La fabrique institutionnelle d’un problème public : le cas du port du voile dans le sport (2012-2024)

Annabelle Caprais

Yamina Meziani

Haïfa Tlili

















Résumé :

En vertu de la loi 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Conseil d’État a estimé dans son arrêt du 26 juin 2023 que les sportives sélectionnées en équipe de France ne pouvaient pas porter le foulard le temps des manifestations et compétitions auxquelles elles participent à ce titre. Si cette interdiction s’inscrit dans la continuité de la « nouvelle laïcité » à la française, elle entre en contradiction avec la lex sportiva. En effet, le Comité International Olympique et certaines fédérations sportives internationales ont depuis plusieurs années pris position en faveur de l’autorisation du foulard dans les compétitions sportives. Au regard de cette situation d’exception, cet article s’intéresse à la façon dont le port du hijab dans le sport est devenu un problème public en France. L’objectif est d’identifier les différentes phases de ce processus, d’examiner les acteurices majeur·es de la controverse et de qualifier leur rhétorique au prisme du genre. En analysant les discours politiques et médiatiques de 2012 à 2024, l’étude met en lumière trois phases dans le processus de mise à l’agenda du problème.

Mots clés : voile ; foulard ; hijab ; sport ; problème public ; genre ; islamophobie.

Abstract :

Under Law 2021-1109 of August 24, 2021, reinforcing respect for the principles of the Republic, the Council of State ruled in its decision of June 26, 2023, that female athletes selected for the French national team were prohibited from wearing the hijab during events and competitions in which they participate in that capacity. While this ban is consistent with the continuity of the "new French secularism", it conflicts with lex sportiva. Indeed, the International Olympic Committee and several international sports federations have, for years, supported the authorization of the hijab in sports competitions. In light of this exceptional situation, this article examines how the wearing of the hijab in sports has become a public issue in France. The objective is to identify the different phases of this process, analyse the major actors involved in the controversy, and assess their rhetoric through a gender lens. By analyzing political and media discourse from 2012 to 2024, the study highlights three key phases in the process of bringing this issue to the public agenda.

Keywords : headscarf ; hijab ; public problem ; sport ; gender ; islamophobia.

Introduction

  1. Lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, la France s’est distinguée en interdisant explicitement le port d’un couvre-chef sportif1 pour ses athlètes2. Le discours de la ministre en charge des sports Amélie Oudéa-Castera (2022-2024) est sans équivoque : « Les représentants de nos délégations, dans nos équipes de France, ne porteront pas le voile lors des Jeux Olympiques de 2024 »3. Cette position affirmée contraste pourtant avec les règlements des fédérations sportives internationales et la position de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a par ailleurs suscité l’indignation des organisations de défense des droits humains.

  2. La controverse n’est pas nouvelle. Depuis la fin des années 1980 et « l’affaire des foulards » de Creil4, le sujet occupe une place importante dans l’espace politique français. Le débat pourrait même être qualifié de saga : il est régulièrement réactivé au gré des tentatives de légiférer sur la laïcité et déplacé vers de nouveaux espaces sociaux. Ainsi, depuis plusieurs années, le domaine sportif se trouve régulièrement traversé par la controverse. En 2019, face aux polémiques provoquées par la commercialisation d’un hijab adapté pour la pratique sportive, Décathlon avait renoncé à sa mise en vente5. L’enseigne est finalement revenue sur cette décision en 2022 et propose désormais un hijab de natation.

  3. Ainsi, le foulard est progressivement devenu un « problème public » sur lequel les pouvoirs publics et les institutions sportives sont désormais amenés à élaborer des solutions. Or, le sujet divise le mouvement sportif fédéral. Plusieurs fédérations sportives françaises, notamment les Fédération française de football (FFF), de basket-ball (FFBB) et de rugby (FFR), ont prononcé des interdictions strictes, quand d’autres fédérations restent sur un régime d’autorisation (Fédération française de handball). Ces interdictions justifiées par des arguments de sécurité, de laïcité ou de neutralité relèvent d’une dimension genrée. Elles ne touchent que les femmes, au motif que le foulard étant régulièrement décrit dans le débat public comme un symbole d’oppression sexiste. Ces interdictions charrient également de représentations racistes faisant des hommes issus des groupes minorisés (ici les musulmans) un ensemble homogène et sexiste. Ce processus, aussi entendu sous le terme de « racialisation du sexisme »6, se trouve par ailleurs institutionnalisé par la mise en place de politiques sportives spécifiques envers les « filles des cités ». Dans cette perspective, le rapport distancié au sport des filles issues des quartiers prioritaires de la ville serait le résultat de leur appartenance communautaire et religieuse et révélateur de leur position dominée dans l’ordre de genre7.

  4. Au regard de ces éléments, cet article s’intéresse à la position d’exception de la France sur la scène sportive internationale et analyse la mise à l’agenda politique du foulard dans le domaine sportif à partir du concept de « problème public ». L’objectif de cette contribution est double. Il s’agit d’une part de retracer la façon dont le port du foulard dans le sport est devenu l’objet d’attention en France, à tel point qu’il est considéré comme un problème sur lequel il est nécessaire d’agir. D’autre part, l’ambition est d’examiner les dimensions genrées de ce processus, notamment à partir de l’analyse des arènes politiques et médiatiques.

I. Une approche par la sociologie des problèmes publics

  1. La question du port du foulard dans les compétitions sportives s'inscrit dans une dynamique complexe de construction des problèmes publics, telle que théorisée par Daniel Cefaï8. Selon l’auteur, un problème public émerge lorsque des acteurices sociaux, médiatiques et politiques convergent pour désigner une situation comme nécessitant une intervention publique. La mise à l'agenda correspond à l'étape où les pouvoirs publics prennent un problème en considération et le mettent en forme en vue d'une action publique (ou d'une abstention). Ce processus repose sur la capacité des entrepreneur·ses de cause à faire valoir une situation comme problématique au regard des valeurs partagées par la société. Ces derniers disposent d’une forte capacité d’organisation, de ressources et de moyens d’action (e.g production de données et de synthèse), en vue de mobiliser les décisionnaires et d’imposer leurs cadre de perception et solutions9. Les fenêtres d’opportunité décrivent les moments où les conditions (sociales, politiques, etc) sont réunies, permettant aux entrepreneur·ses de faire avancer leurs revendications et d’imposer un problème public.

  2. Dès lors, un fait social, comme celui du port du foulard par les sportives, ne devient un problème public que lorsqu'il est catégorisé comme tel, c'est-à-dire lorsque les acteurices politiques et médiatiques le considèrent comme problématique. Ce processus de catégorisation doit être analysé dans une perspective socio-historique car « un problème public n’advient pas dans le vide, il est pré-formaté par des précédents. Il trouve ses marques dans une “culture publique” où ont sédimenté les réponses à des problématisations antérieures »10 . En l’occurrence, comme le note Fatiha Ajbli, les tensions suscitées par la pratique sportive des femmes en foulard doivent être replacées « dans un contexte sociopolitique marqué par un durcissement des dispositions légales encadrant sa circulation dans l’espace public »11. Depuis les années 1980, en France, la multiplication des « controverses sur la laïcité » stigmatisant systématiquement l’islam contribue à la production d’un « problème musulman »12. Dans ce cadre, les mesures d’interdiction du port du foulard se multiplient et apparaissent de manière récurrente comme le traitement du problème13. Cette construction d'un « problème musulman » se traduit par une stigmatisation croissante des populations musulmanes et se manifeste à travers des formes diverses entendues sous le terme « d'islamophobie ». Ce phénomène qu'il convient d'analyser comme un processus de racialisation et de marginalisation sociale fondée sur le critère religieux peine à trouver une définition consensuelle en France. Dans le cadre de cette étude, nous considérons l’islamophobie, à la suite d’Abdellali Hajjat et de Marwan Mohammed, comme « un processus social complexe de racialisation et d'altérisation, basé sur l'appartenance (réelle ou supposée) à la religion musulmane, dont les modalités varient en fonction des contextes nationaux et des périodes historiques »14. Comme le soulignent les auteurs, ce phénomène complexe s’articule avec d’autres rapports de pouvoir et notamment le genre. Pour exemple, l’islamophobie cible en particulier les femmes musulmanes dans l’espace public. Les femmes blanches converties à l’islam subissent des formes spécifiques d’altérisation en raison de leur religion, car les signes d’appartenance religieuse, tels que le port du foulard, sont plus visibles chez les femmes que chez les hommes15.

  3. Le processus de construction du « problème musulman » s’est accompagné d’une volonté croissante de recenser les atteintes à la laïcité, comprises comme le port de signes religieux ostensibles, dans un tournant sécuritaire parfois marqué par une concurrence institutionnelle entre les services administratifs16. L’islamophobie s’étend par capillarité dans les différentes sphères sociales et s’est traduite par une volonté d’homogénéiser l’application d’une « nouvelle laïcité »17. Celle-ci correspond non pas à une actualisation de la loi de 1905 mais à sa redéfinition conduisant « à une reconfiguration de la division entre le public et le privé, refusant l’expression de signes religieux “ostensibles” dans l’espace public et s’immisçant dans l’intimité privée pour évaluer le respect des valeurs républicaines (contrat d’accueil et d’intégration, condition d’assimilation pour la nationalité) »18 . Ces observations formulées en 2014 ont largement été confirmées par les faits. Depuis lors, le législateur a adopté de nouvelles lois restrictives, et de nouvelles mobilisations ont tenté, parfois avec succès, d’étendre encore davantage l’exigence de neutralité religieuse19.

