moins de 50 salarié·es peuvent être exempté·es de fournir ce troisième critère par les États-membres (art. 6, §2).↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, art. 4, §4.↩︎
Art. 7.↩︎
Ibidem.↩︎
Art. 9, §7.↩︎
Art. 9.↩︎
Art. 9, §1, c.↩︎
Art. 9, §1, g.↩︎
Art. 9, §1, f.↩︎
Cons., al. 21.↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, art. 10.↩︎
Art. 10, §2.↩︎
Art. 10.↩︎
Art. 10, §2, a.↩︎
« La ségrégation professionnelle peut être définie comme une situation où les travailleurs sont assignés, de droit ou de fait, à des professions différentes en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques, comme leur sexe ou leur origine ethnique » (Karine Briard, « Ségrégation professionnelle entre les femmes et les hommes : quels liens avec le temps partiel ? », Dares, 2019, p. 5).↩︎
C. trav., art. D. 1142-2.↩︎
« Les structures de rémunération sont de nature à permettre d’évaluer si des travailleurs se trouvent dans une situation comparable au regard de la valeur du travail, en fonction de critères objectifs non sexistes convenus avec les représentants des travailleurs, lorsqu’il en existe. Ces critères […] comprennent les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail, ainsi que, s’il y a lieu, tout autre facteur pertinent pour l’emploi ou le poste concerné » (Dir. UE, n° 2023/970, art. 10, §4).↩︎
« Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse » (C. trav., art. L. 3221-4).↩︎
Cass. soc., 6 juillet 2010, n° 09-40.021.↩︎
A propos de cet arrêt voir notamment Sandrine Zientara-Logeay, « L’égalité de rémunération entre hommes et femmes : une avancée significative », Dr. soc., 2010, p. 1076.↩︎
Loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dite « loi Roudy ».↩︎
En réalité, on pourrait remonter un peu plus loin pour dater l’introduction d’un système de transparence salariale en France car, dès 1977, les entreprises de plus de 300 salarié·es étaient dans l’obligation de produire un bilan social au sein duquel figuraient notamment les informations relatives aux salaires (Loi n° 77-769 du 12 juillet 1977 relative au bilan social de l’entreprise).↩︎
C. trav., art. L. 2312-36, §5.↩︎
C. trav., art. L. 2312-36, al. 2.↩︎
Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.↩︎
Les cinq indicateurs de l’index sont les suivants : « L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents » ; « L'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes » ; « L'écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes » ; « Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris » ; « Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations » (C. trav., art. D. 1142-2).↩︎
S’agissant de l’indicateur relatif à l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, le nombre total de points pouvant être obtenu est de 40. Si, par exemple, l’entreprise affiche un écart de rémunération entre hommes et femmes supérieur à 7% et inférieur ou égal à 8%, l’entreprise obtient 31 points.↩︎
Voir C. trav., art. L. 1142-7 et suiv. ; C. trav., art. D. 1142-2 et suiv.↩︎
Loi n° 2023-663 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.↩︎
Haut Conseil à l’Egalite entre les femmes et les hommes, Salaires : 5 ans après l’index, toujours pas d’égalité. Des propositions pour améliorer l’outil, Rapport n° 2024-03-07-EGAPRO-62, 7 mars 2024.↩︎
C. trav., annexe 1, sous D.1142-2.↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, art. 3, §1, h.↩︎
Dir UE, n° 2023/970, considérant n° 26.↩︎
Clotilde Coron, Emmanuelle Boussard-Verrecchia, Katell Berthou, Dominique Meurs, « Quelle efficacité attendre des indicateurs pour mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes », RDT, 2019, p. 147.↩︎
Pour en apprendre davantage, il faut s’en remettre au Code du travail (C. trav., annexe 1 à 3, sous D.1142-2).↩︎
Nicolas Moizard, « Les logiques de la directive (UE) 2023/970 visant à renforcer l’application du principe d’égalité des rémunérations entre les sexes », op. cit..↩︎
Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, op. cit., p. 87.↩︎
La rémunération à prendre en compte pour le calcul des indicateurs est celle prévue à l’article L. 3221-3 du Code du travail. Mais ne sont pas pris en compte au titre de la rémunération « les indemnités de licenciement et de départ à la retraite, les primes liées à une sujétion particulière qui ne concerne pas la personne du salarié, les primes d’ancienneté, les heures supplémentaires, les heures complémentaires, ainsi que les versements effectués au titre de l’intéressement et de la participation » (C. trav., annexe 1 et II, pt. 2, sous D. 1142-2).↩︎
Préambule, cons., al. 21.↩︎
Voir par exemple Cass. soc. 25 oct. 2007, no 05-45.710.↩︎
Emmanuelle Boussard-Verrecchia qualifie les indicateurs de l’index d’« écran de fumée » (Clotilde Coron, Emmanuelle Boussard-Verrecchia, Katell Berthou, Dominique Meurs, « Quelle efficacité attendre des indicateurs pour mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes », op. cit.).↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, art. 20, §2.↩︎
Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492.↩︎
Ibid., point 5.↩︎
Ibid., point 7.↩︎
Dir. UE, n° 2023/970, art. 6, §1.↩︎
Sénat, Rapport d’information n° 723 de la Délégation aux droits des femmes, Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet, remis par Mmes Martine Filleul et Dominique Vérien, 21 juin 2022.↩︎
Ibidem.↩︎
La liste des catégories d’emplois concernés figure à l’article L. 132-5 du Code général de la fonction publique (ci-après CGFP). La loi du 12 mars 2012 avait prévu un calendrier d’application échelonné : la proportion de nominations équilibrées, initialement de 20% (en 2013 et 2014), puis de 30% (en 2015 et 2016), devait atteindre 40% à partir de 2017.↩︎
Alexis Zarca, « Emploi public : égalité versus mérite », AJFP, 2014, p. 129. En l’occurrence, ces exigences (article 6 DDHC, clause de sauvegarde – comparaison interpersonnelle des situations individuelles) n’obèrent probablement pas par elles-mêmes la validité du dispositif mais pourraient bien supposer une explicitation de ses conditions de mise en œuvre pour garantir cette validité (on imagine aisément ici la formulation d’une réserve d’interprétation).↩︎
Olivia Bui-Xuan, « L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique : une révolution manquée ? », AJDA, 2012, p. 1100.↩︎
Dans la fonction publique de l’État, les femmes n’occupent ainsi que 27% des emplois supérieurs et de direction au ministère de l’économie et des finances ; dans la fonction publique territoriale, elles occupent 41% des postes de directeur adjoint des services (DGAS) mais seulement 20% de ceux de directeur des services (DGS) ; dans la fonction publique hospitalière, structurellement très féminine (et où elles occupent 42% des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant, 53% des postes de direction d’établissements sociaux et médico-sociaux et 74% des postes de direction de soins), elles sont beaucoup moins nombreuses dans les postes considérés comme les plus prestigieux (elles n’occupent que 39% des postes de directeur de CHU et 27% des emplois fonctionnels de directeur d’hôpital).↩︎
Où, en 2020, 43% de nominations de femmes masquaient 33% d’occupation des emplois (le rapport était de 42%/35% dans la territoriale et de 55%/42% dans l’hospitalière).↩︎
CGFP, art. L. 132-5, dernier alinéa.↩︎
Plus précisément sont concernés les emplois mentionnés à l’article L. 132-5 (1° à 6°).↩︎
CGFP, art. L. 132-9-1.↩︎
Prévue à l’art. L. 132-8 du CGFP.↩︎
