Représentations, expressions,
participations(juillet 2024 – septembre 2025)
Camille Barbe, Elsa Fondimare, Matthieu Gaye-Palettes,
Anne Jennequin, Carine Laurent-Boutot,
Delphine Tharaud, Alexis Zarca
Parce que la liberté d’expression est à la fois un moyen de dénoncer les
inégalités et violences de genre et un véhicule de leur production, la
limitation de la liberté d’expression relève d’un jeu d’équilibriste
dont il est complexe de saisir les contours (I). Concernant la lutte
contre les discours et représentations discriminatoires, certains
espaces apparaissent encore particulièrement résistants à la lutte
contre le sexisme, comme c’est le cas du milieu sportif - celui-ci
fût-il de plus en plus contraint par un impératif de laïcité (IV) - ou
encore des espaces médiatiques et numériques, en dépit d’interventions
parfois incisives de l’ARCOM (II). Deux évolutions juridiques, dans des
registres très différents, marquent toutefois cette année des avancées
pour lutter contre les inégalités de genre : s’agissant de l’espace
numérique, la protection des données sensibles que sont l’identité de
genre et l’orientation sexuelle (III) et, s’agissant de la sphère
politique, le renforcement de l’obligation de parité pour les petites
communes (IV). Enfin, deux réponses jurisprudentielles récentes montrent
le rôle décisif du juge pour configurer et/ou sécuriser certaines
politiques de lutte contre les discriminations au coeur de sujets
sociétalement sensibles. Tel est le cas de l’écriture inclusive, qui
reste un outil de lutte contre les inégalités perçu de manière
ambivalente et dont la légalité dépend des supports et des contextes,
mais dont le juge, dans ce cadre, admet autant la promotion que
l’interdiction (V). Tel est le cas également du programme d’éducation à
la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) élaboré par le
gouvernement, qui reçoit lui aussi un accueil hostile d’une partie de la
société civile – en ce qu’il constituerait un programme idéologique
conduisant à pervertir la jeunesse –, mais qui, pour le Conseil d’État,
ne méconnaît ni l’autorité parentale, ni l’action éducative des
familles, ni le droit à la vie privée des élèves, ni le principe de
neutralité des services publics (VI).La liberté d’expression présente un caractère conditionnel, qui s’exprime dans le respect d’un principe de proportionnalité : cette affirmation sonne comme une tautologie. Il n’est pourtant pas inutile de la rappeler en ces temps où l’excès des propos peut produire l’effet d’une sentence, où la limitation du droit peut s’assimiler au bâillon de la censure. Et de fait, la liberté d’expression présente un caractère protéiforme, voyage loin, transforme le rôle de ses porteurs, affecte ses destinataires. Elle ne manque pas, aujourd’hui comme hier, d’opérer un numéro d’équilibriste avec le droit à la vie privée. Elle doit aussi respecter la dignité des êtres humains, envisagés au sein d’un groupe ou à titre individuel. Dans cet environnement complexe où la parole éclairée peut-être limitée, où le propos malveillant parvient à se frayer des chemins, il devient délicat de rationaliser avec justesse les différentes décisions parfois convergentes, parfois contradictoires rendues par les juges nationaux, étrangers ou européens.
Sans nul doute, la jurisprudence relative aux écrits, paroles et vidéos tenus ou projetés sur la grande toile et ses réseaux reflète au mieux cette complexité. Elle révèle que cet espace virtuel est devenu un moyen de dénoncer les violences de genre, tout autant que de les perpétrer. La CEDH, dans un arrêt Strāisteanu rendu le 5 juin 20251, construit un statut au bénéfice des blogueurs en les qualifiant de « chiens de garde publics »2, expression miroir à celle retenue à l’égard des journalistes3. En l’espèce, la requérante, avocate militante en faveur des droits des LGBTQ+ avait, par l’intermédiaire de sa page Facebook, diffusé les vidéos capturant les insultes homophobes formulées par un confrère à la veille de la marche des fiertés. Ce conflit de droits — article 8 versus article 10 — avait été tranché par les juridictions internes en faveur de l’injurieux et la page du réseau avait été fermée. Cette posture entraîne la condamnation d’un État qui n’a pas pris en compte le fait que sa marge nationale d’appréciation est restreinte lorsqu’il s’agit de protéger l’expression sur internet, l’un des principaux moyens d’exercice de la liberté, particulièrement lorsque le sujet est d’actualité et d’intérêt général. La Cour souligne aussi l’obligation positive à la charge des États lorsqu’il s’agit de garantir la jouissance effective des droits des personnes dont les opinions sont impopulaires ou qui appartiennent à des minorités. Or, concernant la situation des personnes LGBTQ+ en Moldavie, le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance est sans appel sur l’impérativité de renforcer leur protection4. Il est également heureux que la Chambre criminelle de la Cour de cassation française ne soit pas dupée par les arguments développés sur le fondement de la CEDH, lorsqu’ils sont portés par les auteurs de messages tout aussi haineux qu’anonymes. Dans un arrêt rendu le 11 mars 20255, la Haute juridiction confirme l’infraction d’injure publique à raison du sexe alors que le demandeur au pourvoi tente de faire valoir la prescription sur le fondement de la liberté de la presse. En l’espèce, une femme avait diffusé la vidéo de l’agression dont elle avait été victime, vidéo tant et tant consultée qu’elle impulsa la création d’une plateforme « NousToutesHarcèlement ». Consécutivement, un flot d’insultes, de menaces s’abattirent. Fort heureusement, l’invocation de la liberté d’expression portant sur un sujet d’intérêt général ne permet pas à l’un des auteurs d’échapper à la condamnation. Cette rigueur se retrouve dans quelques arrêts rendus par certaines juridictions du fond, même lorsque les injures ne se déploient pas publiquement. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, le 11 juillet 2024, décidé d’annuler un jugement trop laxiste à l’égard des propos insultants tenus par un infirmier à l’égard d’une patiente alors en salle de réveil (observations désobligeantes sur le physique et plaisanteries déplacées). La sanction prononcée — une exclusion temporaire d’une journée — avait été jugée disproportionnée par le Tribunal administratif, appréciation qui n’est pas celle de la Cour « en dépit des bons états de service et des compétences [de l’intéressé] en matière de soins »6 : tout propos ne peut être accepté sur le fondement de la liberté d’expression. La Chambre criminelle7 le rappelle encore en précisant, cette fois, la définition de l’outrage sexiste par référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel8. En l’espèce, un kinésithérapeute ostéopathe sportif est condamné sur le fondement de cette qualification pour avoir cru opportun d’émettre des commentaires offensants sur le physique d’une jeune femme. Ces dires émanant d’un homme mature, agissant en qualité de professionnel de santé, sont considérés par les juges du fond comme portant atteinte à la dignité de la victime. La Cour de cassation saisit cette occasion pour correctement distinguer entre l’injure publique et l’outrage sexuel ou sexiste. Concernant ce dernier, la Cour rappelle qu’il est constitué dès lors que les propos ont pour effet de créer à l’encontre de la victime une situation intimidante et offensante. Espérons que ce mouvement réalisant un juste équilibre entre droit à la liberté d’expression publique et sanction de ses abus se propage vers d’autres juridictions du fond, dont les décisions ne manquent parfois pas de surprendre, comme l’atteste l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en Provence, rendu le 22 avril 2025 et révélé par la presse, dans l’affaire Patrick Renard. L’élu du Rassemblement National trouvait à s’indigner sur sa page Facebook d’un spot de prévention en ces termes : « nouvelle publicité du gouvernement pour la sécurité routière, un couple mixte, une noire et un blanc, qui font l’amour trop c’est trop ». Cette affirmation était d’ailleurs « délicatement » accompagnée d’émoji en forme d’étron. Il semblerait que, pour le juge du fond, l’argument selon lequel l’homme a été choqué par le caractère érotique de l’image soit audible, au point de le relaxer du chef d’incitation à la haine raciale.
Il faut dire que les campagnes de communication, dès lors qu’elles reflètent la diversité et l’inclusion, ne manquent pas d’être malmenées, y compris par les autorités étatiques. La République de Moldavie se retrouve encore au cœur d’une atteinte à la liberté d’expression d’une ONG, dont l’objet social est de lutter contre la discrimination. Cette affaire Conseil national de la jeunesse de Moldavie du 25 juin 20249 surprend l’observatrice quant aux formes qu’emprunte ce combat contre l’exclusion. En l’espèce, étaient en cause des caricatures de personnes Roms ou handicapées, présentées de manière bien peu flatteuse sur une affiche finalement interdite par les autorités locales. Le but de l’association est de fournir un numéro d’aide aux victimes de discriminations tout en révélant les stéréotypes dont elles sont les cibles. Reste à savoir si le message n’est pas contre-productif et si finalement la prohibition de l’affichage n’est pas une atteinte justifiée à la liberté d’expression. La Cour européenne répond par la négative ; après avoir longuement égrené les principes posés par sa jurisprudence relative à la liberté d’expression artistique, elle constate que, s’agissant d’un débat d’intérêt général, la marge nationale d’appréciation de l’État dans la mise en œuvre de la Convention est réduite. Or la campagne de publicité intervient dans le contexte douloureux d’une loi anti-discrimination divisant la société. S’agissant d’une ONG, la Cour précise encore que le statut de « chien de garde public » doit lui être également conféré. Elle ne rejette pas le caractère satirique et admet qu’il contribue au débat par la provocation et l’agitation qu’il génère, cherchant à sensibiliser sur la situation des personnes vulnérables. Malgré l’ambiguïté du message, la Cour constate également que le contrôle effectué par les juridictions nationales n’a pas été satisfaisant et déclare le droit à la liberté d’expression bafoué. Cette volonté de protection des personnes vulnérables traduit aussi la démarche de requérants russes, propriétaires et administrateurs de différents sites internet et de communautés sur les réseaux sociaux, dans l’arrêt Klimova et autres10. Leur ambition consiste à inciter à la tolérance à l’égard des personnes LGBTI, mais aussi à informer et à soutenir les adolescents en difficulté du fait de leur orientation sexuelle. Les juridictions russes considèrent que la démarche relève d’une infraction pénale de « promotion des relations sexuelles non traditionnelles ». Tous leurs accès et pages sont alors bloqués, avec pour argument principal que les publications nuisent aux enfants. La violation de la liberté d’expression est sans équivoque. Il est vrai que l’argument de la protection des enfants résonne avec une affaire P. relative à la Pologne11, relative à une mesure plus individuelle de licenciement d’un professeur du secondaire tenant un blog internet destiné aux adultes et contenant un contenu sexuel explicite, c’est-à-dire présentant des couples homosexuels et exprimant leurs rêves et leurs espoirs. Cependant, comme internet accorde davantage de place à l’expression qu’à la discrétion, le blog est découvert, puis fermé sur sollicitation de la directrice de l’école. Ce n’est cependant pas sur celui-ci que s’appuie l’institution afin d’entamer une procédure disciplinaire, mais sur des propos tenus sur Facebook au sujet du personnel de l’école. Cependant, à lire la procédure, un lien direct entre le blog et la fin de l’engagement est dégagé. Pour la Cour, cet usage de la liberté d’expression ne menaçait pas la protection de la moralité des mineurs d'une manière justifiant la sanction. L’atteinte à la liberté d’expression s’avère donc disproportionnée.