  4. Les offensives menées contre le « problème musulman » se sont répandues aux espaces sportifs, ciblant notamment la pratique physique et sportive des femmes et leurs pratiques vestimentaires20. Cette croisade morale se manifeste à plusieurs niveaux, que ce soit à travers la volonté des sénateurs de légiférer sur le sport à l’école (certificats médicaux dits « de complaisance » en raison de l’islam), sur les loisirs (burkini à la piscine)21, ou encore sur le sport de haut niveau (port du foulard lors des compétitions). Ces controverses révèlent une volonté de disciplinariser et gouverner les corps22, cherchant à effacer les signes religieux et les femmes qui les portent, discriminant particulièrement les femmes d’appartenance (réelle ou supposée) à la religion musulmane.

  5. Dans le prolongement des travaux d’Abdellali Hajjat et de Marwan Mohammed23, cette contribution s’intéresse à la façon dont le port du foulard est devenu un « problème » dans le domaine sportif. Il s’agit ainsi de s’interroger sur les modalités d’organisation et les stratégies de cadrage employées par les acteurices favorables à sa prohibition dans la sphère politique au prisme du genre, et sur la manière dont ces éléments ont été incorporés dans le droit. En décryptant ce processus, l'article éclaire non seulement le contexte législatif et juridique entourant la question du hijab, mais aussi la manière dont les normes sont influencées et redéfinies par les dynamiques sociales et politiques.

Encadré méthodologique : description des données étudiées

Pour répondre ces questions, la méthodologie s’appuie sur une étude exploratoire et qualitative mobilisant des matériaux variés. Un corpus politique constitué des archives en ligne du Sénat et de l’Assemblée nationale (questions adressées au gouvernement24, projets de loi, rapports d’information, auditions, comptes-rendus de débats parlementaires et de réunions de commissions) a été constitué. Au total 88 questions ont été analysées pour la période 2012-2024. Les débats parlementaires examinés se sont déroulés dans le cadre de la discussion de deux lois : la loi n° 2022-296 visant à démocratiser le sport en France et la loi 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. L’attention a également porté sur la construction et le contenu de rapports parlementaires. Les différents guides sur la laïcité produits par le ministère en charge des sports ont également été récoltés. L’analyse s’appuie également sur un corpus « sportif » constitué des décisions des fédérations sportives nationales et internationales relatives au port du foulard. Enfin, un corpus d’archives de presse nationale constitué à partir de la base de données de presse en ligne Europresse complète la récolte de données. Les mots clés utilisés pour la recherche de données comprenaient les termes : « hijab » ; « voile » ; « foulard » ; « sport » ; « laïcité » ; « neutralité » ; « femmes ». L’ensemble de ces trois corpus a été traité par le biais d’un codage thématique inductif25 via le logiciel libre Taguette. Lors du codage ouvert, les données ont été réduites et codées sous la forme d’étiquettes. Ensuite, le codage axial a regroupé ces segments en catégories plus larges et cohérentes afin d’identifier des motifs récurrents et transversaux. Enfin, le codage sélectif a permis de dégager des catégories centrales qui éclairent les principaux phénomènes observés, à savoir les arguments et représentations des acteurices impliqué⸱es dans le processus de « mise en problème » du voile. L’examen des prises de position dans une perspective historique a ensuite permis de caractériser les différents tournants de la mise en problème. L’analyse s’est concentrée sur la période 2012-2024, l’année 2012 marquant un moment clé dans la définition du « problème musulman » dans le domaine sportif. Ce bornage ne signifie pas que les mobilisations contre le couvre-chef sportif n’existent pas avant cette date, mais qu’elles ne parviennent pas à imposer le sujet sur la scène politique nationale. Il ne signifie pas non plus que des sportives n'ont pas été exclues en raison de leur couvre-chef avant cette date. Si cette approche permet de retracer les dynamiques à l’œuvre, elle présente néanmoins la limite de n’en retenir que les dimensions les plus visibles. L’analyse met en lumière trois séquences dans le processus de mise à l’agenda du foulard dans les compétitions sportives en France. La première débute en 2012 et correspond à l’interpellation des pouvoirs publics. Celle-ci se fait en partie au nom de principes dits féministes, et en réponse à l’évolution du contexte sportif international. Si le sujet est mis en visibilité dans la sphère politique, il peine à s’imposer en tant que problème public (II). La deuxième période (2015-2021) renvoie à l’émergence et au déploiement du paradigme de la radicalisation dans le sport. À rebours d’une conception émancipatrice de la pratique sportive, émerge, à partir de l’année 2015, l’idée que les associations sportives seraient un lieu privilégié de « radicalisation26 » et de prédation djihadiste. Porté par des élus politiques nationalistes et conservateurs, ce cadrage se revendique également comme féministe (III). Enfin, la période la plus récente (2021-...) se caractérise par l’extension du principe de neutralité dans le domaine sportif français et le recours accru, par des professionnels de la politique à des outils législatifs en faveur de l’inscription dans le droit de l’interdiction du foulard dans les compétitions sportives (IV).

II. 2012-2015 : L’interpellation des pouvoirs publics par des associations féministes universalistes

  1. La question de l’interdiction du port du couvre-chef dans les compétitions sportives se pose publiquement sur la scène politique et médiatique en France pour la première fois en juillet 2012. C’est la date à laquelle la Fédération internationale de football, par le biais de l’International Football Association Board (IFAB), l’instance régulatrice des règles du football, autorise à titre expérimental, les footballeuses à porter le couvre-chef sportif lors des compétitions internationales – sans pour autant modifier les règles du jeu. Cette décision constitue un changement majeur dans la politique de la fédération. Elle intervient à la suite de l’exclusion, puis la réintégration, de l’équipe iranienne aux Jeux olympiques de la Jeunesse à Singapour en 2010 en raison de sa tenue, jugée contraire au règlement pour des raisons de sécurité27. Le 24 octobre 2011, la FIFA organise à Amman, un séminaire de travail sur la question. Celui-ci conduit, en mars 2012 lors de l’assemblée générale de l’IFAB, à la formulation d’un accord de principe sur l’autorisation du port du couvre-chef sportif, puis son adoption en juillet. En octobre 2012, par une circulaire, la FIFA présente les types de foulards autorisés28. Après deux ans d’expérimentation, la décision est ensuite entérinée dans les règles officielles du jeu, qui précisent désormais que la tête peut être couverte29.

  2. Bien que cette autorisation ne s’applique pas aux compétitions françaises, des professionnel·les de la politique, interpellé·es par des associations féministes universalistes30 se saisissent de l’opportunité pour mettre le sujet à l’agenda. L’analyse des questions au gouvernement montre en effet une corrélation entre les décisions des organisations sportives internationales et l’activation du débat sur la scène politique française (graphique 1).

Graphique 1 : Questions adressées au gouvernement relatives au port du foulard dans le domaine sportif sur la période 2012-2014 en fonction du contexte sportif international.


Source : Autrices. Données récoltées dans les archives disponibles en ligne du Sénat et de l’Assemblée nationale jusqu’en juillet 2024.

  1. Pourtant, la Fédération internationale de football ne constitue ni la première, ni la seule organisation sportive internationale à se positionner en faveur de l’autorisation du port du foulard. En 1996, aux Jeux olympiques d’Atlanta, le CIO et la Fédération internationale de tir avaient déjà autorisé la tireuse à la carabine iranienne Lyda Fariman à concourir. En 2008, le journal l’Équipe consacre un portrait d’une demi-page avec photo à Rakia al-Gassra, une athlète du Bahreïn alignée sur le 200 mètres aux Jeux olympiques de Pékin concourant avec un foulard, sans que la classe politique s’en émeuve. Fin juillet 2012, le chef de file du mouvement olympique réaffirme sa position en autorisant la participation d’athlètes portant un foulard aux Jeux olympiques de Londres. La judokate saoudienne Wodjan Ali Seraj Abdulrahim Shahrkhani participe ainsi vêtue d’un couvre-chef. Le président du CIO, Jacques Rogge, déclare alors : « Cette participation peut être vue comme le signe d'une évolution encourageante. Avec ces athlètes saoudiennes qui rejoignent leurs consoeurs du Qatar et de Brunei, à Londres, tous les comités olympiques nationaux auront ainsi envoyé des femmes aux Jeux olympiques »31. Enfin, en janvier 2013, c’est la Fédération internationale de karaté qui approuve la règle après deux ans d’expérimentation32. Ces décisions successives émanant d’organisations sportives majeures dénotent avec le contexte français où l’interdiction des signes religieux est conceptualisée comme une solution dans plusieurs domaines33. Le lendemain de l’autorisation officielle de l’IFAB, le 6 juillet 2012, la Fédération française de football, par le biais d’un communiqué, précise qu’elle n’entend pas suivre la ligne édictée par la Fédération internationale. Elle invoque à ce titre, le respect des « principes constitutionnels et législatifs de laïcité »34.

