Lisa Carayon
Stéphanie Hennette Vauchez
Marc Pichard
Il serait loisible à l’équipe d’Intersections de consacrer ce premier éditorial à une justification théorique de l’apport des analyses de genre dans l’étude du droit. Nous partons toutefois de l’idée que cette preuve n’est plus à faire. La création de cette nouvelle revue, qui était en germe depuis plusieurs années, a notamment reçu comme un encouragement final l’engouement suscité par l’appel à communications organisé en vue du colloque célébrant les dix ans du programme de recherche REGINE (Recherches et Études sur le Genre et les Inégalités dans les Normes en Europe), organisé en novembre 2023 à l’Université Paris Nanterre. Le grand nombre des réponses reçues, mais aussi leur qualité, de même que la variété des thèmes proposés et l’originalité des perspectives ouvertes, nous ont convaincu·es que, ici comme ailleurs, les forces sont présentes. Puisse ce numéro inaugural fonctionner comme un appel à contributions permanent ; et merci d’avance à toustes les chercheur·ses qui, nous soumettant des textes et partageant leurs recherches, nous permettront de faire vivre Intersections.
Le droit, comme levier principal de l’action politique, est au cœur de la structuration actuelle du système de genre ; à ce titre, il peut opérer en tous sens : il peut le conforter, le déstabiliser, le renverser. Qu’on en juge au regard des récentes annonces du Président de la République quant aux normes qui encadrent l’exercice de la parentalité.
La difficulté à concilier vie professionnelle et responsabilité parentale après une séparation affecte principalement les mères, notamment sur le plan économique. Alors que la résidence habituelle des enfants issus de couples de personnes de sexes différents est encore très majoritairement fixée chez les mères1, cette charge impacte significativement leur carrière comme leurs ressources. Notamment lorsque la famille comprend un enfant de moins de trois ans, les mères de familles monoparentales sont significativement moins actives que celles vivant dans une famille « traditionnelle »2 : « Globalement, en 2020, seulement la moitié des mères de famille monoparentale d’un enfant de moins de 3 ans ont un emploi, et moins de trois sur dix quand elles ont plusieurs enfants […]. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pour ces mères de jeunes enfants prendrait plus souvent la forme d’un retrait, au moins provisoire, de l’emploi, pour assurer elles-mêmes la garde de leurs enfants. Cette dernière représente en effet un frein important à l’insertion professionnelle des mères de famille monoparentale, qui est d’autant plus fort que les enfants sont jeunes »3. C’est dire l’enjeu qu’il y a à penser les conditions juridiques d’une coparentalité réelle en cas de séparation.
Dans un long entretien accordé à l’hebdomadaire Elle, le Président de la République Emmanuel Macron appelle de ses vœux une réforme des modalités d’exercice de l’autorité parentale semblant aller dans ce sens. Il y déclare notamment : « Je suis pour que l’on ouvre ce débat de la parentalité et notamment du rôle des pères […]. Il doit y avoir non plus seulement un droit mais un devoir de visite, un devoir de suivi, d’éducation, de poursuite du projet parental au-delà du couple »4. Ce faisant, le Président de la République paraît vouloir consacrer un changement de paradigme que suggérait déjà Le Collectif Onze en 2013, dans un ouvrage majeur analysant la justice familiale en France au prisme du genre5. Toutefois, outre qu’elle s’inscrit dans un mouvement général de promotion des devoirs (et de silence sur les droits), la proposition présidentielle suscite des interrogations.
En premier lieu, elle interroge par son objet. Le « devoir » principal qu’il s’agirait ici de consacrer pour les pères serait, lit-on, un « devoir de visite »6. On suppose qu’il s’agirait plus précisément d’un devoir de visite et d’hébergement, supposant d’accueillir chez soi son enfant, et non pas de le rencontrer au domicile de sa mère ou dans un tiers lieu. Mais un simple devoir d’accueil ponctuel de l’enfant paraît bien insuffisant au regard de l’ambition affichée. Recevoir son enfant chez soi un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires est sans commune mesure avec le fait de véritablement prendre en charge sa résidence habituelle, même à titre partagé, dans le cadre d’une résidence alternée : un tel « devoir de visite » ne réduirait qu’à la marge la charge de l’enfant pour la mère.