L’État doit dépasser l’abstention afin de protéger les droits fondamentaux. S’il ne peut pas les violer, il lui appartient également de les garantir par l’action. Tel est le sens de la théorie des obligations positives12. Des mesures de protection s’avèrent parfois particulièrement nécessaires lorsque la liberté d’expression met en danger ceux qui tentent de l’exercer. Tels sont les enseignements tirés de deux arrêts rendus contre la Russie, Side by side international film festival13 et Milashina14. La première affaire concerne l’organisation du festival du film LGBT qui, entre 2016 et 2020, n’a jamais pu se dérouler sereinement. En effet, il a systématiquement été ponctué d’alertes à la bombe imposant à la police de procéder à des fouilles et à des évacuations interdisant la projection des films. Si la Cour précise que ces mesures étaient adéquates au regard des risques encourus, elle marque son étonnement quant au peu de résultats découlant des enquêtes pourtant sollicitées par les parquets : aucune identification, aucune arrestation. La Cour se déplace alors sur le terrain des obligations positives et, plus particulièrement, sur leur dimension procédurale. Si l’État ne peut se voir imposer une charge disproportionnée au titre de la protection d’un intérêt individuel, il n’en demeure pas moins que l’inertie des services a conduit à violer le droit à la liberté d’expression des requérants, qu’il s’agisse de la société organisatrice ou du directeur général du festival. La seconde affaire est incontestablement la plus grave ici présentée. Elle concerne la situation des personnes LGBTI sur le territoire de Tchétchénie et des journalistes qui ont l’infini courage de révéler la gravité des faits dont ils sont victimes. En l’espèce, madame Milashina a publié dans le journal Novaya Gazeta deux articles prouvant les enlèvements, les détentions arbitraires, les actes de tortures et les meurtres massifs d’hommes prétendument homosexuels. Ces faits, sur lesquels la Cour a déjà eu à se pencher15, sont confirmés par des sources institutionnelles, des organisations internationales, des militants ainsi que divers témoignages. Ces violences sont perpétrées avec l’assentiment des autorités nationales. Consécutivement à ces publications, les réactions institutionnelles, politiques, notamment du chef de la République Tchétchène, mais aussi religieuses furent d’une rare violence. Les conséquences qui en résultent sont dramatiques pour les requérants : menaces anonymes de mort sur les réseaux sociaux, agressions physiques gravissimes pour ceux qui sont désormais qualifiés « d’ennemis de la foi et du pays ». La requête ne fera pas l’objet de contradiction eu égard à la position de la Russie. Cependant, la Cour poursuit malgré tout son examen et observe la situation de l’autrice et de ce journal dont certains membres ont été, par le passé, assassinés. Sans surprise aucune, le droit à la liberté d’expression est violé, l’Etat ayant méconnu tant ses obligations négatives que positives, du fait de son inertie à l’égard de l’enquête et de la protection. Le droit au respect de la vie privée de la journaliste et de sa rédaction est également affecté par les déclarations officielles sur le fondement de l’article 8, preuve, s’il en était besoin, que les deux dispositions savent se combiner pour renforcer la protection des chiens de garde de la démocratie. Il sera simplement regretté ici que la Cour n’ait pas statué également sur le fondement l’article 14, alors qu’elle l’avait d’office notifié au gouvernement et qu’incontestablement, les requérants étaient victimes d’une discrimination fondée sur leurs opinions. C. L-B.
L’importance des médias dans la transmission des représentations du genre est aujourd’hui bien documentée16 et souligne avec constance l’impact des contenus diffusés, notamment sur les supports télévisuels traditionnels, dans la construction et le renforcement des pressions socioculturelles à se conformer à certaines normes stéréotypiques. En France, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) est toujours en première ligne pour lutter contre les discriminations et les discours sexistes. Pourtant, la répétition des violences médiatiques illustre les difficultés de cette régulation de l’expression audiovisuelle.
À ce titre, l’année passée a vu la mise en œuvre de toute la palette d’outils dont dispose l’ARCOM face à la multiplication d’agressions, d’humiliations et de désinformation à caractère sexiste au sein d’émissions télévisuelles. Ainsi, dans une décision du 24 avril 202417, l’assemblée plénière de l’ARCOM a signalé les manquements liés à une séquence diffusée par RCI Martinique venant minimiser les violences faites aux femmes dans le milieu de la prostitution. Si une telle décision pourrait paraître anecdotique, elle fait écho à une autre décision du 13 novembre 2024 par laquelle l’autorité inflige une sanction pécuniaire à la société détenant CNews pour non-respect réitéré à l’honnêteté de l’information sur sa chaîne. En cause, une émission au cours de laquelle a été diffusée une séquence présentant l’avortement comme la « première cause de mortalité dans le monde ». La décision rappelle toutefois les limites des mécanismes de régulation lorsqu’ils se heurtent à certains médias d’opinion engagés dans la diffusion de contenus s’écartant de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle. L’aspect dissuasif de la régulation de l’ARCOM, incitant à responsabiliser les chaînes dans la maîtrise de leurs programmes, perd en effet tout son sens dans le dialogue avec des émissions, telles que Touche pas à mon poste, qui fondent leur modèle économique sur la viralité de contenus choquants et humiliants – notamment envers les femmes et les minorités sexuelles. D’ailleurs, cette autorité est intervenue pas moins de cinq fois depuis janvier 2024 à l’encontre de cette émission, allant de la mise en garde à la mise en demeure jusqu’à des sanctions pécuniaires pour diverses séquences d’agressions sexuelles, d’humiliation sexiste sur mineure et de minimisation des violences faites aux femmes18. Ce triste bilan ne compte par ailleurs pas les cas où l’ambiguïté des propos grossiers échappe à l’intervention de l’ARCOM19 qui considère que le trophée dégradant donné à une chroniqueuse ne porte pas atteinte à l’image des femmes20.
Cette kyrielle d’interventions ne doit cependant pas occulter le fait que des évolutions existent comme l’illustrent deux rapports du régulateur. Le premier rapport, de mars 2025, est consacré au traitement télévisuel des violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les programmes français ; il analyse le degré d’application des recommandations du manuel de l’UNESCO de 2019 en la matière. Ses conclusions sont majoritairement positives, même si les questions de VSS ne sont traitées qu’au détour des actualités glaçantes qui ont entaché l’année 2024. Si la parité est presque atteinte dans les temps de parole, la résistance constante à la qualification de féminicide par les médias, à travers l’emploi de termes minimisant la nature criminelle des actes, constitue un frein à une représentation égalitaire dans le domaine de l’audiovisuel. Le second rapport s’intéresse quant à lui à la représentation des femmes dans les médias durant les jeux de Paris 2024. Le ton se veut élogieux, les jeux étant présentés comme un « moment privilégié » pour la visibilité des pratiques sportives féminines. Pourtant, le rapport est émaillé de références aux progrès restant à faire, notamment au sujet des jeux paralympiques pour lesquels la parité des volumes horaires d’antenne fut loin d’être atteinte, résultant en une invisibilisation des femmes athlètes en situation de handicap. Reste que, même si les jeux ont connu une diffusion record de sports féminins, les disciplines ne présentant pas de chance de médailles françaises demeurent moins retransmises que celles masculines. Dans le même sens, les épreuves féminines accèdent globalement moins aux créneaux horaires de forte audience (lorsqu’elles ne sont pas simplement reléguées aux canaux numériques de moindre visibilité). Sans contester l’évolution dans les perceptions du sport féminin, le rapport, en ne questionnant pas les conséquences post-olympiades, laisse craindre que la bulle — pas si idyllique que cela — des jeux n’ai dégonflé dès l’extinction de la flamme olympique.
