Violences sexuelles commises dans le sport : quel rôle pour les fédérations sportives ?

Ludivine Richefeu

















Résumé :

Depuis 2020, le rôle des fédérations sportives dans la lutte contre les violences sexuelles n’a cessé de se renforcer. Plusieurs évolutions sont ainsi apparues pour renforcer la prévention et la détection de ces violences ; évolutions qui ont nécessité la mobilisation des fédérations. Toutefois, il apparaît aujourd’hui que la prévention administrative des violences sexuelles dans le sport devrait être davantage contenue. Particulièrement, le contrôle d’honorabilité des acteurs sportifs serait plus efficace s’il était davantage circonscrit. La prévention des violences sexuelles dans le sport nécessite également d’améliorer le dialogue des différents acteurs fédéraux, administratifs et judiciaires. Au-delà, la répression disciplinaire reste largement délaissée alors qu’elle cristallise nombre de défaillances fédérales. L’autosaisine des organes disciplinaires devrait ainsi être aménagée afin de décorréler les poursuites disciplinaires des agendas fédéraux. Enfin, il apparaît nécessaire de définir les violences sexuelles dans les textes fédéraux, ainsi que les comportements inappropriés qui sont facteurs de violences sexuelles.

Mots-clés : Fédérations sportives ; Violences sexuelles ; Contrôle d’honorabilité ; Signalements ; Répression disciplinaire ; Organes disciplinaires ; Impartialité ; Légalité.

Abstract :

Since 2020, the role of sports federations in the fight against sexual violence has steadily increased. A number of changes have been introduced to reinforce the prevention and detection of such violence, and these changes have necessitated the mobilization of the federations. However, it now appears that the administrative prevention of sexual violence in sport should be more tightly controlled. In particular, checks on the good repute of sports players would be more effective if they were more tightly circumscribed. Preventing sexual violence in sport also requires improved dialogue between the various federal, administrative and judicial players. In addition, disciplinary action remains largely neglected, even though it crystallizes a number of federal failings. Disciplinary bodies should be able to refer cases to themselves, so as to separate disciplinary proceedings from federal agendas. Finally, it would appear necessary to define sexual violence in federal texts, as well as inappropriate behavior, which is an essential factor in sexual violence.

Keywords: Sports federations ; Sexual violence ; Integrity checks ; Reporting ; Disciplinary action ; Disciplinary bodies ; Impartiality ; Legality.

  1. Le sport, facteur de violences. La particularité des violences sexuelles commises dans le milieu sportif témoigne de l’intérêt d’étudier la question du genre dans le sport1. De nombreuses études ont démontré que le sport, particulièrement lorsqu’il est pratiqué à haut-niveau, constitue le terrain propice de l’institutionnalisation et de la justification de violences qui ne seraient acceptées dans aucun autre domaine2. Les sportifs et sportives de haut-niveau sont dépossédés de leurs corps, lesquels deviennent un outil travaillé dans une logique de performance et de souffrance3. La pratique d’un sport à haut-niveau entraîne pour le ou la sportive un mode de vie très particulier organisé autour de la pratique sportive. Les sportifs et sportives de haut niveau vivent ainsi dans un univers clos, où s’imposent à eux plusieurs dizaines d’heures d’entraînement par semaine, un régime alimentaire particulier et une discipline stricte. Ainsi, « [l]e monde du sport valorise une éthique de la soumission »4, laquelle prend forme en réponse à la triple domination véhiculée par le monde sportif : des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes, et des entraîneurs (essentiellement des hommes) sur les athlètes5. La fonction d’autorité exercée par l’entraîneur favorise la soumission des athlètes, et facilite ainsi la perpétration de violences. Cette hiérarchie qui structure le monde sportif est en effet propice aux abus, les athlètes dépendant fortement des entraîneurs et du soutien fédéral. Le monde sportif contient donc des rapports de pouvoir, par nature déséquilibrés6, favorisant l’omerta et le silence, mais également l’acceptation et l’institutionnalisation des violences.

  2. De nombreux athlètes de haut niveau sont ainsi confrontés à des violences qui sont souvent banalisées et institutionnalisées. Environ 75 % d’entre eux subiraient ainsi au moins une forme de violence au cours de leur carrière7. Les violences sexuelles sont signalées par 21 % à 31 % des athlètes, et les autres violences physiques dénoncées par 14 % à 25 % d’entre eux8. Les violences psychologiques constituent quant à elles la forme de violence la plus courante dans le monde sportif9, et ont la particularité d’accompagner bien souvent ou de précéder d’autres formes de violences telles que les violences sexuelles10. Les violences commises dans le sport ne peuvent donc être appréhendées de manière distincte mais doivent au contraire faire l’objet d’une analyse globale.

  3. En France, l’étude des signalements des violences commises dans le sport révèle plusieurs particularités. La première concerne la nature des violences dénoncées. La cellule « Signal-sports », chargée depuis sa création en 2020 de recueillir les signalements de violences dans le sport, a ainsi reçu près de 1 620 signalements11 de violences sexuelles, qui constituent à elles seules 90% des faits dénoncés. Cette écrasante majorité des signalements concernant les violences sexuelles pourrait s’expliquer, sans certitude toutefois, par le fait que ces violences cristallisent l’attention après les nombreux témoignages d’anciens ou d’actuels athlètes de haut-niveau. La prise de conscience de la gravité de cette forme de violence est donc en cours, aidant ainsi les victimes à les dénoncer. La seconde particularité des signalements effectués auprès de la cellule « Signal-sports » concerne le statut des mis en cause, la plupart des signalements étant relatifs à des entraîneurs12. Si cette particularité se retrouve également à l’étranger13, il convient néanmoins de relever que les recherches actuelles offrent une vision plus nuancée, révélant que les violences peuvent également être commises par les athlètes entre eux14. La dernière particularité concerne le genre des victimes, puisque 81 % d’entre elles sont de sexe féminin, mineures dans 77 % des cas, et de moins de quinze ans dans 37 % des faits dénoncés. Ces statistiques françaises révèlent donc la particularité des violences sexuelles dénoncées dans le sport français – particularité que l’on retrouve à l’échelle internationale15 - lesquelles concernent de très jeunes sportives dont le cadre d’entraînement intensif accroît la vulnérabilité et la dépendance à l’égard des entraîneurs et encadrants. Les athlètes de sexe féminin sont dans ce cadre davantage susceptibles de subir des violences sexuelles16.

  4. Démarche. Le rôle des fédérations sportives en matière de violences sexuelles a évolué en prenant en compte les particularités de ce phénomène, que sont le genre des victimes et les rapports de pouvoir propres au monde sportif qui favorisent ces violences. Non-spécialiste des questions de genre, l’autrice du présent article s’attachera à analyser juridiquement l’évolution du rôle des fédérations sportives en matière de protection et de répression des violences sexuelles dans le sport. Le système hiérarchisé au sein duquel s’inscrit la réflexion générale sur la lutte contre les violences sexuelles en matière sportive ne sera pas pour autant ignoré.

  5. Prévention. En réaction aux chiffres et aux dénonciations publiques de violences sexuelles par des sportives de haut-niveau17, un plan national de prévention visant notamment à protéger les mineures sportives des faits de violences sexuelles a été mis en place à partir 2020 ; plan que les fédérations sportives, dont les défaillances ont été relevées à plusieurs reprises18, ont été sommées d’intégrer. Elles en sont même un rouage indispensable, en participant directement aux différents mécanismes mis en place pour prévenir et détecter les violences sexuelles commises dans le sport. C’est ainsi qu’en matière de prévention, les fédérations sportives sont des actrices essentielles du contrôle de l’honorabilité19, qu’elles impulsent par le biais de leur référent honorabilité. Ce mécanisme est le plus emblématique de la volonté politique actuelle visant à contrôler et à exclure tout acteur sportif pouvant constituer un danger pour les licenciés. Initialement réservé aux éducateurs sportifs rémunérés, ce contrôle a été étendu par la loi n° 2021-1109 du 24 août 202120 aux arbitres, aux surveillants de baignades et à toute personne intervenant auprès de mineurs au sein d’un établissement d’activités physiques et sportives. Le dispositif a atteint une ampleur sans précédent : au 31 janvier 2024, 1,9 millions de bénévoles avaient ainsi été contrôlés. Fondé sur la vérification des antécédents judiciaires de ces personnes, le contrôle d’honorabilité a donné lieu au 31 mai 2023 à 130 mesures d’incapacité d’exercer. Ces chiffres ne vont cesser d’augmenter puisque le contrôle d’honorabilité a été annualisé, la loi « Abitbol » n° 2024-201 du 8 mars 202421, mobilisant encore plus les fédérations.