En second lieu, les bénéfices attendus suscitent, eux aussi, la perplexité. Après avoir annoncé la nécessité d’ouvrir un débat sur la parentalité, et juste avant d’avancer la création d’un devoir de visite, le Président de la République précise en effet : « [Le rôle des pères] est au cœur de la crise que nous vivons. 90 % des jeunes émeutiers de juillet dernier étaient issus soit de l’aide sociale à l’enfance, soit de familles monoparentales ». En d’autres termes, il conviendrait que les liens des enfants avec les pères soient resserrés pour lutter contre la délinquance des mineurs. Se donnent ici à voir deux antiennes : celle de la nécessité de la présence du père comme figure d’autorité, peut-être tout particulièrement pour certains jeunes issus des quartiers populaires, en manque d’autorité paternelle ; celle de l’inaptitude des mères – maternantes et donc laxistes - à exercer une telle autorité7.
Le rapprochement de l’objet et des objectifs de la proposition conduit dès lors à dessiner la figure d’un père seul apte à incarner l’autorité (on relèvera en ce sens que les mères non-cohabitantes, qu’elles aient eu un enfant avec un homme ou avec une femme, ne semblent pas concernées par la proposition …), et apte à le faire même en exerçant un simple droit de visite. Loin de remettre en cause la division sexuée du travail parental, la proposition, ainsi isolée, ne fait donc que conforter les stéréotypes de genre.
Pourtant, le Président de la République poursuivrait l’ambition de remettre en cause cette division genrée du travail. Interrogé sur le projet de création d’un nouveau « congé de naissance », qui viendrait remplacer le congé parental et serait « plus court et mieux rémunéré »8, M. Macron souligne : « Culturellement, le développement de l’enfant repose sur la mère. Cela crée de l’inégalité professionnelle » ; et, à propos du projet de nouveau congé, il précise : « Cela va responsabiliser les pères et permettre plus d’égalité entre les parents dès la naissance »9. Mais s’il s’agit vraiment de porter le projet d’une égalité réelle entre les parents, alors que, en même temps, le Président préconise un « réarmement démographique » du pays10, ni un nouveau congé11 ni un devoir de visite n’y suffiront.
Pour atteindre l’objectif d’égalité entre père et mère, il faudrait plutôt prendre à la racine les difficultés rencontrées par les mères de familles monoparentales. Ces femmes sont significativement moins diplômées que les femmes vivant dans une famille « traditionnelle » (45 % d’entre elles ont un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat contre 29 %)12. Elles sont également, et peut-être par conséquent, tout particulièrement exposées aux métiers à horaires décalés13, qui rendent encore plus difficile la mise en place de solutions de garde à un coût accessible ou l’accompagnement de leurs enfants14, dont les résultats scolaires sont par ailleurs en moyenne plus faibles que ceux des familles « traditionnelles »15. Il y a, dans la monoparentalité subie16, une véritable « trappe à pauvreté ». En d’autres termes, le verrou qui empêche une véritable égalité des investissements parentaux n’est pas que « culturel » mais aussi économique – d’où l’importance d’une approche intersectionnelle.