Bien que les médias traditionnels évoluent, fût-ce de manière laborieuse, pour améliorer la représentation des femmes, l’information, notamment des plus jeunes, opère toujours davantage à travers les outils numériques dont la régulation reste fragile face à la multiplication de contenus sexistes, violents et/ou discriminatoires. Dans son arrêt du 26 juin 202521, la Cour de justice de l’Union européenne fait d’ailleurs le pont, dans son interprétation de la directive 2010/13/UE sur les services de médias audiovisuels, entre les garanties offertes sur les canaux télévisuels et celles en ligne. En ce sens, le renvoi préjudiciel demandait si l’article 6 § 1 de cette directive interdisait la diffusion de contenus « qualitativement dégradés » — ici principalement des propos incitant à la violence envers des minorités sexuelles — lors d’émissions diffusées en ligne. Bien que la Cour rejette la catégorie de contenus « qualitativement dégradés » utilisée par la juridiction de renvoi, au motif qu’un critère de qualité de l’information excède les exigences de la directive, ces contenus n’en demeurent pas moins saisis par l’interdiction de porter atteinte à la dignité humaine prévue à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En outre, la Cour refuse de distinguer le régime des fournisseurs de services de médias en fonction des moyens technologiques de diffusion, distinction qui irait à l’encontre de l’objectif de la directive destinée à protéger le plus largement des atteintes à la dignité (même si la Cour se trouve en l’espèce contrainte par le principe de légalité des délits et des peines lorsque la loi nationale antérieure prévoyait cette distinction). Ainsi, une loi nationale ne saurait admettre d’exception à l’interdiction de ces contenus discriminatoires au motif que les émissions qui les véhiculent agissent en ligne.
Cette interprétation protectrice contre les discours haineux diffusés par des émissions en ligne ne touche néanmoins qu’à la marge la régulation des flux numériques, majoritairement en proie à la masse de contenus créés par les utilisateurs via les réseaux sociaux. Sur ce point, la plateforme TikTok est aujourd’hui au cœur d’un sombre rapport publié le 4 septembre 202522 par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à déterminer les effets psychologiques du réseau social sur les mineurs. Détaillant le pullulement de contenus qui incitent au suicide, mais aussi relaient avec violence des stéréotypes de genre et des discours masculinistes, le rapport constate les difficultés techniques qui entravent la modération de ces contenus, ainsi que les réticences économiques de la plateforme à cet égard. À titre d’exemple, deux créateurs de contenus véhiculant des idées masculinistes et sexistes, Alex Hitchens et AD Laurent, ont certes vu leurs contenus suspendus sur TikTok, mais ont, dans la foulée, basculé vers d’autres plateformes similaires et/ou ont rouvert des comptes miroirs reproduisant des messages identiques à ceux qui leur avaient valu la suspension. Le rapport retranscrit d’ailleurs l’audition de ces deux individus par la commission d’enquête afin d’éclairer leurs pratiques. Une telle audition peut questionner lorsqu’elle conduit à donner à ces idéologies masculinistes une place dans le débat public égale à celle des chercheurs ou d’associations qui luttent contre toute forme de discriminations en ligne – et ce d’autant plus que les deux créateurs se sont positionnés en martyrs d’une cabale politique contre leur liberté d’expression23.
Cependant, s’agissant de la lutte contre ces discours véhiculant des représentations sexistes, des avancées localisées se font sentir, entre autres, autour de deux mécanismes. Le premier correspond au renforcement des techniques de vérification de l’âge par la méthode dite de « double anonymat »24 cherchant à empêcher l’accès des mineurs à ces contenus, tout en respectant la vie privée. Si le rapport d’enquête sur TikTok demande qu’un tel mécanisme soit inclus dans une future législation interdisant l’accès au réseau social aux moins de 15 ans, c’est qu’il est en pleine expansion depuis la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui l’a imposé pour l’accès aux sites pornographiques. En ce sens, la France, qui a fait œuvre d’innovation en imposant cette vérification fiable de l’âge, a depuis lors été rejointe par la Commission européenne. Cette dernière a en effet publié le 14 juillet 2025 des lignes directrices sur l’interprétation du Règlement européen sur les services numériques (DSA) où elle incite à ce type de méthode pour la protection des mineurs face aux contenus pornographiques. Au niveau national, c’est à l’ARCOM que revient la tâche, par le biais du nouvel article 10-1 de la LCEN de 2004, de contrôler la mise en place de ces techniques fiables. Le décret n° 2024-1181 du 16 décembre 2024 a d’ailleurs habilité le personnel de l’ARCOM à constater les cas de non-respect de ces obligations par les sites diffusant des contenus pornographiques, ouvrant la voie à la possibilité de sanctions pécuniaires, mais aussi au blocage administratif des sites – mesures auxquelles s’ajoute la possibilité de déréférencement auprès des moteurs de recherche. Le blocage des sites, outil de police administrative, s’avère être l’élément le plus dissuasif face à un milieu réticent qui a longtemps profité des ambiguïtés du droit français.
Le second mécanisme s’écarte de la question de l’accès et vise à continuer et fluidifier les procédures existantes de « notice and take down », prenant la question sous l’angle de la modération du contenu illicite diffusé par ces plateformes. Ainsi, par un communiqué de presse du 6 novembre 202425, l’ARCOM a désigné l’association E-enfance/3018, qui lutte contre le harcèlement et les violences numériques que subissent les mineurs, en tant que premier « signaleur de confiance » au titre du DSA. Ce statut renforce sa position par le pouvoir de signaler auprès de toute plateforme des contenus illicites afin qu’ils soient retirés dans des délais réduits. L’ensemble de ces mécanismes tend à minimiser encore un peu plus l’accès et la diffusion à des contenus généralement violents et discriminatoires qui, par le biais des algorithmes de recommandations, tendent à dominer l’horizon médiatique en ligne. Pourtant, seules la formation et l’éducation aux luttes contre les discriminations sont de nature à permettre à ces mécanismes de trouver leur pleine utilité et ne pas se limiter pas à l’amer constat actuel d’une « mer à vider avec une cuillère trouée »26. M. G-P.
Le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) est fondé sur le postulat de la nécessité — économique, politique, sécuritaire — du développement des traitements de données à caractère personnel. Face à ce qui est perçu comme inéluctable, les droits conférés aux personnes tendent, au mieux, à s’approcher d’une « autodétermination informationnelle »27 de nature à garantir que les traitements soient restreints à ce qui est nécessaire – ou du moins acceptable. À la recherche de cet équilibre, la Cour de justice de l’Union européenne manœuvre sur une ligne étroite lorsque ces traitements touchent au genre et à la sexualité, puisqu’elle tente d’éviter qu’à des discriminations que subissent déjà les minorités de genre s’ajoutent des stigmates induits par le cadrage des traitements de données personnelles.
Cette volonté protectrice est illustrée par l’arrêt Deldits de la Cour en date du 13 mars 202528, qui porte sur l’interprétation de l’article 16 du RGPD ouvrant un droit à rectification pour les personnes. L’arrêt fait suite à un périple humain et administratif éprouvant vécu par une personne ayant obtenu le statut de réfugié en Hongrie et ayant dû, pour attester de sa transidentité, fournir des examens psychologiques et gynécologiques. Se voyant attribuer le mauvais sexe par l’autorité d’asile — celui qui lui avait été assigné à la naissance — elle tente d’obtenir une rectification de ses données, rectification qui lui est refusée au motif que seule sa transidentité est prouvée et non sa réassignation sexuelle. La Cour de justice, amenée à cette occasion à se prononcer sur la portée du droit de rectification, va d’abord souligner que le RGPD exige un caractère exact et complet des données eu égard à la finalité pour lesquelles elles sont collectées. Partant, elle affirme que lorsqu’un traitement vise l’identification d’une personne, comme en l’espèce, les données ciblent l’identité vécue ; à ce titre, l’article 16 impose à l’autorité nationale une rectification, y compris si la législation nationale ne reconnaît pas juridiquement cette transidentité. En ce sens, la Cour se veut protectrice en rejetant l’idée qu’un droit national puisse faire obstacle à la protection accordée par l’Union. Elle ajoute également que ce droit à rectification, s’il peut être conditionné à la fourniture d’éléments de preuve « pertinents et suffisants », exclut en toute circonstance que l’intéressé·e ait à démontrer qu’un traitement chirurgical de réassignation sexuelle a eu lieu. Elle se rapproche dès lors de la Cour européenne des droits de l’homme, qui refuse que la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne soit subordonnée à la réalisation d’une opération médicale29. Le juge de l’Union souligne ainsi que la protection des données personnelles ne doit pas induire d’obstacles à cette reconnaissance, mais au contraire être un facteur du respect effectif de celle-ci en tant qu’élément le plus intime de la vie privée d’un individu.
La Cour de justice a également cherché à renforcer les garanties de l’identité lorsqu’elles touchent à la sexualité, les données y afférent étant considérées comme sensibles et donc normalement exclues de tout traitement. Dans sa décision Schrems c/ Meta platforms Ireland du 4 octobre 2024,30, la Cour avait à connaître d’une interprétation restrictive de l’une des exceptions prévues par l’article 9 du RGPD et permettant de traiter des données relatives à l’orientation sexuelle. C’est une nouvelle fois à la persistance de l’engagement de l’activiste Maximilian Schrems que l’on doit cette nouvelle avancée dans la protection des données face aux pratiques des plateformes31. La Cour procède en deux temps. En premier lieu, elle reconnait que le fait, pour M. Schrems, d’avoir parlé dans une conférence YouTube de son homosexualité intègre l’exception de l’article 9 permettant de traiter d’une donnée sensible rendue « manifestement publique ». Cette concession, malheureusement inévitable au vu d’une lecture littérale du RGPD, permet toutefois à la Cour, en second lieu, de limiter l’exception par une lecture restrictive fondée sur le caractère composite de l’orientation sexuelle – et, au-delà, de toute donnée sensible. Ainsi, l’exception de l’article 9 ne porte pas sur l’information révélée — l’orientation sexuelle — mais uniquement sur la donnée précise qui contient cette information – le segment de la vidéo YouTube portant sur l’orientation sexuelle. En conséquence, si cette vidéo peut faire l'objet d'un traitement, la collecte demeure prohibée pour toutes les autres données également liées à l'orientation sexuelle de M. Schrems (telles que celles pouvant être tirées d'applications de rencontre, d'achats faits sur internet, etc.), à raison de leur nature de données sensibles. Ainsi, l’orientation sexuelle est morcelée en une multitude de micro-informations, sans que la publication de l’une de ces données sensibles conduise à ce que les autres perdent la protection accordée par l’article 9. Rompre avec l’idée monolithique de l’expression de l’orientation sexuelle permet donc à la Cour d’ériger une protection extensive des données sensibles, tout en garantissant de pouvoir revendiquer publiquement son orientation sexuelle. M. G-P.
