
Alexandra Korsakoff
Le principe d’égalité entre les femmes et les hommes a mis longtemps à
se hisser au rang de principe fondamental du droit français. Mais une
fois installé dans ce rôle de principe cardinal, son utilisation dans
les discours politiques comme dans la pratique jurisprudentielle n’a pas
manqué d’étonner, tant l’usage de « l’égalité » pouvait conduire à des
positions contrastées. Le droit des migrations en particulier montre que
le principe d’égalité est parfois compris si abstraitement qu’il est
impuissant à protéger les femmes, voire qu’il est parfois invoqué pour
justifier des politiques qui leur sont défavorables…
L’ouvrage collectif L'instrumentalisation du principe d'égalité des sexes aux fins de rejet de l'étranger·e, dirigé par Alexandra Korsakoff, paru en décembre 2025 aux éditions Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie (IFJD), se propose justement de faire le point sur la place du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les aspects du droit des personnes étrangères : nationalité, visa, séjour, asile, éloignement etc.
Le présent « Brut » donne à voir, comme un aperçu de cet ouvrage, quelques extraits de textes, décisions ou débats politiques qui montrent ces usages paradoxaux du principe d’égalité dans le champ du droit migratoire, tant en droit international qu’en droit interne.
Les textes reproduits ont été sélectionnés, parmi un important matériau recueilli pour cet ouvrage, par Lisa Carayon, Alexandra Korsakoff, Jules Lepoutre, Stéphanie Hennette‑Vauchez et Serge Slama.
Extrait de la convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, RTNU, vol. 189, p. 137 « Article 3. - Non-discrimination Les États contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ».
Assemblée générale des Nations Unies, Conférence de
plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides ; Compte
rendu analytique de la troisième séance, tenue au Palais des Nations, à
Genève le mercredi 4 juillet 1951, à 10 heures 30,
A/CONF.2/SR.5
« M. MAKIEDO (Yougoslavie) […] croit […] qu’il faudrait étendre dans
une certaine mesure la portée de cet article, car celui-ci ne mentionne
que trois raisons de discrimination à savoir : la race, la religion et
le pays d’origine. L’article 2 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme mentionne d’autres raisons telles que : la couleur, le sexe,
la langue et la fortune. Il ne serait peut-être pas possible d’inclure
toutes ces raisons dans l’article 3, mais il serait cependant
souhaitable d’y faire figurer […] après les mots “pays d’origine” les
mots “ou de son sexe”. Il ne faut pas oublier qu’une discrimination
fondée sur le sexe pourrait entraîner une dispersion des familles.
M. ROCHEFORT (France) […] s’opposera à l’adjonction des mots “de son
sexe” qui laisseraient entendre que certains pays pratiquent
actuellement une discrimination fondée sur le sexe. Or, tel n’est pas le
cas.
M. HOARE (Royaume‑Uni) […] rappelle que la question de l’égalité des
sexes relève des législations nationales. Prenant le cas d’une femme
réfugiée qui obtiendrait un emploi dans les services gouvernementaux
d’un État où les salaires des femmes sont inférieurs aux salaires des
hommes, il se demande si en l’occurrence on pourrait alléguer que cette
réfugiée fait l’objet d’une mesure discriminatoire. C’est là un exemple
qui n’a probablement qu’une valeur théorique, mais qui permet
d’illustrer les difficultés que pourrait éventuellement faire naître
l’adoption du deuxième amendement yougoslave. […]
Le PRÉSIDENT […] croit que l’article 3 avait à l’origine pour objet
d’éviter que les personnes qui ont été persécutées en raison par exemple
de leur race ou de leur religion, ne soient exposées à un sort semblable
dans le pays d’accueil. Il ne croit vraiment pas que l’on puisse
envisager des cas de persécutions en raison du sexe.
M. WARREN (États-Unis d’Amérique) estime avec le représentant du
Royaume‑Uni que […] la mention de discrimination pour des raisons de
sexe, élargiraient notablement la portée de l’article 3. Si cela était
adopté certains États dont par exemple la législation réglemente
différemment la durée du travail des hommes et des femmes pourraient
hésiter à adhérer à la convention.
Le PRÉSIDENT ajoute qu’aux termes du paragraphe l de l’article 7 du
projet de convention, les femmes mariées pourraient être empêchées, par
la législation du pays de fixer leur propre domicile. En conséquence, la
mention à l’article 3 du sexe comme cause de discrimination pourrait
susciter certaines difficultés d’ordre législatif à l’État en
question.