  6. Détection. Mobilisées dans la prévention, les fédérations le sont également dans la détection des violences sexuelles commises dans le sport. L’outil principal de cette détection est constitué de la cellule nationale de traitement des signalements de violences dans le sport, « Signal-sports », créée en décembre 2019 à la suite de la dénonciation de nombreuses défaillances fédérales. L’objectif de la cellule est de centraliser l’ensemble des signalements, toutes fédérations confondues, de déclencher les procédures qui s’imposent, et de coordonner les procédures administratives. Les fédérations sont en lien immédiat avec la cellule, incitées à lui transmettre les signalements qui ne lui auraient pas été adressés, mais également à agir disciplinairement, notamment lorsqu’une enquête administrative n’a pu être diligentée22. La loi Abitbol précitée a souhaité renforcer encore la détection de ces violences, en imposant une véritable obligation de signalement aux fédérations sportives, témoignant ainsi de toute la méfiance dont ces dernières font l’objet. Depuis, les fédérations doivent informer sans délai le ministre chargé des sports du comportement d’un acteur sportif lorsque « le maintien en activité de cet individu constitue un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants »23.

  7. Difficultés. Le mouvement législatif et politique en matière de prévention et de détection des violences sexuelles semble donc ne jamais cesser de se renforcer, et solliciter toujours plus les fédérations sportives. Cette évolution est-elle pour autant satisfaisante ? Le rôle des fédérations sportives a-t-il été réellement amélioré ? Rien n’est moins sûr. Deux difficultés principales apparaissent. Premièrement, les dispositifs de prévention et de détection des violences sexuelles dans le sport semblent à bout de souffle, leur mise en œuvre nécessitant des moyens dont sont dépourvues les cellules ministérielles concernées et les fédérations sportives. Ces dernières sont très inégales entre elles, et les plus petites n’ont ni les moyens humains ni les moyens financiers de respecter les exigences préventives qui leur sont attribuées24. Deuxièmement, la répression disciplinaire des faits de violences est la grande absente de ce mouvement politique et législatif. Certes, des enquêtes ont été diligentées dans les fédérations considérées comme les plus défaillantes, mais celles-ci n’ont pas été accompagnées d’une évolution de la répression disciplinaire : le règlement disciplinaire-type qui s’impose aux fédérations sportives n’a pas même été amendé25. La seule proposition en la matière concerne à ce jour la création d’une autorité indépendante à laquelle serait transférée la compétence disciplinaire des fédérations concernant les faits de violences sexuelles dans le sport26. À l’inverse de leur prévention et de leur détection, la répression disciplinaire des violences sexuelles a donc été délaissée, alors même que le rôle des fédérations sportives est sur ce point essentiel et, surtout, que les défaillances dénoncées se cristallisent autour de cette répression. Les fédérations disposent en effet de leur propre justice, « internalisée »27, incarnée par un organe disciplinaire chargé de sanctionner les licenciés auteurs d’une violation des règlements et statuts fédéraux28 – par exemple d’une disposition du règlement intérieur ou de la charte d’éthique établi(e) par les fédérations. L’entraîneur auteur de violences sexuelles sur l’une de ses élèves peut ainsi parfaitement faire l’objet de sanctions disciplinaires ; il devrait, même, en être l’objet. Pourtant, l’omerta et les défaillances fédérales dénoncées depuis 202029 comportent un élément commun, qui n’a pas encore évolué : l’absence de recours à une procédure disciplinaire ou l’inefficacité de celle-ci.

  8. Dès lors, si le rôle des fédérations sportives est essentiel dans la lutte contre les violences sexuelles commises dans le sport, celui-ci semble encore devoir être amélioré pour appréhender aux mieux ces violences genrées et issues bien souvent de rapports de pouvoir desquels les fédérations doivent s’extraire. Pour cela, il apparaît nécessaire d’améliorer la prévention et la détection des violences sexuelles dans le sport (I), mais également de réformer la répression disciplinaire fédérale (II).

I. L’amélioration nécessaire de la prévention et de la détection des violences sexuelles dans le sport

  1. Les violences sexuelles commises dans le monde sportif sont bien souvent facilitées par les rapports de pouvoir existants entre l’auteur et la victime. Dans ce cadre, le législateur a souhaité développer le contrôle des éducateurs sportifs, mais également de toute personne intervenant à titre bénévole dans une fonction d’autorité et / ou de pouvoir : bénévoles juges, arbitres, exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS) et surveillants de baignades. En la matière, le rôle des fédérations sportives n’a cessé de se renforcer. Si cette évolution a pu sembler pertinente, elle apparaît aujourd’hui poussée à l’extrême et par conséquent difficile à mettre en œuvre, d’autant plus qu’elle impulse la mise en réseau de multiples procédures administratives, judiciaires et disciplinaires. Il apparaît ainsi essentiel d’améliorer la prévention des violences sexuelles en raison de l’inefficacité potentielle du contrôle d’honorabilité (A) et des carences existantes dans le dialogue des procédures (B).

A. L’inefficacité potentielle du contrôle d’honorabilité

  1. Rôle des fédérations. Le contrôle d’honorabilité constitue le dispositif phare de la prévention des violences sexuelles dans le sport en contrôlant les acteurs sportifs exerçant une fonction de pouvoir ou d’autorité dans le monde sportif. Il mobilise directement les fédérations sportives, lesquelles en constituent un rouage essentiel30. Ce dispositif repose en effet sur une transmission automatisée par les fédérations (plus précisément, par leur référent honorabilité) via la plateforme « SI Honorabilité », de l’identité des acteurs sportifs concernés afin de permettre aux services de l’État de contrôler leur honorabilité.

  2. Contrôle préventif. En lien direct avec la commission d’une infraction pénale, le contrôle d’honorabilité31 a pour objectif de vérifier que l’individu concerné n’a pas été condamné pour l’une des infractions listées à l’article 212-9 du Code du sport32 – parmi lesquelles figurent les infractions sexuelles. Étendu et systématisé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 aux bénévoles juges, arbitres, exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS) et surveillants de baignades, ce contrôle est réalisé annuellement depuis la loi Abitbol pour l’ensemble des acteurs sportifs désignés par l’article L. 212-9 du Code du sport – ce qui était jusqu’à présent le cas pour les éducateurs sportifs rémunérés seulement33. Ce contrôle, effectué au moment de la prise de licence, est donc réitéré chaque année. Surtout, l’honorabilité fait désormais l’objet d’une double vérification par l’examen cumulé du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV)34. Là encore, cette double vérification est étendue des éducateurs sportifs rémunérés aux bénévoles, puisque jusqu’à présent, l’honorabilité des bénévoles n’était assurée que par la consultation du FIJAISV, celle du bulletin n° 2 du casier judiciaire intervenant à titre subsidiaire, lorsque l’identité de l’intéressé était inscrite au fichier précité35. L’intérêt de ce contrôle préventif est de permettre l’exclusion immédiate de l’acteur sportif « non honorable ». L’acteur sportif condamné pénalement pour l’une des infractions listées par l’article 212-9 du Code du sport fait ainsi l’objet d’une incapacité d’exercice, laquelle lui est notifiée par le préfet du département d’exercice. Une copie de la notification est également adressée au club auquel est rattaché l’individu et au référent en charge de la lutte contre les violences sexuelles au sein de la fédération concernée36. L’acteur sportif « non honorable » inscrit au FIJAISV pour une condamnation pénale non définitive fait quant à lui l’objet d’une mesure de police administrative d’interdiction d’exercer prononcée par l’autorité préfectorale, le plus souvent prononcée en urgence. L’arrêté est notifié dans les même conditions que l’incapacité pénale.

  3. Limites. Le dispositif d’honorabilité peut sembler judicieux en ce qu’il repose sur la potentielle dangerosité de l’acteur sportif concerné, révélée par sa condamnation pénale antérieure. Il semble pourtant confronté à plusieurs limites. Premièrement, en raison du délai de vérification de l’honorabilité. Alors même que l’efficacité du dispositif repose sur une exclusion rapide de l’acteur sportif concerné, il n’est pas rare que les fédérations soient informées de l’absence d’honorabilité d’un acteur sportif jusqu’à dix-huit mois après le dépôt de son identité sur la plateforme « SI honorabilité ». Des mois durant lesquels l’acteur sportif concerné aura continué d’exercer ses fonctions d’éducateur, d’arbitre ou d’exploitant sans que la fédération ne soit informée de son absence d’honorabilité. Ce délai est d’autant plus préoccupant depuis l’annualisation du contrôle d’honorabilité par la loi Abitbol précitée, qui augmentera significativement le nombre de contrôles opérés. Il révèle toutes les limites de ce mécanisme préventif – et du rôle des fédérations sportives – dont l’extension est pourtant sans cesse souhaitée37.

  4. Deuxièmement, la sévérité du contrôle d’honorabilité conduit à s’interroger sur la pertinence du dispositif. Ce dernier repose en effet sur l’inscription d’une condamnation pénale au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou au FIJAISV, laquelle, compte-tenu de la durée de cette inscription, a pu être prononcée il y a plusieurs dizaines d’années38. L’on peut alors s’interroger sur la nécessité d’exclure un acteur sportif condamné vingt ans auparavant sans que celui-ci n’ait récidivé, réitéré ou commis une quelconque autre infraction depuis, y compris si la condamnation concerne une infraction de nature sexuelle. Ces dernières n’ont pas, en effet, toutes le même degré de gravité et la dangerosité de l’auteur s’évalue au regard de l’infraction elle-même, des circonstances de celle-ci ainsi que de la personnalité du délinquant – raison pour laquelle la peine prononcée par la juridiction pénale est personnalisée en fonction de ces éléments. Or, l’inscription au FIJAISV est d’autant plus sévère que sa durée est établie en fonction de la peine encourue pour l’infraction concernée, et non de la peine prononcée par la juridiction pénale à l’encontre de l’individu. Autrement dit, la personnalisation de la peine n’est en aucun cas prise en compte dans le calcul de la durée d’inscription au FIJAISV alors qu’elle est réalisée en considération notamment de la dangerosité de la personne concernée. L’automaticité de l’exclusion de l’acteur sportif « non honorable » condamné pénalement, sans prise en considération de la durée de la peine prononcée à son encontre ni de l’absence de réitération ou de récidive de l’infraction, apparaît d’autant plus sévère qu’elle ne permet pas de limiter l’interdiction sportive aux activités impliquant des mineurs, par exemple, en interdisant à l’individu condamné pour corruption de mineurs d’arbitrer des matchs ou des compétitions où des mineurs concourent tout en lui permettant d’arbitrer des équipes de sportifs majeurs, ou bien en lui interdisant d’entraîner des équipes de sportifs mineurs tout en l’autorisant à entraîner des majeurs. La sévérité du contrôle d’honorabilité est enfin mise en lumière par la liste des infractions dont la commission est susceptible d’entraîner l’incapacité. À cet égard, certaines infractions apparaissent détachées du champ des violences, initialement au coeur du contrôle d’honorabilité39 : il en est ainsi du blanchiment, de l’abandon de famille ou, encore et surtout, du délit d’attroupement et de non-dispersion prévu à l’article 431-3 du Code pénal. Il est certes possible d’invoquer la moralité de l’acteur sportif, mais alors rien n’empêcherait d’étendre la liste toutes les infractions pénales, puisque la commission de telles infractions entraînent toujours un doute quant à la moralité de l’individu. Un amendement avait d’ailleurs été déposé lors des débats relatifs à la loi Abitbol afin d’introduire « un peu plus de nuance »40 en supprimant ce délit de la liste des infractions incapacitantes. En réalité, c’est la pertinence et la cohérence du dispositif qui est mise à mal dès lors que celui-ci s’étend au-delà du nécessaire.

  5. Le contrôle d’honorabilité constitue ainsi un dispositif préventif permettant d’exclure les acteurs sportifs condamnés pénalement et exerçant des fonctions d’autorité ou de pouvoir. Toutefois, son efficacité et sa pertinence semblent aujourd’hui justifier une plus stricte circonscription de son application. Parallèlement, le meilleur traitement des violences sexuelles dans le sport et la prise en compte de ses particularités – genre des victimes, notamment – nécessite de dépasser les carences du dialogue entre les fédérations et les acteurs concernés par la lutte contre les violences sexuelles dans le sport.

B. Les carences du dialogue des acteurs administratifs, disciplinaires et judiciaires

  1. Signal-sports. La circulation de l’information est essentielle pour permettre aux fédérations d’améliorer la prévention, la détection et la répression des violences sexuelles, ce d’autant plus lorsque les violences sexuelles sont commises par des personnes exerçant des fonctions d’autorité ou de pouvoir. Dans ce cas, le silence des victimes et l’omerta risquent d’être bien plus prégnants compte-tenu des conséquences d’un signalement tant pour la victime que pour la fédération. C’est dans cet objectif de transparence que la cellule « Signal-sports » a été créée en 2019. Cette cellule nationale est chargée de centraliser l’ensemble des signalements de violences dans le sport, à l’aide d’une adresse électronique diffusée par le Ministère et les fédérations auprès des licenciés. Elle permet d’assurer une traçabilité des suites données à chaque signalement41 ainsi que le déclenchement et la coordination des différentes procédures qui s’imposent. Plusieurs procédures indépendantes peuvent en effet exister simultanément à l’issue d’un signalement pour violences sexuelles dans le sport : une procédure judiciaire, les faits constituant une infraction pénale, une procédure administrative, le préfet ayant compétence pour prononcer une interdiction d’exercice à l’encontre de l’individu dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants42, et une procédure disciplinaire diligentée par les fédérations sportives. Le dialogue et la transmission d’informations entre ces différents acteurs sont donc impératifs. Dans cette perspective, un référent « lutte contre les violences sexuelles » a été institué au sein de chaque fédération sportive, lequel est informé des arrêtés d’interdiction d’exercice délivrés par les préfets, ce qui permet à la fédération de déclencher des poursuites disciplinaires. Il a ainsi pour mission de s’assurer de la bonne application de ces arrêtés à l’échelle fédérale, autrement dit, de la transmission de l’information relative à l’interdiction d’exercice à l’ensemble des clubs afin d’éviter que la personne concernée soit employée.

  2. Difficultés. La circulation de l’information peine pourtant à être mise en œuvre. Des difficultés se font jour, d’abord dans le dialogue entre les acteurs administratifs et fédéraux. Premièrement, l’information relative à l’interdiction d’exercice ne circule pas de manière satisfaisante auprès de l’ensemble des clubs sportifs. Si le dirigeant du club qui emploie la personne concernée est informé de l’interdiction d’exercice, l’information peine à se généraliser à l’ensemble des clubs du territoire français. Il arrive ainsi qu’une personne interdite d’exercice soit convoquée à un entretien d’embauche au sein d’un club dont les dirigeants n’ont pas été informés de l’interdiction d’exercice ; ou bien que l’information soit erronée : l’arrêté préfectoral est ainsi bien souvent confondu avec une sanction disciplinaire. Ces difficultés rendraient également possible l’emploi d’une personne interdite d’exercer par un autre club que celui au sein duquel elle entraînait jusqu’à l’arrêté d’exercice. Seule la création d’un fichier interne au sein de chaque fédération pourrait permettre une circulation fluide et claire de l’information relative à la possibilité pour un club d’embaucher un individu. Les dirigeants de club pourraient ainsi vérifier, en entrant dans le fichier le nom de l’individu, si celui-ci fait l’objet d’une interdiction d’exercice. Deuxièmement, la cellule Signal-sports est affaiblie par le manque de moyens et l’absence de visibilité auxquels elle fait face. Un manque de moyens43 qui entraîne un allongement inévitable des délais de réponse de la cellule après réception d’un signalement et donc un retard dans le dialogue des différents acteurs administratifs et fédéraux. Une absence de visibilité en raison de la prolifération de plateformes nationales ou régionales créées par les fédérations pour signaler les violences sexuelles, lesquelles concurrencent la cellule nationale et conduisent, en morcelant les signalements, à affaiblir la détection des violences sexuelles. Il est ainsi indispensable que la cellule Signal-sports devienne l’outil unique de signalement des violences sexuelles et que l’ensemble des autres plateformes nationales et régionales fédérales soient supprimées, ce d’autant plus que toutes les fédérations sportives n’informent pas systématiquement la cellule Signal-sports des faits de violences sexuelles portés à leur connaissance44.

  3. Ensuite, le dialogue des acteurs fédéraux et administratifs avec les acteurs judiciaires doit être renforcé afin de permettre le déclenchement des procédures disciplinaires fédérales et le prononcé de mesures d’interdiction administrative. Ce dialogue reste en effet très limité. S’il n’est pas rare que des enquêteurs prennent contact avec les fédérations ou leur organe disciplinaire pour obtenir le dossier d’instruction disciplinaire d’une affaire qui fait concomitamment l’objet d’une procédure judiciaire, il est à l’inverse souvent plus difficile pour l’organe disciplinaire ou les fédérations d’obtenir certaines informations qui pourraient pourtant être communiquées sans que cela ne pose de difficultés au regard du secret de l’enquête ou de l’instruction. Plusieurs dispositions organisent d’ailleurs ce dialogue. L’article 706-47-4 du Code de procédure pénale impose ainsi au ministère public d’informer l’administration d’une condamnation, même non définitive, ou d’un placement sous contrôle judiciaire d’une personne pour certaines infractions parmi lesquelles les infractions sexuelles, lorsque cette personne exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration. L’article 11-2 du même code offre, quant à lui, au ministère public la faculté d’informer par écrit l’administration de la condamnation – définitive ou non – de la saisine d’une juridiction de jugement ou de la mise en examen d’une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Toutefois, ce dernier partage d’informations ne peut être entrepris que si le ministère public l’estime nécessaire en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens. Ces conditions sont bien entendu remplies dès lors que l’individu concerné exerce des fonctions d’entraîneur ou d’arbitre en lien avec des mineurs. L’échange d’informations entre les acteurs administratifs, fédéraux et judiciaires devrait ainsi être systématisé. Il est en effet indispensable pour permettre à l’autorité préfectorale d’interdire de manière préventive à l’individu d’exercer ses fonctions. Plus encore, il favoriserait, au sein des fédérations sportives, le déclenchement de poursuites disciplinaires et surtout l’efficacité de cette procédure qui demeure confrontée à des obstacles probatoires très importants45. Une procédure disciplinaire qui, d’ailleurs, devrait être réformée.

II. La réforme indispensable de la procédure disciplinaire

  1. La défaillance de la répression disciplinaire fédérale a largement été dénoncée46. Pour autant, peu de mesures ont été proposées pour en améliorer le fonctionnement. Deux évolutions semblent indispensables. Les modalités de saisine des organes disciplinaires fédéraux devraient être améliorées afin d’objectiver davantage l’exercice des poursuites disciplinaires et éviter les situations d’omerta que de nombreuses fédérations ont pu connaître. Cette objectivation pourrait prendre la forme d’un mécanisme d’autosaisine aménagé au bénéfice de ces organes (A). Le règlement disciplinaire-type, qui s’impose aux fédérations sportives, devrait également être amendé tant sur le plan procédural que substantiel, afin de prendre en compte la particularité des violences sexuelles commises dans le sport (B).

A. L’autosaisine de l’organe disciplinaire

  1. Saisine de l’organe disciplinaire. La possibilité, pour les organes disciplinaires, de s’autosaisir constituerait une évolution favorable de la répression des violences sexuelles dans le sport. En effet, l’absence de saisine de l’organe disciplinaire constitue la défaillance principale des fédérations sportives dans la répression des violences sexuelles47. Cette situation n’est guère étonnante, dès lors que l’exercice de cette saisine est principalement – mais pas seulement – confié à la présidence de la fédération. Elle est ainsi nécessairement confrontée à des enjeux de pouvoir, éminemment politiques, relatifs à des espoirs de résultats à des compétitions importantes, ou à la mise en œuvre de la gouvernance fédérale. Certes, la présidence fédérale doit nécessairement disposer de la compétence de déclencher des poursuites disciplinaires, les fédérations disposant d’un ou de plusieurs organes disciplinaires chargés de sanctionner les licenciés pour la violation des règlements et statuts fédéraux. Pour autant, cette compétence ne doit pas lui être exclusive : au contraire, le déclenchement de poursuites disciplinaires doit pouvoir être décorrélé de la politique fédérale. La quasi-totalité des règlements disciplinaires fédéraux a ainsi étendu aux comités d’éthique et de déontologie fédéraux48 la possibilité de saisir les organes disciplinaires. Cette première évolution est néanmoins insuffisante au regard du manque d’indépendance de ces comités. Le Code du sport se contente en effet de préciser que les fédérations garantissent l’indépendance de leur comité d’éthique49, sans pour autant instituer des règles de nomination qui s’imposeraient aux fédérations. Cette insuffisance de la loi conduit à un simple effet d’annonce dont les conséquences sont quasi inexistantes. Les comités d’éthique continuent ainsi d’être rattachés aux fédérations par les règles de nomination de leurs membres et de leur président, lesquels sont nommés par le président de la fédération ou sur proposition de celui-ci50. Parfois, la nomination du président ou des membres du comité d’éthique intervient immédiatement après les élections fédérales, ce qui conduit à l’élection de l’ancien président fédéral à la présidence du comité d’éthique51, ou à une nomination guidée par la volonté du nouveau président fédéral. Ce contexte témoigne d’une absence d’indépendance du comité ; absence renforcée par l’absence de ressources propres et de secrétariat indépendant pour le comité d’éthique52. Au-delà de la simple proclamation de l’indépendance des comités d’éthique, le législateur devrait donc en garantir l’effectivité en précisant les règles de nomination du comité et en contraignant les fédérations à accorder une indépendance pratique à leur comité d’éthique.

  2. Création d’une autorité indépendante. Une telle évolution ne serait pour autant pas suffisante. Pour renforcer l’indépendance des poursuites disciplinaires, le rapport d’enquête parlementaire du 19 décembre 202353 préconise deux solutions alternatives : élargir la compétence de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aux violences sexuelles commises dans le sport, ou créer une autorité indépendante chargée de poursuivre et de sanctionner ces violences54. Or, aucune de ces deux propositions n’est satisfaisante. La première, en raison de l’incompétence manifeste de l’AFLD en matière de violences sexuelles dans le sport. L’AFLD est une autorité publique indépendante spécialisée en matière de dopage dont le champ de compétence est centré sur la lutte contre le dopage. Il n’y aurait donc aucune logique à étendre cette compétence à la lutte contre les violences sexuelles dans le sport, lesquelles sont sans rapport avec le dopage. La seconde proposition intéresse davantage. Il s’agirait de centraliser l’ensemble des poursuites disciplinaires en matière de violences sexuelles au sein d’une autorité qui serait seule compétente pour exercer l’action disciplinaire ou, à tout le moins, d’élaborer une compétence partagée entre cette autorité et les fédérations sportives. Dans cette dernière hypothèse, l’autorité concernée pourrait alors se saisir de faits qui n’ont pas fait l’objet de poursuites disciplinaires fédérales ; elle pourrait également réformer les décisions disciplinaires fédérales qu’elle estimerait insuffisantes, à l’instar de la procédure établie au sein de l’AFLD antérieurement à la réforme de 201855. La création d’une autorité indépendante compétente pour sanctionner disciplinairement les violences sexuelles commises dans le sport aurait plusieurs avantages. D’abord, l’autorité centraliserait les procédures disciplinaires fédérales et harmoniserait les sanctions prononcées, lesquelles apparaissent très hétérogènes selon les fédérations. Ensuite, elle objectiverait les procédures disciplinaires en les confiant à des personnes indépendantes de toute fédération sportive. Enfin, le retrait de la compétence fédérale en la matière bénéficierait également aux présidents fédéraux, lesquels seraient dégagés de toute responsabilité relative aux poursuites disciplinaires. Une telle évolution doit pourtant être rejetée en ce qu’elle présenterait l’inconvénient juridique majeur de distinguer les violences sexuelles des autres violences physiques ou morales, alors même que l’ensemble des violences commises dans le sport ont bien souvent pour élément commun l’emprise de l’auteur des faits sur la victime, et que les violences sexuelles s’accompagnent ou sont souvent précédées de violences « satellites » verbales ou physiques autres que sexuelles56. Les violences sexuelles ne doivent donc pas être distinguées, séparées, des violences d’autres natures, au risque sinon de conduire à une qualification des faits erronée ou insuffisante et à une action disciplinaire par conséquent inefficiente. La lutte contre les violences sexuelles doit au contraire s’insérer dans une logique globale de lutte contre les violences de toutes natures, plus encore dans un domaine, le sport, où le travail de l’athlète est source de violences quotidiennes et où il s’exerce dans le contexte de rapports de domination nombreux57.

  3. Autosaisine. Dès lors, il conviendrait de continuer de confier la répression disciplinaire des violences sexuelles aux fédérations sportives, comme elles en ont d’ailleurs la charge et la compétence. Plus que d’accroître la suspicion et l’absence de confiance en leur capacité, l’instauration d’un mécanisme d’autosaisine des organes disciplinaires pourrait dénouer les points de blocage et accroître l’objectivation des poursuites disciplinaires. L’indépendance des organes disciplinaires, garantie essentielle de l’effectivité des poursuites, est affirmée par le règlement disciplinaire-type qui précise que « les membres des organes disciplinaires ne peuvent être liés à la fédération, à ses organes déconcentrés, le cas échéant, à la ligue professionnelle par un lien contractuel autre que celui résultant éventuellement de la licence »58. Dès lors, la possibilité pour l’organe disciplinaire de s’auto-saisir, autrement dit d’engager des poursuites disciplinaires, constituerait une évolution favorable au renforcement des procédures disciplinaires, à leur transparence et à leur indépendance59. Elle permettrait de neutraliser les situations d’omerta, ou d’étouffement des affaires de violences. Une telle évolution doit toutefois être accompagnée d’une refonte des organes disciplinaires au regard du principe d’impartialité.

  4. Impartialité. Le Conseil constitutionnel rattache à la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la DDHC l’impartialité et l’indépendance des juridictions60. Au regard du principe d’impartialité des juridictions, il a jugé que la Constitution confère un caractère général et absolu à l’interdiction de se saisir d’office pour une juridiction dont l’objet est de prononcer des sanctions ayant le caractère de punition. Or, les organes disciplinaires des fédérations sportives constituent bien des juridictions dont l’objet est de prononcer de telles sanctions, lesquelles sont définies en fonction de leurs finalités répressive et préventive (visant à empêcher la récidive). Concernant plus particulièrement les sanctions disciplinaires prononcées dans le cadre du sport, le Conseil constitutionnel a été interrogé sur la possibilité pour l’Agence française de lutte contre le dopage de s’autosaisir pour réformer les décisions disciplinaires des fédérations sportives. Cette saisine du Conseil concernant une autorité publique indépendante est intervenue antérieurement à la suppression de la compétence disciplinaire des fédérations sportives en matière de dopage61. Dans sa décision du 2 février 2018, le Conseil a ainsi étendu l’application du principe d’impartialité aux autorités publiques indépendantes et déclaré l’autosaisine de commission de l’AFLD contraire à l’article 16 de la DDHC62. Le Conseil a notamment relevé que ce pouvoir d’autosaisine n’était alors « pas attribué à une personne ou à un organe spécifique au sein de l’agence alors qu’il appart[enait] ensuite à cette dernière de juger les manquements ayant fait l’objet de la décision de la fédération »63. La difficulté provenait de l’absence de séparation entre, « d’une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements ayant fait l’objet d’une décision d’une fédération sportive […] et, d’autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements »64, entraînant ainsi une méconnaissance du principe d’impartialité. En réponse à cette décision, l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 relative à la procédure disciplinaire devant l’Agence française de lutte contre le dopage a institué la commission des sanctions de l’agence. Depuis, les fonctions de poursuites et de jugement ont été séparées au sein de l’Agence, les poursuites disciplinaires pour des faits de dopage65 étant engagées par son collège66, tandis que les sanctions disciplinaires sont prononcées par la commission des sanctions67. Cette séparation des fonctions de poursuites et de jugement a été instituée pour l’ensemble des poursuites disciplinaires en matière de dopage, l’ordonnance précitée ayant supprimé la compétence des fédérations sportives en la matière.

  5. Refonte des organes disciplinaires. L’autosaisine des organes disciplinaires fédéraux nécessite donc de repenser la physionomie des organes disciplinaires fédéraux et l’on pourrait s’inspirer, pour ce faire, de la procédure mise en œuvre au sein de l’AFLD. Chaque organe disciplinaire fédéral pourrait ainsi être composé d’une commission de poursuites et d’une commission de sanctions. La première serait chargée de déclencher des poursuites disciplinaires dès lors qu’elle aura été informée, ou que sera parvenue à sa connaissance, de quelque manière que ce soit (médias, dénonciations, signalements du président fédéral, du comité d’éthique, d’un licencié, des victimes ou de l’administration etc.), la commission de faits contraires aux règlements fédéraux. Au-delà de ce déclenchement des poursuites, la commission serait chargée, par le biais de l’un de ses membres, d’assurer l’instruction à charge et à décharge du dossier. Enfin, et ce serait une évolution supplémentaire, la commission des poursuites pourrait décider, de manière collégiale, de classer le dossier si elle considère que les éléments du dossier sont insuffisants pour établir la commission des faits. À l’issue de l’instruction du dossier et si elle considère que les éléments du dossier sont suffisants, la commission des poursuites transmettrait le dossier à la commission des sanctions, qui serait alors chargée de juger le ou la mise en cause. Cette physionomie, calquée sur la procédure pénale, permettrait d’objectiver les poursuites disciplinaires et répondrait aux difficultés aujourd’hui posées en matière de répression des violences sexuelles. Au-delà d’une compétence en matière disciplinaire, la commission des poursuites pourrait même disposer de la possibilité d’effectuer des vérifications inopinées au sein des lieux d’entraînement, même ceux interdits au public – notamment dans les structures de haut-niveau, afin de contrôler que les méthodes d’entraînement n’ont pas recours à la violence, et que le bien-être mental et physique des athlètes est préservé. Une telle compétence serait même essentielle compte-tenu du fait que les violences sexuelles dans le sport sont très souvent imbriquées dans un cadre d’emprise, de contrôle et de violences généralisées. Elle améliorerait également l’effectivité de la réponse disciplinaire puisque la commission s’autosaisirait immédiatement après avoir constaté la commission de violences et pourrait prononcer une mesure conservatoire d’interdiction d’exercer à l’encontre du mis en cause jusqu’au prononcé de la décision disciplinaire par la commission des sanctions68.

  6. Efficacité. Cette physionomie nouvelle aurait l’avantage de la simplicité – nul besoin de créer une nouvelle entité et de déposséder les fédérations sportives de leur compétence, mais aussi de l’efficacité : les membres de l’organe disciplinaire, qu’ils soient rattachés à la commission de poursuites ou à la commission des sanctions, seraient concernés par les garanties d’impartialité actuellement intégrées au sein du règlement disciplinaire-type du Code du sport et dont les dispositions s’imposent aux fédérations. Ils ne pourraient ainsi recevoir aucune instruction, de quelque personne ou entité que ce soit69, ni « être liés à la fédération, […] par un lien contractuel autre que celui résultant éventuellement de la licence »70. Enfin, les membres de l’organe continueraient d’être choisis « en raison de leur compétence d’ordre juridique ou en matière d’éthique et de déontologie sportives »71. Leur nomination pourrait toutefois être prononcée par l’assemblée générale, et le règlement disciplinaire-type pourrait ajouter que chaque commission devrait être composée de manière hétérogène, de cinq membres au moins, avec un juste équilibre entre les compétences d’ordre sportif et d’ordre juridique. Surtout, le règlement disciplinaire-type devrait imposer la nomination des membres de l’organe par le bureau fédéral afin de renforcer encore leur indépendance et leur impartialité.

  7. Au-delà de l’autosaisine de l’organe disciplinaire, l’amélioration de la répression disciplinaire fédérale dépend de l’évolution du règlement disciplinaire-type.

B. L’évolution du règlement disciplinaire-type

  1. Carence procédurale. Le règlement disciplinaire-type, qui s’impose aux fédérations, n’a pas été amendé depuis 2017 alors même que la responsabilité et le rôle des fédérations n’ont cessé de se renforcer depuis 202072. Ainsi, les organes disciplinaires sont soumis à un court délai de dix semaines pour se prononcer. Ce temps, insuffisant au regard du temps long que requiert la collecte des preuves et témoignages en matière de violences sexuelles, confronte l’organe disciplinaire à des difficultés probatoires certaines73. La spécificité des violences sexuelles commises dans le sport n’est donc absolument pas prise en compte par le règlement disciplinaire-type, lequel impose la même procédure disciplinaire et le même encadrement à l’ensemble des dossiers disciplinaires, tous faits confondus. Par conséquent, l’instruction doit être menée très – trop – rapidement, par des licenciés qui ne sont parfois pas juristes, et qui ne bénéficient d’aucune formation qui leur permettrait pourtant de savoir comment agir face à ces problématiques. Le traitement des violences sexuelles nécessite en effet, outre un délai plus long, que les instructeurs et les membres des organes disciplinaires soient formés pour recueillir la parole des victimes et rechercher tout élément qui permettrait de prouver la matérialité des faits. À titre d’exemple, « aucune disposition ne prévoit l’intégration de médecins, de psychologues, de spécialistes des [violences sexuelles] au sein de ces commissions »74. Aux carences du dialogue entre les organes disciplinaires et les acteurs judiciaires s’ajoute ainsi le silence du règlement disciplinaire-type concernant le traitement des faits de violences sexuelles par les organes disciplinaires.