La loi du 21 mai 202532, en étendant le champ d’application des règles de mixité aux communes de moins de 1 000 habitant·es met fin à certains des « angles morts »33 de la législation sur la parité. La mesure, qui était recommandée par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 202234, a donc finalement vu le jour. Elle s’appliquera aux prochaines élections municipales prévues en mars 202635. Une première proposition de loi en ce sens avait été déposée en 2021 par la députée Élodie Jacquier-Laforge (Modem). Elle s’appuyait sur des chiffres qui semblent être d’un autre temps : en 2021, les maires étaient à plus de 80 % des hommes, et les présidents d’intercommunalités étaient des élus masculins à 89 %36. Et la composition des conseils municipaux reste, elle aussi, marquée par un déséquilibre genré – un état des choses que les élections municipales de 2022 ont encore confirmé : si la part des femmes a augmenté au sein du nombre total de membres des conseils municipaux (41,5 %37), celles-ci sont restées moins nombreuses dans les petites communes (37,6 % contre 48,4 %38). Ces résultats ne sont pas surprenants au vu du droit en vigueur sur la parité. Avant la loi du 21 mai 2025, les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent 71 % des communes françaises, n’étaient en effet pas soumises à des obligations paritaires lors du dépôt de listes de candidatures aux élections municipales39. Le chemin a été long pour que l’exercice local du pouvoir politique se voie concerné par l’obligation paritaire. On se souvient qu’après des débats houleux40, une résistance institutionnelle41 et une révision constitutionnelle en 199942, la première loi sur la parité fut finalement adoptée le 6 juin 200043. En plus des mesures nationales, elle instaurait à l’échelle locale l’obligation de respecter la parité par tranches de six dans les listes de candidatures aux élections municipales. En 2000, la mesure a été étendue à toutes les communes de plus de 35 000 habitant·es ; et l’année 2007 marquait le passage à l’alternance stricte entre hommes et femmes sur les listes44. Le seuil d’application des mesures fut ensuite abaissé une première fois en 2013, les communes de plus de 1 000 habitant·es étant alors intégrées au dispositif paritaire45. La loi du 21 mai 2025 achève donc cette progression, menant à ce que l’ensemble des communes soient désormais concernées. Les réfractaires à l’introduction de cette réforme soulignaient néanmoins la difficulté de constituer des listes paritaires dans de si petites communes et évoquaient les potentielles difficultés de recrutement qui pourraient en découler46. Cette rhétorique, déjà mobilisée lors des premiers débats relatifs à la parité47, est pourtant contestable puisqu’elle s’empare des effets d’une exclusion pour ne pas en traiter la cause. La parité serait inconcevable, car le nombre de femmes intéressées par l’engagement politique serait trop faible. Or c’est précisément parce que la vie politique semble inaccessible aux femmes que sa structure doit évoluer. Les dispositions adoptées en 2025 semblent toutefois prendre en compte les craintes des parlementaires, la loi prévoyant divers mécanismes d’adaptation. Ainsi, le dépôt de liste incomplète est autorisé sous certaines conditions48 ; et la loi exclut les petites communes des obligations paritaires lors du remplacement d’un·e adjoint·e au maire49.
Saisi par le Premier ministre et 60 membres de chacune des assemblées parlementaires, le Conseil a été amené à examiner la conformité de la loi à la Constitution. La saisine considère d’abord que l’extension des obligations paritaires aux communes de moins de 1 000 habitant·es porterait atteinte au droit à l’éligibilité en limitant le nombre de candidats de chaque sexe autorisé sur les listes50. Cette prétendue méconnaissance des principes protégés par les articles 3 et 6 de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait déjà été invoquée dans la saisine de 1982 relative à la première loi imposant des quotas par sexe en matière électorale51. Il est également reproché à la mesure, d’une part, de favoriser les scrutins à liste unique, ce qui porterait atteinte au secret du suffrage52 et d’autre part, d’accroître le risque qu’aucun conseil ne soit élu, qui mènerait à une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales53. Pour les auteur·ices de la saisine, les dispositions paritaires « déformeraient »54 la représentation citoyenne « dans des proportions susceptibles de nuire à l’égalité de suffrage »55.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel n’identifie toutefois aucune incompatibilité avec la Constitution. Il rappelle néanmoins la nécessité de conciliation de l’objectif de parité avec le principe de pluralisme et le droit d’éligibilité. Encadrer les modalités de candidature pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes pourrait alors constituer une atteinte à la préservation de la diversité de courants d’idées et d’opinions politiques. Il semble pourtant curieux qu’une règle de mixité soit susceptible de menacer le pluralisme, à moins d’admettre que certaines mouvances politiques peuvent être portées uniquement par des hommes ou par des femmes. Le Conseil propose une appréciation du principe de pluralisme opposée à la parité et donc nécessitant un effort de conciliation. Cependant, les mesures paritaires constituent aussi des opportunités de consolidation du principe de pluralisme, en facilitant l’insertion dans la vie politique de personnes historiquement exclues de celle-ci et donc de la diversité de leurs opinions. En l’espèce, le Conseil estime que la démarche du législateur n’est pas « manifestement déséquilibrée »56, malgré « les difficultés éventuelles que pourraient rencontrer les candidats à composer des listes »57. Le Conseil reprend ici l’argumentaire historique des oppositions parlementaires à la parité. Cette vision, toujours partagée par certains parlementaires58 — est manifestement tronquée. Dans cette perspective, le problème central qui sous-tend les débats relatifs à la parité demeure l’absence d’engagement de la part des femmes. Il est troublant qu’aujourd’hui encore, ces argumentaires se passent d’une réflexion systémique sur les causes de la surreprésentation des hommes dans la sphère politique.
Dans son rapport de 202259, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes trace les contours d’une réalité bien plus complexe. Derrière le déséquilibre représentatif se cache une culture masculine du pouvoir, reposant sur un statut de l’élu taillé pour des hommes, appréhendés comme étant libres de toute obligation personnelle ou familiale. L’ensemble favorise la perpétuation des stéréotypes de genre et des violences sexistes et sexuelles. Assurer la parité dans la vie politique reste nécessaire, mais jamais suffisant - comme dans d’autres sphères historiquement masculines, à l’instar du milieu sportif.
Un an après les premiers jeux olympiques et paralympiques paritaires de l’histoire, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes s’est intéressé à l’envers du décor60. Le constat est sans appel : malgré les avancées réalisées, le sport, et plus spécifiquement, l’encadrement sportif, demeurent un bastion masculin où les femmes sous-représentées subissent le poids d’un système pensé par et pour les hommes61.
Le rapport retrace les origines d’un tel déséquilibre, la dimension genrée de la pratique sportive, la culture patriarcale qui règne dans le mouvement sportif… Il souligne que dès les premières opportunités d’encadrement, un écart genré est discernable. Celui-ci s’amplifie avec l’importance des enjeux. Depuis leur création, seules dix femmes ont accédé à la présidence d’une fédération olympique ou paralympique62. Alors que les premiers débats relatifs à l’adoption de quotas en politique remontent à plus de 40 ans63, et que la première loi en instaurant a désormais plus de 25 ans64, le secteur sportif reste un des « angles morts »65 de la parité. Sur le plan de la représentation, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France impose tout de même une représentation mixte dans les instances gouvernantes du sport, notamment66 dans les fédérations67. Lors des élections de 2024 ayant suivi l’adoption de ce texte, seules deux femmes ont accédé à la direction d’une fédération olympique de sport d’été : Dominique Mérieux occupe désormais la tête de la Fédération française de gymnastique, et Lise Legrand est désormais co-présidente, avec Jean-Carl Fossati, de la Fédération française de lutte. Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité souligne le rôle clef que la parité peut jouer en tant que point de départ vers une culture sportive plus inclusive. C’est en partie par le rééquilibrage des instances de gouvernance que la transformation du domaine sportif pourra tenter de faire évoluer sa culture patriarcale. Dans cette perspective, le Haut Conseil plaide pour l’instauration de co-présidences mixtes pour les fédérations sportives nationales agréées et la mise en place d’un quota de 40 % de femmes au sein des directrions techniques nationales. Cependant, il ne faut pas surestimer le potentiel transformateur d’une représentation paritaire.
De fait, les recommandations du Haut Conseil s’attachent également à souligner les problématiques structurelles qui limitent les opportunités des femmes (manque de médiatisation, moyens financiers limités, données scientifiques à consolider pour mieux comprendre les dynamiques de genre dans l’encadrement sportif…). Ses recommandations appellent aussi au renforcement des dispositifs mis en place pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde du sport, tant « la centralité du corps et la quête de dépassement accentuent la vulnérabilité des licencié·es ». Repenser le rapport au corps est ainsi un travail essentiel qui doit se faire à l’échelle nationale, mais également à l’échelle internationale : l’instauration d’un test de féminité aux derniers championnats du monde d’athlétisme68 témoigne une nouvelle fois de la dimension genrée de la pression imposée aux corps des athlètes.
Dans le domaine sportif, les tests de féminité sont un exemple parmi d’autres des pratiques de police des corps féminins. Les tenues portées par les sportives font également l’objet de contrôles stricts. En janvier 2025, sous la direction de Dominique Mérieux, la Fédération française de gymnastique a ainsi mis fin à l’interdiction du port du short au-dessus du justaucorps en compétition qui, jusque-là, pouvait être sanctionné d’une perte de points par les juges69. Malgré ces lentes évolutions, certaines tenues, les plus couvrantes, volontiers associées aux femmes musulmanes, demeurent plus contestées70. L’adoption par le Sénat, le 18 février dernier, d’une proposition de loi en première lecture71, résume, en cinq articles, les termes d’un débat sur la laïcité désormais récurrent sur la scène politique française72.