M. FRITZER (Autriche) se prononce contre […] le fait de mentionner le
sexe [qui] pourrait être une source de conflits avec les législations
nationales […]. Pour prendre un exemple, il rappelle que pendant la
période de rationnement du tabac en Autriche, la ration des femmes était
inférieure à celle des hommes. On a fait valoir auprès des tribunaux
compétents que cette mesure constituait une violation de l’égalité des
sexes, mais dans leurs conclusions, les tribunaux ont déclaré que les
femmes avaient besoin de moins de tabac que les hommes. Ainsi, en
mentionnant la discrimination fondée sur le sexe, la convention pourrait
être en contradiction avec la législation nationale car il se pourrait
qu’une réfugiée reçoive moins de cigarettes qu’un réfugié. Tel n’est
certainement pas l’objet de l’article 3 ».
Extrait des conclusions de l’avocat général
M. A. M. Collins sur l’affaire C-646/21, présentées le 13 juillet
2023
« 18. […] Les termes "occidentalisé" et "occidental" sont trop vagues
pour être appliqués dans le contexte des demandes de protection
internationale. […] “L’Est” et “l’Ouest” désignent des régions vastes et
diversifiées, avec une multitude de traditions religieuses, de codes
moraux et de valeurs. En l’absence de définitions précises analysées
devant la Cour, des expressions telles que “style de vie occidental” et
“femmes occidentalisées” sont en grande partie privées d’effet utile. De
manière plus pernicieuse, l’emploi des termes “Est” et “Ouest” dans le
contexte de codes moraux et de valeurs morales perpétue une fausse
dichotomie qui s’inscrit dans le cadre d’un dialogue conflictuel ».
Cour de justice de l’Union européenne (GC), 11 juin 2024,
C-646/21, K, L c. Staatssecretaris van Justitie en
Veiligheid
« 33. À titre liminaire, il convient de relever que, si la
juridiction de renvoi se réfère, notamment dans sa première question,
aux “normes, valeurs et comportements effectifs occidentaux que des
ressortissantes de pays tiers adoptent au cours du séjour qu’elles
passent sur le territoire [d’un] État membre en participant pleinement à
la société durant une partie importante de la phase de leur vie dans
laquelle elles forgent leur identité”, il ressort de l’ordonnance de
renvoi qu’elle vise, en substance, l’identification effective de ces
femmes à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les
hommes ainsi qu’à leur volonté de continuer à bénéficier de cette
égalité dans leur vie quotidienne.
34. Dans ces conditions, il convient de considérer que, par ses deux
premières questions préjudicielles, qui peuvent être examinées ensemble,
cette juridiction demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 1,
sous d), et paragraphe 2, de la directive 2011/95 doit être interprété
en ce sens que, en fonction des conditions qui prévalent dans le pays
d’origine, peuvent être considérées comme appartenant à “un certain
groupe social”, en tant que “motif de persécution” susceptible de
conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, les femmes
ressortissantes de ce pays, y compris mineures, qui partagent comme
caractéristique commune l’identification effective à la valeur
fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, consacrée
notamment à l’article 2 TFUE, intervenue au cours de leur séjour dans un
État membre. […]
44. […] L’identification effective d’une femme à la valeur
fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, en ce qu’elle
suppose la volonté de bénéficier de cette égalité dans sa vie
quotidienne, implique de pouvoir effectuer librement ses propres choix
de vie, notamment, en qui concerne son éducation et sa carrière
professionnelle, l’étendue et la nature de ses activités dans la sphère
publique, la possibilité de parvenir à l’indépendance économique en
travaillant à l’extérieur du foyer, sa décision de vivre seule ou en
famille, et le choix de son partenaire, choix qui sont essentiels dans
la détermination de son identité. Dans ces conditions, l’identification
effective d’une ressortissante d’un pays tiers à la valeur fondamentale
de l’égalité entre les femmes et les hommes peut être considérée comme
“une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour
l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une
personne qu’elle y renonce” […]
51. Il s’ensuit que les femmes, y compris mineures, qui partagent
comme caractéristique commune l’identification effective à la valeur
fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au
cours de leur séjour dans un État membre, peuvent, en fonction des
conditions qui prévalent dans le pays d’origine, être considérées comme
appartenant à un “certain groupe social”, au sens de l’article 10,
paragraphe 1, sous d), de la directive 2011/95.
62. […] Il convient de préciser que l’identification effective, par
une ressortissante d’un pays tiers, à la valeur fondamentale de
l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au cours de son
séjour dans un État membre, ne saurait être qualifiée de circonstance
que cette ressortissante a créée de son propre fait depuis son départ de
son pays d’origine, au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la
directive 2011/95, ni d’une activité dont le but unique ou principal
était de créer des conditions nécessaires pour présenter une demande de
protection internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 3,
sous d), de celle‑ci. En effet, il suffit de constater que, lorsqu’une
telle identification est établie à suffisance de droit, elle ne saurait
aucunement être assimilée aux démarches abusives et
d’instrumentalisation que ces dispositions entendent combattre [voir, en
ce sens, arrêt du 29 février 2024, Bundesamt für Fremdenwesen und
Asyl (Conversion religieuse ultérieure), C-222/22, EU:C:2024:192,
points 32 et 34].
63. En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de
vérifier, en particulier, si les requérantes au principal s’identifient
effectivement à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et
les hommes, dans ses composantes décrites aux points 37 et 44 du présent
arrêt en cherchant à en bénéficier dans leur vie quotidienne, de sorte
que cette valeur constitue une partie intégrante de leur identité, et
si, de ce fait, elles seraient perçues comme étant différentes par la
société environnante dans leur pays d’origine. La circonstance qu’elles
pourraient éviter le risque réel d’être persécutées dans leur pays
d’origine en raison de cette identification, en faisant preuve de
réserve dans l’expression de celle-ci n’est pas à prendre en compte dans
ce contexte (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2013,
X e.a., C-199/12 à C‑201/12, EU:C:2013:720, points 70, 71, 74
et 75) ».
Conseil d’État, 4 décembre 2017, n°409527, conclusions
G. Odinet
« Précisons que l’adoption d’un mode de vie ne respectant pas les
valeurs essentielles de la société française, notamment l’égalité entre
les hommes et les femmes, est bien, en droit, un motif susceptible de
caractériser le défaut d’assimilation (v. 27 juin 2008, Mme M…,
n° 286798, T. pp. 737–743 ; 27 novembre 2013, M.B…, préc.).
Cela n’est d’ailleurs pas contesté. Précisons, en outre, que,
contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que cette adoption
résulte d’un choix volontaire et non contraint est sans incidence sur la
caractérisation du défaut d’assimilation. Cela résulte de votre
jurisprudence et se déduit directement du texte : le défaut
d’assimilation, critère posé par le législateur, est objectif ; il ne
suppose ni passivité de l’intéressé, ni au contraire intention de sa
part ».
Article 46 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour
contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, NOR : IOMV2236472L,
JORF n° 0022 du 27 janvier 2024, texte n° 1
« Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du
droit d’asile est ainsi modifié. […] Le chapitre II est complété par une
section 3 ainsi rédigée :
“Section 3 : Contrat d’engagement au respect des principes de la
République
Art. L. 412-7.-L’étranger qui sollicite un document de séjour
s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement au respect des
principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la
liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les
hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de
la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité
territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se
prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des
règles communes régissant les relations entre les services publics et
les particuliers. Les modalités d’application du présent article sont
fixées par décret en Conseil d’Etat.
Art. L. 412-8.-Aucun document de séjour ne peut être délivré à un
étranger qui refuse de souscrire le contrat d’engagement au respect des
principes de la République ou dont le comportement manifeste qu’il n’en
respecte pas les obligations. Le manquement au contrat d’engagement au
respect des principes de la République résulte d’agissements délibérés
de l’étranger portant une atteinte grave à un ou à plusieurs principes
de ce contrat et constitutifs d’un trouble à l’ordre public. La
condition de gravité est présumée constituée, sauf décision de
l’autorité administrative, en cas d’atteinte à l’exercice par autrui des
droits et libertés mentionnés à l’article L. 412-7.
Art. L. 412-9.-Peut ne pas être renouvelé le document de séjour de
l’étranger qui n’a pas respecté le contrat d’engagement au respect des
principes de la République. Tout document de séjour détenu par un
étranger dans une telle situation peut être retiré” ».