À cette aune, on peut rester perplexe à la lecture de l’article 2 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi qui crée un nouveau contrat d’engagement pour les demandeurs d’emplois. Régi par un nouvel article L. 5411-6-I du Code du travail, ledit contrat « définit […] un plan d’action, précisant les objectifs d’insertion sociale et professionnelle et, en fonction de la situation du demandeur d’emploi, le niveau d'intensité de l’accompagnement requis auquel correspond une durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi d’au moins quinze heures ». Or le texte dispose qu’« à leur demande, les personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées en raison de leur état de santé, de leur handicap, de leur invalidité ou de leur situation de parent isolé sans solution de garde pour un enfant de moins de douze ans [nous soulignons] peuvent disposer d’un plan d'action sans durée hebdomadaire d’activité ». Or, si cette obligation d’activité est vraiment conçue comme une opportunité de réinsertion, on peut s’interroger sur le fait que les parents isolés sans solution de garde – statistiquement, des mères – puissent en être exemptés17 – paradoxe qui révèle peut-être le véritable sens de cette nouvelle obligation : marquer que le devoir de travailler devrait être la contrepartie nécessaire d’un droit à la subsistance. Au-delà, le texte marque une forme de démission face à un fait indéniable : le manque de « solutions de garde » proposées aux familles, sur lequel il conviendrait d’agir si l’ambition poursuivie était véritablement l’égalité réelle entre les femmes et les hommes18.
Pour atteindre l’objectif d’égalité entre les parents, il faudrait aussi ouvrir une véritable réflexion sur le droit de l’autorité parentale qui, allant très au-delà du « devoir de visite » de l’un des deux parents, permettrait de dépasser la coparentalité « symbolique » pour aboutir à une coparentalité réelle19. Consacrer un « devoir de visite » ne ferait en effet sens qu’en inscrivant cette innovation dans une révolution profonde de la compréhension que l’on se fait de l’exercice de l’autorité parentale et, surtout, de la résidence habituelle de l’enfant, en la concevant comme une charge devant être également répartie – ce qui imposerait de faire de la résidence partagée le principe, qui ne pourrait être écarté que par exception.
On sait les arguments avancés contre cette proposition, le cas échéant fondés sur des analyses féministes.
Le premier est celui des violences intrafamiliales. Nul doute qu’un « devoir de visite » voire de résidence qui s’imposerait à toustes, ne soit pas admissible en présence d’un parent violent et même d’un conjoint violent – tant est désormais acquise l’incidence sur l’enfant lui-même des violences commises sur sa mère20. Mais, aussi répandues les violences intrafamiliales soient-elles – et tout difficile qu’il soit parfois de les faire reconnaître -, aussi important soit-il de construire un corpus de règles de nature à permettre la protection des victimes contre elles, elles ne doivent pas interdire de repenser le droit commun21.
Le deuxième est l’impossibilité matérielle. De fait, celle-ci est surtout invoquée par les pères : leurs obligations professionnelles ne leur permettraient pas de prendre en charge, au quotidien, un enfant. L’argument doit être balayé : admettre que les mères doivent continuer à sacrifier leur vie professionnelle après la séparation parce qu’elles l’ont sacrifiée pendant la vie commune, c’est entériner la pauvreté à long terme des femmes, et leur dépendance à l’égard du père de leur enfant, débiteur d’une pension alimentaire par essence provisoire et dont les enfants sont les créanciers22. Du reste, le fait que la résidence alternée implique en général une absence de pension alimentaire est souvent perçu comme rédhibitoire pour les mères sans ressources. Cette pratique judiciaire, qui semble avérée, n’a pourtant rien d’inéluctable et pourrait être revue en permettant plus facilement d’apporter la preuve d’une répartition effectivement inégale des dépenses (qui achète les vêtements, avance les frais médicaux, etc. ?) et en répartissant en amont les frais « fixes » de la vie de l’enfant (cantine, inscriptions aux activités périscolaires, etc.) en fonction des facultés respectives des parents. Au-delà, les obstacles matériels à la résidence alternée montrent à quel point la proposition de généralisation de celle-ci est intimement liée à la question de l’État social, notamment car le partage de la résidence d’un enfant nécessite que chacun des deux parents puissent bénéficier d’un logement adapté dans une zone géographique restreinte et soit à même d’y rechercher sereinement un emploi23.