Dans son premier volet, la proposition de loi, déposée par le sénateur Michel Savin (Les Républicains) prévoit à son article premier l’interdiction du « port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse »73 lors des compétitions organisées par les fédérations sportives agréées. L’interdiction proposée reprend la définition des signes religieux telle qu’elle est appliquée au sein des écoles, collèges et lycées publics depuis 200474 et y ajoute les démonstrations politiques. L’alinéa 4 de la proposition étend également l’interdiction aux personnes sélectionnées en équipes de France. Ces mesures codifieraient et généraliseraient la pratique actuelle de quelques fédérations. La Fédération française de football prévoit déjà dans ses statuts des interdictions similaires, qui ont été validées par le Conseil d’État dans un arrêt du 29 juin 202375. L’interdiction avait été jugée légitime tant pour les membres des équipes de France (considéré·es comme des agent·es du service public) que pour l’ensemble des licencié·es de la fédération (du fait de leur soumission aux statuts). C’est bien en s’éloignant de la distinction entre agent·es et usager·ères que le Conseil avait pu légitimer sa décision76. Cette décision illustre parfaitement les caractéristiques de la « nouvelle laïcité »77, graduellement orientée vers l’ensemble des usagers du service public. Portant un regard critique sur cette mutation, Stéphanie Hennette-Vauchez souligne sa dimension inégalitaire, tant cette dynamique « tend à distinguer l’islam des autres religions » et « pèse de manière toute particulière sur les femmes musulmanes »78.
Dans son deuxième volet, la proposition de loi vise à interdire l’utilisation des équipements sportifs des communes comme lieux de prière. L’auteur de la proposition de loi évoque « des prières sur des terrains de football à Perpignan »79, sans toutefois fournir de chiffres précis sur l’étendue de la pratique. En toute hypothèse, le Conseil d’État a déjà rappelé les modalités sous lesquelles des équipements publics pouvaient être utilisés par un culte dans un arrêt rendu le 19 juillet 201180 : si un local ne peut être dédié de façon « exclusive et pérenne »81 à une association cultuelle, une commune ne peut refuser une demande d’utilisation ponctuelle au seul motif qu’elle correspondraient à des fins religieuses. Pour que la loi de 1905 soit respectée, la mise à disposition doit exclure toute libéralité, être prévue pour une durée déterminée et s’effectuer en l’absence de conditions préférentielles82.
En troisième lieu, la proposition de loi adoptée au Sénat s’intéresse au règlement intérieur des piscines. Celui-ci doit, d’une part, garantir le « principe de neutralité du service public et de la laïcité »83 ce qui implique, selon le texte, qu’y soit notamment prohibé « le port de signes ou de tenues susceptibles d’y contrevenir »84. Une nouvelle fois, la prohibition du port de signes religieux dans un espace public est présentée comme indissociable de la mise en œuvre du principe de neutralité du service public. Ainsi, depuis les premiers arrêtés interdisant le port des burkinis sur les plages en 201685, la controverse s’est déplacée dans les piscines. En 2016, le Conseil d’Etat avait suspendu les arrêtés interdisant le port du burkini sur les plages en ce qu’ils portaient une « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle »86. Apparemment fixé, et donc clos, pour ce qui est de l’espace public, le débat a migré vers le service public87. Lors de la première application du déféré-laïcité institué par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République88, le Conseil d’État a confirmé la suspension de la nouvelle disposition des règlements intérieurs des piscines de Grenoble89. Pour le Conseil, la disposition introduisait une dérogation aux règles d’hygiène motivée par des convictions religieuses. La mise en œuvre de celle-ci porterait atteinte au bon fonctionnement du service public ainsi qu’au principe d’égal traitement des usagers90. La proposition de loi souhaite entériner cette interdiction et, par la même occasion, affirmer le caractère indissociable du principe de laïcité et de l’interdiction du port des signes religieux.
La lecture groupée des dispositions adoptées en première lecture illustre d’une part, l’offensive portée à l’exercice de la liberté religieuse et d’autre part, la dimension genrée d’une telle attaque. Les propositions ont vocation à étendre le champ de l’espace public — et notamment l’espace sportif — inaccessible aux femmes de confession musulmane. L’argumentaire égalitaire ne trompe pas sur l’objectif politique de ces dispositions. En effet, cette rhétorique « tout en prétendant promouvoir l'égalité et l'émancipation, néglige de considérer comment ces mêmes politiques renforcent les inégalités en marginalisant les femmes musulmanes »91. Elle est d’autant plus délétère qu’elle se couple à la culture patriarcale d’un univers sportif « socio-historiquement masculin »92. C. B.
Les lignes de cette revue ont déjà accueilli l’analyse de décisions de justice relatives à des tentatives de couper les ailes d’initiatives mettant en avant l’écriture inclusive ou le gommage de certaines marques du temps discriminatoires93.
La réponse du juge administratif est nuancée car il est tenu compte du contexte et du support sur lequel vient se déployer l’écriture inclusive. Deux nouveaux contentieux fournis par les contempteurs et défenseurs de cette dernière viennent consolider cette position tempérée et illustrer la crispation que cette écriture à visée égalitaire provoque.
Le premier exemple nous est fourni encore une fois par la ville de Paris, qui avait déjà été à l’initiative de plaques commémoratives rédigées en écriture inclusive94. Dans ce nouveau cas, celle-ci a été utilisée dans la rédaction du règlement intérieur du conseil municipal du 12e arrondissement95. Ce document représente le moteur organisationnel de la collectivité territoriale. Il n’est donc plus question d’un positionnement périphérique de l’écriture inclusive avec une action de communication auprès du public, mais d’une place centrale qui lui est offerte au sein du fonctionnement de la mairie96. Malgré cette différence de contexte, l’utilisation d’une argumentation similaire devant la même juridiction (le Tribunal administratif de Paris) produira une conclusion identique avec une validation de l’usage de l’écriture inclusive.
En premier lieu, les demandeurs se fondent sur le respect de la langue française par l’intermédiaire de l’article 2 de la Constitution selon lequel « La langue de la République est le français » et de l’article 1er de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française. L’argument est assez rapidement analysé par le tribunal, qui considère97 que la langue française est évolutive et que l’article 11 de la DDHC permet une forme de liberté dans le choix des termes pour traduire sa pensée. En outre, comme déjà indiqué par la juridiction dans l’affaire précédente, invoquer la position de l’Académie française n’est pas un argument juridique98. Cette mise à l’écart de l’institution motive d’ailleurs sans doute une proposition de loi de février 2024 visant à sauvegarder la langue française et réaffirmer la place fondamentale de l’Académie française99. L’objectif affiché est de restaurer l’autorité de l’institution qui a qualifié l’écriture inclusive de « péril mortel » pour la langue française100. On comprend que donner une valeur juridique au travail des académiciens et de quelques académiciennes101 viendrait plus utilement appuyer l’argumentaire des opposants à l’écriture inclusive et permettrait de faire basculer le contentieux en faveur de l’interdiction totale de l’écriture inclusive. Il est en effet envisagé de donner pleine latitude à l’Académie française, qualifiée d’« instance », pour fixer la grammaire, l’orthographe et la syntaxe par l’intermédiaire d’une codification (vocabulaire employé par les parlementaires). Plusieurs lois, à commencer par celle de 1994 sur l’emploi de la langue française, se réfèreraient alors expressément à ce travail de l’Académie. La proposition, dont l'objectif est purement conservateur en proposant une cristallisation de la langue reposant sur ses règles actuelles, interroge sur deux plans : outre que, assez naturellement, la juridicisation du travail de l'Académie française peut soulever quelques questions, elle met en œuvre une instrumentation politique de l'institution dont il est supposé qu'elle maintiendra sa position malgré l'arrivée de nouveaux membres. La proposition de loi conditionne également l’octroi de subventions publiques au respect de ces règles tout en prévoyant des sanctions pénales si celles-ci sont méconnues102, ce qui n’est pas sans laisser songeur du point de vue du respect de la liberté d’expression.
Pour en revenir au jugement analysé, en deuxième lieu, l’argumentation porte sur l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi. À l’aide de plusieurs exemples d’aménagements issus du règlement intérieur féminisant des fonctions et des attributions (par exemple « suppléant-e » ou « le/la maire »), le tribunal constate que ces formulations ne sont ni imprécises, ni équivoques et qu’il n’en résulte aucune ambiguïté quant à la personne exerçant les attributions ainsi mentionnées.
En troisième et dernier lieu, les requérants s’appuient sur le droit de la non-discrimination en ciblant le motif du handicap et les difficultés vécues par certaines personnes pour lire un texte ainsi rédigé. Reprenant la logique de la charge de la preuve propre à la discrimination103, le tribunal analyse les éléments apportés par les demandeurs afin de s’assurer qu’ils laissent supposer l’existence d’une discrimination. Il s’avère que les documents soumis au juge administratif ne sont que des articles journalistiques, des « prises de position », dépourvus de tout fond scientifique. Dès lors, le tribunal considère que la preuve n’est pas apportée par les demandeurs. Il n’est donc pas nécessaire au défendeur d’y apporter une justification objective104.
Outre le fait que les éléments apportés au débat ne sont ni juridiques, ni scientifiques, il faut également remarquer l’absence de cohérence de l’action, puisque si le point médian est au centre de la demande, il ne semble pourtant pas être utilisé en l’espèce : les seuls éléments d’écriture inclusive apparaissant sont le tiret et le slash afin de féminiser les attributions et fonctions. Contrairement au véritable point médian qui constitue un caractère d’imprimerie ad hoc, les autres signes utilisés dans le règlement intérieur ne sont pas propres à l’écriture inclusive et constituent des graphies usuelles.