Cour administrative d’appel de Lyon, 16 avril 2024,
n° 23LY03078/23LY03082
« 6. Mme B. fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont
isolés, qu’ils sont intervenus au cours d’une dispute conjugale, qu’elle
n’a jamais eu l’intention de tuer son époux, qu’elle a au contraire
tenté de le sauver en contactant les secours, qu’elle a eu un
comportement exemplaire en prison lui ayant permis de bénéficier de
plusieurs remises de peine et qu’elle a tout mis en œuvre pour assurer
sa réinsertion. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B. a
volontairement blessé son époux au moyen d’une arme blanche, alors
qu’elle n’était pas en situation de légitime défense, qu’elle avait déjà
auparavant exercé des violences à son encontre et que, si elle a
effectivement prévenu les secours le jour des faits, elle a d’abord
affirmé que son époux s’était blessé seul en cuisinant, après avoir
caché l’arme en cause. Par ailleurs, si le rapport d’expertise
psychologique réalisé le 5 janvier 2015 conclut que la probabilité qu’un
tel acte se reproduise paraît quasi totalement exclue, l’expert
mentionne également une certaine susceptibilité narcissique pouvant
favoriser une perte de maîtrise de soi. Enfin, les faits commis par
Mme B. à peine plus d’un an après son arrivée en France, sont d’une
extrême gravité et le temps passé par celle-ci en dehors du milieu
carcéral, après sa libération conditionnelle intervenue le 5 octobre
2020, est limité à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions,
en dépit du comportement favorable de Mme B. en prison, de sa
réinsertion par le travail depuis sa sortie de détention et de l’avis
défavorable de la commission d’expulsion, le préfet de l’Isère n’a pas
fait une inexacte application de l’article L. 631-1 du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile en retenant que la
présence de l’intéressée en France constituait une menace grave à
l’ordre public ».
Cour administrative d’appel de Bordeaux, Juge des
référés, 23 octobre 2024, n° 24BX01609
« Mme C A a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler
l’arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de
lui renouveler son titre de séjour “vie privée et familiale”. Par un
jugement n° 2205503 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux
a rejeté sa demande. […]
3. En appel, Mme A reprend dans des termes similaires ses moyens de
première instance visés ci-dessus. Elle fait valoir qu’afin de rapporter
la preuve des violences subies elle produit de nouvelles pièces, à
savoir, un certificat médical du Dr D E établi le 11 juin 2024 qui
atteste l’avoir examiné à son cabinet à plusieurs reprises entre le
1er avril 2020 et le 4 mai 2022 et que pendant cette période elle l’a
consulté pour deux agressions et un syndrome anxiodépressif réactionnel
ayant nécessité la mise en place d’un traitement anti-dépresseur et
anxiolytique pendant plusieurs mois, une attestation établie le 21 juin
2024 par la directrice des solidarités, de l’éducation et de la jeunesse
et des sports de Lacanau mentionnant que la requérante a été hébergée du
3 avril 2020 au 31 mai 2021 par la commune de Lacanau dans un logement
d’urgence après son dépôt de plainte à la gendarmerie ainsi que trois
bulletins de situation de passages aux urgences les 11 avril 2011,
28 juin 2012 et 10 décembre 2013. Toutefois, il ressort des bulletins de
situation produits qu’ils ne contiennent aucune précision sur le motif
de son passage au CHU de Pellegrin à Bordeaux et dont, par ailleurs, un
seul mentionne un passage aux urgences et un autre est antérieur à son
mariage avec M. B et à son entrée en France. Dès lors, les nouvelles
pièces produites ne permettent pas de remettre en cause la réponse
pertinente qui a été apportée par les premiers juges qui ont relevé que
les devis pour des prothèses dentaires établis en 2015 et en 2017 ne
permettent pas d’établir que ces soins auraient été rendus nécessaires
en raison des violences physiques de son époux, qu’il en est de même des
certificats rédigés par son médecin généraliste et des photographies de
son visage tuméfié prises par ses soins et qu’elle ne fournit aucune
indication quant au résultat de l’enquête diligentée pour instruire sa
plainte du 3 avril 2020, déposée pour violences habituelles n’ayant pas
entrainé d’incapacité supérieure à 8 jours par une personne étant ou
ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS
au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 30 mars 2020 à
Lacanau alors même qu’elle a été convoquée par un juge d’instruction le
18 janvier 2021 pour des faits identiques ainsi que des faits de viol et
viol commis en réunion pour une procédure mettant en cause M. B. Dès
lors, Mme A n’apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau
de nature à remettre en cause l’appréciation des premiers juges, qui ont
pertinemment répondu aux moyens invoqués. Par suite, il y a lieu
d’écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal
administratif de Bordeaux et par ceux qui viennent d’être exposés ».
