Du cas à l’affaire Caster Semenya : (en)cadrer la question de l’égalité des sexes

Isabelle Rorive















Résumé :

Le cas de Caster Semenya, interdite de courir par les instances sportives en raison de son taux de testostérone naturellement plus élevé que celui de la moyenne des femmes, ne peut être réduit à un cas difficile dans lequel le droit à l’égalité des chances des sportives serait simplement mis en balance avec le droit à la non-discrimination des athlètes hyperandrogènes. La grille d’analyse qu’offre la « forme affaire », théorisée par les sociologues, nous projette à la fois sur une scène plus large que la scène juridique, ainsi que dans un temps plus long que celui propre au cas d’espèce. Cet élargissement des perspectives permet de dépasser l’approche classique du conflit de droits et de ses opérations de pondération en offrant un éclairage sur les multiples enjeux qui s’y jouent et en permettant de le séquencer d’une manière qui en révèle une dynamique qui le dépasse et qui se reproduit dans d’autres cas d’espèce.

Mots-clés : Discrimination , Égalité des chances , Affaire , Catégorie féminine , Test de féminité , Intersexuation ; Hyperandrogénie , Stéréotype de genre , Compétition équitable , Tribunal arbitral du sport.

Abstract :

The case of Caster Semenya, banned from racing by the IAAF because her testosterone level is naturally higher than the average for women, cannot be framed as a hard case that simply pits the right to equal opportunities for sportswomen against the right to non-discrimination for hyperandrogenic athletes. The analytical framework offered by the ‘forme affaire’, familiar to sociologists, projects us onto a stage broader than the legal stage, and over a longer period than that specific to the case in question. This broadening of perspectives makes it possible to go beyond the traditional conflict of rights approach and its balancing operations, by shedding light on the multiple issues at stake and making it possible to sequence the case in a way that reveals a dynamic that goes beyond it and is reproduced in other cases.

Keywords: Discrimination , Equal opportunities , Case , Female category , Sex verification testing , Intersex , Hyperandrogenism , Gender stereotype , Fair competition , Court of Arbitration for Sport.

Introduction

  1. Mokgadi Caster Semenya1 est une athlète sud-africaine, spécialiste du 800 mètres, triple championne du monde et double championne olympique de la discipline. Le 19 août 2009, à l’âge de 18 ans, alors qu’elle est encore une inconnue de la scène internationale d’athlétisme, elle gagne ses premiers championnats du monde à Berlin en réalisant la meilleure performance de l’année, en pulvérisant son record personnel et en établissant un nouveau record national pour l’Afrique du Sud. Pendant les séries précédant la qualification pour la finale du 800 mètres, la rumeur enfle : Caster Semenya est trop rapide, elle est trop musclée, elle est trop puissante… pour être une femme2. Ses performances exceptionnelles sont discréditées, non pour cause de dopage, mais bien pour son apparence physique : elle est perçue comme une « créature » sur laquelle il convient d’enquêter au nom de l’équité sportive et de l’intégrité de la catégorie féminine. Caster Semenya fait alors l’objet d’examens médicaux particulièrement invasifs dans un hôpital berlinois et ce, la veille de la finale. Sa victoire déclenche un lynchage médiatique d’une violence inouïe3. La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF)4 qui a imposé ces contrôles jette immédiatement de l’huile sur le feu et déclenche le scandale. Pierre Weiss, alors secrétaire général de l’IAAF, déclare dans une formule restée célèbre ; « c’est clair que Semenya est une femme, mais peut-être pas à 100% ».

  2. C’est le point de départ d’une affaire aux multiples rebondissements. D’abord interdite de compétitions internationales pendant près d’un an, Caster Semenya est ensuite « blanchie » de tout soupçon de fraude et autorisée à concourir au plus haut niveau avec les femmes. Très rapidement, elle doit cependant se plier à une nouvelle réglementation de la Fédération internationale d’athlétisme qui exige des taux de testostérone de plus en plus bas pour participer à certaines épreuves féminines5. Les athlètes diagnostiquées hyperandrogènes, parce que leur corps produit naturellement plus de testostérone que la moyenne des femmes, doivent alors réduire cette production hormonale par la voie médicamenteuse ou chirurgicale. A défaut, bien qu’étant nées filles, ayant été socialisées comme des filles6, se définissant comme des femmes, elles sont réputées être des « mâles biologiques »7 et privées d’accès aux compétitions internationales, sauf à s’aligner avec les hommes8.

  3. Contestée devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) dont le siège est en Suisse, à Lausanne, cette réglementation est d’abord suspendue9 avant d’être validée quelques années plus tard. Dans une sentence rendue en 2019, le TAS juge qu’elle est « certes discriminatoire », mais qu’elle constitue « un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné d’atteindre les buts poursuivis par l’IAAF, à savoir assurer une compétition équitable »10. Cette dernière décision signe la fin de la carrière d’athlétisme de Caster Semenya qui refuse de continuer à se soumettre à des traitements hormonaux dénoncés par la majeure partie du monde médical (dont l’Association médicale mondiale) car attentatoires à la santé des athlètes. S’ensuit l’introduction de recours devant des instances judicaires sur le continent européen : le Tribunal fédéral suisse11, d’abord, la Cour européenne des droits de l’homme, ensuite.

  4. Caster Semenya est déboutée par le Tribunal fédéral suisse qui rappelle que son examen matériel d’une sentence arbitrale internationale se limite à sa compatibilité avec l’ordre public entendu de manière « plus restrictive que [la notion] d’arbitraire »12. Pour le Tribunal fédéral, « il est douteux que la prohibition des mesures discriminatoires entre dans le champ d’application de la notion restrictive d’ordre public lorsque la discrimination est le fait d’une personne privée et survient dans des relations entre particuliers »13. Devant la Cour européenne des droits de l’homme, l’affaire est réexaminée en grande chambre14, après un premier arrêt, rendu en 2023, qui condamne la Suisse (à une courte majorité de quatre juges contre trois) pour violation de l’article 14 (non-discrimination) combiné à l’article 8 (respect de la vie privée) de la Convention, et pour violation de l’article 13 (recours effectif) au regard de l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention. Pour la troisième section de la Cour européenne, Caster Semenya « n’a pas bénéficié en Suisse des garanties institutionnelles et procédurales suffisantes qui lui auraient permis de faire valoir ses griefs de manière effective, d’autant qu’il s’agissait de griefs bien étayés et crédibles d’une discrimination subie à raison d’un taux de testostérone élevé provoqué par ses DSD ».15 L’effet horizontal de la Convention exige des États qu’ils prennent « des mesures propres à protéger les personnes relevant de leur juridiction contre des traitements discriminatoires – et ceci même si le traitement discriminatoire est administré par des particuliers »16, en l’occurrence la Fédération internationale d’athlétisme. En réalité, la Cour ne se prononce pas sur le caractère discriminatoire de la réglementation de cette fédération, mais bien sur les failles du contrôle juridictionnel suisse qui ont empêché Caster Semenya de faire valoir son droit à la non-discrimination. S’agissant des motifs de discrimination, la Cour européenne en retient deux : « le ‘sexe’ au sens de l’article 14 de la Convention ainsi que les caractéristiques sexuelles (notamment génétiques) »17. Cependant, et sans justification particulière, « la Cour ne juge pas utile de répondre à la question de savoir si la requérante, en tant qu’athlète féminine, est discriminée par rapport aux hommes dans la mesure où les règlements de World Athletics ne prévoient pas de taux maximal de testostérone pour pouvoir participer à des compétitions dans la catégorie masculine. Par ailleurs, elle estime qu’il n’est pas nécessaire non plus de répondre à la question de savoir si la requérante peut aussi se prévaloir de sa race, de son origine ethnique et de sa ‘couleur’ même si l’intéressée allègue que le Règlement DSD vise, à une écrasante majorité, les athlètes du ‘Global South’ »18.

  5. Le cas de Caster Semenya est parfois présenté comme un dilemme qui ne peut donner lieu à aucune solution satisfaisante. Ainsi, en 2019, le TAS a insisté sur la complexité de ce litige qui poserait de nombreux défis à l’intelligence humaine. Dans une sentence comptant plus de 160 pages, il souligne que « cette affaire (...) implique une collision d’énigmes scientifiques, éthiques et juridiques. Il s’agit également de droits incompatibles et concurrents. Il est impossible de donner effet ou d’approuver un ensemble de droits sans restreindre l’autre ensemble de droits. En d’autres termes, il y a, d’une part, le droit de chaque athlète de participer à des compétitions sportives, de voir son sexe légal et son identité de genre respectés et d’être à l’abri de toute forme de discrimination. D’autre part, il y a le droit des athlètes féminines, qui sont biologiquement désavantagées par rapport aux athlètes masculins, de pouvoir concourir contre d’autres athlètes féminines et non contre des athlètes masculins, et de bénéficier des avantages de la réussite sportive, tels que des places sur le podium et les gains financiers qui en découlent. Ce droit à la concurrence est souvent décrit (ce qui n’est pas non plus facile à définir) comme le droit de concourir sur un "pied d'égalité" »19.

  6. Le litige porté en justice par Caster Semenya se réduit-il à un cas classique de conflit de droits dans lequel des intérêts irréconciliables s’affronteraient et que le droit peinerait à pondérer20 ? D’une part, ceux des athlètes femmes de participer à des compétitions « équitables » dans lesquelles un principe d’égalité des chances bien compris s’appliquerait21 ; d’autre part, ceux de Caster Semenya (et des athlètes hyperandrogènes concernées) de concourir au plus haut niveau sans discrimination et d’avoir ainsi accès à des infrastructures et à des entraînements de qualité mais également à une série de ressources financières (bourse d’étude, sponsoring, primes, etc.).

  7. Se saisir de ce cas d’espèce en des termes exclusivement juridiques revient à se priver de l’extraordinaire littérature qui s’en est emparée, notamment dans les champs de l’analyse médiatique, des sciences sociales et des sciences médicales. Déjà en 2015, des étudiants et étudiantes de l’École des Mines (ParisTech) lui avaient appliqué une méthode chère à Bruno Latour, celle de la « cartographie des controverses »22. Cette enquête préliminaire23, intervenue avant que ne soient rendues les décisions du TAS et de la Cour européenne des droits de l’homme, avait déjà le mérite d’identifier des divergences scientifiques concernant la détermination des critères biologiques fondant la binarité des sexes et la pertinence des « tests de féminité » dans le sport de haut niveau.

  8. Dans la mesure où l’affaire Caster Semenya met à l’épreuve la binarité des sexes encore au fondement de l’ordre social et juridique24, il était particulièrement tentant de la faire « parler », en cherchant à comprendre ce qu’elle permet de « dévoiler ». La sociologie offre aux juristes un concept très utile pour ce faire : celui de la « forme affaire »25 au sens d’une « dispute publique » qui engage « une diversité d’acteurs qui ne confrontent pas seulement des arguments, mais qui cherchent aussi […] à établir ‘ce qu’il en est de ce qui est’ »26. Ce concept a le mérite de nous projeter à la fois sur une scène plus large que la scène juridique, ainsi que dans un temps plus long que celui propre au cas d’espèce. Cet élargissement des perspectives permet de dépasser l’approche classique du conflit de droits et de ses opérations de pondération en offrant un éclairage sur les multiples enjeux qui s’y jouent et en permettant de le séquencer d’une manière qui en révèle une dynamique qui le dépasse et qui se reproduit dans d’autres cas d’espèce. A cette fin, quatre dimensions de la « forme affaire » sont particulièrement opérantes pour « déployer » le cas de Caster Semenya  : le moment du scandale, le déplacement du « ça va de soi », le retournement des positions de force et le dévoilement de mécanismes de violence institutionnelle.

  9. Ces quatre dimensions constituent le fil de mon analyse et structurent cette contribution. D’abord, l’examen du moment propre au scandale permet de montrer qu’il ne se réduit pas à une série d’événements contingents qui seraient exposés sur la place publique par « hasard ». Le scandale est toujours en partie construit et les termes dans lesquels il éclate sont essentiels pour saisir ce qui se joue réellement (I). La « forme affaire » permet alors de mettre en lumière comment le moment du scandale se transforme en déplaçant les agencements propres au « ça va de soi ». La frontière biologique entre les hommes et les femmes n’est pas si aisée à établir. Surtout, ce à quoi doit correspondre une femme « authentique », qui plus est une athlète de haut niveau, est fluctuant, comme le révèle l’histoire des « tests de féminité » qui perpétuent encore aujourd’hui des stéréotypes de genre (II). La « forme affaire » conduit, ensuite, à identifier un retournement des relations entre « le faible » et « le fort ». Caster Semenya peut alors quitter le statut de « monstre » et de « tricheuse » pour rejoindre celui de ces athlètes femmes écartées « en douce » par les instances sportives et qui disparaissent sans autre forme de procès (III). Enfin, la « forme affaire » est utile pour dévoiler des formes de violence institutionnelles qui dérivent de la puissance des fédérations sportives internationales et du Comité international olympique compétents pour élaborer une lex sportiva qui voudrait s’affranchir du respect des droits humains et qui s’impose aux athlètes contraintes de se soumettre à une forme d’arbitrage forcé (IV).

  10. La grille d’analyse offerte par la « forme affaire » permet de restituer la dynamique mise en place par les différents soutiens de Caster Semenya afin de dénoncer la mécanique discriminatoire à l’égard des femmes que l’ordre sportif international perpétue. Cette grille d’analyse permet e confirmer le traitement discriminatoire dont Caster Semenya a été l’objet et conduit à le qualifier de façon plus adéquate en dépassant la question de l’intersexuation pour prendre au sérieux celle du genre et de la race. Elle contribue à mettre en lumière le caractère structurel des discriminations infligées aux femmes, et particulièrement aux femmes du Sud global, par la Fédération internationale d’athlétisme qui opère dans un ordre sportif qui s’est organisé en marge du respect des droits humains et dont l’auto-régulation conduit à des violations de ces derniers. L’évidence et l’ampleur avec laquelle Caster Semenya et d’autres athlètes hyperandrogènes sont perçues comme une menace pour la catégorie féminine sont ainsi interrogées dans un contexte qui ne se contente pas d’opposer les droits des unes aux droits des autres. Encadrer, voire recadrer, le dilemme présenté par le TAS en 2019 permet de comprendre combien il est en grande partie construit et d’identifier les ressorts de cette construction (VI.)

I. Le scandale : Caster Semenya ne serait pas une femme

  1. Le 19 août 2019, Caster Semenya gagne ses premiers championnats du monde et est huée dans le stade berlinois. Après sa qualification pour la finale, un journaliste de télévision lui tend un micro en lui demandant de but en blanc : « J’ai entendu dire que vous étiez né homme. Qu’avez-vous à dire sur ce genre de choses ? ». Et Caster Semenya de répondre dans un anglais maladroit, visiblement en état de panique : « Je n’ai aucune idée sur ce sujet parce que je n’ai pas entendu cette chose, qui l’a dite ? Je n’en ai rien à faire »27. Le scandale se cristallise dans la formule choc de la Fédération internationale d’athlétisme suivant laquelle, nous l’avons vu, Caster Semenya ne serait pas une femme « à 100% ».

  2. Les médias se déchaînent et son apparence physique devient la cible de commentaires particulièrement sexistes. Dans le Sydney Morning Herald, l’un des quotidiens australiens les plus anciens, on peut lire que le monde entier « prend note de son physique musclé, de son style puissant et de sa pilosité faciale apparente »28. Et le très sérieux journal Le Monde de surenchérir : « Une prodige ? Avec sa mine adolescente, sa voix chaude, son duvet, ses muscles hors-normes (comparés au physique maigrichon de ses rivales) et sa démarche pleine de grâce… masculine, Caster Semenya jette le trouble sur sa féminité. Si la médaillée d'or était un homme ? Ou un hermaphrodite ? Cette question des plus sérieuses est l’objet de recherches de la Fédération sud-africaine et de la Fédération internationale d’athlétisme »29. Tout en les jugeant « cruels », le Daily Mail reprend les propos d’un responsable sportif australien pour affirmer qu’« il y a quelque chose qui pend entre ses jambes » et qu’ « elle a une pomme d’Adam »30. Les propos d’un médecin du sport français sur Europe 1, le lendemain de la victoire, sont tout aussi peu déconstruits : « Les onze autres finalistes ont un morphotype féminin de coureuse de 800 mètres, elles ont les épaules étroites, on voit leurs clavicules, elles ont un bassin un peu plus large […]. En revanche quand la Sud-Africaine court, elle a les épaules de déménageur, un bassin étroit… D’ailleurs, ça c’est vraiment anecdotique mais si on a regardé la finale du 800 m, on a pu voir que 11 athlètes avaient une culotte et un seul avait un bermuda »31.

  3. Dans ce climat délétère, les journalistes se font fort de récolter la frustration de plusieurs concurrentes qui en oublient qu’une des valeurs de l’olympisme est « le respect », notamment celui dû à ses adversaires32. Pour Elodie Guégan, athlète française, éliminée en demi-finale du 800 mètres à Berlin, « sa musculature, son visage et son allure générale génèrent de nombreux doutes sur sa féminité et donc sa légitimité à courir. […] L’IAAF ne peut pas l’interdire (sic) de courir à cause d’une simple impression visuelle. Ce que je comprends. Mais cela ternit le spectacle car nous sentons les autres filles complètement impuissantes face à cette créature »33. Elisa Cusma, qui se classe sixième à la finale du 800 mètres de Berlin pour l’Italie, déclare que « ce genre de personnes ne devrait pas courir avec nous. Pour moi, ce n’est pas une femme. C'est un homme »34. Mariya Savinova, qui termine la finale en cinquième position pour la Russie, résume sa pensée par un « mais regardez-la ! » éloquent35. Cette athlète sera par la suite convaincue de dopage et devra rendre deux médailles d’or au profit de Caster Semenya, l’une pour les championnats du monde de Daegu en 2011 et l’autre pour les jeux olympiques de Londres en 2012.

  4. Au mépris de ses politiques de confidentialité, de la législation monégasque sur la protection des données personnelles et des valeurs olympiques auxquelles elle est tenue, la Fédération internationale d’athlétisme révèle, dès la phase de qualification pour la finale du 800 mètres, que Caster Semenya fait l’objet d’une investigation car son sexe féminin est mis en doute. Le jour de sa victoire, son secrétaire général annonce que la cérémonie de remise des médailles aura certes lieu, mais que Caster Semenya sera privée de l’or au profit des autres concurrentes si l’enquête révèle qu’elle n’est pas une femme. Et d’ajouter qu’à ce stade « il n’y a pas de preuve » et que « le bénéfice du doute doit toujours jouer en faveur de l’athlète »36.

  5. Si la Fédération internationale d’athlétisme prétend qu’elle est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire, ses propos et ses actes alimentent les soupçons. Ainsi, officiellement pour la protéger des journalistes, Caster Semenya est remplacée à la traditionnelle conférence de presse qui donne la parole aux vainqueurs par un membre de cette Fédération. Afin de justifier l’atteinte qu’elle a portée au secret de l’enquête médicale, cette même Fédération se réfugie derrière sa respectabilité morale qui l’empêche de « mentir » aux journalistes. Au nom de la transparence, elle livre moult détails sur la batterie de tests imposés à Caster Semenya : une évaluation visuelle, des tests chromosomiques, des examens gynécologiques…. « toutes sortes de choses, des organes, des radiographies, des scanners ». « C'est très, très complet » rassure le porte-parole de la Fédération international d’athlétisme37.

  6. Un mois plus tard, en septembre 2009, le Sydney Daily Telegraph révèle avoir eu connaissance des résultats de ces tests, qui viennent à peine d’être communiqués à la Fédération internationale d’athlétisme. Les fuites sont de nature à attiser les curiosités les plus malsaines. Le tabloïd fait état d’organes génitaux féminins externes, d’une variation chromosomique, d’une absence d’ovaires et d’utérus, de testicules non descendus et d’une production de testostérone, dite « hormone mâle »38, trois fois supérieure à la moyenne des femmes. Le mot « hermaphrodite » est lâché et repris en boucle dans les médias39. Caster Semenya aurait triché ou, à tout le moins, bénéficierait d’un « avantage sportif insurmontable », un avantage de nature masculine qui expliquerait sa victoire éclatante à Berlin.

II. Du scandale à l’affaire : quand « ce qui va de soi » vacille

  1. Caster Semenya apprend sa condition de personne intersexuée avec le reste du monde. Pour échapper à la curiosité des journalistes, elle vit recluse dans un centre d’entraînement universitaire à Prétoria. Il faudra encore dix mois à la Fédération internationale d’athlétisme pour confirmer sa victoire aux championnats du monde de Berlin et l’autoriser à courir à nouveau au niveau international. Cette décision est prise sur la base d’un avis d’une commission composée d’un gynécologue, d’un endocrinologue, d’un spécialiste de médecine interne, d’un psychologue et d’un « expert du genre »40. Comment expliquer qu’une athlète de haut niveau soit laissée dans une incertitude si longue sans avoir accès à la moindre information ?

  2. Déterminer le sexe d’une personne ne relève pas toujours de l’évidence41. Si aujourd’hui, une série de critères biologiques sont pris en compte (organes génitaux, gonades, caryotype, taux hormonaux, ...), les données cliniques ne permettent pas nécessairement de l’inscrire dans une classification binaire, c’est-à-dire une réalité dans laquelle les sexes mâle et femelle seraient parfaitement distingués. On parle alors d’intersexuation, un terme qualifié de « parapluie » ou de « coupole » pour souligner qu’il désigne de nombreuses variations des caractéristiques sexuées42. Ces caractéristiques sont dites primaires si elles renvoient à l’anatomie sexuée, aux organes reproducteurs ou à la structure chromosomique. Elles sont dites secondaires lorsqu’elles apparaissent plus tard dans la vie de l’individu, généralement pendant la puberté puisqu’elles sont alors liées à la croissance et à la modification de la production hormonale (cycle menstruel, développement de la poitrine, accroissement de la masse musculaire, pilosité, production de sperme)43. Les variations des caractéristiques sexuées peuvent être visibles dès la grossesse, dans le cadre des tests prénataux, ou à la naissance quand il est difficile de déterminer si les organes génitaux du nouveau-né correspondent à ceux d’un garçon ou d’une fille. Elles peuvent aussi être détectées à l’adolescence, comme en cas d’aménorrhée44, être découvertes à l’âge adulte, notamment dans le cadre d’un projet de naissance lorsque des troubles de la fertilité révèlent l’intersexuation, ou après le décès à la suite d’une autopsie45. Les experts considèrent qu’« entre 0,05 % et 1,7 % de la population mondiale naît avec des caractères intersexués », la fourchette la plus haute de cette estimation « étant comparable à la proportion de personnes aux cheveux roux »46. Le caractère très imprécis des pourcentages avancés « témoigne de la difficulté à collecter systématiquement ce type de données47, mais également à définir la notion de ‘variation’ qui reste tributaire du contexte socio-culturel, quand les sciences biologiques elles-mêmes attestent de la multiplicité des configurations sexuées »48.

  3. L’ordre sportif s’est construit sur une séparation stricte entre les sexes qui seraient « par nature » réductibles à deux catégories bien distinctes. En réalité, la non-mixité a d’abord consisté à exclure les femmes de façon systématique des compétitions sportives pour, ensuite, les autoriser à progressivement participer à certaines épreuves dans une catégorie qui leur est, le plus souvent, réservée. Dans le monde de l’athlétisme, la conquête fut lente. Si l’on prend les jeux olympiques comme référence, il faut, par exemple, attendre 1984, à Los Angeles, pour qu’un marathon soit organisé pour les femmes et 2000, à Sydney, pour les voir sauter à la perche. En 2024, à Paris, l’épreuve combinée pour les femmes reste l’heptathlon (auquel elles n’ont accès que depuis 1984) alors qu’un décathlon est organisé pour les hommes (depuis 1904) et que les épreuves des unes ne sont pas celles des autres. Dans le « fief de la virilité »49, la construction de la catégorie féminine passe nécessairement par la moulinette de normes de genre. Au nom du maintien de l’« intégrité » de cette catégorie, une police des corps se déploie. Elle dicte ce à quoi une « vraie femme » doit ressembler et ne s’arrête pas à la tenue officielle des athlètes qui, comme l’ont encore illustré les jeux de Paris, est empreinte de sexisme50. Elle va peu à peu s’appuyer sur des « tests de féminité » (ou « de vérification du genre »)51.

  4. Dès les années 1930, des sportives font l’objet de « procès en virilisation »52. Déjà dans des épreuves d’athlétisme, des athlètes sont écartées au seul motif que leur morphologie est jugée trop masculine. À partir de 1948, des certificats médicaux attestant du sexe féminin doivent être recueillis par les fédérations nationales pour les athlètes inscrites aux jeux olympiques. Dans un contexte de guerre froide où le nombre de médailles gagnées devient un symbole de la puissance d’un pays, la Fédération internationale d’athlétisme, suivie par le Comité international olympique, considère que cette vérification ne peut plus être laissée aux instances nationales et elle reprend la main. Alors que le fléau du dopage est bien réel, la crainte (fantasmée dans les faits) que des hommes déguisés en femmes s’infiltrent dans les épreuves féminines conduit à la généralisation des « tests de féminité » en 1966, lors des championnats d’Europe d’athlétisme à Budapest53. Il s’agit d’abord d’examens visuels à l’occasion desquels les athlètes femmes sont tenues de parader nues devant des médecins qui contrôlent leurs organes génitaux externes. Des mesures de leur force musculaire (à l’aide d’un dynamomètre) et de leur capacité respiratoire (à l’aide d’un spiromètre) sont également prises. Ces examens complémentaires ne manquent pas de susciter des stratégies de la part de certaines athlètes qui cherchent à restreindre leur force et leur souffle afin de ne pas être recalées au motif qu’elles seraient trop puissantes pour être des femmes54.

  5. Dans la délivrance des certificats de féminité obligatoires pour participer à des compétitions internationales, l’ère du « sexe chromosomique » va, dès la fin des années 1960, succéder à celle du « sexe anatomique ». L’établissement du caryotype est réputé moins attentatoire à la dignité des femmes qui ne doivent plus se dévêtir, mais se soumettre à un examen salivaire. D’abord, il s’agit de rechercher un second chromosome X (test du corpuscule de Bar). Ensuite, il s’agit de mettre en évidence un chromosome Y au terme d’un test réputé plus fiable (test PCR/SRY). L’absence d’un second chromosome X ou la présence d’un chromosome Y établit le sexe masculin de l’athlète qui se voit refuser un certificat de féminité sans autre forme de procès. Des généticiens s’insurgent contre l’usage de ces techniques : les marges d’erreur ne sont pas négligeables, elles ne prennent pas en compte les variations génétiques55, et elles sont déployées dans un contexte non thérapeutique en dehors de toute éthique médicale. Après plusieurs scandales de femmes injustement écartées de la compétition56 et du coût important de ces tests dont les résultats n’ont jamais permis de débusquer un homme déguisé en femme57, l’exigence du certificat de féminité dans les compétitions internationales est supprimée à la fin du XXème siècle.

  6. C’est alors la rumeur qui va servir de boussole à « l’intégrité » de la catégorie féminine. Les athlètes trop viriles ou ne performant pas la féminité sont sommées, souvent sous couvert d’un contrôle antidopage et sans égard pour l’exigence d’un consentement libre et éclairé, de se soumettre à des examens médicaux extrêmement invasifs, voire humiliants, pour vérifier leur qualité de femme biologique au terme d’une approche qui combine sexe anatomique, chromosomique et hormonal. C’est le sort qui fut réservé à Caster Semenya. D’abord, à Prétoria, le 7 août 2009, juste avant son départ pour Berlin, à la demande de la Fédération d’athlétisme sud-africaine. Sans aucun accompagnement, elle se retrouve seule face à un médecin qui lui apprend qu’elle n’est pas convoquée pour un test anti-dopage, mais pour un test de vérification de son sexe. Ce médecin est un homme, ce qui n’est évidemment pas anodin pour une jeune femme originaire d’un village reculé qui n’a jamais subi d’examen gynécologique. Il regarde ses organes génitaux (sans la toucher), lui fait une échographie abdominale et une prise de sang. Il lui explique que bien qu’étant née fille, elle n’est pas « faite » comme beaucoup d’autres femmes et qu’il n’est pas certain qu’elle puisse participer aux championnats du monde58. A Berlin, c’est la veille de la finale, pendant son jour de repos, qu’elle est convoquée par la Fédération internationale d’athlétisme pour un contrôle médical. Cette dernière a essayé de faire pression sur la délégation sud-africaine pour que Caster Semenya se retire de son propre chef, mais elle a refusé. Un contrôle anti-dopage a déjà eu lieu et est négatif. Dans son autobiographie parue en 2023, Caster Semenya évoque pour la première fois ce qui s’est passé dans cet hôpital berlinois. Dans un lieu aseptisé, aux odeurs inconnues, dans une blouse médicalisée, entourée de médecins parlant allemand, avec un traducteur qui ne disait pas grand-chose, elle retrouve pour la première fois sur une table gynécologique avec un médecin qui lui palpe les organes génitaux. L’échographie qu’on lui impose implique une pénétration et la description qu’elle en fait est insoutenable59.

  7. Des recherches importantes menées en sciences sociales établissent combien les « tests de féminité » participent au contrôle des corps des femmes avec un arsenal de pratiques humiliantes, iniques et partiales60. Si les femmes se sont progressivement frayé un chemin dans le monde des sports au prix de nombreuses luttes, les discriminations de genre y sont encore nombreuses61. Les contrôles médicaux imposés aux athlètes d’élite pour concourir dans la catégorie féminine restent l’une des différences de traitement majeures à l’égard de celles qui ne performent pas suffisamment la féminité. Des femmes qui ne restent pas « à leur place » de femmes dans un monde qui n’est toujours pas complètement le leur62. L’histoire des « tests de féminité », ponctuée de violences de genre et d’injustices, fait totalement vaciller le récit de la Fédération internationale d’athlétisme : ce à quoi doit ressembler une femme, qui plus est une athlète de haut niveau, ne va pas de soi. Les fissures qui apparaissent dans le discours officiel ne concernent pas uniquement Caster Semenya. Elles font écho à l’expérience de nombreuses sportives qui font toujours face à l’emprise des normes de genre pour pratiquer leur discipline sans être la cible d’attaques sexistes, de pressions de leurs sponsors ou de contrôles intrusifs des instances sportives.

III. Le retournement : quand les positions du « fort » et du « faible » s’inversent

  1. L’image de Caster Semenya, projetée par la Fédération internationale d’athlétisme et reprise par les médias, est celle d’une athlète sortie de nulle part, qui survole ses courses63 en écrasant sans efforts ses adversaires, comme une « machine » inarrêtable. Elle incarne une force à ce point hors norme qu’elle en devient inquiétante pour des rivales au physique qualifié de « maigrichon », totalement « impuissantes » et désarmées face à elle. C’est au nom de la protection de ces femmes-là, pour faire respecter les fondements d’une compétition équitable, que la Fédération international d’athlétisme justifie l’ostracisation de Caster Semenya en la renvoyant à des formes d’inhumanité. La signature du cobra que Caster Semenya inaugure après sa victoire à Berlin renforce encore la part d’animalité chez cette athlète qui incarne un être « trop » puissant pour être une femme. Cette signature, elle l’avait préparée à Prétoria, après sa sélection pour Berlin, afin d’être à la hauteur de l’enjeu qu’elle affrontait. Elle choisit le cobra à dessein. Il vit près d’où elle a grandi. C’est un animal dangereux. Il surgit, il frappe et il ne laisse aucune chance à ses adversaires64.

  2. La Fédération internationale d’athlétisme a cultivé cette image d’animalité chez Caster Semenya en déclarant de manière brutale qu’elle n’était pas à « 100 % » une femme. Le terme d’« hermaphrodite » repris par de nombreux médias renvoie à l’imaginaire du « monstre ». Un « monstre bien troublant » qui « met du désordre dans le monde, et dans le système classificatoire qui l’organise »65. Un corps dans lequel « deux sexes » seraient réunis, ce qui relève plus du fantasme que de la réalité puisque les caractéristiques sexuées associées aux corps féminin et masculin ne fusionnent jamais dans un seul être humain. Nombreuses sont les personnes intersexes qui rejettent le terme d’« hermaphrodite » pour la signification étroite qu’il a acquise dans un monde médical soucieux de déterminer le « vrai » sexe des individus66 et donc, de multiplier les traitements médicamenteux ou les opérations chirurgicales de « normalisation » ou de « conformation ». Le plus souvent pratiqués sans nécessité thérapeutique, ces traitements constituent des atteintes graves au droit à l’intégrité corporelle67. Même si Caster Semenya recevra de nombreuses marques de soutien à travers le monde, émanant de personnes dont le corps ou l’identité ne peut être réduit à une classification binaire des sexes et des genres68, elle a toujours refusé, pour elle-même, l’étiquette de personne intersexuée en répétant qu’elle est une femme et qu’il y a de nombreuses manières de l’être.

  3. D’autres récits se déploient rapidement pour contrer la rhétorique de la monstruosité. Ils vont modifier la cartographie des rapports de force et surtout retourner les positions du « fort » et du « faible » qui s’étaient cristallisées. Caster Semenya va recevoir un soutien politique indéfectible en Afrique du Sud. Elle est accueillie de manière triomphale à l’aéroport OR Tambo de Johannesburg par des milliers de supporters. Le président, Jacob Zumba, qui dénonce « l’humiliation » subie par la championne du monde sud-africaine, et Nelson Mandela, qui connaît le poids du sport pour faire céder les barrières raciales et lutter contre les discriminations69, la félicitent personnellement70. De nombreuses pancartes vantent son talent sportif et sa condition de femme à 100 %. Elle est aussi célébrée pour ce qu’elle incarne : une très jeune femme qui a grandi dans une des régions les plus pauvres d’Afrique du Sud où vivent en majorité des personnes noires, une adolescente qui a fait ses premières compétitions nationales pieds nus et qui s’est hissée au plus haut niveau avec une volonté d’acier, une petite fille qui a poursuivi ses rêves pour devenir championne du monde. L’authenticité brute de sa déclaration qu’elle fait à la tribune ce jour-là à l’invitation du président Zumba, la première déclaration publique depuis sa course victorieuse à Berlin, parle d’elle-même : « I took a lead in the last 400 and I killed them. They couldn’t follow the race. It was good, man. I saw gold at the last 200 »71. Le slogan « our golden girl » est brandi à travers le pays72. Le terme « enfant » est repris par Winnie Madikizela Mandela, ex-femme de l’ancien président, récemment élue au parlement sur la liste de l’ANC (African National Congress) ; elle martèle qu’il est de la responsabilité de l’Afrique du Sud « de se mobiliser pour cette enfant » et de « dire au reste du monde l’héroïne qu’elle est ». Caster Semenya est une « victime innocente » et il est incompréhensible qu’une « personne saine d’esprit puisse reprocher à cette enfant une condition biologique qu’elle n’a pas produite »73. La ministre sud-africaine des femmes, des enfants et des personnes en situation de handicap, Noluthando Mayende-Sibiya, parle des « droits humains violés de l’enfant du pays » et du « devoir » de toutes et de tous de la soutenir et de garder la tête haute. Et la ministre de l’Intérieur, Nkosazana Dlamini Zuma, d’inviter tous les Sud-Africains, « et particulièrement les femmes » à faire bloc derrière Caster Semenya74.

  4. L’affaire Caster Semenya devient une affaire d’État sur fond d’accusation de sexisme, mais également de racisme75. Née en 1991, l’année de l’abrogation de la dernière loi raciale en Afrique du Sud qui marque la fin de l’apartheid, l’histoire de Caster Semenya entre en résonance avec celle d’un pays où la loi exigeait que chaque habitant soit classé et enregistré en fonction de ses caractéristiques raciales76. A l’époque, c’est le Bureau de la classification raciale, dans lequel opéraient des agents recenseurs blancs chargés du classement, qui décidait de la vie d’une personne : les lieux dans lesquels elle pouvait résider, avec qui elle était autorisée à avoir des relations intimes, quelles écoles elle pouvait fréquenter, quelle était l’étendue de sa liberté de circulation, sa capacité de voter, etc. Cette décision n’était jamais acquise et pouvait être revue au fil des différents recensements. Votre monde pouvait donc basculer du jour au lendemain parce que vous ne rentriez plus dans la catégorie des « blancs » mais des « colored people », c’est-à-dire des personnes considérées comme métisses en raison d’une ascendance « mixte »77. Dans un étrange effet miroir qui ne pouvait pas laisser la classe politique au pouvoir, unie dans sa lutte contre l’apartheid, indifférente, la vie de Caster Semenya a basculé quand des instances sportives internationales et des médecins occidentaux, incarnés par des « hommes blancs », ont unilatéralement modifié sa catégorie d’appartenance : ce n’était plus une femme, mais un « hermaphrodite », voire un « mâle biologique ».

  5. Le soutien politique dont Caster Semenya bénéficie va naturellement s’appuyer sur des ressources juridiques. L’Afrique du Sud est une démocratie qui s’est construite, dans les années 1990, sur une Constitution où le principe de non-discrimination occupe une place centrale, avec un rôle majeur joué par la Cour constitutionnelle pour garantir la protection des droits fondamentaux. Dès septembre 2009, la situation de Caster Semenya est portée à la connaissance des Nations unies, et plus particulièrement de son département chargé de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes78. La ministre sud-africaine des femmes, des enfants et des personnes en situation de handicap lui demande officiellement « d’enquêter sur cette affaire qui a de fortes conséquences sur la participation des femmes dans le sport à un niveau mondial ». Elle insiste sur les atteintes à la dignité humaine de Caster Semenya, sur le défaut de transparence des procédures suivies par la Fédération internationale d’athlétisme, ainsi que sur le rôle joué par « une vision stéréotypée des caractéristiques physiques et des capacités attribuables aux femmes » dans ces procédures79. Dans la foulée, un cabinet d’avocats international réputé annonce qu’il est désormais chargé de représenter les intérêts de Caster Semenya et la défense de ses droits face à la Fédération internationale d’athlétisme. Sa défense est assurée pro bono au motif que le sort de cette jeune athlète est un sujet de préoccupation majeure, non seulement pour les Sud-Africains, mais aussi pour toute personne que l’injustice révolte. Et d’ajouter : « The world will be watching »80.

IV. Le dévoilement des violences institutionnelles : l’entre-soi du sport international et de son tribunal arbitral

  1. Suite à la victoire de Caster Semenya à Berlin, la Fédération internationale d’athlétisme reconnaît être coincée : comme celle-ci n’a pas « triché », qu’elle est « naturellement faite comme cela », il est « extrêmement difficile » juridiquement de lui retirer sa médaille d’or81. Alors qu’une décision est annoncée pour novembre 200982, soit trois mois après les championnats du monde, Caster Semenya devra attendre onze mois pour connaître le sort que l’instance sportive internationale lui réserve. Elle ne quitte plus le Centre de Haute performance de l’Université de Prétoria et certains craignent pour sa santé mentale.

  2. Dans la foulée, la Fédération internationale d’athlétisme adopte, en 2011, une première réglementation relative à l’éligibilité des femmes souffrant d’hyperandrogénie dans les compétitions réservées aux femmes (dit règlement DSD)83. Elle prévoit la procédure à suivre pour les experts médicaux. Il s’agit, d’une part, de déterminer « des signes cliniques de virilisation (apparence physique, profondeur de la voix, pilosité, etc.), des caractéristiques génitales (hypertrophie clitoridienne) et des informations anamnestiques » (c’est-à-dire d’ordre psychologique). D’autre part, le seuil maximal de testostérone est fixé à 10 nanomoles par litre de sang84 pour participer à toutes les compétitons féminines85. Les athlètes doivent maintenir leur taux de testostérone à ce niveau sans que les traitements appropriés pour ce faire ne soient bien établis. Elles doivent également en supporter le coût. Les effets secondaires d’un traitement hormonal, qui a parfois été qualifié de « dopage à l’envers », sont importants, et les risques pour la santé sont loin d’être négligeables. L’Association médicale mondiale s’est notamment insurgée contre les réglementations sportives internationales qui demandent aux médecins de prescrire une médication hormonale sans nécessité thérapeutique86. Caster Semenya doit suivre une hormonothérapie pendant plusieurs années dont elle dénoncera les effets secondaires en justice87.

  3. En 2014, cette réglementation est attaquée devant le TAS par Dutee Chand, une sprinteuse indienne, suspendue des compétitions à la suite de contrôles initiés par sa fédération d’athlétisme nationale. Créé en 1984 par le Comité international olympique, le TAS a son siège à Lausanne, car le droit suisse est jugé favorable à l’arbitrage88. Cette instance gère aujourd’hui des centaines de conflits juridiques par an, opposant, par exemple, un athlète à l’agence antidopage, un footballeur à un club de football ou un club de football à la FIFA. Dans ces deux derniers cas, les enjeux financiers sont colossaux. Toutes les fédérations internationales obligent « leurs » athlètes à accepter une clause d’arbitrage en cas de litige89, alors que l’indépendance du TAS par rapport à ces fédérations, ainsi que le manque de transparence de ses procédures, sont dénoncées depuis des années90. La sentence arbitrale rendue dans l’affaire Dutee Chand par le TAS en 2015, à la suite de nombreuses auditions d’experts, fait l’effet d’une bombe : le règlement DSD est suspendu et la Fédération internationale d’athlétisme a deux ans pour présenter des preuves scientifiques de nature à établir « la relation quantitative entre des niveaux de testostérone élevés et l’amélioration de la performance athlétique des athlètes hyperandrogènes concernées »91.

  4. Après cette décision de suspension, l’entre-soi du sport international est vivement dénoncé. Ce phénomène s’incarne, par exemple, dans la personne de Stéphane Bermon, un médecin du sport qui travaille à l’Institut Monégasque de Médecine et de Chirurgie du Sport et qui a été « membre de la Commission Médicale et Antidopage de l’IAAF […] de 2005 à 2014 où il a coordonné, entre autres, le groupe de travail sur l’hyperandrogénie et le transsexualisme chez la sportive de haut niveau »92. Il a aussi participé à un groupe de travail du même nom rattaché au Comité international olympique. Avec le docteur Pierre-Yves Garnier, il a publié une étude dans le British Journal of Sports Medicine qui a été financée par la Fédération internationale d’athlétisme et par l’Agence mondiale anti-dopage à la suite de la suspension du Règlement DSD par le TAS93. Selon cette étude, les athlètes femmes hyperandrogènes bénéficieraient d’un avantage sportif de 1,8 à 4,5 % pour certaines épreuves94. Ces résultats ont été sévèrement contestés par trois chercheurs indépendants rattachés à trois universités différentes situées sur trois continents (USA, Afrique du sud et Norvège). Ils qualifient les résultats obtenus par les médecins commissionnés par les instances sportives de non fiables et ils dénoncent le manque d’intégrité scientifique de l’étude qui a été menée dans l’objectif de soutenir la règlementation de la Fédération internationale d’athlétisme relative à l’exclusion des athlètes hyperandrogènes95. D’autres recherches scientifiques attestent la grande variété des profils endocriniens des athlètes de haut niveau et de la difficulté à mesurer l’avantage tiré d’un taux de testostérone élevé, avec l’obtention de résultats contre-intuitifs comme, par exemple, des concentrations faibles de testostérone trouvées dans le sang d’haltérophiles (hommes) aux jeux olympiques96. Ceci n’a pas empêché la Fédération internationale d’athlétisme de choisir le docteur Pierre-Yves Garnier pour témoigner dans l’affaire Dutee Chand97, ni de continuer dans la même voie en adoptant, en 2018, un nouveau règlement abaissant le seuil admissible de testostérone à 5 nanomoles par litre de sang, et ce pour certaines épreuves spécifiquement visées, à savoir les courses sur des distances comprises entre 400 et 1500 mètres98. C’est dans ce contexte que Caster Semenya a saisi le TAS pour dénoncer le caractère discriminatoire de ce règlement qui paraît avoir été taillé sur mesure pour elle99. Le 30 avril 2019, deux des trois arbitres saisis du recours ont jugé que « la discrimination est nécessaire, raisonnable et que les moyens utilisés pour atteindre l’objectif du maintien de l’intégrité de l’athlétisme féminin sont proportionnés »100. Il est frappant de constater qu’au terme des 160 pages de cette sentence arbitrale, aucune explicitation du motif de discrimination visé ne soit faite, ni aucune référence au droit international et européen des droits humains en la matière101. Despina Mavromati, une avocate renommée spécialisée dans le droit international du sport et qui a rempli le rôle d’arbitre pour le TAS dans d’autres affaires, concédait sans autre précision que « la justice arbitrale […] trouve ses limites […] dans des affaires très complexes, comme le cas de Caster Semenya »102.

  5. Le jour de l’ouverture des mondiaux d’athlétisme à Doha, le 27 septembre 2019, auxquels Caster Semenya ne peut pas participer car elle refuse de se soumettre à nouveau à des traitements hormonaux délétères pour sa santé, la chaîne de télévision publique allemande ARD diffuse un documentaire édifiant. Deux athlètes hyperandrogènes, originaires à nouveau du Sud global témoignent de la gonadectomie qu’elles ont subies en 2012 avec des conséquences dramatiques pour leur santé physique et psychique103. La coureuse de demi-fond ougandaise, Annet Negesa le fait à visage découvert et rapporte, de manière bouleversante, comment, à l’initiative de la Fédération internationale d’athlétisme, après avoir été écartée des jeux olympiques de Londres en raison d’un taux de testostérone trop élevé à l’âge de 20 ans, elle se rend à Nice pour des analyses médicales (auscultation physique, échographie, analyse de sang et IRM). Elle est ensuite référée à un hôpital ougandais où elle est opérée quelques semaines plus tard, en novembre 2012. Dans l’intervalle, une responsable de sa fédération nationale d’athlétisme lui recommande de rester discrète, car les médias pourraient tenter de la contacter pour comprendre les raisons pour lesquelles elle n’a pas participé aux jeux olympiques. L’acte médical lui avait été présenté comme « une opération très simple - comme une injection » qui lui permettrait de concourir à nouveau104. Elle se réveille avec deux entailles en bas de l’abdomen et les documents de sortie de l’hôpital mentionnent l’ablation de testicules internes… et une clitoridectomie. Sa carrière de sportive s’achève brutalement, car elle est incapable de reprendre les entraînements105. En droit international des droits humains, cela équivaut, déjà en 2012, à une « pratique préjudiciable », dénoncée par plusieurs comités des Nations unies, dont le Comité contre la torture, au même titre que les opérations dites de « normalisation » ou de « conformation » pratiquées le plus souvent sur des enfants intersexués sans nécessité thérapeutique106. Alors que la Fédération internationale d’athlétisme a toujours réfuté avoir recommandé ou financé son opération, Annet Negesa montre à la caméra des documents officiellement estampillés dans lesquels le docteur Stéphane Bermon et le chirurgien qui l’a opérée décident ensemble de ne pas lui administrer un traitement postopératoire d’œstrogènes, pourtant nécessaire pour lui éviter des douleurs articulaires107.

  6. Un des effets largement passé sous silence des politiques poursuivies par la Fédération internationale d’athlétisme est le drame personnel que vivent les athlètes exposées aux yeux du monde comme des bêtes curieuses. Parfois rejetées par leur famille ou leur communauté, elles peuvent également être la proie de menaces et de violences. Annet Negesa n’a eu d’autre choix que de quitter son pays, l’Ouganda, et de rejoindre l’Allemagne où elle a obtenu l’asile politique108.

Conclusion : (en)cadrer la question de l’égalité

  1. Appréhender le litige qui oppose aujourd’hui Caster Semenya à la Suisse devant la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme par différentes voies d’entrée qui relèvent de la typologie de « l’affaire », plutôt que du cas d’espèce, permet non seulement de l’envisager dans toute sa complexité, mais également de cadrer les enjeux juridiques qui s’y jouent. Même si la Cour est saisie d’un « cas » particulier et a vocation à le trancher de manière spécifique, elle ne peut négliger une situation caractérisée d’effacement des droits fondamentaux de certaines sportives qui s’organise à partir du continent européen. La Suisse, qui abrite le TAS, ne peut se réfugier derrière un contrôle marginal d’une sentence arbitrale qui s’affranchirait de celui du respect des droits humains, d’autant que les normes en causes sont produites par une institution de droit privé établie en Europe. La Fédération internationale d’athlétisme a, en effet, son siège à Monaco, un État membre du Conseil de l’Europe depuis 2004. Comme le souligne le juge Pavli de manière éclairante, « il convient de rappeler qu’à l’exception de toute abstraction d’ordre général, la présente affaire porte sur une forme de discrimination horizontale fondée sur le sexe et les caractéristiques biologiques permanentes de la personne concernée. Prenons le scénario suivant : une société privée impose soudainement à toutes ses employées de sexe féminin dont le corps n’est pas considéré, au regard de certains critères choisis par la société, comme ‘suffisamment féminin’ pour sa marque de subir certains traitements ou procédures médicaux ‘correctifs’, faute de quoi elles perdront leur emploi. Je ne peux croire que de telles politiques ne rencontreraient pas de sérieuses difficultés devant la justice dans l’Europe actuelle. Or le Tribunal fédéral [suisse]semble avoir fortement minimisé cet aspect de l’affaire »109.

  2. Ce litige ne peut être réduit à un cas difficile qui se contenterait d’opposer le droit à l’égalité des chances des sportives face au droit à la non-discrimination des athlètes hyperandrogènes et que l’on pourrait résoudre par une mise en balance de leurs intérêts respectifs. Limiter le contrôle en s’interrogeant sur le caractère justifié d’une différence de traitement entre des catégorie de femmes (les femmes hyperandrogènes vs. les femmes non hyperandrogènes) en occulte une dimension centrale : celle du genre. Or, la grille d’analyse qu’offre la « forme affaire » montre de manière éclatante que c’est avant tout une question d’égalité des femmes par rapport aux hommes qui se joue ici. Seules les femmes sont soumises à des procédures de vérification de leur sexe dont l’histoire atteste qu’ils ne reposent pas sur des données scientifiques solides, mais qu’ils perpétuent des stéréotypes de genre en rejouant, au gré d’une succession de critères, des accusations de virilisation. Ces procédures conduisent à nier l’identité avec laquelle ces femmes ont grandi et se sont construites pour les faire basculer dans une catégorie de « mâle biologique » qui mène à leur ostracisation. Seules des femmes sont épinglées pour des caractéristiques génétiques particulières110, souvent confondues avec des formes de dopage, alors que leurs homologues masculins sont célébrés pour leurs prouesses hors normes, indépendamment de leurs caractéristiques génétiques et hormonales particulières dont on sait qu’elles peuvent pourtant procurer un avantage sportif significatif111. Dans ce contexte, il importe de se poser sérieusement la question de savoir si la régulation des taux de testostérone des athlètes hyperandrogènes est bien adéquate et nécessaire pour préserver l’égalité des chances des athlètes féminines. Ce marqueur de la testostérone doit être évalué à l’aune d’autres caractéristiques génétiques de nature à procurer un avantage sportif112. Il doit être confronté à une réalité que les valeurs de l’olympisme tendent à faire oublier : le sport de haut niveau est fondamentalement injuste. Les performances ne sont jamais uniquement tributaires de la sueur versée aux entraînements, mais dépendent avant tout de considérations socio-économiques.

  3. Par ailleurs, cette question de l’égalité des sexes est travaillée par des considérations raciales, comme le montrent les formes de violences institutionnelles qui ont pu être dévoilées à l’égard d’athlètes du Sud global. Il est crucial pour la Cour européenne d’examiner l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur la race, sachant qu’il s’agit d’une « forme de discrimination particulièrement odieuse » qui, « compte tenu de ses conséquences dangereuses […] exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités »113. Faire l’impasse de cet examen revient à nier un aspect fondamental de l’affaire Caster Semenya, d’ailleurs dénoncé par plusieurs parties intervenantes devant la Cour européenne114.

  4. Écartées en douce des compétitions, soumises à des traitements sans nécessité thérapeutique et préjudiciables pour leur santé, les athlètes hyperandrogènes ont été réduites au silence et confrontées à la peur d’être l’objet d’un scandale qui mette en cause leur qualité de femme, voire leur statut d’être humain. Elles ont toutefois trouvé une voix dans les combats juridiques menés, d’abord par Dutee Chand, et ensuite par Caster Semenya. Ces combats s’inscrivent dans la lutte des femmes pour prendre leur place dans un monde – ici le monde sportif – dont elles ont d’abord été totalement exclues, avant de s’y faire progressivement une place. Même si les progrès sont notoires et que les discriminations à l’encontre des sportives sont peu à peu dénoncées, des angles morts majeurs demeurent. L’affaire Caster Semenya permet de dévoiler l’un des prix forts payés par les femmes pour participer au sport de haut niveau : placer leur corps (et leur intimité tout entière) sous la haute surveillance de World Athletics et du Comité international olympique. L’on ne parle pas ici de contrôles anti-dopage, mais de réglementations qui définissent ce qu’est une « vraie » femme et instaurent des procédures de contrôle qui s’imposent à toutes. Celles-ci sont actionnées par la perpétuation des vision stéréotypées de l’apparence des femmes, de leur comportement ou de leur performance. Une police du genre est assurée par un système aux réservoirs multiples de violence qui combine des formes dissimulées de profilage, du harcèlement, des expérimentations médicales et l’exploitation de la vulnérabilité de celles pour qui l’accès au sport de haut niveau est une voie d’émancipation. La partie en situation de force dans ce système n’est pas l’athlète dont la puissance est caricaturée au point d’en devenir contre-nature, voire monstrueuse, parce qu’elle ne peut être incarnée par une femme. Si puissance il y a, c’est bien celle des instances sportives qui sont parvenues à s’organiser d’une manière redoutable : elles édictent leur propre réglementation ; elles en contrôlent les assises scientifiques ; elles l’imposent avec le soutien des fédérations nationales qui leur sont dépendantes ; elles conservent le quasi-monopole de la gestion des conflits par des clauses d’arbitrage obligatoires en tentant de s’affranchir du respect du droit international et européen droits humains. Le système de l’ordre sportif repose sur un entre-soi digne d’un autre temps, dissimulé sous des formules creuses qui prônent la participation de chacun et de chacune sans discrimination, tout en déclinant encore la devise de l’Olympisme (« plus vite, plus haut, plus fort ») au masculin. L’on ne peut qu’appeler la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme à prendre la mesure de « l’affaire » qu’elle doit trancher et de ne pas tomber dans le même écueil que le TAS qui, en 2019, l’a réduite à un dilemme.

  5. A l’heure d’écrire ces lignes, les jeux olympiques viennent de s’achever à Paris et des athlètes hyperandrogènes ont été à nouveau au centre de controverses particulièrement violentes. Le soutien du Comité international olympique pour les boxeuses Imane Khelif et Lin Yu-ting tranche avec les déclarations de la Fédération internationale d’athlétisme à l’égard de Caster Semenya il y a 15 ans. C’est une « question de justice » nous dit son président : « les femmes ont le droit de participer aux compétitions féminines »115. On ne peut que s’en réjouir, tout en précisant que le contexte institutionnel est très différent : la mise au ban de la Fédération internationale de boxe du mouvement olympique pour corruption, en 2023116, signifie que ses décisions traitant ces athlètes de « mâles biologiques » pour les disqualifier sont dépourvues d’effets. Ce sont bien les fédérations internationales qui sont habilitées à adopter, si elles le jugent nécessaire au regard des spécificités de leur discipline, des règles d’éligibilité pour participer à la catégorie féminine. A défaut, le Comité international olympique ne peut pas, même s’il le voulait, mettre en doute leur qualité de femme117.

Isabelle Rorive, professeure à la Faculté de Droit et de Criminologie, Centre Perelman et Equality Law Clinic, Université Libre de Bruxelles

Références


  1. Mokgadi (« celle qui guide ») est son prénom pedi, celui de sa grand-mère maternelle, qui est utilisé notamment par sa famille et les membres du village où elle a grandi. Caster est son prénom anglais par lequel elle est connue dans le monde du sport et sur la scène internationale. Elle a raconté son histoire dans : The Race to be myself, Penguin Random House, 2023.↩︎

  2. Elsa Dorlin, « Du sexe musculaire au genre de la testostérone », préface in Anaïs Bohuon, Catégorie “dames”. Le test de féminité dans les compétitions sportives, éd. iXe, 2012, p. 13 ; Jaime Schultz, « Caster Semenya and the ‘Question of Too’ : Sex testing in elite women’s sport and the issue of advantage », Quest, 2011, vol. 63, n° 2, p. 228-243.↩︎

  3. Aurélie Olivesi, « From the implicit to aporia. The specificities of the Caster Semenya as a “discursive moment” » et Sandy Montañola, « From sports to science, rhetorical and power issues in the media coverage of Caster Semenya », in Sandy Montañola et Aurélie Olivesi (dir.), Gender testing in sport. Ethics, cases and controversies, Routledge, 2016, p. 89-100 et p. 118-149. V. aussi Bernard Cros, « ’He is a woman !’ : Transparence, opacité et visibilité du corps intersexe dans le sport : Le cas de Caster Semenya », in Florence Binard et Guyonne Leduc (dir.), Genre(s) et transparence, L’Harmattan, 2016, p. 121-143.↩︎

  4. La Fédération internationale d’athlétisme, remplacée par World Athetics en 2019, est désignée par l’acronyme anglais IAAF (International Association of Athletics Federations). Cette fédération sportive internationale est chargée de régir les fédérations nationales d’athlétisme et d’organiser les compétitions internationales mondiales. Il s’agit d’une organisation de droit privé établie à Monaco.↩︎

  5. Règlement de l’IAAF régissant la qualification des femmes présentant une hyperandrogénie pour leur participation dans les compétitions féminines, adopté le 12 avril 2011 par le Conseil de l’IAAF et entré en vigueur 1er mai 2011 ; Règlement de l’IAAF régissant la qualification dans la catégorie féminine (pour les athlètes présentant des différences du développement sexuel), publié le 23 avril 2018 et entré en vigueur le 1er novembre 2019 ; Règlement de World Athletics régissant l’admissibilité à concourir dans la catégorie féminine (athlètes présentant des différences du développement sexuel), adopté par le Conseil le 23 mars 2023 et entré en vigueur le 31 mars 2023. Au fil de ces règlements, le seuil maximal de testostérone est passé de 10 à 5 et finalement à 2,5 nanomoles par litre de sang (avec des exceptions médicales) et a été appliqué à toutes ou à certaines épreuves spécifiquement visées.↩︎

  6. Enfant, Caster Semenya a été tenue aux travaux manuels réservés aux filles dans le programme scolaire : du tricot et de la couture, alors qu’elle lorgnait sur les activités de jardinage plus ludiques réservées aux garçons. Surtout, à l’âge de 12 ans, elle a dû quitter son village, ses parents et sa fratrie pour rejoindre la famille d’une grand-tante qui élevait seule plusieurs garçons. Comme elle l’écrira, « I instinctively understood she needed a girl child to do traditional girl things », in The Race to be myself, op. cit., p. 59).↩︎

  7. La rhétorique du « biological male » a été utilisée pour la première fois par l’IAAF devant le TAS lors de l’examen du recours introduit par Caster Semenya à l’égard des athlètes femmes avec un caryotype 46 XY (sentence arbitrale du 30 avril 2019 mentionnée ci-dessous à la note 9, § 51). V. aussi les nombreux articles dans les médias qui ont catégorisé biologiquement Caster Semenya comme étant un « 46, XY male with a DSD » : Hilary Bowman-Smart, Julian Savulescu, Michele O’Connell & Andrew Sinclair, « World Athletics regulations unfairly affect female athletes with differences in sex development », Journal of the Philosophy of Sport, 2024, n°51, vol. 1, p. 41.↩︎

  8. Cette possibilité est purement théorique dans la mesure où la différence des performances en athlétisme de haut niveau entre les hommes et les femmes est substantielle (10-12 %) : V. David J. Handelsman, « Sex differences in athletic performance emerge coinciding with the onset of male puberty », Clinical Endocrinology, 2017, vol. 87, n° 1, p. 68-72. Ce n’est pas le cas de toutes les disciplines sportives : v. notamment l’enquête de Christine Ro, « Les sports où les femmes sont plus performantes que les hommes », BBC News Afrique, 3 août 2024.↩︎

  9. TAS, 24 juillet 2015, Dutee Chand v. Athletics Federations of India (AFI) & The International Association of Athletics Federations (IAAF), CAS 2014/A/3759.↩︎

  10. TAS, 30 avril 2019, Mokgadi Caster Semenya v. International Association of Athletics Federations (IAAF), CAS 2018/O/5794 et Athletics South Africa v. International Association of Athletics Federations (IAAF), CAS 2018/O/5798.↩︎

  11. Trib fédéral Suisse, 1re Cour de droit civil, 25 août 2020, 4A_248 /2019 et 4A_398/2019.↩︎

  12. Ibid., § 9.1 (v. aussi § 5.2.1).↩︎

  13. Ibid., § 9.4.↩︎

  14. Saisis de griefs dénonçant une interdiction des traitements inhumains et dégradants (article 3 CEDH), une atteinte au droit au respect de la vie privée (article 8 CEDH), une violation du principe de non-discrimination (article 14 CEDH combiné aux articles 3 et 8 CEDH), ainsi que le non-respect des garanties du procès équitable (article 6 CEDH) et du droit à un recours effectif (article 13 CEDH), dix-sept juges de la Cour européenne des droits de l’homme réunis en grande chambre devraient rendre un nouvel arrêt dans les premiers mois de l’année 2025. L’audience s’est tenue le 15 mai 2024 en présence de Caster Semenya. Son enregistrement est disponible sur le site HUDOC.↩︎

  15. Cour EDH, 3e sect., 11 juillet 2023, Semenya c. Suisse, req. n° 10934/21, § 201. Le terme « DSD » renvoie à un acronyme anglais visant les « disorders of sexual development ». Pour des observations sur cet arrêt v. notamment Audrey Boisgontier et Clément Lanier, « La victoire de Caster Semenya devant la CEDH, un premier relais pour la protection des droits des athlètes intersexuées ? », La Revue des Droits de l’Homme, 2023, n° 23 [en ligne] ; Julie Mattiussi, « Discrimination d’une athlète intersexe : la percée des droits humains en milieu sportif », D. 2023, p. 1684 ; Eleanor Drywood, « Caster Semenya’s legal victory is significant for human rights, but doesn’t necessarily mean she’ll be able to compete again – her’s why », The Conversation, 14 juillet 2023 [en ligne].↩︎

  16. Cour EDH, 3e sect., 11 juillet 2023, Semenya c. Suisse, préc. 21, § 192.↩︎

  17. Ibid., § 157.↩︎

  18. Ibid., § 159.↩︎

  19. TAS, Semenya précité, 2019, § 460 (souligné par nous). Notre traduction : « This case […] involves a collision of scientific, ethical and legal conundrums. It also involves incompatible, competing, rights. It is not possible to give effect to, or endorse, one set of rights without restricting the other set of rights. Put simply, on one hand is the right of every athlete to compete in sport, to have their legal sex and gender identity respected, and to be free from any form of discrimination. On the other hand, is the right of female athletes, who are relevantly biologically disadvantaged vis-à-vis male athletes, to be able to compete against other female athletes and not against male athletes and to achieve the benefits of athletics success, such as positions on the podium and consequential commercial advantages. This right of competition is often described (also not so easily defined) as the right to compete on a ‘level playing field’ ». Notez que la traduction reprise dans l’arrêt de la 3e section de la Cour EDH est légèrement différente et omet le passage « and not against male athletes » (§ 17) : « La présente cause soulève différentes questions scientifiques, juridiques et éthiques. Des intérêts divergents s’affrontent. Il est impossible de mettre en œuvre certains droits sans en restreindre d’autres. D’une part, chaque athlète a le droit de concourir, de voir son sexe légal et son identité de genre respectés et de ne pas subir une quelconque forme de discrimination. D’autre part, les athlètes féminines, qui sont biologiquement désavantagées par rapport aux sportifs masculins, ont le droit de pouvoir se mesurer à d’autres athlètes féminines et de bénéficier des avantages de la réussite sportive, tels que les places sur le podium et les gains qui en résultent […] ».↩︎

  20. Eva Brems dir., Conflicts between fundamental rights, Intersentia, 2008 ; Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive, Human Rights Tectonics. Global dynamics of integration and fragmentation, Intersentia, 2018.↩︎

  21. L’expression anglaise « level playing field » fréquemment utilisée par les instances sportives est très parlante. Associée aux notions d’équité et de justice, elle évoque des sports qui se jouent sur un terrain. Ainsi, au rugby, une équipe aurait un avantage injuste si le terrain était en pente. V. Leslie Francis, The Metaphor of a “Level Playing Field” in Games and Sports, in Thomas Hurka (dir.),Games, Sports, and Play : Philosophical Essays, Oxford University Press, 2019 ; Erin Buzuvis, « Caster Semenya and the myth of a level playing field », The Modern American, 2011, vol. 6, p. 36.↩︎

  22. Clémence Seurat et Thomas Tari (dir.), Controverses. Mode d’emploi, Presses de Sciences Po, 2021, avec la préface de Bruno Latour qui rappelait qu’« un fait isolé est faible, il a besoin d’être situé dans une société et dans un écosystème pour devenir robuste », p. 19.↩︎

  23. La controverse avait été formulée comme suit : « Les sportives hyperandrogynes doivent-elles concourir avec les femmes ? », v. : https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo15/promo15_G12/www.controverses-minesparistech-8.fr/_groupe12/index.html.↩︎

  24. Marie-Xavière Catto et Julie Mazaleigue-Labaste, La bicatégorisation de sexe. Entre droit, normes sociales et sciences biomédicales, Mare & Martin, 2021 ; Réjane Sénac, « Le droit à l’épreuve des dilemmes de l’égalité : de la catégorisation sexuée binaire à l’état civil », in Charles Bosvieux-Onyekwelu et Véronique Mottier (dir.), Genre, droit et politique, LGDJ, 2022 ; p. 173-189 ; Olivia Bui-Xuan, Le(s) droit(s) à l’épreuve de la non-binarité, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, 2023 ; Nikoletta Pikramenou, Intersex rights. Living between sexes, Springer, 2019.↩︎

  25. La « forme affaire » renvoie ici aux travaux de d’Elisabeth Claverie et de Luc Boltanski sur les dénonciations de situations d’injustice. Cette anthropologue et ce sociologue l’ont notamment conceptualisée dans le contexte, pour l’une, de procès pénaux qui ont marqué l’histoire des derniers siècles, et, pour l’autre, de situations ordinaires de la vie sociale contemporaine. Leurs travaux sur la « structure mythique » de l’affaire m’ont servi de grille d’analyse pour rendre compte du « cas » Caster Semenya de manière non clivée, en dépassant l’opposition entre les « droits » de cette athlète et ceux de ses concurrentes. V. notamment Elizabeth Claverie, « Procès, affaire, cause. Voltaire et l’innovation critique », Politix, 1994, vol. 7, n° 26, p. 76-85 ; Elizabeth Claverie, « La naissance d’une forme politique : l’Affaire du Chevalier de La Barre », in Philippe Roussin (dir.), Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières, Honoré Champion, 1998, p. 185-260 ; Luc Boltanski et Elizabeth Claverie, « Du monde social en tant que scène d’un procès », in Nicolas Offenstadt et Stéphane Van Damme (dir.), Affaires, scandales et grandes causes : De Socrate à Pinochet, Stock, 2007, p. 395-452 ; Cyril Lemieux, La sociologie pragmatique, La Découverte, 2018, p. 46-54. Je remercie très vivement mon collègue Frédéric Audren, directeur de recherche au CNRS, pour m’avoir patiemment guidée à travers cette littérature et pour ses précieuses observations sur plusieurs versions de cette contribution.↩︎

  26. Dominique Linhardt (citant ici Luc Boltanski), « A quoi sert l’étude des affaires et des controverses ? », in Édouard Gardella et Valentina Grossi (dir.), Faire de la sociologie au LIER, 2023, p. 132.↩︎

  27. Maxx Ginnane, To fast to be a woman : The Story of Caster Semenya, documentaire dirigé et produit pour UK BBC 2, 2011, notre traduction (à 3min 35 sec.) : « I heard one that you were born a man. What do you have to say about stuff like that » - « I have no idea about that thing … I haven’t heard that thing. Who said it? I don’t give a damn about it ». V. aussi dans Caster Semenya, The Race to be myself, op. cit., p. 139.↩︎

  28. Dan Silkstone, « Controversial runner Caster Semenya wins 800m in dominant performance », The Sydney Morning Herald, 20 août 2009 (The world is « taking note of her brawny physique, powerful style and noticeable facial hair »).↩︎

  29. Mustapha Kessous, « Un ‘test de féminité ’ pour la jeune Caster Semenya », Le Monde, 20 août 2009.↩︎

  30. Andrew Malone, « ‘She wouldn’t wear dresses and sounds like a man on the phone’: Caster Semenya’s father on his sex-riddle daughter », The Daily Mail, 22 août 2009 (« There is something dangling between her legs – that’s obvious – and she’s got and Adam’s apple »).↩︎

  31. Jean-Pierre de Mondenard, propos tenus au journal de 18h, Europe 1, 20 août 2009. Ce médecin spécialiste du dopage, considère que 26,7 % des championnes olympiques d’athlétisme « n’étaient pas des femmes stricto sensu » aux Jeux de Tokyo de 1964. Ce pourcentage étonnant est rapporté par François Thomazeau pour la rubrique Contre-pied, « Athlétisme – Semenya ou le retour du troisième sexe ? », Le Monde.fr, 19 août 2009. Il semble être tiré d’un chapitre de cet auteur, « Sexe et contrôle de féminité », in Jean-Pierre de Mondenard (dir.), Dictionnaire des substances et procédés dopants en pratique sportive, Masson, 1991, p. 209-212, cité de manière critique par Anaïs Bohuon, « Sport et bicatégorisation par sexe : test de féminité et ambiguïtés du discours médical », Nouvelles Questions Féministes, 2008, vol. 27, n°1, p. 80-81.↩︎

  32. Sur le site du Comité international olympique, on peut lire que les trois valeurs de l’olympisme sont aujourd’hui déclinées sous les termes suivants : « excellence », « respect » et « amitié ».↩︎

  33. Ces propos sont tirés d’un blog posté par Elodie Guégan le 19 août 2009 sur le site de la Fédération française d’athlétisme (toujours accessible en ligne : https://www.athle.fr/asp.net/main.html/html.aspx?htmlid=3468).↩︎

  34. Propos rapportés par Christopher Clarey et Gina Kolat, « Gold awarded amid dispute over runner’s Sex », New York Times, 20 août 2009 (« These kind of people should not run with us. For me, she’s not a woman. She’s a man »).↩︎

  35. Ibid. (« Just look at her »).↩︎

  36. Ariel Levy, « Either/or », The New Yorker, 19 novembre 2009.↩︎

  37. Ibid.↩︎

  38. Les guillemets soulignent les réserves face à cette qualification d’une hormone qui est produite tant par les hommes que par les femmes, même si elle l’est beaucoup plus par les premiers à partir de la puberté. V. Katrina Karkazis, Testosterone : An unauthorized biography, Harvard University Press, 2019.↩︎

  39. V., par exemple, « Semenya a hermaphrodite : leaked test », ABC News, 11 septembre 2009 ; Simon Hart, « Caster Semenya ‘is a hermaphrodite’, tests show », The Telegraph, 11 septembre 2009.↩︎

  40. L’étrange composition de cette commission est notamment relevée par Judith Butler, « Wise Distinctions : Thoughts on Caster Semenya », London Review of Books, 20 novembre 2009 ; et par Germaine Greer, « Caster Semenya sex row : What makes a woman », The Guardian, 20 août 2009.↩︎

  41. Alice Dreger, Hermaphrodites and the medical invention of sex, Harvard University Press, 1998 ; Anne Fausto-Sterling, Sexing the body : Gender politics and the construction of sexuality, Basic Books, 2000 (ouvrage traduit par Oristelle Bonis et Françoise Bouillot Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science, La Découverte, Paris, 2012) ; Annemarie Mol, The body multiple : Ontology in medical practice, Duke University Press, 2002, p. 36 et s. et p. 129 et s.↩︎

  42. Michal Raz, Intersexes. Du pouvoir médical à l’autodétermination, Le Cavalier Bleu, 2023, p. 21. Pour un tableau reprenant les variations des caractéristiques sexuées liées à la production de testostérone, v. Hilary Bowman-Smart et al, « World Athletics regulations unfairly affect female athletes with differences in sex development », op. cit., p. 32.↩︎

  43. Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Document thématique : Droits de l’homme et personnes intersexes, Conseil de l’Europe, 2015, p. 13 ; Equality Law Clinic (Université libre de Bruxelles) et Human Rights Centre (Université de Gand), Observations écrites en qualité de tiers-intervenants dans l’affaire : CEDH, M c. France, req. n° 42.821/18, 2021, p. 1.↩︎

  44. Notons que l’aménorrhée (absence de règles) est fréquente chez les sportives de haut niveau. V. Carole Maître et Thierry Harvey, L’aménorrhée de la sportive. La lettre du gynécologue, 2011, n°358-359, p. 18-21.↩︎

  45. Nikoletta Pikramenou, Intersex Rights. Living between sexes, Springer, 2019, p. 18-21 ; Claire Bouvattier, « La détermination du sexe chez l’humain : aspects hormonaux », in Evelyne Peyre et Joëlle Wiels (dir.), Mon corps a-t-il un sexe ? Sur le genre, dialogues entre biologies et sciences sociales, La Découverte, 2015, p. 78-88.↩︎

  46. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Note d’information : Intersexe, Campagne « Libre et Egaux », 2019 ; FRA (European Union Agency for Fundamental Rights), A long way to go for LGBTI equality, Belgique, Bietlot, 2020, p. 58 ; Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Document thématique : Droits de l’homme et personnes intersexes, Conseil de l’Europe, 2015, p. 17 ; Julie A. Greenberg, « Defining male and female : Intersexuality and the collision between law and biology », Arizona Law Review, 1999, vol. 41, p. 267-268 (cette autrice avance la fourchette de 1 à 4 % pour évaluer le nombre de personnes intersexuées).↩︎

  47. Michal Raz, Intersexes. Du pouvoir médical à l’autodétermination, op. cit., p. 27-29.↩︎

  48. Charly Derave, Anne-Catherine Rasson, Isabelle Rorive, « La cour d’appel de Bruxelles met un coup d’arrêt à la normalisation des corps des enfants intersexués. Observations sous Bruxelles (4ème ch.), 7 février 2023 », Journal des tribunaux, 2024, p. 311.↩︎

  49. Éric Dunning, « Le sport, fief de la virilité : remarques sur les origines sociales et les transformations de l’identité masculine », chap. 10 in Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation, 1986, p. 367 et s. ; Jennifer Hargreaves, « Norbert Elias : le sexe, le genre et le corps dans le processus de civilisation », in Danielle Chabaut-Rychter et al. (dir.), Sous les sciences sociales, le genre, La Découverte, 2010.↩︎

  50. Iris Deroeux, Mathilde Lafargue, Raphaëlle Aubert, Audrey Delaporte et Camille Simon, « JO de Paris 2024 : où en sont les inégalités entre les tenues vestimentaires des femmes et des hommes, Le Monde, 2 août 2024.↩︎

  51. Sur la diversité des mots utilisés, v. Catherine Louveau, « Qu’est-ce qu’une Vraie femme pour le monde du sport ? », in Laurie Laufer et Florence Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, Payot, 2014, p. 103 et s., note 20.↩︎

  52. Anaïs Bohuon, « Sport et bicatégoristion par sexe : test de féminité et ambiguïtés du discours médical », Nouvelles Questions féministes, 2008, vol. 27, n° 1, p. 80.↩︎

  53. Joe Leigh Simpson et al, « Gender verification in competitive sports », Sports Medicine, 1993, vol. 16, n° 5, p. 305-315.↩︎

  54. V. les témoignages rassemblés par Anaïs Bohuon, Catégorie “dames”. Le test de féminité dans les compétitions sportives, op. cit., p. 49 et s.↩︎

  55. Structures chromosomiques (avec ou sans mosaïsme) : 45, X0 (syndrome de Turner) ; 47, XXY (syndrome de Klinefelter) ; 46, XY par déficit en 5-alpha-réductase (défaut de métabolisation de la testostérone plus ou moins important), etc. : v. Anne Fausto-Sterling, Sexing the Body. Gender Politics and the Construction of Sexuality, op. cit..↩︎

  56. L’histoire de Maria José Martinez, une coureuse de haies, est restée célèbre. Écartée des compétitions en 1985 à la suite d’un test de féminité jugé non-concluant, alors qu’elle avait simplement oublié son certificat de féminité, elle sera réhabilitée après une longue bataille juridique.↩︎

  57. L’exemple classiquement donné est celui de l’allemande Dora Ratjen aux jeux olympiques de Berlin en 1936. Ses organes génitaux auraient été ambigus et les dirigeants sportifs nazis lui ont imposé de concourir avec les femmes pour accroître les chances de remporter une médaille. Elle terminera au pied du podium au saut en hauteur.↩︎

  58. Caster Semenya, The Race to Be Myself, op. cit., p. 124-130.↩︎

  59. Ibid., p. 142-146.↩︎

  60. Anaïs Bohuon, Catégorie “dames”. Le test de féminité dans les compétitions sportives, op. cit..↩︎

  61. Anaïs Bohuon et Grégory Quin, « Quand sport et féminité ne font pas bon ménage… », Le sociographe, 2012, n° 38, p. 23 ; Catherine Louveau, « Qu’est-ce qu’une Vraie femme pour le monde du sport ? », in Laurie Laufer et Florence Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, op. cit., p. 103 et s. ; Christine Menesson, Être une femme dans le monde des hommes. Socialisation sportive et construction du genre, L’Harmattan, 2014.↩︎

  62. Thierry Terret (dir.), Sport et genre, L’Harmattan, 2005, vol. 1 : La conquête d’une citadelle masculine ; Philippe Liotard et Thierry Terret (dir.), Sport et genre, L’Harmattan, 2005, vol. 2 : Excellence féminine et masculinité hégémonique ; Jean Saint-Martin et Thierry Terret (dir.), Sport et genre, L’Harmattan, 2005, vol. 3 : