United States v. Skrmetti : l’identité de genre dans le droit et la politique de l’égale protection

Olatunde Johnson













Résumé :

L’article analyse l’arrêt United States v. Skrmetti, dans lequel la Cour suprême américaine juge que l’interdiction, par le Tennessee, des bloqueurs de puberté pour les mineurs trans ne viole pas la clause constitutionnelle d’égalité, dite clause « d’égale protection ». Refusant de considérer qu’il s’agit d’une discrimination fondée sur le sexe, la Cour applique le contrôle le plus déférent (base rationnelle) et accepte l’argument de l’État selon lequel il protège les mineur·es de risques médicaux incertains. L’auteure montre ici que cette approche s’inscrit dans un contexte plus large de lois et de décrets fédéraux visant les personnes trans (toilettes, soins, sport, documents d’identité), porté par des coalitions conservatrices et antilibérales. La décision illustre un formalisme étroit en matière d’égalité et un net recul par rapport à la dynamique plus protectrice de décisions antérieures, comme Bostock, Romer et Windsor. Plusieurs questions restent ouvertes : la possible reconnaissance du statut de personne trans comme « catégorie quasi-suspecte », la prise en compte des stéréotypes de genre, la définition de l’intention discriminatoire, le degré de rigueur du contrôle intermédiaire. Les affaires à venir sur la participation des filles trans au sport féminin et sur la mention du sexe portée sur les passeports marqueront une étape décisive pour l’avenir de la protection des personnes trans et, plus largement, pour l’orientation de la jurisprudence en matière d’égalité.

Mots-clefs : Cour suprême des Etats-Unis ; discrimination ; droits des trans ; principe d’égale protection.

Abstract :

The article examines United States v. Skrmetti, in which the U.S. Supreme Court held that Tennessee’s categorical ban on puberty blockers for transgender minors does not violate the Equal Protection Clause. The Court refused to treat the statute as sex-based discrimination and instead applied highly deferential rational basis review, accepting Tennessee’s claim that it seeks to protect minors from uncertain medical risks. Johnson situates the ruling within a broader wave of anti-trans legislation and executive action targeting healthcare, bathrooms, sports, and identity documents, fueled by conservative and anti-liberal movements. The decision reflects a narrow, formalist understanding of equality and a retreat from more protective precedents such as Bostock, Romer, and Windsor. Crucial questions remain unresolved: whether transgender status can qualify as a suspect or quasi-suspect class, how courts should treat gender stereotypes, how to define “animus,” and how demanding intermediate scrutiny should be. Upcoming cases on transgender participation in women’s sports and on gender markers in passports will likely be pivotal for both the rights of trans individuals and the future direction of equal protection doctrine.

Keywords : US Supreme Court; discrimination; trans people’s rights; Equal Protection.

  1. Dans l'affaire United States c. Skrmetti, la Cour suprême des États-Unis a décidé que l'interdiction absolue par l'État du Tennessee d'administrer des bloqueurs de puberté à des mineurs souffrant de dysphorie de genre ne violait pas le principe d'égale protection des lois découlant du 14e amendement à la Constitution des États-Unis1. Suivant l’opinion d’une majorité de six juges, la Cour n’a pas procédé à un examen approfondi de la loi car seules les lois « suspectées » de procéder à des discriminations fondées sur le sexe font l’objet d’un tel contrôle2. Au lieu de cela, la Cour a recouru au standard de contrôle le plus déférent envers le législateur – le contrôle minimal, dit « rational basis review »3 - et a estimé que la loi était justifiée par l'intérêt légitime du Tennessee à protéger les mineur·es contre d'éventuels dommages physiques et psychologiques4.

  2. La décision Skrmetti a des implications à plusieurs niveaux : à la fois pour la doctrine de l’égale protection mais aussi pour la protection (constitutionnelle et législative) des personnes transgenres et des enfants contre une série de lois et de décrets affectant leur accès aux traitements médicaux, à la pratique sportive, aux toilettes et à certains services publics.

  3. Refusant de procéder à un examen approfondi de la question, la décision Skrmetti laisse en suspens toute une série de questions concernant les droits des personnes transgenres, notamment celle de leur protection contre les discriminations dans le domaine de l’éducation ; mais aussi celle de leur possible prétention à constituer un « groupe discriminé » [suspect class], au même titre que les victimes de discrimination raciale ou sexuelle, qui leur permettrait, en cas de contentieux, de bénéficier d'un contrôle juridictionnel approfondi en vertu du principe d'égale protection. Ces questions devraient trouver une réponse prochainement : au cours de la session 2025‑2026, la Cour se penchera en effet sur deux nouvelles questions : premièrement, celle de la légalité de l'interdiction faite aux femmes et aux filles transgenres de jouer dans des équipes sportives féminines et, deuxièmement, celle de la suppression des options d'identité transgenre et non binaire des passeports américain5. Ces affaires ne sont probablement qu'un début, dans la mesure où l'exclusion des personnes transgenres de l'accès aux biens publics et sociaux semble demeurer une priorité de certains gouvernements des États (fédérés), ainsi que de l'actuel pouvoir exécutif (fédéral)6.

I. Le contexte politique et la loi du Tennessee

  1. L'interdiction par le Tennessee des bloqueurs de puberté pour certain·es mineur·es est l'une des centaines de lois adoptées par les gouvernements (à l’échelle des États fédérés et de l’ État fédéral) au cours de la dernière décennie qui affectent les droits des personnes transgenres et non binaires. L’un des points de départ de cette série de mesures visant à limiter les droits des personnes trans a été la « législation sur les toilettes » de 2014. Il s’agissait de mesures prises au niveau des États pour conditionner l'accès aux toilettes publiques au « sexe biologique »7. Au cours de la décennie suivante, ces limitations se sont étendues à des lois limitant l'accès aux soins de conversion, aux sports et aux documents d'identité transcrivant la nouvelle identité de genre8. Le dénigrement des personnes transgenres a été un élément clé de la première campagne électorale du président Donald Trump9. Dès son entrée en fonctions pour un second mandat, et comme le prévoit le cadre de gouvernance du « Projet 2025 » rédigé par le groupement conservateur Heritage Foundation, le président Trump a rapidement utilisé son pouvoir exécutif pour limiter les droits des personnes transgenres10. L'administration a publié un décret visant à rétablir, en particulier sur les documents d’identité, la réalité « biologique » et « incontestable » selon laquelle il n'existe que deux sexes, masculin et féminin, et à démanteler « l'idéologie du genre », c’est‑à‑dire « l'idée qu'il existerait un vaste spectre de genres qui sont déconnectés du sexe d'une personne »11. Le décret ordonnait aux agences fédérales d'apporter, dans le cadre de leurs décisions, toutes les modifications nécessaires pour se conformer à ce décret. Il exigeait en particulier que les secrétaires d'État et à la Sécurité intérieure cessent de délivrer des passeports qui ne désignent ni le sexe masculin ni le sexe féminin de la personne concernée. Plus encore, il exigeait que le ministère de l'Éducation n'interprète pas la loi fédérale sur l'éducation interdisant la discrimination sexuelle comme s'étendant à la discrimination fondée sur l'identité de genre12.

  2. Sans intervention judiciaire, ces restrictions des droits des personnes transgenres ne devraient pas diminuer dans les années à venir. Elles sont en effet alimentées par toute une série de forces politiques. Parmi ces forces figurent les groupes chrétiens conservateurs qui militent pour une limitation des droits des personnes LGBTQ+ au nom du maintien des relations traditionnelles entre les sexes et au sein de la famille. Leurs voix électorales sont courtisées par les dirigeants de droite (quelle que soit leur appartenance religieuse) afin de former une coalition électorale gagnante13. L'accent mis sur les écoles et le sport séduit potentiellement les électrices convoitées, en particulier celles qui sont mères, et dissocie la question des droits des personnes transgenres d'autres questions telles que le mariage homosexuel, qui bénéficient d'un plus large soutien populaire. Certes, il existe des preuves du succès électoral mitigé des campagnes visant à restreindre les droits des personnes transgenres lors des récentes élections aux États‑Unis14, mais selon de nombreux observateurs, les questions liées au statut des personnes transgenres ne sont pas seulement une tactique électorale de l'extrême-droite ; elles sont liées à l'idéologie traditionnelle du genre que soutiennent les dirigeants et les mouvements sociaux antilibéraux et populistes15.

  3. La loi du Tennessee en cause dans l'affaire Skrmetti s’inscrit dans ce contexte politique. Depuis 2015, le Tennessee a adopté un certain nombre de lois restreignant les droits des personnes transgenres, lesbiennes et gays. Dans un mémoire d'amicus curiae, cet État est décrit comme étant celui des États-Unis qui a pris le plus grand nombre de mesures contre les personnes LGBTQ+ : « près du double [de mesures] par rapport aux autres États ayant adopté des lois similaires » entre 2015 et 202416. L’affaire Skrmetti commence lorsqu'un activiste et commentateur de droite opposé à « l'idéologie du genre »17 attire l'attention sur la clinique d'un hôpital universitaire qui fournissait des soins d'affirmation du genre à des mineur·es18. L'activiste publie alors une série de messages et de vidéos sur les réseaux sociaux affirmant que l'hôpital fournit des médicaments, procède à des castrations chimiques et pratique des mastectomies sur des mineur·es19. Cela a conduit à l’ouverture d’une enquête sur la clinique20. Alors que la clinique publiait des déclarations se défendant contre ces accusations, en octobre 2022, l'activiste a organisé un rassemblement dans la capitale de l'État pour s'opposer aux soins d'affirmation du genre pour les mineurs21. En janvier 2023, le législateur du Tennessee a présenté le projet de loi qui allait devenir le SB1, interdisant certaines formes de soins d’affirmation du genre pour les mineur·es22. Plus précisément, le SB1 interdit à un prestataire de soins de santé « de pratiquer ou de proposer de pratiquer sur un mineur, ou d'administrer ou de proposer d'administrer à un mineur, une intervention médicale si la pratique ou l'administration de cette intervention a pour but de : (A) permettre à un mineur de s'identifier à une identité supposée incompatible avec son sexe ou de vivre selon cette identité ; ou (B) traiter un inconfort ou une détresse supposés résultant d'une discordance entre le sexe du mineur et l'identité revendiquée »23. L'interdiction des bloqueurs de puberté ne s'applique toutefois pas si ces procédures médicales ont pour but de « traiter une malformation congénitale, une puberté précoce, une maladie ou une blessure physique d'un mineur ». Cependant, la législation exclut clairement « la dysphorie de genre, le trouble de l'identité de genre, l'incongruité de genre ou toute condition mentale, trouble, handicap ou anomalie » de la liste des maladies susceptibles d’être prises en charge24. Le parlement de l’Etat du Tennessee a justifié cette loi par divers objectifs, notamment la protection des mineur·es contre la stérilité, les maladies et les conséquences psychologiques, ainsi que contre les conséquences inconnues de procédures expérimentales qui ne sont pas encore étayées par des études médicales à long terme de haute qualité25. Le législateur a également affirmé un « intérêt légitime, substantiel et impérieux » à promouvoir la dignité des mineurs et à « encourager les mineurs à reconnaître et à assumer leur sexe, en particulier lorsqu'ils traversent la puberté »26. La loi prévoit, en outre, des mécanismes permettant son exécution effective : que ce soit par le biais d'une action civile intentée par le procureur général de l'État,27 de sanctions civiles,28 ou d'un droit d'action privé exercé par un parent ou un mineur non consentant à l'encontre d'un prestataire de soins de santé29.

II. Formalisme du principe constitutionnel de l’égale protection

  1. L'affaire a débuté lorsque trois mineurs transgenres, leurs parents et un prestataire de soins de santé ont contesté la loi SB1, alléguant qu’elle violait le principe constitutionnel d'égale protection et le droit fondamental des parents à décider du traitement médical de leurs enfants30. Sous l’administration Biden, le ministère fédéral de la Justice est intervenu dans le procès au nom des plaignants31. Le tribunal fédéral de district a estimé que ces derniers n'avaient pas qualité pour intenter une action relative à l'interdiction totale des opérations de changement de sexe, mais a jugé que l'interdiction législative des bloqueurs de puberté était effectivement susceptible de violer le principe d'égale protection ainsi que les droits procéduraux substantiels [substantive due process] des parents32. En conséquence, le tribunal fédéral de première instance a provisoirement suspendu l'application de la loi dans le Tennessee. La Cour d’appel du 6e circuit a invalidé la suspension provisoire et infirmé les conclusions du tribunal de première instance relatives à l'égalité de protection et au droit à une procédure régulière et à un procès équitable33. La Cour suprême a accepté de se saisir de l'affaire, mais uniquement sur la question de savoir si la loi SB1 violait le principe d’égale protection34.

  2. Pour résoudre la question relative à l’égalité devant la loi, la Cour suprême devait déterminer si la loi SB1 instaurait une classification fondée sur le sexe. Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une loi opère une distinction explicite « en raison du sexe » - c’est-à-dire lorsqu’elle énonce explicitement une différenciation fondée sur le sexe - elle déclenche un contrôle juridictionnel renforcé. Une fois une telle classification identifiée, la loi est alors soumise à un contrôle plus approfondi. S’agissant plus particulièrement des classifications fondées sur le sexe, la loi doit supporter un contrôle normal, dans le cadre duquel l’État doit démontrer que « la loi poursuit des objectifs gouvernementaux importants et que les moyens discriminatoires retenus sont substantiellement liés à la réalisation de ces objectifs »35. L’idée sous-jacente est que, si les discriminations sur la base du sexe peuvent parfois être justifiées (à la différence des discriminations raciales, que la Cour considère comme rarement justifiées et qui sont dès lors soumises systématiquement au contrôle renforcé36), « elles reflètent trop souvent des stéréotypes ou des généralisations excessives concernant les différences entre les hommes et les femmes »37. Si aucun contrôle renforcé n’est activé, la loi étatique est alors examinée au regard du contrôle minimal fondé sur l’erreur manifeste.

  3. La Cour suprême a estimé que le contrôle renforcé n’était ici pas applicable, parce que la loi SB1 opérait une classification fondée sur l’âge et sur le type de traitement médical, et non sur le sexe. Elle n’a pas été convaincue que les références au sexe figurant dans la loi SB1 suffisaient à déclencher un contrôle renforcé, ni que l’application de la loi dépendait du sexe. Selon la Cour, de simples références au sexe dans un texte législatif ne suffisent pas à activer un contrôle renforcé38. Elle a en outre estimé qu’une telle approche serait particulièrement problématique dans le domaine médical, dans lequel de nombreux traitements sont « intrinsèquement liés » au sexe en raison de variations dans la « sécurité » ou « l’efficacité » des médicaments. La Cour affirme ainsi : « Dans le domaine médical, le simple recours à un langage renvoyant au sexe ne suffit pas à faire entrer le texte dans le champ du contrôle renforcé »39.

  4. S’agissant de la question de savoir si l’application de la loi SB1 dépend du sexe, la Cour n’a pas été davantage convaincue. Les requérants soutenaient qu’en vertu du texte, une mineure de sexe féminin assigné à la naissance ne pouvait recevoir des bloqueurs de puberté ou de la testostérone pour affirmer une identité masculine, tandis que la chose demeurait possible pour un mineur de sexe masculin40. En d’autres termes, ils affirmaient que la loi autorise certains traitements pour les mineurs d’un sexe tout en les interdisant pour ceux de l’autre sexe. Le Président de la Cour John Roberts conclut toutefois que l’application de la loi ne dépend pas du sexe, mais de l’état médical du mineur et du traitement requis. Ainsi, comme l’explique la Cour :

« La loi SB1 ne distingue clairement pas entre les personnes en fonction de leur sexe. Les bloqueurs de puberté et les hormones peuvent tous deux être utilisés pour traiter certaines indications qui se recoupent (telles que la dysphorie de genre), et chacun peut être utilisé pour traiter toute une série d'autres affections (...). Par exemple, lorsqu'un garçon transgenre (dont le sexe biologique est féminin) prend des bloqueurs de puberté pour traiter sa discordance de genre, il reçoit un traitement médical différent de celui d'un garçon dont le sexe biologique est masculin et qui prend des bloqueurs de puberté pour traiter sa puberté précoce. La loi SB1 restreint les traitements médicaux accessibles aux mineurs en fonction de leur état de santé. Ainsi, un professionnel de santé peut administrer des bloqueurs de puberté ou des hormones à tout mineur pour traiter une malformation congénitale, une puberté précoce, une maladie ou une blessure physique ; mais un prestataire de soins de santé ne peut administrer de bloqueurs de puberté ou d'hormones à un mineur pour traiter une dysphorie de genre, un trouble de l'identité de genre ou une discordance de genre. L’interdiction ne dépend pas du sexe »41.
  1. Selon la Cour, le motif qui justifie une différence de traitement n'était donc pas le « sexe », mais l'état de santé ou le traitement médical.

  2. Les plaignants ont tenté de contrer cette interprétation stricte de la loi en s'appuyant sur l’arrêt Bostock c. Clayton County42. Dans cette affaire jugée le 15 juin 2020, la Cour devait décider si le titre VII du Civil Rights Act de 1965, qui prohibe les discriminations en matière de recrutement et de licenciement sur le fondement de « la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine de la personne », prohibait également les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle. La majorité avait opté pour une lecture extensive du Civil Rights Act, jugeant que la discrimination à l'égard des personnes transgenres et homosexuelles constituait une discrimination fondée sur le sexe au sens de la loi fédérale sur l'emploi43. Selon la Cour : « pour qu'un employeur discrimine des employés parce qu'ils sont homosexuels ou transgenres, il doit intentionnellement discriminer des hommes et des femmes en partie en raison de leur sexe »44. La décision Bostock retient une lecture résolument formaliste45 du texte, au détriment d’une lecture textualiste, qui aurait permis de prendre en considération ses finalités plus larges - notamment la lutte contre les stéréotypes de genre -, et au détriment d’une lecture contextualiste : elle repose sur une logique fondée sur la causalité46.

  3. En effet, dans cet arrêt, la Cour a un raisonnement « causal » : si un homme dont le partenaire est un homme peut être licencié, mais pas une femme dont le partenaire est un un homme, alors il y a bien une discrimination fondée sur le sexe, car le sexe de la personne est la cause déterminante du licenciement47. De même, si une homme trans se voit refuser un emploi et qu'une femme présentant comme une femme cis obtient cet emploi, alors le sexe est la cause déterminante de la décision d’embauche48.

  4. Quelles que soient les critiques que l'on puisse formuler à l'encontre du formalisme de l’arrêt Bostock, les plaignants dans l'affaire Skrmetti ont cherché à utiliser cette décision pour faire valoir que la loi SB1 instaurait également une différence de traitement fondée sur le sexe : selon eux, elle interdirait à une femme « biologique » de recevoir de la testostérone pour vivre en tant qu'homme, mais permettrait à un homme « biologique » de recevoir de la testostérone pour affirmer son identité masculine.

  5. Dans son arrêt Skrmetti, la Cour a toutefois refusé de suivre le raisonnement qu’elle avait tenu dans l’arrêt Bostock. Elle a d'abord remis en question l’applicabilité même de la jurisprudence Bostock à l’affaire Skrmetti. De fait, l’affaire Bostock concernait l’interprétation du Civil Rights Act alors que l’affaire Skrmetti concerne l’interprétation du principe constitutionnel d'égale protection49 ; dans une opinion concordante, le juge Thomas soutient bien que la jurisprudence Bostock n’a pas vocation à s’appliquer au‑delà du Civil Rights Act. Il souligne ainsi que dans l’arrêt Bostock, la Cour utilise les termes « en raison du titre VI » [du Civil Rights Act] ; ce qui ne permet pas d’étendre sa jurisprudence à d’autres cas de figure, comme celui du principe d’égale protection50.

  6. Mais surtout, la Cour a jugé est que la différence de traitement en cause dans l'affaire SB1 n’était pas fondée sur le sexe, mais sur l’état de santé51. Suivant là encore une logique formaliste, elle insiste sur le fait qu’une loi interdisant le traitement de la dysphorie de genre ne constitue pas une discrimination fondée sur l'identité de genre, mais s’explique par une différence de diagnostic médical52. Elle raisonne ainsi : « Si un garçon transgenre demande de la testostérone pour traiter sa dysphorie de genre, le projet de loi SB1 empêche un prestataire de soins de santé de la lui administrer. (...) Si vous changez son sexe biologique de femme à homme, la loi SB1 ne lui permettrait toujours pas d'obtenir les hormones qu'il demande, car il ne remplirait pas les conditions requises pour recevoir de la testostérone, telles qu'une malformation congénitale, une puberté précoce, une maladie ou une blessure physique »53. La Cour conclut alors que « selon la logique de Bostock, le sexe n'est tout simplement pas une cause déterminante dans l’accès au traitement [tel que réglementé par la loi SB1] »54.

  7. La Cour utilise ainsi le contexte médical pour nier toute possible discrimination fondée sur le sexe ou l’identité de genre. La loi SB1 aurait toutefois pu être considérée comme procédant à plusieurs différences (cumulatives) de traitement susceptibles d’être considérées comme des discriminations sur le fondement de l’état de santé, de l’âge et du sexe. Mais la Cour a raisonné autrement ; une fois le motif de l’état de santé établi comme fondement de la différence de traitement, il n’y avait pas lieu de procéder à un contrôle renforcé. Comme l’a fait remarquer la professeure Kate Redburn : « une grande partie de l’analyse repose sur la simple affirmation que les distinctions fondées sur le sexe en médecine sont présumées être sans danger » (c’est‑à‑dire sans effet néfaste). De plus, tous les arguments en sens contraire ont « été rejetés comme étant accessoires aux catégories fondamentalement médicales, qui ne justifiaient à leur tour qu'un examen sommaire ».55

  8. Par ailleurs, pour rejeter l’argument selon lequel la loi SB1 serait discriminatoire sur le fondement du sexe (ou de l’identité de genre), la Cour invoque également une décision de 1974 largement critiquée pour son raisonnement très formaliste en matière d'égalité de protection : l’arrêt Geduldig v. Aillelo56. Dans cette affaire, la Cour avait estimé que le fait pour un régime d’assurance d’exclure les invalidités liées à la grossesse ne constituait pas une discrimination à l'égard des femmes, mais une discrimination à l'égard des « personnes enceintes ». Dans l'affaire Skrmetti, la Cour raisonne par analogie avec la décision Geduldig. Elle rappelle que dans cette décision, elle avait estimé que le régime d'assurance distinguait entre les personnes enceintes et les personnes non-enceintes. Elle soulignait que, même si seules les femmes peuvent tomber enceintes, toutes les différences de traitement liées à la grossesse n’étaient pas nécessairement des différences fondées sur le sexe. Ici, la comparaison consiste à dire que la SB1 n’opère pas une exclusion fondée sur le statut transgenre, « car elle divise les mineurs en deux groupes : ceux qui peuvent solliciter des bloqueurs de puberté ou des hormones pour traiter la dysphorie de genre, et ceux qui peuvent solliciter des bloqueurs de puberté ou des hormones pour traiter d’autres maladies »57.

  9. L’opinion dissidente de la juge Sotomayor, rejointe par les juges Kagan et Brown Jackson, s'attaque à la logique formaliste suivie par la Cour en matière d’égalité de traitement. Parmi les critiques formulées par l'opinion dissidente, on peut citer celle relative à la formulation même de la loi SB1 qui, à la différence de la loi en cause dans l’affaire Bostock, se réfère textuellement au sexe des patients. En effet, elle interdit explicitement les « traitement des troubles de l’identité de genre » – tout en autorisant d’autres traitements visant des « anomalies physiques ou chimiques présentes chez un mineur et incompatibles avec le développement normal d'un être humain du sexe du mineur »58. Pour les juges dissidents, le projet de loi SB1 « prive les mineurs de soins médicaux fondés en partie » sur le sexe59. L'opinion dissidente reproche également aux autres juges d'avoir en fait créé une exception médicale à ce qui devrait être une simple analyse visant à déterminer si une loi crée une distinction « fondée sur le sexe ». Selon l’opinion dissidente, la Cour confond la question de la justification de la loi (la protection des mineur·es contre certains traitements médicaux) avec la question préliminaire de savoir si la loi établit une distinction fondée sur le sexe : « Les lois qui établissent une distinction fondée sur les différences biologiques entre les hommes et les femmes sont précisément celles que les États pourraient défendre avec succès dans le cadre d'un contrôle normal », mais « les différences biologiques entre les sexes [...] ne justifient pas de contourner complètement » un contrôle normal de constitutionnalité60.

  10. Ces critiques n'ont pas convaincu la majorité des juges de la Cour suprême, qui a opté pour une lecture on ne peut plus formaliste de l’égalité entre les sexes.

III. Déférence législative et incursion dans la comparaison

  1. Ne trouvant aucune distinction [classification] fondée sur le sexe, la Cour a estimé que le projet de loi SB1 devait être soumis à un contrôle minimal, soit le standard de contrôle juridictionnel de la loi le plus léger61. En outre, een formulant le standard du contrôle minimal fondé sur la base rationnelle [rational basis], la Cour en a donné la version la plus déférente : la législation devait être maintenue s'il existait « un ensemble de faits pouvant fournir une base rationnelle à la différence de traitement », ou n’importe quelle « raison plausible » pour cette différence de traitement62. Et pour la Cour, cette exigence était facilement remplie : l'État avait exprimé dans l’exposé des motifs de la législation son objectif de protection de la santé des mineur·es et précisé qu'il existait des procédures moins invasives pour résoudre la dysphorie de genre que les bloqueurs de puberté. Le fait que le Tennessee n'ait pas interdit de manière générale les bloqueurs de puberté, mais uniquement pour les mineur·es trans, n'était donc pas suffisant pour déclarer la loi inconstitutionnelle. Selon la Cour, le législateur a fait un choix raisonnable, éclairé par les débats scientifiques, sur la question de savoir si des traitements tels que les bloqueurs de puberté étaient adaptés pour traiter la dysphorie de genre ou tout autre trouble lié à l’identité de genre ou la discordance de genre63. La Cour a refusé de « remettre en question » les limites fixées par le législateur du Tennessee dans l'élaboration du projet de loi SB1 et a estimé que les risques étaient plus importants pour les mineur·es utilisant ces médicaments pour des troubles de l'identité de genre que pour les autres.

  2. Il est intéressant de noter que la Cour s’est référée à la législation d’autres pays en Europe et au Royaume-Uni qui avaient également mis en garde contre l'utilisation de traitements tels que les bloqueurs de puberté pour les mineurs. Le projet de loi SB1 lui–même justifie l'interdiction en indiquant que « les autorités sanitaires en Suède, en Finlande et au Royaume–Uni, après avoir procédé à des études approfondies, n'ont trouvé aucune preuve que les avantages de ces procédures l'emportent sur les risques et ont donc imposé des restrictions sévères à leur utilisation »64. La majorité des juges dans l’affaire Skrmetti a alors estimé que les restrictions imposées par d'autres juridictions sur les traitements des mineur·es étaient instructives et venaient au soutien de sa décision. La majorité a invoqué une étude du National Health Service en Angleterre qui qualifiait les preuves relatives à l'utilisation des bloqueurs de puberté de « remarquablement faibles » dans la gestion de la dysphorie de genre et du stress lié au genre. Elle a également cité les recommandations prudentes de certaines autorités et organismes de santé en Angleterre, en Finlande, en Norvège et en Suède65.

  3. D’éminents juges de la Cour suprême des États‑Unis, dont le président Robert, rejettent le recours au droit international pour interpréter les dispositions constitutionnelles américaines66, et la majorité a pris soin de rejeter toute utilisation de ce type dans cette affaire67. Pourtant, la Cour invoque ici des sources internationales non pas pour aider à interpréter le droit américain, mais pour montrer les « questions ouvertes concernant des problèmes essentiellement factuels auxquels sont confrontées les autorités médicales et les organismes de réglementation »68. L’opinion dissidente souligne en toute hypothèse que les approches internationales en matière de régulation des bloqueurs de puberté et des hormones pour les mineur·es pourraient permettre à l’Etat de justifier la loi SB1 dans le cadre d’un contrôle intermédiaire, mais pas d’échapper à un contrôle renforcé. Et s’il existe des débats sur la sécurité de ces traitements, il appartient à l’État de les présenter, ainsi que d’autres arguments et éléments de preuve à l’appui de son approche. « Pourtant », écrit la juge dissidente, « la majorité refuse inexplicablement de faire ne serait-ce que le pas minimal consistant à exiger que le Tennessee explique et justifie son raisonnement devant les juridictions inférieures »69.

  4. Ayant décidé d'exercer le contrôle minimal [rational basis], la Cour a opté pour la version la moins stricte de ce standard de contrôle. En effet, au cours des années qui ont précédé l'annulation par la Cour suprême des interdictions du mariage entre personnes de même sexe, les tribunaux fédéraux inférieurs ont souvent annulé les mariages entre personnes de même sexe alors même qu’ils exerçaient un contrôle minimal, notamment lorsque les législateurs faillissaient à présenter des justifications raisonnables et laïques pour ces interdictions70. La Cour suprême elle-même avait appliqué contrôle minimal suffisamment rigoureux pour protéger les droits des homosexuels, que ce soit dans les arrêts Romer v. Evans71 (annulant la disposition constitutionnelle d'un État qui interdisait l'adoption d'une législation anti‑discriminatoire protégeant les droits des homosexuels) ou United States v. Windsor72 (invalidant la loi fédérale interdisant la reconnaissance du mariage homosexuel). Dans ces affaires, la Cour avait déclaré qu'elle n'appliquait certes pas un standard de contrôle renforcé, mais qu'elle examinait néanmoins si les lois étaient entachées d'intention discriminatoire [animosity] ou servaient un objectif législatif légitime73. Dans l'affaire Skrmetti, la Cour n'a nullement examiné de manière approfondie la décision de l'État d'adopter une interdiction totale des bloqueurs de puberté et autres hormones plutôt que de les réglementer. Elle n’a pas davantage examiné de manière approfondie l’autorisation de ces médicaments à d'autres mineur·es pour des conditions médicales sans rapport avec les troubles de l'identité de genre. Elle n’a pris en compte ni le contexte politique, ni ne s’est penchée sur la question de savoir si des préjugés ou une intention discriminatoire avaient conduit à l'adoption de la loi.

IV. Questions sans réponse : stéréotypes sexuels et catégorie quasi-suspecte

  1. La Cour a laissé sans réponse la question de savoir si le statut de transgenre constitue une classification « suspecte » ou « quasi-suspecte »74, s'appuyant plutôt sur son argument selon lequel la loi ne procède pas à une distinction sur le fondement de l’identité sexuelle, mais uniquement sur l'âge et l’état de santé75. Si les personnes transgenres constituaient une classe « suspecte » ou « quasi-suspecte », cela enclencherait la mise en œuvre d’un contrôle renforcé de la constitutionnalité. Selon la jurisprudence antérieure de la Cour, les lois qui semblent procéder à une discrimination fondée sur la race, le sexe et l'origine raciale font l'objet d'un contrôle renforcé ; mais d’autres différences de traitement pourraient également enclencher un tel contrôle. En particulier, le standard de contrôle peut être élevé si le groupe de personnes concernées réussit à démontrer qu'il a été victime de discrimination dans le passé,76 qu'il présente des « caractéristiques évidentes, immuables ou distinctives qui le définissent comme un groupe distinct »77, ou qu'il constitue une minorité politique ou politiquement impuissante78. Ces critères font l’objet de critiques de longue date, et la jurisprudence de la Cour ne les suit pas toujours79 ; mais l'idée sous-jacente est qu’une loi fait l’objet d’un examen approfondi de la part de la Cour si le groupe visé par cette loi a déjà fait l’objet de discriminations et n’a pas les moyens de s’en défendre par le biais des processus politiques et/ou législatifs ordinaires. Dans l’affaire Skrmetti, la Cour fédérale d’appel du 6e Circuit a refusé de considérer que les personnes trans constituaient une catégorie suspecte, soulignant que la Cour suprême « n’avait reconnu aucune nouvelle catégorie particulièrement protégée par la Constitution depuis plus de quarante ans »80. En outre, selon la même Cour d’appel, les personnes trans ne constituent pas une catégorie « immuable » puisque les individus changent d’identité de genre ; elles ne sont pas dépourvues de pouvoir politique, puisque les lois de certains États offrent une protection aux personnes trans ; et la loi a pour objectif la protection des mineur·es contre les dommages psychologiques et physiques causés par des traitements non-testés81.

  2. En refusant le contrôle renforcé, la Cour suprême ne s’est évidemment pas prononcée sur l’extension possible de ce type de contrôle à d’autres catégories « suspectes » ; cette question sera probablement examinée dans le cadre d'affaires futures concernant des lois visant les personnes transgenres. Plusieurs juges se sont toutefois individuellement prononcés sur la question. Dans son opinion concordante séparée, la juge Amy Coney Barrett a exprimé son point de vue : selon elle, la liste des catégories suspectes « demeurée pratiquement fermée »82. La juge Barrett a rejoint l’avis de la Cour d’appel selon lequel les personnes transgenres ne constituent pas une catégorie de personnes « immuable », ni un groupe « distinct », mais plutôt « vaste, diversifié et amorphe »83. La juge Barrett doute par ailleurs que les personnes transgenres aient été victimes de discrimination par le passé, en raison de certaines lois. Si elles l’ont été, il s’agissait de simples discriminations dans la sphère privée, ce qui ne constitue pas un critère suffisant pour faire de ces personnes une « catégorie suspecte » susceptible d’enclencher un contrôle renforcé de la loi en cause par le juge84. La juge Sotomayor, rejointe par les juges Kagan et Jackson, a, dans son opinion dissidente, exprimé son désaccord sur ce point, arguant que les personnes transgenres « présentent les caractéristiques d'une catégorie quasi-suspecte »85. Les juges dissidentes font référence à une « longue » histoire des discriminations subies par les personnes trans dans les domaines de l’emploi, de la santé et du logement, d’interdictions législatives de se travestir, ainsi que de harcèlement et de violence physique. Comme l’a souligné l’opinion dissidente, les personnes transgenres et celles qui défiaient les normes de genre sont victimes de discrimination, du fait même de certaines règles juridiques, comme des interdictions et des arrestations pour travestissement86.

V. Prochaines étapes : les affaires relatives au sport et aux documents d'identité

  1. La question de savoir si les personnes transgenres constituent une catégorie suspecte est l'une des nombreuses questions relatives aux droits des personnes transgenres qui seront probablement abordées lors de la session 2025-2026 de la Cour suprême. Deux affaires portées devant la Cour soulèvent la question de savoir si les filles transgenres peuvent participer à des compétitions sportives dans la catégorie « féminine ». Il est peu probable que, dans ces affaires, la Cour puisse appliquer le raisonnement tenu dans l’affaire Skrmetti. Il semble peu probable que la Cour refuse de conclure à une différence de traitement fondée sur le sexe, et refuse de ce fait d’appliquer un standard de contrôle renforcé des règles en cause. La Cour sera donc possiblement amenée à examiner si les personnes transgenres constituent une catégorie suspecte puis, à déterminer quelles sont les justifications de l'État susceptibles de justifier cette différence de traitement (exigence qui vaut y compris dans le cadre du contrôle normal).

  2. L'affaire Hecox v Little87 conteste l'interdiction totale faite aux filles et aux femmes transgenres de participer à des compétitions sportives féminines dans l'Idaho. En plus d'interdire la participation aux compétitions sportives, la loi de l’Idaho (HB 500) permet à toute personne de contester le sexe d’un athlète participant à une compétition sportive féminine (mais non masculine) dans l'État, et exige que l’athlète confronté à une telle contestation prouve quel est son sexe (biologique) par le biais d'une certification délivrée par un professionnel de santé88. La Cour suprême examinera l'ordonnance de la Cour d'appel fédérale confirmant en partie l’ordonnance du tribunal de première instance interdisant l’application de la loi. La Cour d’appel a estimé que la loi de l’Idaho avait un objectif et des effets discriminatoires et qu’elle était, partant, manifestement discriminatoire à l’égard des femmes transgenres. S'appuyant sur la jurisprudence de la cour d’appel et sur l’affaire Bostock, la Cour d’appel a estimé qu’il s’agissait d’une forme de discrimination fondée sur le sexe et que l’identité de genre constituait une « catégorie quasi-suspecte »89. Appliquant un contrôle normal, la Cour a certes considéré que « la promotion de l’égalité des femmes et de l’équité dans les équipes sportives féminines [était] un intérêt légitime de l'État ». Cependant, elle rejoint l’avis du tribunal de première instance selon lequel « l'interdiction catégorique des femmes et des filles transgenres dans toutes les équipes sportives féminines et le fait de soumettre toutes les participantes aux épreuves sportives féminines à des procédures intrusives de vérification du sexe n’ont pas de liens substantiels avec les objectifs affichés par le législateur et, de ce fait, les compromettent »90.

  3. L'affaire Hecox sera examinée parallèlement à une affaire de Virginie-Occidentale qui porte également sur l'interdiction par l’État de la participation des filles transgenres aux compétitions sportives féminines. Dans cette affaire B. P. J. v. West Virginia, les tribunaux fédéraux inférieurs ont examiné la question de savoir si l’interdiction pouvait être appliquée à une fille transgenre de 13 ans qui prend des médicaments bloquant la puberté et s’identifie comme une fille depuis le CE291. Comme dans l'affaire Hecox, la Cour d’appel a estimé que la loi procédait à une différence de traitement fondée sur le sexe et l’identité de genre ; ce qui supposait la mise en œuvre d’un contrôle normal de la loi en cause92. La procédure est différente de celle de l'affaire Hecox, car la plaignante ne conteste pas la constitutionnalité de la loi en tant que telle, mais simplement l’inconstitutionnalité de son application à son cas individuel93.

  4. La Cour pourrait également décider de procéder à un examen complet de la politique de l'administration Trump consistant à refuser de délivrer des passeports aux citoyens transgenres et non-binaires qui correspondent à leur identité de genre, allant ainsi à l’encontre d’une pratique en vigueur depuis 33 ans sous une forme ou une autre94. Dès son entrée en fonctions, l’administration Trump a en effet mis fin à cette politique95. Après un recours au nom du principe d’égale protection, un tribunal de première instance a interdit la poursuite de cette nouvelle politique. La Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de suspension de cette décision de justice, refusant ainsi d’en bloquer temporairement l’exécution en attendant l’examen en appel96. Le 6 novembre 2025, la Cour suprême a rendu une ordonnance d’urgence accordant au contraire la suspension de la décision de première instance. Selon cette ordonnance, le gouvernement fédéral avait de fortes chances d'obtenir gain de cause sur le fond. La Cour a estimé que « l'indication du sexe de naissance sur les passeports ne porte pas plus atteinte au principe d’égale protection que l'indication de leur pays de naissance : dans les deux cas, le gouvernement se contente d'attester un fait historique sans soumettre quiconque à un traitement différencié »97. Et la Cour d’affirmer que la décision du gouvernement d’exiger l'affichage du sexe biologique ne caractérise pas une intention discriminatoire ou un « simple désir de nuire à un groupe politiquement impopulaire »98. Trois juges se sont opposés à l’octroi d’une telle suspension. Dans une opinion séparée rédigée par la juge Brown Jackson, et à laquelle se sont ralliées les juges Kagan et Sotomayor, l’intervention même de la Cour dans l’affaire avant qu’un mémoire sur le fond ne soit présenté est contestable. Les juges dissidentes reprochent à la Cour d'avoir suspendu la décision de première instance tout en négligeant le préjudice réel causé aux voyageurs transgenres et non-binaires dont les documents d’identité ne reflètent pas leur identité et leur apparence de genre, en citant notamment la violence, le harcèlement et la discrimination qu’ils subissent99. Bien que cette ordonnance ait été rendue à un stade préliminaire du litige, il est possible que la question soit à nouveau soumise à la Cour suprême dans le cadre d'une procédure différente pour la session 2025-2026 ou la session d'octobre 2026.

  5. L’affaire Skrmetti n’est qu’un début. La prochaine session de la Cour suprême sera déterminante pour savoir si le droit à l’égalité de protection peut offrir un recours aux personnes transgenres. Les enjeux sont considérables pour les personnes trans, qui font partie des groupes les plus exposés au harcèlement, à la détresse psychologique et à la violence, et dont les droits continuent à cristalliser les débats politique malgré le faible nombre de personnes trans à l’échelle de la population globale des Etats-Unis. Comme l’ont souligné plusieurs universitaires, les droits des personnes trans sont liés aux contestations autour du genre et de la sexualité dans les sociétés démocratiques100. Les gouvernements ainsi que les mouvements sociaux antilibéraux et de droite ciblent souvent les personnes transgenres dans le cadre d’un projet plus large de préservation des structures traditionnelles de la famille et du genre.

  6. Le droit qui émergera dans les prochaines années définira aussi les contours du principe d’égalité, qui a été critiqué, dans le contexte racial, pour privilégier des conceptions formalistes d’« anti‑classification » plutôt que des conceptions substantielles comme l’« anti‑subordination » et de l’égale citoyenneté101. Plus concrètement, la portée des catégories protégées par le droit à l’égalité, l’intensité du contrôle exercé par le juge, l’ouverture des catégories « suspectes » et la signification même de l’« intention discriminatoire » seront très probablement abordés, voire tranchés.

Olatunde Johnson, professeure de droit, Columbia University School of Law

Références

  1. United States v. Skrmetti, 605 U.S. 495, 512 (2025).↩︎

  2. Ibid., 512‑513.↩︎

  3. Aux États-Unis, la Cour suprême applique traditionnellement trois niveaux de contrôle de constitutionnalité des lois : (1) le rational basis review, une forme de contrôle restreint, proche du contrôle de l’erreur manifeste en droit français ; (2) l’intermediate scrutiny, que l’on peut rapprocher d’un contrôle normal ; et (3) le strict scrutiny, contrôle renforcé, qui s’apparente au contrôle de proportionnalité en droit français. Pour simplifier la traduction, ces trois niveaux seront désignés respectivement comme contrôle minimal, contrôle normal et contrôle renforcé (NdT).↩︎

  4. United States v. Skrmetti, préc.↩︎

  5. Little v. Hecox, 145 S. Ct. 2871 (2025) (acceptation d'un pourvoi dans une affaire visant à déterminer si le fait de limiter la participation aux équipes sportives féminines en fonction du sexe attribué à la naissance viole le principe d'égale protection du quatorzième amendement) ; West Virginia v. B.P.J., 2025 U.S. LEXIS 2661 (acceptation du pourvoi dans une affaire visant à déterminer si le Titre IX ou le principe d'égale protection empêchent les États de séparer les équipes sportives sur la base du sexe attribué à la naissance) ; Trump v. Orr, 2025 U.S. LEXIS 4020 (accordant un sursis dans une affaire concernant la politique de l'administration Trump «exigeant que tous les nouveaux passeports indiquent le sexe individuel de la personne à la naissance »). Dans cette affaire, un sursis a été accordé dans l'attente de l'appel devant la Cour d'appel du premier circuit, mais aucun writ of ertiorari n'a encore été demandé ou accordé (https://www.scotusblog.com/cases/case-files/trump-v-orr/).↩︎

  6. Voir, par exemple, « Defending Women From Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government », Exec. Order No. 4,168, 90 Fed. Reg. 8615, 8616 (20 janvier 2025). Pour le détail des lois étatiques et locales, voir Movement Advancement Project, « Equality Maps : Bans on Best Practice Medical Care for Transgender Youth », 2025, https://www.lgbtmap.org/img/maps/citations-youth-medical-care-bans.pdf ; Movement Advancement Project, « Equality Maps : Bans on Transgender People’s Use of Bathrooms & Facilities in Government-Owned Buildings & Spaces », 2025, https://www.lgbtmap.org/img/maps/citations-bathroom-facilities-bans.pdf.↩︎

  7. Voir, par exemple, 2016 N.C. Sess. Laws 12‑14 (obligation pour les organismes publics de veiller à ce que les toilettes soient « réservées et utilisées uniquement par » les personnes « de leur sexe biologique », défini comme « la condition physique d'être un homme ou une femme, telle qu'indiquée sur l'acte de naissance »), abrogé par 2017 N.C.Sess. Laws 81.↩︎

  8. https://theconversation.com/trans-rights-and-political-backlash-five-key-moments-in-history-187476 ; Zein Murib, « Administering Biology : How ‘Bathroom Bills’ Criminalize and Stigmatize Trans and Gender Nonconforming People in Public Space », Admin. Theory & Praxis, 2020, vol. 42, p. 153, pp. 160‑162.↩︎

  9. Voir par exemple : Ryan Thoreson, « L'administration Trump redouble d'efforts en matière de discrimination envers les personnes transgenres », Human Rights Watch, 25 juin 2020, https://www.hrw.org/news/2020/06/25/trump-administration-doubles-down-trans-discrimination (notant que « depuis 2017, l'administration a retiré les protections réglementaires pour les enfants transgenres dans les écoles, s'est opposée à la reconnaissance des personnes transgenres dans le cadre des lois fédérales sur l'emploi, a interdit aux personnes transgenres de servir dans l'armée, a supprimé les protections pour les personnes transgenres dans les prisons , et a menacé de supprimer le financement des écoles qui autorisent les filles transgenres à participer à des activités sportives »).↩︎