  2. Ainsi, paradoxalement, alors que la période 2012-2014 se caractérise par une ouverture de la pratique sportive en compétition aux femmes portant le foulard par les instances sportives internationales, elle se traduit, dans le champ français, par une séquence visant à sa prohibition. Dans la semaine qui suit l’annonce de l’IFAB, sollicités par des associations féministes universalistes, des parlementaires se mobilisent pour montrer leur désaccord. Le député Gérald Darmanin (UMP) prend la parole dans l’hémicycle et s’adresse à la toute nouvelle ministre des Sports, Valérie Fourneyron :

  3. « Comment pouvez-vous ne pas réagir quand il s'agit de la conception de la laïcité et de l'universalité du sport ? Les dérives communautaires sont possibles ; elles deviennent malheureusement évidentes. Nous attendons de pied ferme votre réaction sur la possibilité de voir en France, sur le terrain de jeu métropolitain et d'outre-mer, des joueuses de l'équipe de France et des équipes amateurs porter le voile ».

  4. Plus largement, entre juillet 2012 et avril 2013, les parlementaires adressent près de 60 questions écrites ou orales au gouvernement sur le port du foulard dans le domaine sportif. Ces interventions proviennent majoritairement de la gauche (31 interventions) et de la droite (23). Si elles s’inscrivent dans une logique prohibitionniste, les prises de parole s’en tiennent, pour la plupart (22), à des demandes d’interpellation par le gouvernement des instances sportives internationales afin de les rappeler au principe de neutralité du domaine sportif. Seule une minorité de députés, notamment issus de l’UMP, expriment la volonté d’interdire les signes religieux pour les compétitions sportives dans la loi (5). Face à ces requêtes, la ministre en charge des sports se prononce contre l’autorisation des signes religieux, mais laisse aux fédérations le choix d’édicter leur ligne politique.

  5. Les arguments mobilisés relèvent de natures très diverses, mais deux rhétoriques se détachent. La première considère, sous l’impulsion d’associations féministes prohibitionnistes proches du féminisme d’État35, l’autorisation du port du couvre-chef comme un recul pour l’égalité des sexes.

  6. « Or la décision de la FIFA, en mettant en cause la stricte égalité entre les hommes et les femmes, crée une discrimination supplémentaire : couvrir les femmes d'un voile, c'est encore une fois chercher à les soustraire au regard de tous les autres » (Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, réponse aux questions au gouvernement, 20 février 2013).

  7. À ce titre, le comité Atlanta +36 formé au sein de la Ligue du Droit International des Femmes (LDIF), présidée par Annie Sugier, constitue un acteur majeur de la cause contre le foulard dans le sport. Dès sa création en 1992, le collectif se mobilise afin de faire pression sur le CIO pour exclure les délégations sportives exclusivement masculines des Jeux olympiques37. Cette lutte contre la non-sélection de femmes par certaines délégations se transforme progressivement à partir de 2004 en une mobilisation contre les délégations comprenant des sportives portant un couvre-chef. Le comité est fondé par des féministes de la seconde vague encartées à gauche, perçues comme blanches et non issues du domaine sportif. Il compte parmi ses membres des fémocrates38, dont Michelle André (PS), ancienne secrétaire d’État chargée des droits des femmes, et Anne-Marie Lizin, ancienne présidente du Sénat belge. En raison de la position sociale, politique et ethnoraciale privilégiée de ses membres, le comité bénéficie d’un réseau et d’une écoute importante de la part des autorités publiques. Il est reçu par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Michelle Alliot-Marie, en 1994, par le président du CIO, Jacques Rogge, en 2004 et sera régulièrement auditionné par les différents groupes de travail parlementaires abordant le sport, la laïcité et/ou les inégalités de genre. Au tournant des années 2010, l’association se mobilise activement pour influencer la décision de la FIFA. Elle interpelle Stepp Blatter, président de la fédération internationale via plusieurs courriers et rencontre Dagmar Schumacher, directrice du bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies (ONU) Femmes à Bruxelles39. Cependant, la veille de la décision de la FIFA, l’ONU se positionne explicitement pour son autorisation via son conseiller spécial pour le sport au service de la paix et du développement Wilfried Lemke. Celui-ci montre sa proximité avec le CIO en assistant à la conférence « Femmes et Sport » organisée par le CIO en février 201240. Il considère dans son communiqué de presse que « cela donnerait l’occasion à des athlètes féminines remarquables de démontrer que le port du foulard n’est pas un obstacle à l’excellence dans la vie et dans le sport, et contribuerait ainsi à remettre en question les stéréotypes de genre et à faire évoluer les mentalités »41. Au niveau national, le comité sollicite avec la Coordination Française pour le lobby Européen des Femmes (CLEF) l’aide des parlementaires par courrier42, provoquant en février 2013, une nouvelle série de questions au gouvernement.

  8. Au regard de ces éléments, c’est donc sans surprise que le rapport « Femmes et Sports »43, rédigé par Michelle André au nom de la délégation des droits des femmes du Sénat, se positionne explicitement contre le foulard dans les compétitions sportives. Ainsi, avant même que le débat ne mobilise plus largement les parlementaires, la délégation appelait, dès 2011, « les autorités françaises en charge du sport à relayer cette préoccupation auprès du Comité international olympique (CIO) par le biais du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et des athlètes qui composent la délégation française ». Cette recommandation, alors isolée et principalement portée par ce courant du féminisme, n’avait pas trouvé d’écho dans le reste du champ politique et sportif. Pour exemple, le Comité National Olympique et Sportif Français, par le biais des déclarations de son président, Denis Masseglia, suit la ligne édictée par le CIO et prône son autorisation : « Le CIO a choisi l’ouverture, il réagit en termes d’universalité et de respect de la culture de chacun. Arrêtons de tout voir à travers le prisme franco-français »44.

  9. La seconde rhétorique mobilisée lors du tournant de 2012 interprète le port du foulard comme une brèche aux principes de laïcité et de neutralité sportive et confond souvent les deux notions. Ces considérations s’appuient sur l’interprétation restrictive de l’article 51 de la charte olympique qui dispose « qu'aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Or, suivant cette règle, le CIO n’interdit pas le port de signe religieux, mais le prosélytisme, et laisse aux fédérations internationales et aux délégations nationales le soit d’édicter leurs propres règles.

  10. En appelant à une prise de position explicite de la puissance publique via la récurrence de l’usage des questions au gouvernement, le comité Atlanta + et les parlementaires agissent comme des entrepreneurs de cause et cherchent à publiciser le sujet. Cependant, si la représentation nationale tend à vouloir se saisir de la question, la thématique n’atteint pas le statut de « problème public »45 dans la mesure où elle ne fait pas l’objet d’une médiatisation soutenue ni d’un débat récurrent dans l’espace public. Ce manque de visibilité médiatique, combiné à une absence de pressions significatives provenant des acteurs politiques ou sociaux, empêche la question d’être largement discutée et d’entrer véritablement dans l’agenda politique46. En conséquence, elle reste reléguée à des cercles restreints ou à des débats ponctuels sans parvenir à mobiliser l'opinion publique. Par exemple, en octobre 2013, le journal Le Point désapprouve la tenue vestimentaire de certaines joueuses de l’équipe de basket de Ronceray-Glonnières en avançant des questions de sécurité. Si l’article fait l’objet d’un droit de réponse de la part du club, il est isolé et l’affaire ne connaît pas de suite médiatique et politique.

  11. Ce n’est qu’à partir de l’année 2015 que le port du couvre-chef sportif dans le sport s’inscrit durablement à l’agenda. La partie qui suit revient sur ce tournant.

III. 2015-2021 : La fabrique d’un consensus élitaire ; le paradigme de la radicalisation

  1. Le sport est souvent perçu comme étant intrinsèquement doté de propriétés éducatrices et émancipatrices. En ce sens, il est promu comme un vecteur d’assimilation voire comme un moyen d’ascension sociale pour les populations les plus défavorisées47. Les valeurs qui lui sont associées renvoient généralement à la fraternité, l’inclusion, l’intégration ou encore au vivre ensemble48. Ce mythe de « l’idéologie sportive » a notamment été conforté par le parcours de l’équipe de France de football « black blanc beur » au Mondial de 1998 et se trouve régulièrement relayé lors des réussites des sportifs et sportives issues de l’immigration.

  2. Depuis 2015, en marge de cette vision enchantée, a néanmoins éclos dans le débat public une autre lecture faisant du sport un terrain propice, voire privilégié de la « radicalisation ». Cette évolution n’est pas spécifique au sport et doit être comprise dans un contexte plus large, où les institutions politiques et médiatiques participent à la construction d’un « islam imaginaire » dangereux et incompatible avec la société française49. En effet, en France, le paradigme de la radicalisation50 n’a pas seulement investi le sport, il se trouve rejoué dans une variété de domaines : internet, l’école, la prison, etc.51.

A. La fuite des renseignements généraux et l’émergence du fémonationalisme

  1. De quelle façon se déploie le paradigme de la radicalisation dans la sphère sportive ? L’opinion selon laquelle le sport constitue un lieu de « radicalisation » s’installe en 2015 à la suite de la diffusion dans la presse d’une note du service central du renseignement territorial intitulée « Le sport amateur, vecteur de communautarisme et de radicalité ». Cette publication constitue un moment marquant dans le processus de fabrication du port du foulard dans les compétitions sportives comme un problème public. Elle acte un changement majeur dans la mise en récit du problème, car elle mobilise un champ lexical d’une nouvelle nature, donnant une place prépondérante à la rhétorique du danger et de la menace. Les débats publics ne se limitent plus à dénoncer les supposés actes de communautarisme, mais dépeignent le sport comme un terreau propice à la « radicalisation » islamiste, voire comme un espace de recrutement djihadiste.