Enfin, l’instauration d’un principe de résidence alternée est souvent envisagée comme la consécration d’une victoire masculiniste. Le risque est réel24 ; il peut toutefois être conjuré. Il peut l’être, d’une part, en tirant toutes les conséquences, notamment procédurales, de la conception de l’obtention de la résidence de l’enfant comme une charge . Alors que, en contexte contentieux, l’obtention de la résidence habituelle de l’enfant est souvent conçue comme une victoire d’un parent sur l’autre (le juge accueille bien, alors, une demande)25, le changement de paradigme devrait se traduire procéduralement par le fait qu’il faille plaider pour ne pas se la voir attribuer. Il peut l’être, d’autre part, en appelant au soutien d’un principe de résidence alternée non pas l’argument de la nécessité, pour la construction de l’enfant, de la présence des pères en tant qu’ils sont des hommes - auquel semble adhérer le Président de la République -, mais un argument résolument féministe : il n’est pas de raison que la très lourde charge quotidienne des enfants pèse en général sur les mères et elles seules.
En vérité, le plus grand obstacle à la résidence alternée comme principe réside dans le dépassement des arrangements privés qu’elle postule. Si la résidence habituelle est, en pratique, généralement fixée chez la mère, c’est avant tout parce que les parents en conviennent26 - que cet accord reste informel, notamment lorsque les parents n’étaient pas mariés, qu’il soit formalisé dans une convention de divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, donc en l’absence de tout contrôle du juge, ou qu’il soit consacré dans une décision de justice. Dans ces conditions, il faut admettre qu’une réforme profonde de l’autorité parentale suppose une part d’indifférence à l’expression des volontés individuelles27. Se donne ici à voir la difficulté à concilier politique d’égalité réelle remettant en cause les rôles sociaux de sexe et libéralisme politique. Pour autant, juridiquement, l’autorité parentale est censée être indisponible : outre qu’un tel statut justifierait une intervention systématique des juges en la matière, là où la priorité donnée à la réduction des coûts les en ont progressivement écarté·es, il pourrait expliquer que les modalités d’exercice de l’autorité parentale ne soient pas sensibles au seul argument de l’acquiescement individuel. En outre, si les ressorts du consentement des mères à la prise en charge de la résidence habituelle sont divers, celui-ci peut certainement être parfois motivé par la conviction qu’une résidence véritablement alternée serait synonyme de difficultés vécues quotidiennement par leurs enfants aux côtés de pères peu investis. Nul doute, toutefois, qu’une majorité d’entre eux apprendrait « en marchant » le rôle que la société ne leur a pas enseigné plus tôt. Pour qu’une génération commence l’éducation des garçons et des hommes à la parentalité, le droit serait légitime à faire un pas que les individus n’osent pas toujours faire…
Lisa Carayon, Maîtresse de conférences, Université Sorbonne Paris Nord, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) ;
Stéphanie Hennette-Vauchez, Professeure, Université Paris Nanterre, Centre de Recherches et d’Études sur les Droits Fondamentaux (CTAD - CREDOF) ;
Marc Pichard, Professeur, Université Paris Nanterre, Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique (CEDCACE).