  10. Paul Dans et Steven Groves, Mandate for Leadership : The Conservative Promise, Heritage Foundation, 2023, p. 585 (affirmant que « le président devrait ordonner aux agences de concentrer leur application des lois contre la discrimination sexuelle sur la signification binaire biologique du sexe »).↩︎

  11. « Defending Women From Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government, Exec. Order n  14,168, 90 Fed. Reg. 8615, 8616 (20 janvier 2025).↩︎

  12. Ibid. à la section 3(b) (ordonner chaque agence d'appliquer la « protection des hommes et des femmes en tant que sexes biologiquement distincts ») ; id. à la section 3(d) (ordonner que tous les « documents d'identité délivrés par le gouvernement » reflètent fidèlement le sexe du titulaire, tel que défini « à la section 2 du présent décret ») ; id. à la section 3(e) (limitant l'application du raisonnement de Bostock dans le domaine de l'éducation).↩︎

  13. Saskia Brechenmacher, « Why Gender Is Central to the Antidemocratic Playbook : Unpacking the Linkages in the United States and Beyond », Carnegie Endowment for International Peace, 2024, https://carnegieendowment.org/research/2024/11/women-lgbtq-democracy-authoritarianism-trump?lang=en.↩︎

  14. Voir, par exemple, « Pro-Equality Candidates Win, Anti-Trans Campaigns Lose Again, in Election 2025 », GLAAD, 5 novembre 2025, https://glaad.org/pro-equality-candidates-win-anti-trans-campaigns-lose-again-in-election-2025/.↩︎

  15. Saskia Brechenmacher, « Why Gender Is Central to the Antidemocratic Playbook : Unpacking the Linkages in the United States and Beyond », op. cit.↩︎

  16. Mémoire d'amicus curiae de la National Association for the Advancement of Coloured People (NAACP), p. 12, présenté dans l’affaire Skrmetti.↩︎

  17. Daily Wire (@realDailyWire), X (23 février 2023, à 14 h 12 Eastern Standard Time), https://x.com/realDailyWire/status/1628835106956754952 [https://perma.cc/LF4A-CCJA], incluant une vidéo de l'activiste décrivant la décision, en 2022, de mener une « offensive totale ».↩︎

  18. Liam Knox, « Right-Wing Posts Target Trans Health Clinic at Vanderbilt », Inside Higher Ed, 21 novembre 2022, https://www.insidehighered.com/quicktakes/2022/09/22/right-wing-posts-target-trans-health-clinic-vanderbilt.↩︎

  19. Kate Redburn, « Skrmetti Beyond Scrutiny », Harvard Law Review, 2025, vol. 139, p. 167, p. 189, citant Matt Walsh (@MattWalshBlog), X (20 septembre 2022, à 15 h 54 Eastern Standard Time), https://x.com/mattwalshblog/ status/1572313369528635392?s=42 .↩︎

  20. Ibid, p. 189.↩︎

  21. Voir Emily Cochrane, « Here Is What Led To Tennesse’s Ban on Gender-Affirming Care », The New York Times, 4 décembre 2024.↩︎

  22. SB 0001, 113th Gen. Assemb. Reg. Sess. (Tenn. 2023).↩︎

  23. Code du Tennessee, § 68-33-103.↩︎

  24. Ibid.↩︎

  25. Code du Tennessee, Ann. §68-33-101.↩︎

  26. Ibid.↩︎

  27. Code du Tennessee, Ann. §68‑33‑105.↩︎

  28. Ibid.↩︎

  29. Code du Tennessee, §68‑33‑104.↩︎

  30. United States v. Skrmetti, 507.↩︎

  31. Ibid., 507-508.↩︎

  32. L.W. v. Skrmetti, 679 F. Supp. 3d 668, 681 (M.D. Tenn. 2023).↩︎

  33. L. W. v. Skrmetti, 83 F.4th 460, 469, 480 (6th Cir. 2023).↩︎

  34. United States v. Skrmetti, 144 S. Ct. 2679 (2024).↩︎

  35. United States v. Virginia, 518 U.S. 515, 533 (1996) (citant Mississippi Univ. for Women v. Hogan, 458 U. S. 718, 724 (1982)).↩︎

  36. Voir, par exemple, Students for Fair Admissions, Inc. v. President and Fellows of Harvard College, 600 U.S. 181, 206-207 (2023).↩︎

  37. United States v. Skrmetti, préc., 510, citant Sessions v. Morales-Santana, 47.↩︎

  38. United States v. Skrmetti, préc., 512.↩︎

  39. Ibid.↩︎

  40. Mémoire des défendeurs, Skrmetti (n° 23-477, p. 22-24).↩︎

  41. Ibid., 1830‑31↩︎

  42. Bostock v. Clayton County, 590 U.S. 644 (2020).↩︎

  43. Ibid.↩︎

  44. Bostock v. Clayton County, préc., 662.↩︎

  45. Le formalisme – ou textualisme formaliste – s’attache strictement au texte et à son contexte sémantique immédiat, alors que le véritable textualisme – ou textualisme flexible – intègre le contexte social, politique et historique dans lequel la norme a été adoptée (NdT).↩︎

  46. Voir par exemple : Price Waterhouse v. Hopkins, 490 U.S. 228, 250‑51 (1989).↩︎

  47. Bostock v. Clayton County, préc., 662.↩︎

  48. Ibid., 653. Voir Katie Eyer, « But For Theory of Anti-Discrimination Law », Virginia Law Review, 2021, vol. 107, p. 1622, p. 1646.↩︎

  49. United States v. Skrmetti, préc., 520.↩︎

  50. Ibid., 527 (Thomas, J., opinion concordante).↩︎

  51. Ibid., 518-19.↩︎

  52. Ibid.↩︎

  53. Ibid., 520.↩︎

  54. Ibid., 5.↩︎

  55. Kate Redburn, « Skrmetti Beyond Scrutiny », op. cit., p181.↩︎

  56. Geduldig v. Aiello, 417 U.S. 484 (1974).↩︎

  57. Ibid., 1833.↩︎

  58. United States v. Skrmetti, préc., 583 (Sotomayor, opinion dissidente) (citant sec. 68-33-102(1).)↩︎

  59. United States v. Skrmetti, préc., 597 (Sotomayor, opinion dissidente).↩︎

  60. Ibid., 597-98.↩︎

  61. United States v. Skrmetti, préc., 511 : « Les classifications fondées sur l'âge ou l'usage médical ne sont soumises qu'à un examen rationnel »), citant Massachusetts Bd. of Retirement v. Murgia, 427 U. S. 307 (1976).↩︎

  62. United States v. Skrmetti, préc., 522, citant FCC c. Beach Communications, Inc., 508 U. S. 307, 313 (1993).↩︎

  63. United States v. Skrmetti, préc., 522.↩︎

  64. Code du Tennessee, Ann. § 68-33-101(e) (2024).↩︎

  65. United States v. Skrmetti, préc., 605.↩︎

  66. Vicki C. Jackson, Constitutional Engagement in a Transnational Era, Cambridge University Press, 2010, p. 8. décrit de manière générale les positions de résistance à l'incorporation du droit international dans l'interprétation du droit interne ; Martha Minow, « The Controversial Status of International and Comparative Law in the United States », Harvard International Law Journal Online, 2010, https://journals.law.harvard.edu/ilj/2010/08/online_52_minow/ , rappele que, lors de ses audiences de confirmation, « le président de la Cour suprême John Roberts s'est opposé à la référence au droit international par les tribunaux américains parce que le droit international ne limite pas le pouvoir discrétionnaire [des juges] comme le fait le recours aux précédents nationaux ».↩︎

  67. United States v. Skrmetti, préc., 525, citant Schriro v. Summerlin, 542 U.S. 348, 356 au soutien de l’idée que « la pratique étrangère contemporaine n’est pas pertinente pour l’interprétation de la Constitution américaine ».↩︎