Article 7-II de la loi du 19 juillet 2023. Précisément les employeurs concernés sont astreints à une progression de trois points à compter de la publication de la loi jusqu’au 1er janvier 2027 (on saura gré aux parlementaires d’avoir ainsi retenu cette date puisque l’amendement avait initialement retenu le 1er janvier 2029) puis, à compter de cette date, d’une nouvelle obligation de progression de trois points tous les trois ans jusqu’à atteindre le quota de 40% (sans du reste que cette obligation de progression soit clairement assortie de sanction). Par exemple, un employeur dont les emplois concernés ne seraient occupés en moyenne que par 28% de femmes ne devra atteindre le quota de 40% qu’en… 2036.↩︎
CGFP, art. L. 132-9-2. Le décret n° 2023-1381 du 28 décembre 2023 n’a pas précisé ce montant, dont on peut toutefois imaginer qu’il soit aligné sur celui prévu en cas de méconnaissance de la même obligation d’information en termes, non d’emplois occupés, mais de nominations (infra).↩︎
CGFP, art. L. 132-5 : « les nominations dans les emplois mentionnés ci-après doivent concerner au titre de chaque année civile 50% de personnes de chaque sexe ».↩︎
À savoir une contribution d’un montant égal au nombre de personnes manquantes au titre de l’année écoulée, multiplié par un montant unitaire (CGFP, art. L. 132-8) qui a été fixé à 90 000 euros, excepté pour les communes et EPCI de 40 000 à 80 000 habitants pour lesquels ce montant unitaire est de 50 000 euros (décret n° 2012-601 du 30 avril 2012, art. 3).↩︎
Les emplois, types d’emploi et types de fonctions sont listés en annexe du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012, tel que modifié par le décret n° 2023-1381 du 28 décembre 2023.↩︎
Article 2-II et III de la loi du 19 juillet 2023.↩︎
Article 2-II (ici aussi, aucune sanction spécifique n’est explicitement prévue en cas de manquement à l’obligation de progression). Ainsi l’employeur qui aurait primo-nommé 38% de femmes sur la période 2020-2022 ne sera contraint par le taux de 50% qu’en 2035.↩︎
CGFP, art. L. 132-6-1.↩︎
CGFP, art. L. 132-6-2.↩︎
Art. 4-1 du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012, tel que modifié par le décret n° 2023-1381 du 28 décembre 2023.↩︎
Et par construction des emplois soumis au quota de 40% sur le stock, puisque le champ des emplois concernés par les deux dispositifs (50% sur le flux / 40% sur le stock) est le même (CGFP, art. L. 132-5 et L. 132-9-1).↩︎
CGFP, art. L. 132-5-6°.↩︎
Code de la santé publique, art. D. 6146-1-A (décret n° 2023-1381 du 28 décembre 2023, art. 8).↩︎
Article 2-IV de la loi du 19 juillet 2023.↩︎
CJA, art. L. 133-2 et L. 234-5 ; CJF, art. L. 121-1 et L. 212-2.↩︎
Le lien étant toutefois évident puisque l’accès aux emplois supérieurs et de direction dans la fonction publique signifie un accès aux rémunérations les plus élevées.↩︎
Précisément État, régions, départements, communes et EPCI de plus de 40 000 habitants, CNFPT, établissements publics.↩︎
CGFP, art. L. 132-9-3.↩︎
CGFP, art. L. 132-9-4.↩︎
Article 6 du décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023.↩︎
Lesquels sont définis à l’article 1er du décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 (écart global de rémunération entre femmes et hommes à corps, grade et échelon équivalents pour les fonctionnaires et à catégorie hiérarchique équivalente pour les contractuels ; écart de taux de promotion de corps et de grade ; nombre d’agents publics du sexe sous-représenté parmi les dix agents publics ayant perçu les plus hautes rémunérations).↩︎
V. décret n° 2023-1137 du 5 décembre 2023 relatif aux modalités de calculs des indicateurs définis à l’article 1er du décret n° 2023-1136.↩︎
CGFP, art. L. 132-9-5.↩︎
CGFP, art. L. 231-2.↩︎
Art. 1er, II-5°-f du décret n° 2020-1493 du 30 novembre 2020.↩︎
Avec un champ d’application plus large puisqu’intégrant les communes et EPCI de plus de 20 000 habitants (CGFP, art. L. 132-1).↩︎
CGFP, art. L. 132-2.↩︎
CGFP, art. L. 132-3.↩︎
Sont désormais concernées par cette obligation (créée par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022) les collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants, et non plus celles et ceux de plus de 80 000 habitants (CGFP, art. L. 716-1).↩︎