Tribunal administratif d’Amiens, 22 janvier 2025,
n° 2404554
« 1. Mme B A […] a obtenu, consécutivement à une demande présentée en
ce sens au cours du mois d’octobre 2016, la délivrance d’une carte de
séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", qui a
été renouvelée à cinq reprises et dont elle a sollicité une nouvelle
fois le renouvellement le 19 avril 2024. Par un arrêté du 8 octobre
2024, dont Mme A demande l’annulation, le préfet de l’Aisne lui a refusé
le renouvellement de son titre de séjour […]
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de
Mme A tendant au renouvellement de son titre de séjour portant la
mention "vie privée et familiale", le préfet de l’Aisne a estimé […]
qu’elle ne pouvait légalement bénéficier de ce renouvellement dans le
cadre d’une carte de séjour pluriannuelle dès lors que son contrat
d’intégration républicaine a été résilié en raison de sa carence dans le
suivi des formations prescrites par ce contrat […]
5. […] Il ressort […] des pièces du dossier que la requérante vit
maritalement avec un compatriote titulaire d’une carte de résident
valable du 23 mars 2015 au 22 mars 2025 avec lequel elle a eu quatre
enfants nés sur le territoire français respectivement les 31 juillet
2011, 16 octobre 2012, 5 octobre 2013 et 21 mai 2019 et dont elle est à
nouveau enceinte. Il ressort enfin des pièces du dossier que, malgré sa
carence dans le suivi de la formation linguistique prescrite dans le
cadre de son contrat d’intégration républicaine, l’intéressée a suivi
l’ensemble des autres formations dispensées à ce titre. Dans ces
conditions, Mme A est fondée à soutenir que l’arrêté attaqué, qui
risquerait de la séparer de sa cellule familiale, laquelle est
régulièrement et durablement installée sur le territoire français, porte
à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte
disproportionnée eu égard au but en vue duquel il a été pris, nonobstant
la circonstance qu’elle ne justifie pas d’une insertion professionnelle
particulière et qu’elle n’est pas dépourvue de toute attache familiale
dans son pays d’origine.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander
l’annulation de l’arrêté qu’elle attaque ».
Tribunal administratif de Limoges, 4 février 2025,
n° 201528
« Mme A B, ressortissante marocaine, s’est mariée le 20 novembre 2019
à Meknès, au Maroc, avec M. D, ressortissant français. Le 13 novembre
2020, Mme A B est entrée en France sous couvert d’un visa long séjour
valant titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" en
tant que conjointe de français, valable jusqu’au 10 septembre 2021, afin
de rejoindre son époux. Dans la nuit du 14 au 15 janvier 2021, Mme A B a
dû fuir le domicile conjugal avec l’aide de la gendarmerie à la suite de
violences de son époux. Une plainte a été déposée le 19 janvier 2021. Le
27 juillet 2021, Mme A B a sollicité le renouvellement de son titre de
séjour. Un arrêté portant refus de délivrance d’un titre de séjour,
obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente
jours et fixant le pays de renvoi a été pris à son encontre le 24 mai
2022 par la préfète de la Haute‑Vienne. Après notamment que, par un
courrier du 12 septembre 2022, Mme A B a informé les services de la
préfecture de ce qu’en raison des violences conjugales qu’elle a subies,
son époux a été placé sous contrôle judiciaire avec mise à l’épreuve de
cinq ans par une ordonnance du 12 avril 2022 du juge des libertés et de
la détention du tribunal judiciaire de Limoges puis a été condamné à une
peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis par un jugement du
25 août 2022 de ce même tribunal, la préfète de la Haute-Vienne, par une
décision en date du 25 octobre 2022, a retiré son arrêté du 24 mai 2022
et a indiqué à l’intéressée qu’elle allait lui délivrer une carte de
séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une
durée d’un an. Par cette requête, Mme A B, qui a vu sa réclamation
préalable reçue le 19 septembre 2022 être implicitement rejetée le
19 novembre 2022, demande au tribunal de condamner l’État à lui verser
une somme globale de 22 000 euros, avec les intérêts légaux à compter de
la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation des
préjudices qu’elle estime avoir subis en raison, d’une part, de
l’illégalité de l’arrêté du 24 mai 2022 de la préfète de la
Haute‑Vienne, d’autre part, du délai anormalement long de délivrance du
titre de séjour portant la mention “vie privée et familiale” auquel elle
avait droit. [...]