« Parmi les quatre millions d’enfants mineurs dont les parents sont séparés, 11,5 % sont alternants en 2020 (10,6 % en 2018). Les autres enfants de parents séparés résident donc majoritairement ou exclusivement chez un seul de leurs parents, le plus souvent leur mère (86 %) » ; source : Insee Première, n° 1841, mars 2021.↩︎
La famille « traditionnelle » est une catégorie de la statistique : « Une famille composée d’un couple d’adultes et d’enfants est dite “traditionnelle” lorsque tous les enfants du logement sont ceux du couple » (ibidem).↩︎
Elisabeth Algava, Guillemette Buisson et Laurent Toulemon, « Les “familles monoparentales” : une catégorie statistique bien établie, assortie de nombreuses limites », in Marie-Clémence Le Pape et Clémence Helfter dir., Les familles monoparentales. Conditions de vie, vécu et action publique. Un état des savoirs, La documentation française, 2023, p. 27 et s., spéc. p. 41.↩︎
Elle, 8 mai 2024, « #MeToo, Depardieu, monoparentalité, congé de naissance : Macron nous répond ».↩︎
Le Collectif Onze, Au tribunal des couples. Enquête sur des affaires familiales, Odile Jacob, 2013, p. 189 : « Il faut […] souligner que le droit de visite et d’hébergement n’est pas un devoir ; bien que d’abord mis en place au nom des pères, il laisse donc toute liberté à ces derniers de l’exercer effectivement. Or cette liberté s’entend volontiers, dans les faits, comme une opportunité pour les pères d’arbitrer en faveur d’investissements non directement éducatifs (dans la carrière professionnelle, surtout), aux dépens donc du temps passé avec leurs enfants ». Pour une illustration de l’incidence de la conception de cette fonction comme un droit, v. Aurore Chaigneau, « Faut-il penser une réforme de l’autorité parentale à l’aune des violences conjugales ? », in Marc Pichard et Camille Viennot dir., Le traitement juridique et judiciaire des violences conjugales, Mare & Martin, 2016, p. 169 et s., p. 182. L’autrice relate les débats entourant un projet de réforme législative : alors que le parent chez qui l’enfant réside habituellement a l’obligation, pénalement sanctionnée, de le présenter à l’autre, ce dernier est-il réciproquement tenu d’une obligation d’honorer le rendez-vous et d’accueillir l’enfant à la période convenue ? « La chancellerie relevait une difficulté technique – discutable – tenant à la qualification du “droit de visite”, droit et non devoir ».↩︎
En vertu de l’article 371-1, alinéa 2, du Code civil, l’autorité parentale « appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Partant, en lui-même, le « devoir d’éducation » annoncé semble d’ores et déjà à la charge des parents, et notamment des pères.↩︎
Louise Protar et Marianne Modak, « Qui s’occupe des enfants ? La division sexuée et sociale du travail parental dans les familles monoparentales », in Les familles monoparentales, op. cit., p. 99 et s., p. 110 : « Les mères qui élèvent seules leurs enfants sont […] observées et jugées, les problèmes de comportement de leurs enfants étant systématiquement associés à leur soi-disant incapacité à faire preuve d’autorité et de responsabilité ».↩︎
Elle, entretien préc.↩︎
Ibid.↩︎
Sur cette expression, v. la réponse du Président de la République à la question posée par la journaliste de Elle qui relevait que « cette expression de “réarmement démographique” revient à assimiler le corps des femmes à une arme, et va à l’encontre de leur liberté, y compris celle de ne pas faire d’enfants. Quelle est la genèse de cette formulation ? » (ibid.) : « Je l’ai utilisée en filant la métaphore dans d’autres secteurs. C’est pour dire que la force d’une nation réside aussi dans sa capacité à générer une natalité dynamique. Mais la clé, c’est que l’on doit articuler l’objectif d’une nation avec les libertés individuelles et les choix de chacun. Toute femme doit disposer librement de son corps. Mais aujourd’hui, un chiffre m’interpelle : le taux de fécondité est de 1,8 et le taux de désir d’enfant s’établit à 2,3. Il y a donc de nombreux couples qui souhaitent devenir parents et ne réalisent pas ce souhait. Il ne faut pas culpabiliser celles qui ne veulent pas avoir d’enfants, mais il ne faut pas que la mauvaise organisation de notre société empêche des femmes, des familles d’en avoir si elles le souhaitent » (ibid.).↩︎