Cette décision nous apprend ainsi que l’argumentaire juridique, et a fortiori non juridique, ne permet pas de revenir sur l’utilisation volontaire de l’écriture inclusive dans le cadre du règlement intérieur d’une collectivité territoriale. Mais interdire l’écriture inclusive est-il pour autant possible ? C’est l’objet de la deuxième illustration fournie cette fois par le Conseil d’État avec une décision en date du 20 décembre 2024105. Celle-ci vient confirmer106 la licéité de la prohibition telle que formulée cette fois par une circulaire du ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 5 mai 2021 qui enjoint aux services relevant du ministère de féminiser les actes administratifs et les enseignements, tout en proscrivant l’écriture inclusive dans ses aspects contraires aux règles d’accords usuels, et particulièrement le point médian. La circulaire était contestée par un parent d’élève soucieux d’offrir à sa fille l’accès à une éducation pleinement égalitaire, inclusive et pensée en dehors du seul schéma de la binarité de genre. Pour cela, sont mobilisés différents textes protecteurs des droits humains, particulièrement européens.
La multiplicité des fondements utilisés n’aura pas plus aidé le requérant que dans le jugement du Tribunal administratif de Paris. Ainsi, l’accès à l’instruction, qu’il soit garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 dans son aspect égalitaire ou par l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH), n’est pas entravé par la circulaire qui s’en tient à faciliter l’acquisition de la langue française et ne prône pas l’inégalité entre les sexes. En complément, les arguments tirés de la liberté de conscience (art. 10 DDHC ; art. 9 Conv. EDH ; art. 10 CFDUE) et de la liberté d’expression (art. 11 DDHC ; art. 10 Conv. EDH ; art. 11 CFDUE) sont rapidement écartés par le Conseil d’État qui rappelle qu’il s’agit ici de conserver un usage écrit de « la version communément admise de la langue française ». Le reste de l’arrêt se concentre sur la coexistence, dans la circulaire, de l’interdiction de l’écriture inclusive, qui permet de conserver l’utilisation du masculin générique, et de l’encouragement à l’utilisation des règles de féminisation afin de lutter contre les stéréotypes de genre. Ces dernières, dont l’objectif égalitaire ne peut être nié107, permettent de valider l’ensemble du contenu de la circulaire. La décision fait alors apparaître clairement une problématique de vocabulaire, ou plus profondément de choix des définitions. En effet, il est établi qu’une société inclusive ne comprend pas nécessairement une écriture inclusive. Ainsi, la « scolarisation inclusive de tous les enfants » issue de l’article L. 111-1 du Code de l’éducation nationale n’induit pas l’usage de l’écriture inclusive, de même que la convention passée entre le ministère et le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qui invite à l’utilisation d’un langage inclusif ne peut servir de fondement à l’intégration de l’écriture inclusive.
Les deux affaires ici présentées permettent de rappeler que l’écriture inclusive englobe deux pans qui sont soumis à des logiques différentes. Le volet qui permet l’égalité des sexes sans déconstruction de la langue est plus ouvertement accepté, quel que soit le support, afin de permettre une égalité entre les femmes et les hommes, tandis que le volet réformateur de la langue est soumis à une ambivalence : il peut être utilisé pour des supports internes dans une collectivité territoriale ou des supports de communication, mais il peut être interdit sur des supports plus officiels et dans le fonctionnement des ministères.
Cette nuance d’appréciation a sans doute à voir avec la confrontation entre la fin (l’égalité) et les moyens (la réforme de la langue avec certains aspects jugés radicaux). Cette radicalité est d’ailleurs clairement instrumentalisée sur un plan plus large comme le montre une proposition de résolution présentée le 8 octobre 2024108. Celle-ci met en avant le besoin de constituer une commission d’enquête concernant les idéologies contraires aux valeurs de la République dans l’enseignement supérieur. Or, l’exposé des motifs fait quasi uniquement ressortir la problématique de l’infiltration du « wokisme » à l’université, à commencer par l’« intersectionnalité »109, comme justification à la création d’une commission d’enquête. En en appelant à la notion de « valeurs » contraires à celles de la République tout en utilisant des concepts flous ou inappropriés, la proposition ne se situe pas sur le plan des principes du droit, mais de la morale politique pour parvenir à faire dire que le droit antidiscriminatoire peut devenir contraire aux idées républicaines lorsqu’il est instrumentalisé110. Comme l’est l’Académie française en somme. D. T.
« Assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et garantir un contenu d’information adapté au développement des enfants selon les stades d’âge ». C’est en ces termes qu’était formulée la préconisation n° 80 de la CIVIISE dans son rapport de 2023111 en vue de prévenir les violences sexuelles sur les mineur·es.
C’est dans cette voie que s’inscrit l’arrêté de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 3 février 2025112, qui fixe pour la première fois un programme d'éducation à la sexualité - dit programme EVARS - consistant en une éducation à la vie affective et relationnelle à l'école maternelle et à l'école élémentaire et en une éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité au collège et au lycée. La circulaire du 4 février 2025113 en précise les modalités de mise en œuvre.
Cela n’a pas été sans polémiques et pressions de la part des milieux conservateurs. Signe de cette agitation, un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté et la circulaire a été introduit devant le Conseil d’État par pas moins de sept associations dont Juristes pour l’enfance, 362 parents d’élèves et 275 autres particuliers.
Dans un arrêt en date du 27 juin 2025114, la Haute juridiction rejette le recours. On notera à cet égard la rapidité avec laquelle la requête a été inscrite au rôle, pour permettre son examen avant la rentrée scolaire 2025-2026. Habitué à se prononcer sur des sujets politiquement sensibles, le Conseil d’État les appréhende en mobilisant des arguments juridiques. Cette décision est à cet égard un modèle du genre.
Elle fait figure de discours d’apaisement.
D’abord, le juge rappelle à plusieurs reprises que le ministre se borne à mettre en application un enseignement créé par le législateur115. Ce sont bien les dispositions législatives du code de l’éducation, et non les actes attaqués, qui ont fait de l’éducation à la sexualité un enseignement obligatoire, « en complément du rôle des parents et des familles », qui ont expressément prévu « que l’éducation à la sexualité excède le seul champ des “aspects biologiques de la sexualité, de la contraception, de la grossesse ainsi que de la prévention des risques et des infractions réprimées par la loi” » mais a également pour finalités le « respect de l’égale dignité des êtres humains et à la lutte contre les discriminations ainsi [que la prévention d]es atteintes à l'intégrité physique et psychique des personnes »116.
Il revient ensuite sur le processus d’élaboration du programme EVARS : les recommandations de l’Inspection générale de l’éducation nationale de 2021, l’intervention du Conseil supérieur des programmes et la création d’un groupe de travail pluridisciplinaire, la concertation d’une durée de neuf mois et l’avis favorable du Conseil supérieur de l’éducation. De tels développements qui ne répondaient à aucun moyen - aucun vice de procédure n’avait été soulevé par les requérants - visaient semble-t-il à insister sur la réflexion et la collégialité ayant présidé à l’élaboration du programme.
Enfin, et peut-être surtout, le Conseil d’État met à distance les arguments des requérant·es, préférant le recours aux citations intégrales entre guillemets plutôt que la technique habituellement employée de reformulation des moyens invoqués. Ainsi, il évoque, pour mieux les écarter, « “l’idéologie du genre” », « “la banalisation de la sexualité précoce ou déconnectée de tout affect” », « “la vision clivée et angoissante des rapports entre les femmes et les hommes et de la sexualité” » mises en avant par les requêtes. Le rapporteur public, dans ses conclusions, s’est lui-même ému de « la lecture outrée, voire caricaturale »117 faite par les requérants du contenu du programme EVARS, citant quelques exemples particulièrement saisissants. On en retiendra un seul : cela reviendrait à lire aux enfants d’école maternelle et primaire « “le script d’un film pornographique” »118.
L’arrêt écarte l’ensemble des moyens tirés tous azimuts des atteintes portées à l’autorité parentale, au droit au respect de la vie privée et familiale des élèves, au droit à l’éducation et à une information appropriée à leur âge et à leur stage de développement, au droit à la santé, au principe de neutralité du service public, et même de l’incitation à la commission, par les enseignant·es et les intervenant·es, des infractions d’outrage sexiste et sexuel ou de harcèlement sexuel.
Le Conseil d’État écarte d’abord les moyens tirés de l’atteinte à l’autorité parentale et à l’action éducative des familles119. Il relève que les actes attaqués ont eu pour objet de définir les objectifs d’apprentissage et les modalités de cet enseignement obligatoire, dans le cadre défini par les dispositions législatives. Si les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative, aucune disposition n’impose qu’ils soient informés à l’avance des séances d’éducation à la sexualité. Ils peuvent en revanche adresser à l’établissement une demande d’information ou d’entrevue sur la situation propre à leur enfant.
Il estime ensuite que le contenu et les modalités d’enseignement ont été définis de façon à ne pas porter atteinte au droit à la vie privée des élèves et au respect dû à leur intimité. Il n’y a notamment pas d’évaluation des élèves. Le programme d’éducation à la sexualité est progressif, adapté classe par classe, en fonction de l’âge des élèves et de leur stade de développement. Il est par ailleurs demandé aux intervenant·es de prendre en compte les particularités de chaque classe et la singularité de chaque élève. Il n’y a pas davantage d’atteinte au droit des enfants à l’éducation : il ne saurait être allégué que « le programme ferait l’apologie de “l’idéologie du genre” », dès lors qu’ « il se borne à faire référence, de manière neutre et objective, à l’identité de genre, notion qui figure dans la loi, en particulier à l’article 225-1 du code pénal qui réprime les discriminations opérées en fonction de l’identité de genre ».