  68. United States v. Skrmetti, préc., 525.↩︎

  69. Ibid., 607.↩︎

  70. Voir Katie Eyer, « The Canon of Rational Basis Review », Notre Dame Law Review, 2018, vol. 93, pp. 1344–1346, qui décrit le rôle du fondement rationnel dans les litiges relatifs à l’égalité des sexes portés devant les tribunaux fédéraux inférieurs et les tribunaux d'État ; Jane R. Bambauer, Toni M. Massaro, « Outrageous and Irrational », Minnesota Law Review, 2015, vol. 100, p. 281, p. 300, qui note que ce litige a mis en évidence l'absence de raisons valables pour justifier ces interdictions.↩︎

  71. Romer v. Evans, 517 U.S. 620 (1996).↩︎

  72. United States v. Windsor, 570 U.S. 744 (2013) ; v. également City of Cleburne v. Cleburne Living Center, Inc., 473 U.S. 432, 448, appliquant le standard de la base rationnelle pour conclure que le refus d'accorder un permis à un foyer collectif pour personnes souffrant de troubles du développement violait le principe d'égale protection.↩︎

  73. Voir Romer v. Evans, préc. 634, statuant que si « le concept constitutionnel d’égalité devant la loi a un sens, il doit au minimum signifier que le simple désir de nuire à un groupe politiquement impopulaire ne peut constituer un intérêt légitime du gouvernement ». Voir également Katie Eyer, « The Canon of Rational Basis Review », op. cit., soutenant que les affaires Romer et Windsor peuvent être qualifiées à juste titre d'examens fondés sur une base rationnelle malgré leur application plus stricte de cette approche.↩︎

  74. L’expression américaine de « suspect class » (ou « quasi-suspect class ») renvoie, en droit constitutionnel, à des groupes considérés comme particulièrement vulnérables au regard du risque de discrimination. Lorsqu’une loi opère une distinction fondée sur l’un de ces critères – tels que la race, le sexe ou l’origine – les juridictions appliquent un contrôle juridictionnel renforcé, car ces classifications sont historiquement associées à des pratiques discriminatoires persistantes et à une marginalisation politique. L’enjeu consiste ainsi à déterminer si le groupe concerné remplit certains critères (discrimination passée, caractéristiques distinctives ou immuables, incapacité à se protéger dans le processus politique ordinaire) permettant de justifier une protection accrue au regard de la clause d’égale protection (NdT).↩︎

  75. United States v. Skrmetti, préc., 517.↩︎

  76. Bowen v. Gilliard, 483 U.S. 587, 602 (1987).↩︎

  77. Lyng v. Castillo, 477 U. S. 635, 638 (1986).↩︎

  78. Ville de Cleburne v. Cleburne Living Center, 473 U.S. 432, 445 (1985).↩︎

  79. Voir Suzanne Goldberg, « Equality Without Tiers », Southern California Law Review, 2004, vol. 77, p. 481, p. 485‑486, notant que les classes suspectes créées reconnues par la Cour ne satisfont souvent pas à tous ces critères ; Aaron Tang, « Reverse Political Process Theory », Vanderbilt Law Review, 2017, vol. 70, p. 1427, p. 1446–1448, décrivant les critiques de la théorie de l’impuissance politique et le déclin de son influence sur la Cour.↩︎

  80. L.W. et al. v. Skrmetti, 83 F.4th 460, 486 (6e Cir. 2023), citant Ondo v. City of Cleveland, 795 F.3d 597, 609 (6e Cir. 2015.↩︎

  81. United States v. Skrmetti, préc., 468.↩︎

  82. United States v. Skrmetti, préc., 549 (J. Barrett concordant).↩︎

  83. Ibid., 570 (Barrett, J., opinion concordante, citant San Antonio Independent School Dist. v. Rodriguez, 411 U.S. 1, p. 28 (1973).↩︎

  84. United States v. Skrmetti, préc., 556 (Barrett, J., opinion concordante : « Un héritage de discrimination de jure, en revanche, reflète plus précisément (et objectivement) les intérêts qui sont au cœur du principe d’égale protection ».↩︎

  85. Ibid., 601 (Sotomayor, J., opinion dissidente).↩︎

  86. Ibid.↩︎

  87. Hecox v. Little, 104 F.4th 1061 (9e Cir. 2024), concluant que le tribunal de district n’avait pas abusé de son pouvoir discrétionnaire car la loi en question violait probablement le principe d’égale protection en interdisant catégoriquement aux filles et aux femmes transgenres de participer à des compétitions sportives féminines ; Little v. Hecox, 145 S. Ct. 2871 (2025), accordant le certiorari.↩︎

  88. Voir Idaho Code § 33‑6203(3) : « Tout litige concernant le sexe d’un élève doit être résolu par l’école ou l’établissement en demandant à l’élève de fournir un formulaire d’examen médical et de consentement ou toute autre déclaration signée par son médecin traitant afin de vérifier son sexe biologique. Le prestataire de soins de santé peut vérifier le sexe biologique de l’élève dans le cadre d’un examen médical sportif de routine en se basant uniquement sur un ou plusieurs des éléments suivants : l’anatomie reproductive de l’élève, sa constitution génétique ou ses niveaux normaux de testostérone produite de manière endogène ».↩︎

  89. Hecox v. Little, 104 F.4th 1061, 1079 (9e Cir. 2024), citant Karnoski v. Trump, 926 F.3d 1180, 1200–01 (9e Cir. 2019).↩︎

  90. Hecox, 104 F.4th 1061, 1081 (9e Cir. 2024).↩︎

  91. B.P.J. v. W. Va. State Bd. of Educ., 98 F.4th 542, 551 (4e Cir. 2024).↩︎

  92. Ibid., 558-59.↩︎

  93. L’affaire B.P.J. v. West Virginia soulève également la question de savoir si la loi de Virginie-Occidentale viole le titre IX des amendements à la loi sur l'éducation de 1972, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe dans les programmes sportifs des écoles publiques : Ibid., 563.↩︎

  94. Trump v. Orr, 607 U. S. (2025), 3 (Jackson, J., opinion dissidente).↩︎

  95. Voir « Defending Women From Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government », Exec. Order No. 14,168, 90 Fed. Reg. 8615, 8616 (20 janvier 2025).↩︎

  96. Ordonnance sur la requête en suspension en attendant l’appel, Orr v. Trump, n° 25-1579 (1er Cir. 4 septembre 2025).↩︎

  97. Orr, 607 U. S. ___ (2025), 1 (citant Trump v. Hawaii, 585 U. S. 667 (2018)).↩︎

  98. Ibid. La Cour a également jugé peu probable que les plaignants obtiennent gain de cause dans leurs recours administratifs.↩︎

  99. Orr, 11 (J. Jackson, opinion dissidente).↩︎

  100. Voir généralement Judith Butler, Who’s Afraid of Gender ?, Farrar, Straus and Giroux, 2024 ; Stéphanie Hennette Vauchez, Camille Robcis, « Populism and Gender Ideology », in J. Jarpa Dawuni, Nienke Grossman, Jaya Ramji-Nogales, Hélène Ruiz Fabri (dir.), The Oxford Handbook of Women and International Law, Oxford University Press, 2025 ; Elżbieta Korolczuk, Agnieszka Graff, Johanna Kantola, « Gender Danger : Mapping a Decade of Research on Anti-Gender Politics », Journal of Gender Studies, 2025, vol. 34, n° 5, pp. 621-640.↩︎

  101. Reva B. Siegel, « Equality Talk : Antisubordination and Anticlassification Values in Constitutional Struggles over Brown », Harvard Law Review, 2004, vol. 117, pp. 1470-1547, pour une cartographie de ces récits concurrents dans la doctrine et les études sur la clause d’égale protection.↩︎