  2. Plus encore, le règlement disciplinaire-type n’accorde aucune place à la victime75. Celle-ci peut certes être entendue, mais elle n’est pas partie à la procédure. Elle ne peut donc pas demander à consulter du dossier d’instruction ou solliciter certains actes. Elle ne bénéficie pas non plus du contradictoire. Cette absence est d’autant plus préjudiciable en matière de violences sexuelles, où le recueil de la parole de la victime est indispensable.

  3. Carence substantielle. L’absence de définition des comportements prohibés constitue également un obstacle majeur de l’efficacité de la procédure disciplinaire76, d’autant plus en matière de violences sexuelles où l’efficacité de la répression fédérale nécessite d’objectiver ces violences pour ne pas les laisser à la libre appréciation de l’organe de poursuites ou de jugement. Contrairement aux infractions pénales, les infractions disciplinaires n’ont pas à être définies : en matière disciplinaire, le principe de légalité ne s’applique en effet qu’aux sanctions77. Le règlement disciplinaire-type s’attarde ainsi uniquement sur les sanctions encourues, qu’il énumère strictement dans son article 22. Les infractions disciplinaires ne sont quant à elle définies que de manière très générale comme les « faits contraires aux règles posées par les statuts et règlements de la fédération, de ses organes déconcentrés ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle […] »78. Le règlement-type laisse donc aux fédérations la liberté de les définir. Le Conseil d’État considère quant à lui que la faute disciplinaire peut être définie « par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l’activité qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou l’institution dont elle relève »79. En réalité, peu de textes fédéraux définissent de manière satisfaisante ces obligations, et a fortiori énumèrent les faits pouvant être sanctionnés disciplinairement. La grande majorité des règlements disciplinaires ne définit donc pas les comportements sanctionnables80 ; tout au plus ces règlements comportent-ils « une définition générale de la faute disciplinaire »81. Quant aux chartes d’éthique, elles se contente généralement de prescrire certains comportements – se respecter et respecter autrui etc., même si certaines d’entre elles expriment des interdictions en lien avec les violences sexuelles82.

  4. Obstacle. Cette absence de définition83 constitue un véritable obstacle pour l’organe disciplinaire, notamment lorsque l’infraction concernée n’est pas de nature pénale, puisqu’il seras alors difficile de caractériser une simple violation des règles éthiques. Cette difficulté est d’autant plus préjudiciable que la faute disciplinaire est bien plus large que la faute pénale, et devrait ainsi permettre à l’organe de retenir une responsabilité « en-deçà » des interdictions pénales. La question centrale est ainsi celle des « comportements inappropriés »84, lesquels font l’objet d’un contentieux important. Ces comportements sont relatifs à des faits qui ne peuvent pas faire l’objet d’une qualification pénale mais qui tendent à démontrer l’emprise de l’entraîneur sur une jeune athlète ou son absence de distance suffisante. Ces comportements particuliers doivent faire l’objet d’une attention toute particulière, en ce qu’ils sont de nature à favoriser la survenance de violences physiques, morales ou sexuelles. Il en est ainsi, par exemple, de l’entraîneur qui échange par SMS avec l’une de ses élèves mineures sur des sujets étrangers aux entraînements et aux compétitions, qui l’emmène en discothèque, qui l’invite à son domicile, lui offre des cadeaux, ou encore qui punit ses élèves après la mauvaise exécution d’un exercice technique, qui contrôle leur poids, exerce une « pression » lors des entraînements. Les exigences du sport de haut-niveau rendent particulièrement délicate la répression de ces violences, les entraîneurs invoquant des nécessités d’ordre technique et ayant surtout bien souvent fait l’objet, en qualité d’athlètes, de ces mêmes comportements profondément institutionnalisés. L’organe disciplinaire peut alors être confronté à un obstacle dans l’exercice de la répression disciplinaire : celui de fonder la sanction sur un texte précis, alors même que le dossier disciplinaire démontre des pratiques non déontologiques et susceptibles de favoriser une emprise de l’entraîneur sur l’élève.

  5. Évolution. Dans ce contexte, il est nécessaire d’imposer la définition des comportements violents ou à risques au sein des chartes d’éthique ou des règlements disciplinaires fédéraux. Les faits qualifiés pénalement pouvant faire l’objet d’un renvoi au Code pénal, l’attention doit être portée sur la définition des « comportements inappropriés » non qualifiés pénalement. Les chartes d’éthique devraient ainsi imposer aux entraîneurs de garder une distance envers leurs athlètes et comporter une liste non exhaustive de comportements prohibés, permettant aux organes disciplinaires de s’y référer et d’entrer plus aisément en voie de sanction. Cette définition serait d’autant plus importante au regard de sa fonction expressive. Car définir les « comportements inappropriés », c’est aussi, pour les fédérations sportives, participer à la prévention des violences dans le sport et énoncer, à cet égard, que certains comportements ne sont plus tolérés.

Ludivine Richefeu, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à CY Cergy Paris Université Codirectrice du Laboratoire d’études juridiques et politiques (LEJEP) Présidente de l’organe disciplinaire de première instance de la fédération française de sports de glace

Références


  1. Philippe Liotard, « Le concept de genre pour comprendre les violences sexuelles », in Olivia Coste, Philippe Liotard (dir.), Violences sexuelles et sport. L’essentiel pour agir, Elsevier Masson, 2024.↩︎

  2. Sur les violences commises dans le sport, v. CNCDH, « Avis sur les violences sexuelles et sexistes dans le sport : prévenir, protéger, accompagner », 25 janvier 2024 ; particulièrement à l’égard de jeunes athlètes : v. le documentaire de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, « Futurs champions : le prix de la gloire », Arte, 2024. Des études étrangères et françaises mettent en lumière ce phénomène : v. par exemple, Victoria Roberts, Victor Sojo, Felix Grant, « Organisational factors and non-accidental violence in sport : A systematic review », Sport Management Review, 2020, vol. 23, n° 1, p. 8–27 ; Kristin Fortier, Sylvie Parent, Geneviève Lessard, « Child maltreatment in sport: Smashing the wall of silence : a narrative review of physical, sexual, psychological abuses and neglect », British Journal of Sports Medicine, 2020, vol. 54, n° 1, p. 4–7, 2020 ; Greg Decamps, Anne Jolly, Sabine Afflelou, Étude sur les violences sexuelles dans le sport en France : contextes de survenue et incidences psychologiques, Rapport Ministériel 2009 commandé par Roselyne Bachelot, Ministre de la santé et des sports.↩︎

  3. Cette logique a été poussée à l’extrême en URSS, Roumanie et RDA durant la guerre froide : v. le mémoire de Clara Marguet, Le sport féminin dans le bloc de l’Est pendant la guerre froide 1947-1991, sous la direction de Marion Aballéa, Institut d’études politiques de Strasbourg, 2019 ; Pola Rapaport, « Nadia Comaneci : la gymnaste et le dictateur », Arte, 2024.↩︎

  4. Philippe Liotard, « L’éthique sportive, une morale de la soumission ? », in Michael Attali (dir.), Le sport et ses valeurs, La Dispute, 2004, p. 117.↩︎

  5. Philippe Liotard, Sport et virilisme, Association Osiris, 1999, p. 140.↩︎

  6.  Julia T. Schwender, Teresa Greither, Helena Schmitz, Laurie Schwab, « Dans l'ombre des anneaux - Expériences de violence interpersonnelle dans le sport d'élite », The Inquisitive Mind, 2024, n° 2 [en ligne].↩︎