« Comment développer le sport, enfin, en laissant les courants religieux les plus hostiles aux valeurs républicaines mettre à bas les fondements de notre société laïque ? Jusqu’à il y a peu, le sport était considéré comme une solution pour aider à l’intégration, à la diffusion de valeurs positives comme le respect des règles et le dépassement de soi. Avec votre gouvernement, madame la ministre, le sport est devenu un nouveau champ de bataille sur lequel reculent nos valeurs républicaines, avec la bénédiction de certains de vos collègues » (Michel Savin, sénateur Les Républicains, débats parlementaires du 16 février 2022).

  1. Ce tournant sécuritaire restructure l’espace des mobilisations contre le foulard dans les compétitions sportives dans la classe politique, désormais porté par des politiques de droite et d’extrême droite.

« Le sport est un facteur d'émancipation et de liberté, j'en suis intimement convaincu... du moins en théorie. Car le sport, à l'image de notre société, est attaqué ! Pis, il est un des milieux privilégiés de déstabilisation de notre République et de promotion du séparatisme » (Michel Bonnus, député Les Républicains, question au gouvernement, 26 octobre 2023).

« De manière générale, il existe un problème de lien entre les mondes sportif et politique. Il est faux de dire que les élus ne savent pas ce qui se passe : ils savent très bien que des tapis de prière sont dépliés avant les matchs à tel endroit. Personne ne dit rien là non plus ! On nous dit que c'est parce que la population de ces clubs provient d'une même origine ; certes, mais il n'en reste pas moins que nous sommes en France, pays laïc. On a laissé entrer la religion dans le monde sportif et on a fermé les yeux. Je suis désolée de dire qu'on sait où les Tchétchènes qui ont commis des attentats s'entraînaient » (Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice Les Républicains, dans le cadre des auditions de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, 29 janvier 2020).

  1. À partir de cette date, l’islam est explicitement stigmatisé de façon répétée par les politiques. En effet, si les débats portent au premier abord sur l’interdiction des signes religieux, ils ciblent en réalité la religion musulmane et se polarisent quasi-exclusivement autour du voile. Pour exemple, l’amendement à la loi visant à démocratiser le sport déposé par Stéphane Piednoir porte sur les signes religieux : « le port de signes religieux ostensibles est interdit pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées ». Cependant le sénateur pointe explicitement le foulard dans la défense de sa proposition : « cet amendement vise à interdire le port du voile dans les compétitions sportives organisées par les fédérations »52. Ce travail de recadrage, opéré dans un contexte d’attentats, participe à la construction d’un sentiment d’hostilité à l’égard des musulman·es. Il stigmatise en particulier les hommes inscrits dans des pratiques sportives de combat (boxe, lutte, arts martiaux) et de musculation, perçus comme des hommes violents, se préparant potentiellement à un passage à l’acte, perpétuant la figure dangereuse des hommes issus de l’immigration53.

Jacqueline Eustache-Brinio : « Avez-vous ciblé des sports plus spécifiquement touchés par les problèmes de radicalisation ? »

Roxana Maracineanu : « Les contrôles que j'ai évoqués ont été principalement réalisés parmi les mille personnes figurant dans les fichiers du ministère de l'Intérieur et concernent les sports de combat, les sports collectifs, les sports de tir, où l'on peut penser qu'il y a matière à rencontrer un phénomène de groupe et de prosélytisme actif sujet à une possible radicalisation ou à une action terroriste, parce qu'on apprend à se battre ou à utiliser les armes à feu » (Audition de la ministre des Sports, Roxana Maracineanu dans le cadre de la commission d’enquête « combattre la radicalisation islamiste », 11 juin 2020).

  1. Ces discours s’inscrivent dans le courant du « fémonationalisme ». Le terme, forgé par Sarra Farris, condense le « nationalisme féministe et fémocratique ». Il décrit la convergence opportuniste de ces deux mouvements au travers de rhétoriques xénophobes au nom du droit des femmes visant le patriarcat supposé de l’islam54. Dans cette continuité, Hourya Bentouhami note que cette position permet aux entrepreneurs de cause prohibitionnistes « d’apparaître à la fois comme des sauveurs de femmes vulnérables et comme garants virils et intransigeants de la sécurité intérieure ». Suivant cette conception, les inégalités de genre constitueraient une spécificité de l’islam, actant son incompatibilité culturelle avec les valeurs nationales55. Le couvre-chef est ainsi décrit comme un objet de soumission aux hommes et à l’islam. Par exemple, le sénateur Stéphane Piednoir (Les Républicains) s’inscrit dans cette logique. L’interdiction du port du foulard est décrite à la fois comme une lutte contre le sexisme et une lutte politique contre l’islamisme : « Enfin, le but est de permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions sportives, sans différenciation, sans aucun signe de discrimination, sans aucune forme de sexisme lié à ce voile, qui est – nous le savons – un outil politique ». De même, Éric Ciotti inverse la logique d’exclusion et décrit les femmes musulmanes comme devant être sauvées de l’oppression. Ce discours s’inscrit dans des représentations coloniales56, décrivant en substance la nécessité d’une « mission civilisationnelle ». Il essentialise les femmes musulmanes, dont les sociabilités et les pratiques sportives et corporelles sont pourtant hétérogènes57 :

« Le combat contre le port du voile est un combat pour l’égalité et contre la soumission. Refuser le port du voile, c’est se faire l’avocat de milliers de jeunes femmes de confession musulmane qui ne veulent pas être abandonnées et asservies par la tyrannie d’une minorité religieuse exprimant la violence. Quand j’entends certains députés nous dire que, dans un monde idéal, le choix est libre ». (Débats relatifs à la loi visant à démocratiser le sport en France, 9 février, 2022).

  1. Ainsi, en novembre 2016, dans le cadre de son rapport d’information sur la laïcité et le droit des femmes rédigé par Chantal Jouanno, la délégation aux droits des femmes réaffirme « que le principe de neutralité dans le sport s’oppose au port de signes religieux par les sportives participant aux compétitions olympiques et internationales ».

  2. « Or les associations féministes nous ont alertés, depuis quelques années, sur le fait que, sous couvert de participation et d'ouverture aux femmes sous le savant nom d'“inclusion”, ce principe est battu en brèche. On accepte en effet au fil du temps des tenues différentes et parfaitement inadaptées au sport pour que les femmes puissent être “autorisée” à participer aux compétitions sportives. Cette atteinte est grave. Nous nous sommes tous demandé, il est vrai, s'il n'était pas préférable que les femmes puissent ainsi participer, d'une manière ou d'une autre, aux compétitions sportives et être présentes dans cette grande fête universelle. En réalité, ce raisonnement revient à adopter une posture totalement compassionnelle qui n'a jamais été acceptée pour les hommes » (Chantal Jouanno, sénatrice UDI, question au gouvernement, 9 mars 2016).

B. L’institutionnalisation de la menace par la production de rapports parlementaires

  1. La « fuite » du service central du renseignement territorial mobilise, sans manière égale auparavant, la classe politique et médiatique58. Suite à cette publication, une mesure « sport » est inscrite dans le Plan d’Action contre la Radicalisation et contre le Terrorisme présenté par Manuel Valls en 2016. La même année, le ministère des Sports publie le guide « Mieux connaître, mieux comprendre et mieux prévenir les phénomènes de radicalisation ». Cette séquence se caractérise par ailleurs par la production d’une archive antimusulmane. Cette production ne se fait pas sans un nombre d’approximations et de confusions entre pratique religieuse, signes religieux, « radicalisation » et terrorisme, et tend à essentialiser les musulman·es. La classe politique, au travers de l’action parlementaire, participe à l’édition de rapports visant à conforter les liens entre le sport, l’islam, le terrorisme et le port du foulard. En 2016, Laurence Arribagé (Les Républicains) rédige une proposition de résolution de cosignée par plus de 65 députés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le phénomène de radicalisation dans le milieu du sport amateur.

  2. En 2019, la commission de lois de l’Assemblée nationale charge les députés Éric Diard (Les Républicains) et Éric Poulliat (La République en Marche) de rédiger un rapport d’information parlementaire intitulé « Les services publics face à la radicalisation ». Les auteurs pointent les liens entre sport et terrorisme au travers de la lecture de la trajectoire individuelle d’auteurs d’attentat : « on relève quasi systématiquement chez les auteurs d’attentats la pratique d’une activité physique et sportive ». Puis, quelques lignes plus loin, ils associent la « radicalisation islamiste » au port du voile dans les compétitions sportives. « La radicalisation islamiste dans le cadre de la pratique sportive est susceptible de revêtir diverses formes. Celles-ci peuvent aller de  a prière collective dans les vestiaires, voire pendant les compétitions, à la nourriture exclusivement halal et à l’obligation du port du caleçon dans la douche […]. En ce qui concerne les tenues vestimentaires, les leggings qui couvrent toutes les parties du corps, les hijabs et les voiles se répandent dans la pratique sportive et compétitive59 ».

  3. Forts de ce constat, ces derniers évoquent l’idée de « s’inspirer, pour le monde du sport, des principes posés par la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes religieux à l’école ». Ils ne l’intègrent finalement pas dans leurs propositions, conscients de ses limites juridiques et « de l’atteinte qui serait ainsi portée au principe de la liberté individuelle, garanti par la Constitution »60. Leur recommandation est néanmoins explicitement reprise un an plus tard par le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur « les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre » rédigé par Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains) (2020). Reprenant la thèse du grand remplacement de Renaud Camus, la sénatrice décrit le sport comme l’entrisme d’un « islam radical » cherchant à déstabiliser la société française.