En ce qui concerne la liquidation des préjudices et les
intérêts :
17. En premier lieu, il résulte de l’instruction que Mme A B a été
employée par l’association “Les Jardins de Cocagne en Limousin” en
qualité de jardinière à temps incomplet, pour 104 heures et une
rémunération brute de 1 065,97 euros par mois, par un contrat à durée
déterminée couvrant la période du 6 septembre 2021 au 5 janvier 2022,
renouvelé par avenants pour les périodes du 6 janvier au 5 mai 2022,
puis du 6 mai au 5 septembre 2022. Il résulte de l’instruction,
notamment de l’attestation du 12 octobre 2022 par laquelle le directeur
de cette même association indique “avoir eu l’intention de reconduire
son contrat si [elle avait] été détentrice d’un titre de séjour”, que
les illégalités mentionnées aux points 7 et 14 ont fait perdre à Mme A B
une chance sérieuse de continuer à être employée par cette association
pour la période du 6 septembre 2022 au 25 octobre 2022, date de la
décision par laquelle la préfète de la Haute-Vienne a finalement fait
droit à sa demande de renouvellement de son titre de séjour portant la
mention “vie privée et familiale”. Eu égard au partage de responsabilité
mentionné au point 16, il sera fait une juste appréciation de ce
préjudice économique en condamnant l’État à verser à la requérante une
somme de 750 euros.
18. En deuxième lieu, si Mme A B se prévaut d’un préjudice matériel
lié à la perte de la “possibilité de bénéficier d’un logement social et
des allocations logement”, elle n’apporte aucun élément de nature à
justifier la réalité de ce préjudice et de son lien éventuel avec les
illégalités qui ont été commises.
19. En troisième lieu, si les illégalités entachant les décisions de
refus de délivrance d’un titre de séjour du 24 mai 2022, qui ont
notamment été à l’origine pour Mme A B d’une anxiété relative à
l’irrégularité de la situation en France et à la perspective de son
possible éloignement vers son pays d’origine, peuvent être regardés
comme lui ayant causé un préjudice moral et des troubles dans ses
conditions d’existence, ces préjudices sont toutefois nécessairement
modestes compte tenu de la période relativement courte séparant la date
d’édiction de l’arrêté du 24 mai 2022 et la décision du 25 octobre 2022
prononçant le retrait de cet arrêté et lui délivrant finalement le titre
de séjour portant la mention “vie privée et familiale” qu’elle a
sollicité. Dans les circonstances de l’espèce, et eu égard au partage de
responsabilité mentionné au point 16, il sera fait une juste
appréciation de ce préjudice moral et de ces troubles dans les
conditions d’existence en condamnant l’État à verser à Mme A B une somme
de 500 euros ».
Extrait de la circulaire du 2 mai 2025 concernant les
orientations relatives à l’acquisition de la nationalité française par
décision de l’autorité publique, NOR : INTK2513256J :
« L’assimilation à la société française implique une adhésion du
demandeur aux principes et valeurs de la République, et qu’il puisse
attester d’une connaissance suffisante de l’histoire, de la culture et
de la société françaises ainsi que des droits et devoirs conférés par la
nationalité.
Aujourd’hui, l’évaluation des connaissances théoriques du demandeur
est vérifiée lors de l’entretien d’assimilation. Par cohérence avec
l’instauration de l’examen civique à compter du 1er janvier
2026 pour les premières demandes de carte de séjour pluriannuelle et de
carte de résident, les demandeurs passeront un examen civique pour leur
demande de naturalisation, qui nécessitera une modification du décret
n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Son entrée en vigueur se fera à la date
de mise en application de l’examen civique pour les titres de séjour,
soit au plus tard au 1er janvier 2026. Cette évolution
réglementaire permettra de recentrer l’entretien en plateforme
naturalisation sur la vérification de l’adhésion du demandeur aux
principes et valeurs de la République et l’identification des signaux
d’une absence d’adhésion à ces principes.
À cet égard, vous devez donner toute sa portée, lors de l’entretien
d’assimilation, à la charte des droits et devoirs du citoyen français
mentionnée à l’article 21‑24 du code civil et approuvée par le décret
n° 2012-127 du 30 janvier 2012 pris en Conseil d’État (cf. annexe).
Cette charte, signée par le demandeur, rappelle les principes et valeurs
essentiels de la République et énonce les droits et devoirs du citoyen
français, résultant de la Constitution ou de la loi. Vous veillerez à
aborder la portée concrète dans la vie quotidienne de ces principes de
liberté, d’égalité et de fraternité, et notamment les questions liées à
l’égalité femme‑homme et à la laïcité ».
Alexandra
Korsakoff, Maîtresse de conférences, Université de Caen
Normandie, Institut caennais de recherche juridique (ICReJ)