Le Conseil d’État exclut en outre toute méconnaissance du principe de neutralité des services publics120. Les notions de consentement aux relations sexuelles et d’identité de genre « y sont traité[e]s de manière neutre et objective, en tenant compte de l’état de la science et de l’état du droit, […] et sans les inciter à adopter de comportement particulier en la matière ». Les conclusions du rapporteur public Jean-François de Montgolfier sont à cet égard très éclairantes. Il répond directement au reproche formulé dans la requête, et tenant à ce que le programme d’éducation à la sexualité pouvait exposer les élèves à un discours différent de celui des parents et entrer ainsi en contradiction avec leurs convictions personnelles. Pour le rapporteur public, il ne faut pas y voir d’atteinte à l’autorité parentale pas plus qu’au principe de neutralité. « C’est la vocation émancipatrice de l’école que de permettre aux élèves de développer un esprit critique, y compris, à l’égard des évidences premières de leur environnement familial »121. L’enseignement d’éducation à la sexualité n’est d’ailleurs pas le seul concerné. Le rapporteur public prend l’exemple de l’enseignement de l’histoire de la géographie, des sciences ou de la philosophie qui peuvent également « entrer en tension avec les représentations que les élèves ont héritées de leurs familles ». « [D]e façon générale, toute formation à l’esprit critique, scientifique ou littéraire, peut, et même doit avoir cet effet »122. Concernant spécifiquement la notion de genre abordée dans le programme EVARS, le rapporteur public ajoute qu’ « [e]nseigner l’existence de la transidentité, comme la pluralité des orientations sexuelles, dans le but de lutter contre les préjugés et les discriminations n’a […] rien d’un endoctrinement »123.
S’agissant enfin du dernier moyen tiré de l’incitation à la commission d’infractions pénales, le Conseil d’État se borne à indiquer que « les requérants ne sont pas fondés à [le] soutenir » et qu’il « ne peu[t] qu’être écarté ». Absolument pas sérieux, il n’appelle pas de développement de la part du juge.
L’offensive juridique lancée contre le programme d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité a échoué. De là à dire que le programme est sauvé, rien n’est moins sûr. Sa mise en œuvre, dès cette rentrée 2025-2026, s’annonce délicate dans les établissements d’enseignement publics, confrontés au manque de moyens et possiblement échaudés par les menaces planant sur la liberté pédagogique et la sécurité des enseignant·es. Elle est encore plus incertaine dans les établissements d’enseignement privé sous contrat - pourtant tenus par les programmes de l’éducation nationale124 -, dans lesquels on peut craindre qu’une partie du programme soit occultée ou adaptée. Il s’agit encore et toujours d’un « sujet politiquement éruptif »125. A. J.
Camille Barbe, Doctorante en droit public, Université
de Bordeaux, CERCCLE
Elsa Fondimare, Maîtresse de conférences en droit public, Université Paris Nanterre CREDOF, UMR 7074 CTAD
Matthieu Gaye-Palettes, Maître de conférences en droit public, Université de Rouen, CUREJ
Anne Jennequin, Maîtresse de conférences en droit public, Université d’Artois, Centre Droit Éthique et Procédures
Carine Laurent-Boutot, Maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université de Limoges, OMIJ
Delphine Tharaud, Professeure de droit privé et sciences criminelles, Université de Limoges, OMIJ
Alexis Zarca, Professeur de droit public, Université d’Orléans, CRJ Pothier
Références
Cour EDH, 5 juin 2025, Strāisteanu c. République de Moldova, n° 9989/20.↩︎
Cour EDH, GC, 8 novembre 2016, Magyar Helsinki Bizottsá c. Hongrie, n° 18030/11.↩︎
Pour la première fois dans l’arrêt : Cour EDH, 26 nov. 1991, Observer Guardian c. RU, n° 13585/88.↩︎
Adopté le 2 juin 2024, § 31 de l’arrêt.↩︎
Cass. crim, 11 mars 2025, n° 24-80.572.↩︎
CAA Bordeaux, 2e chambre, 11 juillet 2024, n° 22BX01293.↩︎
Cass. Crim., 25 septembre 2024, n° 23-86-170.↩︎
Cons. const., 19 janvier 2023, n° 2022-846 DC relative à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, voir § 60.↩︎
Cour EDH, 25 juin 2024, Conseil National de la jeunesse de Moldova contre République de Moldavie, n° 15379/13.↩︎
Cour EDH, 2 février 2025, Klimova et autres c. Russie, n° 33421/16.↩︎
Cour EDH, 13 fév. 2025, P. c. Pologne, n° 56310/15.↩︎
Cour EDH, GC, 8 juill 2004, Ilascu et autres c. Moldova et Russie, n° 48787/99, la Cour reconnaît une obligation positive générale de prendre les mesures appropriées pour assurer le respect des droits et libertés de la Convention sur son territoire.↩︎
Cour EDH, 17 déc. 2024, Side by side international film festival et autres c. Russie, n° 32678/18.↩︎
Cour EDH, 4 mars 2025, Milashina et autres c. Russie, n° 75000/17.↩︎
Cour EDH, 21 nov. 2023, NA et autres c. Russie, n° 48523/19.↩︎
Pour une revue de la littérature sur la question, v. L. Monique Ward & Petal Grower, « Media and the development of gender role stereotypes », Annual Review of Developmental Psychology, 2020, n° 2, p. 177 et s.↩︎
Intervention, Ass. Plen., ARCOM, 24 avril 2024, Émission ‘le Répondeur’.↩︎
Décision de sanction pécuniaire n° 2024-42 du 17 janvier 2024 ; Décision de mise en garde du 14 février 2024 ; Décision de mise en demeure du 28 février 2024 ; Décision de mise en garde du 28 juillet 2024 et décision d’intervention du 4 septembre 2024.↩︎
Voir sur ce point Thomas Hochmann, « On ne peut plus rien dire ». Liberté d’expression : le grand détournement, Anamosa, 2025.↩︎
ARCOM, Ass. Plen., Réponses aux plaignants, 7 mai 2024.↩︎
CJUE, 26 juin 2025, Mekeleio et Zougla (Mekeleio EPE, Zougla G.R. AE Ethniko symvoulio radiotileorasis), C-555/23 et C-556/23.↩︎
Assemblée nationale, Rapport n° 1770 de la commission d’enquête, Les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, 4 septembre 2025.↩︎
Cela ressort notamment de la posture que prennent les créateurs dès le début de leur audition, tel qu’AD Laurent qui s’insurge des propos que le président de la commission a tenu contre lui dans les médias, v. not. Assemblée nationale, Rapport n° 1770, préc., Tome 2, p. 684 et s.↩︎
Sur cette technique voir notamment l’avis de la CNIL lors de la délibération n° 2024-067 du 26 septembre 2024 portant sur le référentiel de l’ARCOM relative à la vérification de l’âge mis en place pour l’accès à certains services pornographiques.↩︎
Communiqué de presse de l’ARCOM, « Mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques (RSN/DSA) : Première désignation d’un signaleur de confiance, e-Enfance », 6 nov. 2024, https://www.arcom.fr/presse/mise-en-oeuvre-du-reglement-europeen-sur-les-services-numeriques-rsndsa-premiere-designation-dun-signaleur-de-confiance-e-enfance↩︎
Expression employée pour pointer les faiblesses des exigences de modération, in Assemblée nationale, Rapport n° 1770, préc., T.1., p. 166.↩︎
V. sur ce concept, Ludovica Robustelli, « Le droit à l’autodétermination informationnelle en droit européen », RDLF, 2023, thèse n° 2, [en ligne].↩︎
CJUE, 13 mars 2025, Deldits (VP c/ Orszagos Idegenrendeszeti Foigazgatosag), C-247/23.↩︎
Cour EDH, 6 avril 2017, A.P., Garçon et Nicot c. France, n° 79885/12, 52471/13 et 52596/13.↩︎
CJUE, 4 octobre 2024, Maximilian Schrems c. Meta platforms Ireland Ltd., C-446/21.↩︎
Celui-ci a en particulier conduit la Cour à considérer comme une ingérence disproportionnée le traitement indifférencié que réalisait Facebook à des fins publicitaires sur des données collectées grâce à des « social plugins », fonctionnalité installée sur des pages web — à l’instar du pouce « j’aime » — qui transmet au réseau social les actions sur ces sites tiers.↩︎
Loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité.↩︎
Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, Comment obtenir la parité au sein des communes et des intercommunalités : freins et leviers, rapport n° 2022-02-02-PAR-51, 2 février 2022, p. 17.↩︎
Ibid.↩︎
Loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, article 7.↩︎
Assemblée nationale, Proposition de loi n° 4587 visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, 19 octobre 2021.↩︎
Direction générale des Collectivités locales, Bulletin d’information statistiques, n° 162, mars 2022.↩︎
Marie Gaudier, Philippe Micallef, Laurent Soulat, « L’évolution de la place des femmes dans les conseils municipaux lors des élections de 2020 », Questions politiques et sociales, septembre 2025, n°45.↩︎
Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, Comment obtenir la parité au sein des communes et des intercommunalités : freins et leviers, préc., p. 17.↩︎
Catherine Achin, « “Représentation miroir” vs parité. Les débats parlementaires relatifs à la parité revus à la lumière des théories politiques de la représentation », Droit et société, 2001, n° 1, pp. 237-256.↩︎
Éléonore Lépinard, Laure Bereni, « La parité ou le mythe d'une exception française », Pouvoirs, 2004, vol. 111, n° 4, pp. 73-85.↩︎
Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.↩︎
Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.↩︎
Loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, article 2.↩︎
Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, article 24.↩︎
Au Sénat, voir les interventions de Hochart Joshua, Pluchet Kristina, Guidez Jocelyne, in Comptes rendus intégraux des débats, séance du 11 mars 2025, [en ligne : https://www.senat.fr/seances/s202503/s20250311/st20250311000.html].↩︎