« De plus en plus de clubs sportifs associatifs (football, basketball, boxe, boxe thaïlandaise, lutte) “deviennent des clubs religieux” qui promeuvent des comportements salafisés en indiquant par exemple dans leurs règlements intérieurs des prescriptions à caractère religieux »61.

  1. La circulation de ces opinions est également permise par l’organisation de rencontres62, la publication d’ouvrages63 et le soutien institutionnel à des chercheurs participant à les diffuser. La trajectoire de Médéric Chapitaux illustre cette idée. Cet ancien gendarme et ancien directeur technique national de la Fédération française de boxe thaï, publie en janvier 2016, un chapitre de sept pages sur la « radicalisation » dans le sport. Comme il le décrit lui-même, suite à cet écrit « le “gendarme de base” s’est vu happé par des demandes régulières de la part des médias, des forces de l’ordre et des préfectures pour réaliser des conférences ou accompagner l’analyse d’une situation considérée inquiétante par les acteurs concernés. À la suite de ces interventions intersectorielles, notre légitimité à s’exprimer sur ce sujet s’est accrue avec un sentiment d’être “autorisé et soutenu” institutionnellement »64.

  2. Médéric Chapitaux soutient ensuite en 2022 une thèse en STAPS sur la façon dont la puissance publique traite la « radicalisation » dans le sport65 et propose des formations de prévention sur le sujet pendant son parcours doctoral. Sa soutenance est présidée par Bernard Rougier, professeur des universités spécialiste de l’islamisme au Proche-Orient et positionné à l’opposé ce qu’il nomme « l’islamogauchisme » dans la cartographie des savoirs universitaires66. Son travail accrédite la thèse des professionnels du renseignement qui entérinent le sport comme « terreau potentiel de l’expression de la déviance islamiste ». Selon l’auteur, il existerait « un vrai blocage des institutionnels du sport à traiter cette déviance islamiste » et le ministère des Sports serait inscrit « dans une forme de déni »67. Auditionné lors de chaque tentative menée par Les Républicains pour légiférer contre le foulard dans les compétitions sportives, il devient une figure incontournable du débat. À l’inverse, les premières concernées par la mesure ne sont pas sollicitées et sont invisibilisées dans le débat politique en dépit de la force et la durée de leurs mobilisations et de leurs stratégies de résistance68.

C. Déconstruction du paradigme de la radicalisation dans le milieu sportif

  1. Face à la production de ce consensus élitaire, la position de Roxana Maracineanu dénote. La ministre des Sports (2020-2022) se positionne explicitement en désaccord avec le paradigme de la radicalisation et contre le principe de neutralité pour les usager·ères des fédérations sportives. Ses interventions dénoncent les amalgames produits par les différents rapports parlementaires visant à restreindre la liberté de religion :

« Nous sommes pour la neutralité des agents de service public et des délégataires de service public. On ne peut pas être plus clair ! C’est vous qui ne l’êtes pas. Vous confondez à loisir laïcité et neutralité, signe de religiosité et signe de communautarisme, séparatisme et radicalisation » (Débats relatifs à la loi 2022-296 visant à démocratiser le sport en France, 16 février 2022).

  1. Ses propos s’appuient sur les données du ministère. En effet, paradoxalement, si le paradigme de la radicalisation par le sport s’installe à travers la production de rapports parlementaires, ces derniers montrent l’inexistence de preuve solide en la matière: « La commission d’enquête regrette donc que ce travail de centralisation des signalements n’ait pas eu lieu, et que de manière générale, le ministère des Sports ne dispose pas de données chiffrées permettant de déterminer s’il y a eu une montée du prosélytisme religieux ou d’incidents à caractère religieux dans le secteur sportif »69; et : « Interrogé, le ministère a indiqué ne pas avoir connaissance de situation de retrait d’un agrément à une association sportive locale, au motif d’atteinte à l’ordre public ou à la moralité publique en lien avec des faits de radicalisation, que ce soit à l’initiative d’un préfet ou d’une fédération sportive »70.

  2. Le rapport d’information d’Eric Diard et d’Eric Poulliat note que les « remontées d’informations de la part des fédérations et des clubs paraissent également faibles71 » et que les structures ciblées ayant fait l’objet d’un contrôle n’ont été fermées que pour des manquements relatifs à l’hygiène, à la sécurité ou aux qualifications. Au lieu de conclure qu’aucun acte n’a été détecté par les services administratifs, les auteurs s’avancent à attribuer cette absence à la « crainte que la prévention et la détection de la radicalisation ne se fassent au détriment des résultats sportifs72 ». Plus encore, le rapport établit une continuité entre le terrorisme et le sport, car « on relève quasi systématiquement chez les auteurs d’attentats la pratique d’une activité physique et sportive »73. De même, le rapport de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre stipule que le ministère en charge des sports « a indiqué qu’aucune situation avérée de radicalisation ni aucun acte de prosélytisme n’ont été détectés au moment de ces 30 contrôles », et de préciser : « Si des situations suspicieuses avaient été signalées motivant les contrôles, aucun élément précis lors de ceux-ci n’a pu être relevé permettant de les caractériser comme étant l’expression d’une radicalisation »74.

  3. Enfin, précisons que le paradigme de la radicalisation dans le sport s’inscrit à rebours des travaux en sociologie du sport. L’étude menée par l’Institut des Hautes Études du ministère de l’Intérieur note que « les données collectées en entretien échouent à montrer un phénomène structurel ni même significatif de radicalisation ou de communautarisme dans le sport »75. Dans le même sens, l’enquête réalisée par Loïc Sallé et Jean Bréhon76 montre qu’il existe une « dissonance entre perception du phénomène et situations réellement rencontrées dans le monde sportif ». Les auteurs étudient les processus d’étiquetage et de stigmatisation à l’œuvre dans le football en Île-de-France et notent que « la radicalisation est réduite la plupart du temps à des signes extérieurs individuels marquant une différence avec des normes comportementales dominantes et à des espaces géographiques cristallisant précarité économique et surreprésentation des populations d’origine maghrébine »77. De ce fait, ces représentations ont des implications pratiques et préjudiciables aux personnes qu’elles désignent. Elles participent à des processus d’exclusion qui articulent l’appartenance géographique, l’origine ethno-raciale, et religieuse.

  4. En somme, à partir de 2015, le débat public sur le foulard dans le sport connaît un tournant majeur. Les attentats participent à la création d’une fenêtre d’opportunité permettant d’imposer la rhétorique du danger. Dans ce cadre, il existe une hostilité disproportionnée à l’égard d’un groupe social labellisé comme déviant et menaçant (les musulman·es), qui se construit sur la base d’une logique de dévoilement (la note des renseignements territoriaux), et mobilise des individus entreprenants et organisés afin d’imposer une nouvelle forme de gouvernement des corps78 des femmes musulmanes (l’interdiction du port du couvre-chef dans les compétitions).

IV. Depuis 2021, un processus de juridicisation : le recours au droit et à la justice administrative

  1. Le processus de construction du port du foulard dans le sport en problème public connaît un nouveau tournant en 2021 et ouvre une nouvelle phase. Celle-ci se caractérise par l’extension du champ d’application de la nouvelle laïcité dans le domaine sportif et le recours accru à des outils parlementaires de la part des politiques de droite et d’extrême droite afin de légiférer contre le couvre-chef sportif.

  2. Alors que, lors de la phase de publicisation du problème (2012-2015) les prises de position contre le voile relèvent de préoccupations transpartisanes de gauche et de droite, sur la période la plus récente, les revendications sont portées par la droite et l’extrême droite. Les propositions de loi, les amendements déposés et les votes suivent, à quelques exceptions près, les lignes des partis politiques. Le mouvement prohibitionniste est par ailleurs majoritairement porté par des hommes perçus comme blancs, inscrits depuis plusieurs mandats dans le paysage politique national. Le tableau 2 synthétise les instruments mobilisés par les parlementaires de droite et d’extrême droite (LR et RN) afin de prohiber le port du voile sur la période 2021-2024. Lorsque les amendements et projets de loi étaient co-portés, seul le ou la porteuse principale est mentionné·e. L’analyse montre un recours accru à la voie législative, un moyen d’action peu utilisé jusqu’alors. Cinq propositions de loi ont ainsi été déposées entre 2022 et 2024 pour interdire le port du foulard.

Tableau 2 : Usage d’outils parlementaires en vue de légiférer sur le port du voile lors des compétitions sportives nationales (2021-2024)

Date

Dépositaire (principal si plusieurs)

Instrument

6 avril 2021

Michel Savin (LR)

Amendement

17 janvier 2022

Michel Savin (LR)

Question d’actualité au gouvernement

18 janvier 2022

Stéphane Piednoir (LR)

Amendement

9 février 2022

François Cormier-Bouligeon (LREM)

Amendement

9 février 2022

Eric Diard (LR)

Amendements (2)

9 février 2022

Constance Le Grip (LR)

Amendement

9 février 2022

Eric Ciotti (LR)

Amendements (3)

9 février 2022

Eric Pauget (LR)

Amendements (2)

9 février 2022

Marie-France Lorho (RN)

Amendement

9 février 2022

Maxime Minot (LR)

Amendement

25 mai 2022

Dany Wattebled (Les Indépendants)

Proposition de loi

20 juillet 2023

Emmanuelle Ménard (RN)

Proposition de loi

20 juillet 2023

Julien Odoul (RN)

Proposition de loi

29 juin 2023

Michel Savin (LR)

Question d’actualité au gouvernement

29 juillet 2023

Dany Wattebled (Les Indépendants)

Question d’actualité au gouvernement

26 octobre 2023

Michel Bonnus (LR)

Question d’actualité au gouvernement

5 mars 2024

Michel Savin (LR)

Proposition de loi

7 mars 2024

Laurence Garnier (LR)

Question d’actualité au gouvernement

29 octobre 2024

Constance le Grip (LR)

Proposition de loi

Source : Autrices. Données récoltées dans les archives disponibles en ligne du Sénat et de l’Assemblée nationale jusqu’en juillet 2024.