Sur celui-ci, v. infra « Actualités choisies – Travail, Argent, Économie (janvier 2023 – décembre 2023) ».↩︎
Elisabeth Algava, Guillemette Buisson et Laurent Toulemon, « Les “familles monoparentales” : une catégorie statistique bien établie, assortie de nombreuses limites », préc., spéc. p. 36. Adde, dans le même ouvrage, Alexandra Piesen, « Le quotidien des pères et des mères solos : des temporalités et des espaces à réaménager », p. 81 et s., p. 85 : « Ce sont les mères les plus dépourvues de ressources (notamment économiques et professionnelles) qui surinvestissent leur maternité en s’y consacrant pleinement, quitte à se mettre en retrait du marché de l’emploi ».↩︎
François-Xavier Devetter et Oriane Lanseman, « Le travail et l’emploi dans les familles monoparentales : politiques d’activation et pauvreté laborieuse », in Les familles monoparentales, op. cit., p. 59 et s., spéc. p. 71 et s.↩︎
Ibid., p. 73 : « Les mères seules ont plus de difficultés à trouver un mode de garde satisfaisant alors même qu’elles ont des besoins de garde plus longs que les couples en moyenne ».↩︎
Elisabeth Algava, Guillemette Buisson et Laurent Toulemon, « Les “familles monoparentales” : une catégorie statistique bien établie, assortie de nombreuses limites », préc., p. 39 et s.↩︎
Au sens où cette monoparentalité n’était pas le projet parental initial, même si la séparation peut être, elle, choisie.↩︎
Pour une évaluation des politiques sociales à destination des familles monoparentales, v. François-Xavier Devetter et Oriane Lanseman, « Le travail et l’emploi dans les familles monoparentales : politiques d’activation et pauvreté laborieuse », préc., et la conclusion, p. 75 : « L’accent mis sur l’accès à l’emploi comme mécanisme prioritaire de lutte contre la pauvreté des familles monoparentales semble déboucher sur un relatif échec en ne parvenant ni à réellement augmenter le taux d’emploi des parents élevant seuls leur(s) enfant(s), essentiellement les mères, ni à faire sortir de la pauvreté celles qui occupent effectivement un emploi ».↩︎
Sur la différenciation des accompagnements, et notamment le fait que « les mères seules ne sont pas considérées comme la cible principale des dispositifs pour l’emploi », v. François-Xavier Devetter et Oriane Lanseman, « Le travail et l’emploi dans les familles monoparentales : politiques d’activation et pauvreté laborieuse », préc., spéc. p. 66 et s.↩︎
V. Emilie Biland, « Quelle justice pour les parents ? De la monoparentalité à l’unifiliation », in Les familles monoparentales, op. cit., p. 219 et s., spéc. p. 221 : « La coparentalité à la française est […] symbolique […], orientée vers le pouvoir décisionnel des pères plutôt que vers le travail quotidien auprès des enfants, qui reste principalement assuré par les mères ».↩︎
V. par ex. Observatoire national de l’enfance en danger, Service des droits des femmes et de l’égalité, Les enfants exposés aux violences au sein du couple, quelles recommandations pour les pouvoirs publics ?, 2008 [en ligne] ; Isabelle Frechon, Lucy Marquet, Nadèle Séverac, « Les enfants exposés à des violences et conflits conjugaux. Parcours en protection de l’enfance et environnement social », Politiques sociales et familiales, septembre 2011, n° 105, p. 59 et s. ; Karen Sadlier, « L’enfant co-victime de la violence dans le couple », in Roland Coutanceau dir., Violences conjugales et famille, Dunod, 2021, p. 122 et s.↩︎
V. not. Aurore Chaigneau, préc. ; dans le même ouvrage, Amélie Dionsi-Peyrusse et Marc Pichard, « La place des violences au sein des dispositions relatives à l’autorité parentale », p. 185 et s.↩︎
Rappr. Le Collectif Onze, Au tribunal des couples, op. cit., p. 165-166 : « Pourquoi les processus judiciaires de séparation conjugale aboutissent-ils massivement à ce que les enfants soient confiés à leur mère suite à une séparation ? Pourquoi si peu de résidence paternelle ou alternée ? […] La réponse se situe […] largement du côté des contraintes sociales générales qui pèsent sur l’institution judiciaire et, en particulier, de la prégnance, bien au-delà de l’enceinte des tribunaux, de pratiques et de normes différenciées quant aux rôles des hommes et des femmes en matière d’éducation des enfants. Après comme avant la séparation, cette division sexuée des rôles parentaux tend à laisser l’essentiel du travail éducatif ordinaire, quotidien, continu aux femmes, tandis que reviennent plutôt aux hommes des interventions éducatives discontinues, ponctuelles, extraordinaires au sens strict du terme […]. Est-ce toutefois à dire que la justice aux affaires familiales doit être considérée comme une simple chambre d’enregistrement des rapports sociaux entre les sexes, et plus largement d’un ordre social sexué qui lui serait entièrement extérieure ? Au contraire, on peut faire l’hypothèse que c’est par l’intermédiaire d’un travail judiciaire décisif que cet ordre se trouve reconduit en dépit des bouleversements potentiels que représentent les séparations conjugales. L’ordre social qui précède les ruptures, caractérisé par une division sexuée du travail parental, est ainsi maintenu tant pour les individus que pour la société dans son ensemble ».↩︎
Si les difficultés de garde d’enfant sont évoquées par les textes parmi les justifications permettant aux chômeurs et chômeuses de refuser « légitimement » une offre d’emploi (v. par ex. Circulaire DGEFP n° 2008/18 du 5 novembre 2008 relative à la mise en œuvre du projet personnalisé d’accès à l’emploi et à l’offre raisonnable d’emploi, p. 9), la question de la résidence alternée n’est pas mentionnée alors qu’elle restreint bien davantage la mobilité géographique des personnes que lorsque le couple parental réside ensemble.↩︎
Sur la manipulation de demandes de résidence alternée par les mouvements masculinistes v. not. Edouard Leport, Les Papas en danger ? Des pères à l’assaut des droits des femmes, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, 2022.↩︎
Rappr. Le Collectif Onze, Au tribunal des couples, op. cit., p. 203 : « La fixation massive de la résidence des enfants chez la mère ne constitue pas une victoire féminine, ce que la procédure judiciaire laisse parfois croire [nous soulignons] (puisque les femmes “demandent” et “obtiennent” la garde de leurs enfants), mais bien la poursuite d’une division sexuée inégalitaire du travail parental » ; Amélie Dionisi-Peyrusse et Marc Pichard, « L’autorité parentale et la persistance des inégalités de genre », in Stéphanie Hennette-Vauchez, Marc Pichard et Diane Roman dir., La loi & le genre. Études critiques de droit français, CNRS éd., 2014, p. 485 et s., spéc. p. 501-502.↩︎
Le Collectif Onze, Au tribunal des couples, op. cit., p. 167 et s., not. p. 171 : « Si les JAF fixent très massivement la résidence des enfants chez la mère, c’est bien parce que les justiciables – femmes et hommes – ont des demandes convergentes en ce sens ». Adde Louise Protar et Marianne Modak, « Qui s’occupe des enfants ? La division sexuée et sociale du travail parental dans les familles monoparentales », préc., p. 107 : « Les travaux existants s’accordent à dire que les séparations et les divorces ne remettent pas en cause l’organisation domestique qui préexistait à la rupture. La division sexuée du travail parental se maintient, souvent avec l’accord des couples [nous soulignons], et se trouve entérinée par les décisions de justice ».↩︎
Rappr. Amélie Dionisi-Peyrusse et Marc Pichard, « L’autorité parentale et la persistance des inégalités de genre », préc., p. 485 et s., p. 500.↩︎