Haut Conseil à l’Egalite entre les femmes et les hommes, Salaires : 5 ans après l’index, toujours pas d’égalité. Des propositions pour améliorer l’outil, Rapport n° 2024-03-07-EGAPRO-62, 7 mars 2024.↩︎
C. trav., art. L. 1225-35.↩︎
V. le site officiel de la Ville de Lyon : https://www.lyon.fr/actualite/egalite-femme-homme/lyon-devient-la-premiere-ville-en-france-proposer-un-conge-paternite↩︎
Ibidem.↩︎
Ludovic Viévard (coord.), Pierre Grosdemouge, Dann Mettidji, Alice Quérel, Réforme du congé de paternité : modalités de recours, vécus, effets sur les inégalités femmes-hommes et la construction de la paternité, Rapport d’enquête FRV100 pour la Drees, juin 2023. Dans le cadre de cette enquête, 54 pères ont été interrogés.↩︎
Ibid., p. 6.↩︎
Il est interdit d’employer une salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement (C. trav., art. L. 1225-29, al. 2).↩︎
C. trav., art. L. 1225-4-1, al. 2.↩︎
Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.036, Dr. soc., 2020, p. 929, obs. Anne-Marie Grivel ; SSL, 22 déc. 2020, obs. Hélène Nasom-Tissandier ; RDT, 2020, p. 672, obs. Luc de Montvalon.↩︎
CJCE, 11 octobre 2007, Paquay, aff. 460/06.↩︎
Delphine Gardes, « La protection de la paternité et le droit du travail : un retard encore important », Dr. soc., 2022, p. 402.↩︎
Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 21-22.937, Bull. ; JSL, n° 573, 7 novembre 2023, obs. Jean-Philippe Lhernould ; JCP EA, n° 47, 23 novembre 2023, 1340, obs. Cécile Terrenoire.↩︎
V. par ex. Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-15.333.↩︎
Loi n° 85-17 du 4 janvier 1985 relatives aux mesures en faveur des jeunes familles et des familles nombreuses.↩︎
Hélène Périvier, Grégory Vergudo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », OFCE Policy brief, 88, 6 avril 2021.↩︎
Cyril Petit, « Prestations sociales, congé parental, grand âge… La ministre Aurore Bergé dévoile ses projets », Ouest France, 25 juillet 2023.↩︎
« Aurore Bergé annonce la création d’un congé familial en 2025, qu’elle promet ‘mieux rémunéré’ que le congé parental », Le Monde, 8 novembre 2023.↩︎
Martine Long, Le service public de la petite enfance, Berger-Levrault, 2023. L’article 17 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a créé un nouvel article dans le Code de l’action sociale et des familles (L. 214-1-3) précisant que les communes sont les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.↩︎
Décret n° 2023-790 ; CSS, art. R. 313-3.↩︎
Hélène Guedj, Marie-Clémence Le Pape (Drees), « Premiers jours de l’enfant : un temps de plus en plus sanctuarisé par les pères via le congé de paternité », Etudes et Résultats, n° 1275, juillet 2023.↩︎
Notamment L’Oréal et Carrefour (uniquement au profit des salariées ayant une reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée (RQTH)).↩︎
Paris, Tours pour les municipalités ; Nouvelle-Aquitaine au niveau régional.↩︎
Arras, Bagnolet, Grenoble, Guyancourt, Lyon, Saint-Ouen, Strasbourg, Villeneuve-Tolosane.↩︎
Proposition de loi n° 1386 portant diverses mesures relatives à la reconnaissance de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail.↩︎
Proposition de loi n° 537 visant à améliorer et à garantir la santé et le bien-être des femmes au travail.↩︎
Rose Amélie Becel, « Congé menstruel : le Sénat rejette la proposition de loi des socialistes », Public Sénat, 15 février 2024.↩︎
Miu Shibuta, « Nécessaire, mais peu utile ? Les raisons de l’échec du congé menstruel au Japon », RDT, 2024, controverse p. 9.↩︎
Adoración Guaman, « Vers un droit féministe du travail ? Regards espagnols sur l’incapacité temporaire due à la menstruation invalidante », RDT, 2024, p. 30.↩︎
Fanny Guinochet, « Accidents et arrêts de travail : les pistes du gouvernement », La Tribune, 31 mars 2024.↩︎
Violaine De Filipis, « Le congé menstruel : une fausse bonne idée », RDT, 2024, controverse p. 9.↩︎