  1. Par exemple, lors des débats parlementaires relatifs à la loi visant à conforter les principes de la République, les sénateurs ont tenté, contre l’avis de la ministre en charge des Sports, Roxana Maracineanu, d’élargir le périmètre de la loi et d’interdire le port du voile aux usagères des fédérations sportives. Formulée dans un contexte pré-électoral (élections présidentielles en avril 2022), la proposition a finalement été rejetée par l’Assemblée nationale. Néanmoins, un pan de la classe politique en a fait son cheval de bataille. Ainsi, entre 2021 et 2024, ces derniers ont tenté à de nombreuses reprises de modifier le Code du sport par le biais d’outils parlementaires variés.

  2. Si les parlementaires ne sont pas parvenus à modifier le Code du sport, l’extension de la neutralité religieuse dans le sport s’est faite en vertu de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. L’article 1 énonce qu’un organisme de droit privé chargé de l’exécution d’une mission de service public, tel que les fédérations sportives, « veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, s'abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité ». Or, depuis 2006, le Code du sport considère explicitement les arbitres sportifs comme chargés de l’exécution d’une mission de service public79. À ce titre, et en vertu de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 qui impose le respect des exigences de neutralité aux personnes participant à l’exécution d’un service public, les arbitres ne peuvent plus porter de signes religieux ostensibles. Dans cette continuité, selon le Conseil d’État, les sportives sélectionnées par leur fédération doivent désormais respecter le principe de neutralité, car elles sont considérées comme dépositaires d’une délégation de mission de service public sportif. En effet, dans une appréciation très large des missions de service public reconnues par la loi aux fédérations délégataires80, le Conseil d’État a précisé qu’il en allait de même pour les « personnes que la Fédération sélectionne dans les équipes de France, mises à sa disposition et soumises à son pouvoir de direction pour le temps des manifestations et compétitions auxquelles elles participent à ce titre et qui sont, dès lors, soumises au principe de neutralité du service public »81. Pour autant cette interprétation reste fragile, car les individus sélectionnés en équipe de France bénéficient des compétitions internationales mais ne les organisent pas82. De plus, dans les faits, seules les sportives musulmanes se voient effectivement interdire de pratiquer, les hommes n’étant pas ou peu sanctionnés pour leur religiosité.

  3. À l’échelon international, l’interdiction du port du couvre-chef sportif prononcée par la ministre des Sports rentre en contradiction avec la « lex sportiva », c’est-à-dire « les règles produites par le milieu du sport, et au premier les organisations sportives internationales »83. Les règlements des instances sportives internationales tendent en effet à autoriser le couvre-chef pour la pratique sportive. Par exemple, après une période d’expérimentation, la fédération internationale de basket-ball l’a explicitement autorisé dans ses règles du jeu en 201784. De même pour les Fédérations internationales de football (2014), et de beach volleyball (2012)85. Le règlement de la Fédération internationale d’athlétisme l’autorise (en absence d’interdiction explicite) quand ceux des Fédérations internationales de rugby, de handball et de boxe le mentionnent de façon expresse86. Cette contradiction entre l’ordre juridique sportif international et français a notamment été mise en lumière lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Ainsi, les athlètes étrangères ont pu librement se vêtir d’un couvre-chef pour concourir lors des épreuves, participer aux cérémonies et déambuler dans le village olympique contrairement à leurs homologues françaises. Par exemple, la néerlandaise Sifan Hassan médaille d’or sur l’épreuve du marathon à Paris a participé à la compétition sans, avant de le revêtir pour le podium. Dans le même temps, la sprinteuse française Sounkamba Sylla a été contrainte de retirer son foulard et de porter une casquette tout au long de l’événement.

  4. À l’échelon national, l’interdiction du port du couvre-chef prononcée, par certaines fédérations, pour les sportives non sélectionnées en équipe de France, fait l’objet de résistance et de contestations. En 2021, la FFF rejette la demande présentée par les Hijabeuses, un collectif luttant pour le droit de porter un couvre-chef sportif lors des compétitions de football, tendant à l’abrogation de l’interdiction produite à l’article 1 de ses statuts. Celle-ci prohibe « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ». Des associations, dont Alliance citoyenne, ont alors contesté cette interdiction auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir.

  5. Dans une décision contraire aux conclusions du rapporteur public, le Conseil d’État a finalement rejeté les requêtes qui lui étaient adressées87. La décision repose sur le principe de neutralité du service public pour les agents de la FFF et le bon fonctionnement du service public pour les licencié·es. Le juge administratif a considéré que l’interdiction du port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse lors de compétitions et manifestations sportives organisées par une fédération sportive est légale, dès lors qu’elle a pour objet d’assurer la sécurité des joueurs et des joueuses et le respect des règles du jeu. Les restrictions ainsi établies par la FFF à la liberté des joueuses peuvent être nécessaires, adaptées et proportionnées pour assurer le bon fonctionnement du service public ou la protection des droits et libertés d’autrui. En conséquence, les fédérations sportives nationales peuvent légalement interdire à leurs licencié·es de manifester ostensiblement une appartenance religieuse lors de compétitions et manifestations sportives au nom des nécessités du bon fonctionnement du service public. La décision du juge confirme l’existence et la portée de la notion de participation au service public88. Elle s’ancre dans l’ordre juridique interne et ne fait pas appel à la lex sportiva. Dans ce cadre, la restriction de la liberté de religion s’appuie sur la remise en cause de la distinction agents/usagers et sur le principe de « neutralité sportive à la française »89 permettant, selon le Conseil d’État, d’assurer « le bon déroulement des compétitions ». Les joueuses amatrices voient ainsi, à titre exceptionnel, leur liberté religieuse restreinte pour les compétitions auxquelles elles participent alors même qu’elles sont usagères de la Fédération française de football au motif que cela permettrait le bon fonctionnement du service public sportif. Ce glissement du principe de neutralité de la sphère publique vers la sphère privée pourrait donc traduire la spécificité du « service public du sport »90. Cette interprétation repose sur le postulat essentialiste selon lequel le port du foulard est de nature à faire obstacle au bon déroulement des rencontres et un trouble à l’ordre public91. Pour autant, les risques de perturbation qu’il engendrerait ne sont pas caractérisés par le juge administratif. Il est à noter que dans sa décision, le Conseil d’État ne fait nullement mention à la neutralité comme principe constitutif de l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’inverse des arguments promus par le Comité Atlanta + et nombre de parlementaires.

  6. Selon Marie-Odile Peyroux-Sissoko, cet arrêt semble traduire l’existence de deux courants au sein du Conseil d’État92. Le premier est favorable aux libertés individuelles quand le second s’inquiète du développement du prosélytisme. Dans tous les cas, cette décision constitue une extension du domaine d’application traditionnel de la nouvelle laïcité et une conception française de la neutralité religieuse dans le domaine du sport plus restrictive que la lex sportiva. La décision du juge est par ailleurs utilisée comme un argument d’autorité par les partisans de la prohibition du couvre-chef sportif. Pour exemple, Amélie Oudéa-Castéra justifie « l'impossibilité de manifester de manière ostentatoire, comme via le port du voile, une appartenance ou une conviction religieuse » pour les athlètes français·es aux Jeux Olympiques de Paris 2024 par la décision du Conseil d’État : « J'ai d'abord redit le droit. On a eu une décision récente du Conseil d'État qui explique de manière très claire que le principe constitutionnel de la laïcité, la manière dont il se décline dans le sport, est un principe pour tous ceux qui sont sélectionnés par leur fédération en équipe de France »93. De même, la proposition de loi déposée par Constance Le Grip le 29 octobre 2024 énonce que cette proposition s’inscrit dans un « cadre juridique cohérent et légitime » dans la mesure où « la décision du Conseil d’Etat […] a confirmé que les fédérations sportives peuvent tout à fait exiger la neutralité vestimentaire des joueurs et des joueuses »94.

Conclusion

  1. L'inscription du port du couvre-chef dans le sport à l'agenda politique ne découle pas de l'intensité intrinsèque du phénomène, mais de la manière dont il est perçu et mis en visibilité, notamment par les acteurices politiques. Avant l’année 2012, des sportives portant le foulard sont médiatisées et autorisées à concourir sans que cela ne soit considéré comme un problème sur lequel intervenir. Plus précisément, l’analyse met en lumière trois phases distinctes dans le processus de mise en problème du foulard : l’interpellation des pouvoirs publics par les associations féministes universalistes avec le concours des parlementaires (2012-2015) ; le déploiement du paradigme de la radicalisation (2015-2021) ; et enfin la juridicisation du débat public (2021-).