  7. Erin Willson, Gretchen Kerr, Ashley Stirling, Stephanie Buono, « Prevalence of Maltreatment Among Canadian National Team Athletes », Journal of Interpersonal Violence, 2021, vol. 37, n° 21-22, p. 19857. V. également, l’enquête réalisée en France dans la région Poitou-Charentes : Émilie Giret, Jean-Christophe Lapouble, « Les violences sexuelles dans le sport : résultats d'enquête », La revue juridique et économique du sport, 2023, n° 246, p. 41.↩︎

  8. Ibid.↩︎

  9. 60 à 72 % des athlètes auraient subi ce type de violences : ibid.↩︎

  10. Jeannine Ohlert, Tine Vertommen, Bettina Rulofs, Thea Rau, Marc Allroggen, « Elite athletes experiences of interpersonal violence in organized sport in Germany, the Netherlands, and Belgium », European Journal of Sport Science, 2021, vol. 21, n° 4, p. 604–613.↩︎

  11. 1 800 signalements de violences étaient dénombrés au 21 mars 2024 : « Présentation par Amélie Oudea-Castera du bilan d’activité 2023 en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le sport », communiqué de presse du 21 mars 2024.↩︎

  12. En 2023, 377 personnes ont été mises en cause via des signalements à la cellule nationale « Signal-Sports » sur 710 signalements reçus. Parmi les mis en cause, 293 étaient éducateurs sportifs : « Présentation du bilan d’activité 2023 en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le sport », communiqué de presse du 21 mars 2024, Ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative : https://www.sports.gouv.fr/presentation-du-bilan-d-activite-2023-en-matiere-de-lutte-contre-les-violences-sexuelles-et↩︎

  13. Matthew Hall, « Tip of the iceberg : why abuse in Canadian sport is worse than it seems », The Guardian, 27 Janvier 2023.↩︎

  14. Tine Vertommen, Jarl Kampen, Nicolette Schipper-van Veldhoven, Kristien Wouters, Kasia Uzieblo, Filip Van Den Eede, « Profiling perpetrators of interpersonal violence against children in sport based on a victim survey », Child Abuse & Neglect, 2017, vol. 63, p. 172-182 ; Erin Willson, Gretchen Kerr, Ashley Stirling, Stephanie Buono, « Prevalence of Maltreatment Among Canadian National Team Athletes », op. cit..↩︎

  15. À l’échelle internationale, une étude démontre qu’en Turquie, 56 % des athlètes interrogées déclarent avoir subir un harcèlement sexuel ou des violences de cette nature ; elles sont 55 % en Norvège : Greg Decamps, Anne Jolly, Sabine Afflelou, Étude sur les violences sexuelles dans le sport en France : contextes de survenue et incidences psychologiques, op. cit., pp. 13-14.↩︎

  16. Jeannine Ohlert, Tine Vertommen, Bettina Rulofs, Thea Rau, M. Allroggen, « “Elite athletes” experiences of interpersonal violence in organized sport in Germany, the Netherlands, and Belgium », op. cit..↩︎

  17. La publication en 2019 d’une enquête journalistique a révélé l’existence de plusieurs dizaines de cas de violences sexuelles dans le sport et nombre de dysfonctionnements en matière de prévention de ces violences et de répression de leurs auteurs : « Pédophilie dans le sport, le scandale », Disclose, 11 décembre 2019. Un mois plus tard, en janvier 2020, la championne de patinage artistique Sarah Abitbol publiait un ouvrage dans lequel elle dénonçait les viols subis dans son adolescence par son entraîneur (Un si long silence, Plon, 2020), ouvrant la voie à une véritable déferlante de révélations et de signalements. Avant elle, Catherine Moyon de Baecque, lanceuse de marteau, dans son livre La Médaille et son revers (Albin Michel, 1997) et Isabelle Demongeot, dans son livre Service volé (Michel Lafon, 2007) avaient déjà révélé les violences dont elles ont fait l’objet.↩︎

  18. En dernier lieu, par le rapport d’enquête : Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, relatif à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public, 19 décembre 2023, t. 1.↩︎

  19. V. infra I.A.↩︎

  20. Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.↩︎

  21. Loi n° 2024-201 du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport.↩︎

  22. Tel est le cas si la personne mise en cause n’est pas une des personnes listées à l’article L. 212-13 du Code du Sport : dirigeants de clubs, éducateurs sportifs professionnels ou bénévoles, juges-arbitres, intervenants auprès de mineurs et surveillants de baignade.↩︎

  23. C. sport, art. L. 131-8-1 ; cette obligation est également à l’égard des exploitants d’EAPS : C. sport, art. L. 322-4-1.↩︎

  24. Notons que les référents honorabilité, rouages essentiels du dispositif du contrôle d’honorabilité, sont bénévoles et dépourvus de formation liée au contrôle. Un simple guide intitulé Contrôle de l’honorabilité des éducateurs, des exploitants bénévoles et des juges, arbitres licenciés auprès des fédérations sportives a été conçu par le Ministère des sports.↩︎

  25. C. sport, annexe I-6.↩︎

  26. Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit., p. 189.↩︎

  27. Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Droit du sport, 6è ed., LGDJ, 2020, n° 328. Ce pouvoir fédéral est subordonné à l’existence d’un agrément ministériel qui n’est délivré qu’aux fédérations ayant « adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement-type […] » : article L. 131-8 du Code du sport.↩︎

  28. Le règlement disciplinaire-type des fédérations prévoit ainsi que les organes disciplinaires fédéraux sont compétents, rationae materiae, pour connaître des « faits contraires aux règles posées par les statuts et règlements de la fédération, de ses organes déconcentrés ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle […] » : art. 2 al. 9 du règlement disciplinaire-type prévu à l’annexe I-6 du Code du sport. Les fédérations sportives délégataires sont seules compétentes pour exercer leur pouvoir disciplinaire sur l’ensemble de leurs membres : Gaylor Rabu, « La concurrence juridictionnelle des fédérations sportives », Cahiers de droit du sport, 2023, n° 62, p. 27.↩︎

  29. En dernier lieu le rapport d’enquête parlementaire : Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit..↩︎

  30. V. Robert Vincent, « Dirigeants sportifs - Contrôle d'honorabilité : coopération entre l’État et les fédérations », La revue juridique et économique du sport, 2021, n° 222, p. 34.↩︎

  31. Sur ce contrôle, v. Robert Vincent, « L’honorabilité des dirigeants sportifs », La revue juridique et économique du sport, 2020, n° 214, p. 38 ; Fabienne Bourdais, « La lutte contre les violences sexuelles dans le sport en France depuis 2020. Traitement des signalements et contrôle d’honorabilité », in Olivia Coste, Philippe Liotard (dir.), Violences sexuelles et sport. L’essentiel pour agir, op. cit..↩︎

  32. Sur cette incapacité pénale, v. Jean-Pierre Vial, « Lutte contre les violences sexuelles dans le sport : coup de projecteur sur le cadre juridique de la prévention », AJ pénal 2020, p. 286.↩︎

  33. Tous les éducateurs sportifs rémunérés doivent disposer d’une carte professionnelle, délivrée à l’issue d’une double vérification portant sur leur qualification et leur honorabilité : C. sport, art. R. 212-89. Leur honorabilité est contrôlée annuellement par une consultation automatisée du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du FIJAISV.↩︎

  34. C. sport, art. L. 212-9, II. Cette double vérification est d’autant plus stricte qu’elle s’accompagne d’une exception au principe de réhabilitation pénale : art. L. 212-9, I bis, al. 4.↩︎

  35. Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit..↩︎

  36. Fabienne Bourdais, « La lutte contre les violences sexuelles dans le sport en France depuis 2020. Traitement des signalements et contrôle d’honorabilité », op. cit.↩︎

  37. Le rapport parlementaire de la loi Abitbol évoquait déjà l’extension du contrôle de l’honorabilité aux personnes non licenciées intervenant régulièrement dans un club : Assemblée nationale, Rapport n° 2202 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, 14 février 2024, p. 22.↩︎

  38. L’inscription au FIJAISV, le fichier judiciaire automatisé des infractions sexuelles et violentes, a une durée de trente ans si la condamnation a trait à un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et de vingt ans dans les autres cas. Si la personne condamnée est mineure, ce délai est de dix ans : C. proc. pén., art. 706-53-4.↩︎

  39. Ludivine Richefeu, « Loi Abitbol renforçant la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport : un (petit) pas en attendant le grand saut ? », Gaz. Pal., 11 juin 2024, n° GPL463y0.↩︎