Voir par exemple l’intervention du Sénateur Denis Badré, in Comptes rendus intégraux des débats, séance du 29 février 2000, [en ligne : https://urls.fr/rM1EYt].↩︎
Les listes doivent, au maximum, comporter deux membres de moins que le minimum requis ; Loi n° 2025-444 du 21 mai 2025, préc., article 1 et article 5.↩︎
Ibid., article 4.↩︎
Cons. const., 15 mai 2025, n° 2025-883 DC, paragraphe 11.↩︎
Cons. const., 18 novembre 1982, n° 82-146 DC, paragraphes 6 et 7.↩︎
Cons. const., 15 mai 2025, préc., paragraphe 13.↩︎
Ibid., paragraphe 12.↩︎
Cons. const., 15 mai 2025, préc., paragraphe 16.↩︎
Ibid.↩︎
Ibid., paragraphe 28.↩︎
Ibid.↩︎
Comptes rendus des débats, séance du 11 mars 2025, préc.↩︎
Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, Parité politique : la nécessité d'un Acte II, rapport n° 2022-12-12-PAR-54, 12 décembre 2022.↩︎
Haut Conseil à l’égalité, Femmes et sport : Bâtir des carrières, conquérir l’égalité, rapport n° 2025-04-16-PAR-62, 16 avril 2025.↩︎
Ibid.↩︎
Ibid.↩︎
Cons. const., 18 novembre 1982, préc.↩︎
Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000, préc.↩︎
Haut Conseil à l’égalité, Femmes et sport : Bâtir des carrières, conquérir l’égalité, préc., p. 5.↩︎
La loi du 2 mars 2022 impose également une composition paritaire pour le Comité national olympique et sportif français (article 32). Pour les fédérations, les mesures paritaires s’appliquent aux organes de gouvernance à l’échelle nationale, mais également aux instances déconcentrées, aux ligues professionnelles et aux organismes de représentation et de conciliation (articles 29 à 44).↩︎
Loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.↩︎
World athletics, « World Athletics introduces SRY gene test for athletes wishing to compete in the female category », 30 juillet 2025, [en ligne : https://worldathletics.org/news/press-releases/sry-gene-test-athletes-female-category].↩︎
Fédération française de gymnastique, « Nouvel règlementation FFGYM : port du short en compétition », 14 février 2025, [en ligne : https://cd91.ffgym.fr/Actualites/Nouvelle-reglementation-FFGym-Port-du-short-en-competition].↩︎
Annabelle Caprais, Yasmina Meziani, Haïfa Tlili, « La fabrique institutionnelle d’un problème public : le cas du port du voile dans le Sport (2012-2024) », Intersections, Revue Semestrielle Genre & Droit, nᵒ 2, décembre 2024.↩︎
Proposition de loi n° 376 visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, adoptée par le Sénat le 18 février 2025.↩︎
Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Elle prévoyait notamment l’extension du contrôle des encadrants dans le domaine sportif, et l’insertion de programmes de formation dédiés au respect du principe de laïcité et aux risques de radicalisation.↩︎
Proposition de loi n° 376 visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, préc.↩︎
Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.↩︎
CE, 29 juin 2023, n° 458088.↩︎
Marie-Odile Peyroux-Sissoko, « Compétitions sportives, service public et signes religieux », Revue française de droit administratif, 2023, n° 6, p. 1065.↩︎
Stéphanie Hennette-Vauchez, « Genre et religion : le genre de la nouvelle laïcité » in Stéphanie Hennette-Vauchez, Marc Pichard, Diane Roman, dir., La loi et le genre : études critiques de droit français, CNRS Éditions 2014, p. 715-732.↩︎
Ibid., p. 715.↩︎
Intervention de Michel Savin, Comptes rendus intégraux des débats, Séance du 18 février 2025, [en ligne : https://www.senat.fr/seances/s202502/s20250218/s20250218007.html#section765].↩︎
CE, Ass.,19 juillet 2011, n° 313518.↩︎
Ibid.↩︎
Ibid.↩︎
Proposition de loi n° 376 visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, préc.↩︎
Ibid.↩︎
REGINE, « Panorama Droit et genre », Recueil Dalloz, 2017, p. 935.↩︎
CE, ord., 26 août 2016, n° 402742.↩︎
Fabrice Lemaire, « Après avoir fait des vagues à la plage, le burkini refait surface à la piscine municipale, mais reste au vestiaire », Revue du droit des religions, 2023, n° 15, p. 187-201.↩︎
Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.↩︎
CE, ord., 21 juin 2022, n° 464648.↩︎
Ibid., paragraphe 9.↩︎
Annabelle Caprais, Yamina Meziani, Haïfa Tlili, « La fabrique institutionnelle d’un problème public : le cas du port du voile dans le sport (2012-2024) », préc.↩︎
Béatrice Barbusse, Du sexisme dans le sport, Anamosa, cité in Haut Conseil à l’égalité, Femmes et sport : Bâtir des carrières, conquérir l’égalité, préc., p. 36.↩︎
Delphine Tharaud, « Conjuguer le droit de la non-discrimination au passé. Pas si simple », in « Actualités choisies. Représentations, expressions, participations », Rev. Intersections, 2024, n° 2.↩︎
TA Paris, 14 mars 2023, n° 2206681.↩︎
TA Paris, 10 décembre 2024, n° 2217705.↩︎
L’action a d’ailleurs été introduite par deux conseillers d’arrondissement.↩︎
En s’appuyant sur la décision : Cons. const., 29 juillet 1994, n° 94-345 DC, Loi relative à l’emploi de la langue française.↩︎
L’argument a eu plus de succès devant le Tribunal administratif de Grenoble : TA Grenoble, 11 mai 2023, n° 2005367.↩︎
Assemblée nationale, Proposition de loi n° 901 visant à sauvegarder la langue française et à réaffirmer la place fondamentale de l’Académie française, 4 février 2025.↩︎
Point rappelé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.↩︎
5 sur les 33 membres actuels. Ces membres étant tous nés dans les décennies 40 et 50 du 20e siècle, à deux exceptions près (1929 pour le plus âgé, 1976 pour le plus jeune).↩︎
Un volet pénal est également prévu avec une amende de 7 500 euros en cas de non-respect de cette interdiction totale de l’écriture inclusive.↩︎
Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, art. 4.↩︎
Le tribunal note cependant que la partie défenderesse utilise le même type de support journalistique.↩︎
CE, 20 décembre 2024, n° 474812.↩︎
Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de valider une circulaire gouvernementale relative aux règles de féminisation interdisant certains aspects de l’écriture inclusive comme le point médian : CE, 28 février 2019, n° 417128.↩︎
Ce qui permet d’être en accord avec la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’exclure une violation de l’article 1er de la Constitution de 1958, de l’article 6 de la DDHC et de l’article 14 de la Conv. EDH).↩︎
Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’infiltration des idéologies contraires aux valeurs de la République dans l’enseignement supérieur, 8 octobre 2024, n° 315.↩︎
Qui aurait donc un sens politique avant d’avoir un sens en droit de la non-discrimination.↩︎
Et sans doute à terme même sans référence à une instrumentalisation : tout ce qui touchera à la non-discrimination sera considéré comme radical et contraire aux « valeurs » républicaines.↩︎
Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIVIISE), Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit », Rapport novembre 2023, p. 693.↩︎
Arrêté du 3 février 2025 fixant le programme d'éducation à la sexualité - éduquer à la vie affective et relationnelle à l'école maternelle et à l'école élémentaire, éduquer à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité au collège et au lycée.↩︎
Circulaire du 4 février 2025 relative à la mise en œuvre de l'éducation à la vie affective et relationnelle (dans les écoles) et à l'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (dans les collèges et les lycées).↩︎
CE, 27 juin 2025, n° 501820, Juristes pour l’enfance et autres.↩︎
Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.↩︎
L’extension à d’autres aspects que les seuls aspects biologiques et juridiques de la sexualité a été progressive : loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées et loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.↩︎
Jean-François de Montgolfier, concl. sur CE, 27 juin 2025, 501820, Juristes pour l’enfance et autres, p. 4 (http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2025-06-27/501820).↩︎
Argument cité entre guillemets par Jean-François de Montgolfier, concl. préc., p. 4.↩︎
V. aussi CE, 18 octobre 2000, n° 213303, Association Promouvoir, Leb. ; AJFP 2001, p. 45, note Joël Mekhantar.↩︎
La même solution est retenue dans CE, 18 octobre 2000, préc. (à propos d’une circulaire relative à l’éducation à la sexualité et à la prévention du SIDA) et CE, 6 octobre 2000, n° 216901, Association promouvoir, Leb., AJDA 2000, p. 1060, concl. Sophie Boissard ; RFDA 2000, p. 1311, obs. Jacques Morange (à propos d’une décision organisant et finançant une campagne de sensibilisation des mineurs à la contraception).↩︎
Concl. préc., p. 6.↩︎
Concl. préc., p. 6.↩︎
Concl. préc., p. 8.↩︎
Stéphanie Hennette-Vauchez, « Un éléphant dans la pièce ? La liberté de l’enseignement comme régime d’accommodement de la religion », Titre VII, n° 12, avril 2024 [en ligne] : « L[a] liberté pédagogique [dans les établissements d’enseignement privé sous contrat] s'exprime alors au travers de la possibilité qui leur est reconnue d'ajouter aux programmes de l'Éducation nationale – mais elle ne fonctionne que dans ce seul sens additif : les écoles sous contrat ne sont pas en principe libres de soustraire ou d'ignorer tel ou tel sujet d'enseignement du programme officiel ».↩︎
« Éducation à la sexualité à l’école : les derniers arbitrages d’Elisabeth Borne », Le Monde, 23 janvier 2025.↩︎