  2. Au cours de ces trois périodes, le débat public connaît des mutations importantes. La cause contre le couvre-chef dans le sport est initialement portée par des féministes, encartées au parti socialiste et regroupées au sein du Comité Atlanta +, cherchant à interpeller les instances sportives internationales. Ces revendications rencontrent à partir de 2015 des thèmes nationalistes portés par la droite et l’extrême droite, donnant un nouveau souffle au débat. Cette convergence conduit, sur la période la plus récente, à une mise en politique publique du problème et à des tentatives de plus en plus nourrit pour légiférer sur l’interdiction du port du foulard.

  3. Cette contribution montre que l'islamophobie, loin d'être un phénomène monolithique, s'exprime de manière diversifiée et est largement alimentée par un discours politique qui, en se positionnant sous le couvert de la défense des droits des femmes, échoue à reconnaître les dynamiques complexes de pouvoir et les phénomènes d’altérisation présents dans le domaine sportif. Ce discours, tout en prétendant promouvoir l'égalité et l'émancipation, néglige de considérer comment ces mêmes politiques renforcent les inégalités en marginalisant les femmes musulmanes.

  4. Depuis la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires, la question du voile n'a cessé de nourrir les débats. Loin de clore la controverse, les nouvelles lois participent à reconfigurer de l'espace des mobilisations contre le foulard95. Le cadre législatif a non seulement échoué à résoudre les tensions, mais il a également contribué à une extension de l'islamophobie par capillarité, en renforçant la perception d'une menace latente qui justifierait une nouvelle laïcité s'étendant au domaine privé. Ainsi, les politiques actuelles, bien qu'énoncées au nom des valeurs républicaines, participent paradoxalement à l'exclusion de certaines minorités religieuses, notamment dans le domaine du sport, révélant une contradiction inhérente entre les idéaux proclamés d'inclusion et les réalités pratiques d'exclusion.

Annabelle Caprais, Université de Bretagne Occidentale, Laboratoire d'Economie et de Gestion de l'Ouest (LEGO)

Yamina Meziani, Université de Bordeaux, Laboratoire Cultures, Education, Sociétés (LACES EA7437)

Haïfa Tlili, Université de Laval, Laboratoire de recherche pour la progression des femmes+ dans les sports au Québec (Lab PROFEMS) et Research Centre on Gender Diversity and Intersectionality (RHEA), Vrije Universiteit, Bruxelles

Références


  1. Précisons que « LE » voile est une construction sociale et un signifiant flottant : il existe plusieurs façons de se voiler et de nommer cette pratique. Nous mettons ainsi à distance le terme « femmes voilées » qui tend à admettre ou produire l’existence d’un groupe social homogène qui n’existe pas. Lucia Direnberger, Hanane Karimi, Abir Kréfa Saba Le Renard, « Le voile est-il une oppression pour les femmes ? », in Fondation Copernic, Manuel indocile de sciences sociales Pour des savoirs résistants. Paris, La Découverte, 2019, p. 773-781.↩︎

  2. Selon l’étude menée par Amnesty International sur 38 pays européens, seule la France a explicitement interdit à ses athlètes le port du foulard : Amnesty International, « L’interdiction du foulard dans le sport, une conception bien française et discriminante », 16 juillet 2024.↩︎

  3. Le 24 juillet 2024 sur France 3.↩︎

  4. Claire de Galembert, « Le droit à porter le voile : Cause perdue ou naissance d’une politics of rights ? », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2015, vol. 75, n° 2, p. 91‑114. Françoise Lorcerie, « La “loi sur le voile” : une entreprise politique », Droit et société, 2008, n° 1, p. 53-74.↩︎

  5. Louise Couvelaire, « Decathlon renonce à vendre son “hidjab de running” », sous la pression des réactions politiques et anonymes », Le Monde, 26 février 2019.↩︎

  6. Christelle Hamel, « De la racialisation du sexisme au sexisme identitaire », Migrations Société, 2005, n° 99-100, p. 91-104.↩︎

  7. Carine Guérandel, « Une nouvelle catégorie des politiques d’“intégration par le sport” : les “filles de cités” », Sciences sociales et sport, 2017, vol.10, n° 1, p. 79-111.↩︎

  8. Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, Communication-Technologie-Société, 1996, vol. 14, n° 75, p. 43-66.↩︎

  9. Howard Becker, Outsiders. Studies in the sociology of deviance, Free Press, 1963.↩︎

  10. Daniel Cefaï, « Publics, problèmes publics, arènes publiques… », Questions de communication, 2016, n° 30, [en ligne].↩︎

  11. Fatiha Ajbli, « Gouverner les corps subalternes et résister par le sport. L’agency des sportives musulmanes à l’épreuve des politiques anti-voile », séminaire du CERAPS, 6 novembre 2024.↩︎

  12. Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie : Comment les élites françaises fabriquent le “problème musulman”, La Découverte, 2022.↩︎

  13. Pour exemple, la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.↩︎

  14. Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie : Comment les élites françaises fabriquent le “problème musulman”, op. cit., p. 30.↩︎

  15. Solène Brun et Juliette Galonnier, « Devenir (s) minoritaire (s). La conversion des Blanc-he-s à l’islam en France et aux États-Unis comme expérience de la minoration », Tracés. Revue de sciences humaines, 2016, vol. 30, p. 29‑54.↩︎

  16. Ismail Ferhat, « Recenser les atteintes à la laïcité scolaire. Une politique publique du religieusement inacceptable ? », Éducation et Sociétés, 2024, vol.51, n° 1, p. 71‑87.↩︎

  17. Stéphanie Hennette-Vauchez et Vincent Valentin, L’affaire Baby loup, ou la nouvelle laïcité, Lextenso, 2014 ; Stépanie Hennette-Vauchez, « La République dévoyée ? Remarques d’une juriste », Critique, 2024, vol. 924, n° 5, p. 45-58 ; Julien Beaugé et Abdellali Hajjat, « Élites françaises et construction du « problème musulman ». Le cas du Haut Conseil à l'intégration (1989‑2012) », Sociologie, 2014, vol. 5, n° 1, p. 31-59.↩︎

  18. Julien Beaugé et Abdellali Hajjat, « Élites françaises et construction du « problème musulman ». Le cas du Haut Conseil à l'intégration (1989‑2012) », op. cit., p. 49.↩︎

  19. Hanane Karimi, « De l’application à l’extension de la nouvelle laïcité : le cas des mères accompagnatrices », Mouvements, 2021, vol. 3, n° 107, p. 104-112.↩︎

  20. Béatrice Barbusse, « Comment les femmes de sport doivent-elles s’habiller ? » in Du sexisme dans le sport, Anamosa, 2022, p. 182-207.↩︎

  21. Cécile Leconte, « Outrage sur les plages. La constitution du port du burkini en problème public sous l’angle de la panique morale », Émulations. Revue de sciences sociales, 2022, vol. 41, p. 103-123.↩︎

  22. Hanane Karimi, Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ?, Hors d’atteinte, 2023.↩︎

  23. Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie : Comment les élites françaises fabriquent le “problème musulman”, op. cit..↩︎

  24. Les questions ont été recueillies via les bases de données des sites du Sénat (https://www.senat.fr/basile/rechercheQuestion.do) et de l'Assemblée nationale (https://questions.assemblee-nationale.fr)↩︎

  25. Barney Glaser et Anselm Strauss, La découverte de la théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative. Armand Colin, 2010.↩︎

  26. Nous utilisons le terme entre guillemets afin de montrer une distance avec son usage politique. La radicalisation est initialement un concept sociologique, ensuite déformé comme synonyme de terrorisme islamique. Caroline Guibet Lafaye et Ami-Jacques Rapin, « La “radicalisation”. Individualisation et dépolitisation d’une notion », Politiques de communication, 2017, vol. 1, n° 8, p. 127-154.↩︎

  27. Awista Ayub, « A closer look at FIFA's hijab ban : What it means for Muslim players and lessons learned ». SAIS Review of International Affairs, 2011, vol. 31, n° 1, p. 43-50.↩︎

  28. FIFA, circulaire 1322 du 25 octobre 2012.↩︎

  29. IFAB, Agenda of the 126th Annual General Meeting of The International Football Association Bord ; Law of the Game 2014-2015 and Minutes of the 128th Annual General Meeting of The International Football Association Board, 1er mars 2014.↩︎

  30. Annie Sugier, Linda Weil-Curiel et Gérard Biard, Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme, Chryséis, 2017.↩︎

  31. Solène de Larquier, « Le voile islamique aux JO : récit d'une histoire mouvementée », L’Obs, 1er août 2016,.↩︎

  32. https://www.insidethegames.biz/articles/1012301/world-karate-federation-approves-the-hijab-for-competition, consulté le 1er août 2024. La fédération autorise désormais explicitement le couvre-chef dans son règlement : « Voluntary religious headwear approved by the WKF », World karate federation kumite competition rules, 2024, p. 5.↩︎

  33. Loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public et Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.↩︎

  34. Conseil d’État, 26 juin 2023, n° 426483.↩︎

  35. Sylvie Tissot, « Bilan d’un féminisme d’État », Plein droit, 2007, n° 4, p. 15-18.↩︎

  36. Le signe « + », signifie « plus de femmes ».↩︎

  37. Linda Weil-Curiel, « Point de vue de Linda Weil-Curiel, avocate au barreau de Paris, cofondatrice de l’association Atlanta-Sydney + », Cahiers de l’INSEP, 2002, vol. 32, n° 1, p. 137‑41.↩︎

  38. Les fémocrates sont des féministes issues de classes sociales supérieures occupant des hautes fonctions au sein de l’État. Amy Mazur et Dorothy McBride, « State feminism since the 1980s : From loose notion to operationalized concept », Politics & Gender, 2007, vol. 3, n° 4, p. 501-513.↩︎