  40. Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit.., p. 45.↩︎

  41. Fabienne Bourdais, « La lutte contre les violences sexuelles dans le sport en France depuis 2020. Traitement des signalements et contrôle d’honorabilité », op. cit.↩︎

  42. C. sport, art. L. 212-13. ↩︎

  43. V. le rapport d’enquête parlementaire : Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit., qui évoque une cellule « sous-dimensionnée » (p. 169).↩︎

  44. Ibid., p. 165.↩︎

  45. V. Ludivine Richefeu, « Violences sexuelles commises dans le sport : réflexion à la croisée des répressions pénales et disciplinaires », Lexbase pénal, 26 avril 2023, N5146BZM ; Cécile Chaussard, Claire Sourzat, « La lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Illustration de la cogestion du sport français par l’Etat et les fédérations sportives », in Mélanges en l’honneur du Professeur Gérald Simon, Lexisnexis, 2021 ; Claire Sourzat, « Les rapports des procédures pénale et disciplinaire en présence d’infractions sexuelles sur mineur en milieu sportif », Cahiers de droit du sport, 2021, n° 58, p. 114.↩︎

  46. Défaillance qui est au cœur du dernier rapport d’enquête parlementaire : Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit..↩︎

  47. Ibid., p. 179.↩︎

  48. V. notamment les règlements disciplinaires des fédérations de natation, de gymnastique, d’équitation, des sports de glace, d’athlétisme, de tennis et de football.↩︎

  49. C. sport., art. L. 131-15-1.↩︎

  50. Pour le président du comité d’éthique : art. 3.1 du règlement intérieur du comité d’éthique, de déontologie et de citoyenneté de la fédération française de triathlon ; pour les membres de ce comité : art. 62 du règlement intérieur de la fédération française d’athlétisme ; art. I-1 du règlement intérieur du comité d’éthique et de déontologie de la fédération française de natation ; art. 11 de la charte éthique du basket-ball ; art. 1.1.1 du règlement de fonctionnement éthique et déontologie de la fédération française des sports de glace.↩︎

  51. Tel semble être le cas des comités d’éthique de la Fédération française de billard (https://www.ffbillard.com/pages/comite-dethique-et-de-deontologie-246.html) et de la Fédération française de karaté (https://www.ffkarate.fr/instances/comite-dethique-et-de-deontologie/).↩︎

  52. Assemblée nationale, Rapport n° 2012 de Mme Sabrina Sebaihi, op. cit., p. 108.↩︎

  53. Ibid., pp. 108 et 189.↩︎

  54. Ibid., p. 189.↩︎

  55. Réforme opérée par l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 relative à la procédure disciplinaire devant l’Agence française de lutte contre le dopage.↩︎

  56. Jeannine Ohlert, Tine Vertommen, Bettina Rulofs, Thea Rau, M. Allroggen, « Elite athletes’ experiences of interpersonal violence in organized sport in Germany, the Netherlands, and Belgium », op. cit.↩︎

  57. V. le documentaire de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, préc.↩︎

  58. Art. 2, dernier alinéa du règlement disciplinaire-type, annexe I-6 du Code du sport.↩︎

  59. Une minorité de règlements disciplinaires fédéraux prévoit d’ailleurs ce mécanisme : art. 3.3.1 du Règlement disciplinaire de la Fédération française de football, art. 13 du règlement disciplinaire de la Fédération française de cyclisme, art. 10 du règlement disciplinaire de la Fédération française de basket-ball.↩︎

  60. Cons. const., 28 déc. 2005, n° 2006-545 DC, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 24.↩︎

  61. Cette suppression a été organisée par l’ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 relative à la procédure disciplinaire devant l’Agence française de lutte contre le dopage.↩︎

  62. Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-688 QPC.↩︎

  63. Ibid., § 8.↩︎

  64. Ibid., § 9.↩︎

  65. Les articles 2.1 à 2.10 du Code mondial antidopage listent les onze agissements qualifiés de violations des règles antidopage susceptibles d’être sanctionnés. Ces agissements sont repris par les articles L. 232-9 et suivants du Code du sport.↩︎

  66. C. sport, art. L. 232-22.↩︎

  67. C. sport, art. L. 232-23.↩︎

  68. Cette mesure conservatoire est aménagée dans les règlements disciplinaires, permettant au président de l’organe de prononcer une interdiction d’exercice jusqu’à la décision disciplinaire.↩︎

  69. Art. 4 du règlement disciplinaire-type, annexe I-6 du Code du sport.↩︎

  70. Art. 2 dernier alinéa du règlement disciplinaire-type.↩︎

  71. Art. 2 al. 15 du règlement disciplinaire-type.↩︎

  72. Nicolas Blanchard, « Quelles suites après un signalement ? », Revue juridique et économique du sport, 2024, n° 256, p. 19.↩︎

  73. Claire Dieuzaide, « Le règlement disciplinaire type : un outil adapté à la répression des VSS ? », Revue juridique et économique du sport, 2024, n° 256, p. 24 ; Jean-Christophe Breillat, « La répression disciplinaire des VSS : donnez aux fédérations les moyens ou gérez-la ! », Revue juridique et économique du sport, 2024, n° 251, p. 3.↩︎

  74. Claire Dieuzaide, « Le règlement disciplinaire type : un outil adapté à la répression des VSS ? », op. cit.↩︎

  75. Ibid.↩︎

  76. Ludivine Richefeu, « La répression des violences sexuelles commises dans le sport », Cahiers de la justice, 2024, n° 1, p. 81.↩︎

  77. Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Droit du sport, op.cit., n° 336 ; Cour EDH, 3e sect., 5 mars 2020, Platini c. Suisse, req. n° 526/18 ; Jean Mouly, « Droit disciplinaire – Fautes disciplinaires », Répertoire de droit du travail Dalloz, octobre 2022 ; Joëlle Pralus-Dupuy, « La répression disciplinaire de l’infraction pénale », RSC, 1992, p. 229 ; et même autrice : « Les tendances contemporaines de la répression disciplinaire, RSC, 2000, p. 545. Quelques exceptions existent, par exemple en matière de régime disciplinaire pénitentiaire, soumis depuis un décret du 2 avril 1996 au principe de légalité : Eliette Rubi-Cavagna, « Faute disciplinaire et droit pénal », in Joël Moret-Bailly (dir.), Vers un droit commun disciplinaire, PUSE, 2007, p. 215.↩︎

  78. Art. 2 al. 9 du règlement disciplinaire-type.↩︎

  79. CE, 7 juillet 2004, n° 255136. Cette position rejoint celle du Conseil constitutionnel qui juge que l’exigence de définition de la faute disciplinaire se trouve satisfaite dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l’activité qu’ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou encore de l’institution dont ils relèvent : Cons. const., 25 nov. 2011, n° 2011-199 QPC. V. aussi : Cons. const., 17 janv. 1989, n° 88-248 DC : les obligations qui s’imposent aux personnes assujetties au pouvoir disciplinaire général des fédérations doivent être définies à l’avance par les textes.↩︎

  80. À l’exception du règlement disciplinaire de la Fédération de basket, qui chaque année renforce la légalité de la faute disciplinaire notamment en ce qui concerne les violences.↩︎

  81. Joëlle Pralus-Dupuy, « La répression disciplinaire de l’infraction pénale », op. cit ; Eliette Rubi-Cavagna, « Faute disciplinaire et droit pénal », op. cit.↩︎

  82. La charte d’éthique de la Fédération française d’athlétisme précise ainsi que « le harcèlement sexuel/sexiste et les agressions sexuelles […] ne sont pas tolérables » p. 14 ; la charte de la Fédération française des sports de glace pose l’interdiction des « violences physiques (coups, blessures, d’ordre sexuel) » : Principe n° 8, « S’interdire toute forme de violence », p. 5.↩︎

  83. Sur ce point, v. Jean-Baptiste Perrier, « Affaire Bernard Laporte : regards pénalistes sur une sanction disciplinaire du sport », Cahiers du droit du sport, n° 35, 2014, p. 200 ; cette absence de légalité est également regrettée concernant le droit canonique : v. notamment, Yves Mayaud, « Le pouvoir “pénal” de l’Église, ou du mésusage du droit disciplinaire », JCP G, n° 46, 15 novembre 2021, doctr. 1217, § 23 et s ; Jean-Marc Sauvé (dir.), Rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, 5 octobre 2021, p. 442 et s.↩︎

  84. V. par exemple, organe disciplinaire d’appel de la FFA, décisions du 13 juillet 2018 et du 20 juillet 2020.↩︎