  39. Lettres à Stepp Blatter du 27 octobre et du 21 décembre 2011 ; lettre ouverte du 12 février 2012 aux membres du comité directeur de l’IFAB cosignée par Coordination Française pour le Lobby Européen (CLEF) et l’association Femix’Sport. https://www.ldif.asso.fr/ consulté le 20 octobre 2024.↩︎

  40. Rapport de la 5ème conférence mondiale du CIO sur la femme et le sport, 16-18 février 2012, Los Angeles.↩︎

  41. Par le biais d’une lettre adressée à la FIFA et d’un communiqué de presse le 29 février 2012, https://news.un.org/en/story/2012/02/405102, consulté le 20 octobre 2024.↩︎

  42. Lettre du 4 février 2013. Annie Sugier, Linda Weil-Curiel et Gérard Biard, Comment l’islamisme a perverti l’Olympisme, op. cit.↩︎

  43. Rapport d'information n° 650 (2010-2011) au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, 21 juin 2011.↩︎

  44. Isabelle Duriez et Isabelle Sansonetti, « Voile sur le sport », ELLE-Info, 29 juin 2012.↩︎

  45. Pierre Muller, « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », Revue française de science politique, 50ᵉ année, n° 2, 2000. p. 189-208.↩︎

  46. Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, 1006, vol. 14, n° 75, 1996, p. 43-66.↩︎

  47. William Gasparini, « L’intégration par le sport. Genèse politique d’une croyance collective », Sociétés contemporaines, 2008, vol. 1, p. 7‑23.↩︎

  48. Patrick Mignon, « Sport, insertion, intégration. Hommes & migrations », 2000, n° 1226, p. 15-26.↩︎

  49. Thomas Deltombe, L’islam imaginaire : la construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005. La Découverte, 2007.↩︎

  50. Aïca Bounaga et Hamza Esmili, « War by Other Means : Fighting “Radicalization” in France (2014–2019) ». Islamophobia Studies Journal, 2020, vol. 5, n° 2, p. 199-209.↩︎

  51. Hamza Esmili, Johan Giry, « Le problème et la question. L’équation politique moderne ressaisie par la réaffiliation religieuse parmi les immigrés et leurs enfants », Raisons politiques, 2023, vol. 89, n° 1, p. 119‑141.↩︎

  52. Sénat, Proposition de loi Démocratiser le sport en France, Amendement n° 31, 18 janv. 2022.↩︎

  53. Nassira Guénif-Souilamas, La république mise à nu par son immigration, La fabrique éditions, 2006.↩︎

  54. Sara Farris, Au nom des femmes : Fémonationalisme, les instrumentalisations racistes du féminisme, Syllepse, 2021.↩︎

  55. Houtya Bentouhami, « Les féminismes, le voile et la laïcité à la française », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, 2018, n° 11, p. 117-140.↩︎

  56. Lila Abu-Lughod, « Do Muslim women really need saving? Anthropological reflections on cultural relativism and its others », in American Anthropologist, 2022, vol. 104, n° 3, p. 783-790.↩︎

  57. Haïfa Tlili, « L’implication des filles de culture arabo-musulmane en faculté d’éducation physique et sportive – Étude comparative sur les pratiques motrices des étudiantes de France et de Tunisie », in Sport et discriminations en Europe, Conseil de l’Europe, 2010, p. 145-152.↩︎

  58. Médéric Chapitaux, Ces déviances que le sport n’aime pas voir : Politiques publiques et éducateurs professionnels en sports de combat face à la permissivité voire au radicalisme religieux, thèse de doctorat, Toulouse 2, 2022.↩︎

  59. Assemblée Nationale, Rapport d’information n° 2082 relatif à la radicalisation des services publics, remis par Eric Diard et Eric Poulliat, 27 juin 2019, p. 93.↩︎

  60. Ibid., p. 96.↩︎

  61. Sénat, Rapport n° 595 de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, remis par Jacqueline Eustache-Brinio, 7 juillet 2020, p. 78. ↩︎

  62. Colloque « Sport et radicalisation » organisé par la région Ile-de-France, 30 novembre 2017 ; Réunion d’information organisée par le Comité Départemental Olympique et Sportif de Haute-Saône, « Le sport est-il vecteur de radicalisation », 6 décembre 2017.↩︎

  63. Patrick Karam et Magali Lacroze, Le livre noir du sport. Violences sexuelles, radicalisation, communautarisme, homophobie, paris truqués... tout ce qu'on ne dit jamais, Plon, 2020.↩︎

  64. Médéric Chapitaux, Ces déviances que le sport n’aime pas voir : Politiques publiques et éducateurs professionnels en sports de combat face à la permissivité voire au radicalisme religieux, op. cit. p. 74.↩︎

  65. Ibidem.↩︎

  66. Laurent Bonnefoy, « Bernard Rougier, un chercheur conquis par la fièvre identitaire. De la recherche scientifique aux plateaux télévisés », Revue du Crieur, 2021, vol. 19, n° 2, p. 142‑159.↩︎

  67. Ibid, p. 157.↩︎

  68. Fatiha Ajbli, « Gouverner les corps subalternes et résister par le sport. L’agency des sportives musulmanes à l’épreuve des politiques anti-voile », séminaire du CERAPS, 6 novembre 2024 ; Le Nouvel Obs, « Le match des “Hijabeuses” devant le Sénat contre l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives », 26 janvier 2022.↩︎

  69. Sénat, Rapport n° 595 de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, remis par Jacqueline Eustache-Brinio, 7 juillet 2020, p. 175.↩︎

  70. Ibidem, p. 176.↩︎

  71. Assemblée Nationale, Rapport d’information n° 2082 relatif à la radicalisation des services publics, remis par Eric Diard et Eric Poulliat, 27 juin 2019, p. 95.↩︎

  72. Ibid, p. 92.↩︎

  73. Ibid, p. 93.↩︎

  74. Sénat, Rapport n° 595 de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, remis par Jacqueline Eustache-Brinio, 7 juillet 2020.↩︎

  75. Institut des Hautes Études du ministère de l’Intérieur, « Terrains de radicalisation ou de prévention ? Exploration des radicalisations dans le sport associatif », 2022, p. 4.↩︎

  76. Loïc Sallé et Jean Bréhon, « La radicalisation dans le sport au prisme de la sociologie de Norbert Elias : des commérages aux logiques de l’exclusion », Staps, 2020, vol. 128, n° 2, p. 61‑79.↩︎

  77. Ibidem, p. 64.↩︎

  78. Didier Fassin et Dominique Memmi, Le gouvernement des corps. Éd. de l’EHESS, 2004.↩︎

  79. Art. 223-2 Code du sport.↩︎

  80. Mathieu Maisonneuve, « La sanctuarisation “républicaine” du football français », JCP G, n° 35, 2023.↩︎

  81. CE, 29 juin 2023, n° 458088, préc.↩︎

  82. Antoine Simonneaux, « Voile sur la liberté religieuse des footballeuses », RDLF, 2024, n° 1.↩︎

  83. Franck Latty, « Lex sportiva et autonomie du sport », in Jean-Loup Chappelet (dir.), L’autonomie des organisations sportives, Observatoire international des politiques publiques sportives, Université de Lausanne / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2019, p. 35-43.↩︎

  84. https://www.fiba.basketball/en/news/fibas-mid-term-congress-ratifies-new-headgear-rule, consulté le 27 août 2024. FIBA, Official basket-ball rules, 2024, p.13, Auparavant l’article 4.4.2 des règles officielles interdisait les accessoires couvrant la tête pour des raisons de sécurité.↩︎

  85. « Players may wear a hat/head covering », Official beach volleyball rules 2021-2024, p. 16.↩︎

  86. « Des équipements supplémentaires sont autorisés, à savoir (…) des foulards ou couvre-chefs, à condition qu’ils ne représentent pas un danger pour la personne qui les porte ou pour les autres joueurs » : World Rugby, Les règles du jeu et la charte du jeu 2024, p. 36 ; « Les foulards pour le sport de couleur unie sont autorisés » : Règles de jeu de l’IHF : règlement pour les équipements de protection et accessoires, mars 2024 ; « Women and girl boxers may wear a black sport form-fitting hijab », IBA, Technical and competition rules, 2022, p. 82.↩︎

  87. CE, 29 juin 2023, n° 458088, préc.↩︎

  88. Marie-Odile Peyroux-Sissoko, « Compétitions sportives, service public et signes religieux », RFDA, 2023, p. 1065.↩︎

  89. Anne-Laure Youhnovski, « Les glissements de terrain du principe de neutralité », D. 2023, p. 1995.↩︎

  90. Anne-Laure Youhnovski, Ibid.↩︎

  91. Marie-Odile Peyroux-Sissoko, « Compétitions sportives, service public et signes religieux », op. cit.↩︎

  92. Ibid.↩︎

  93. « Le studio des légendes », Europe 1, 20 avril 2024.↩︎

  94. Assemblée Nationale, Proposition de loi n° 509 visant à renforcer le principe de laïcité dans les compétitions sportives en interdisant le port de tenues ou de signes ostensiblement religieux, déposée par Constance Le Grip, 29 octobre 2024.↩︎

  95. Claire De Galembert, « Le droit à porter le voile : cause perdue ou naissance d’une politics of rights ? » Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2915, vol. 75, n° 2, p. 91‑114.↩︎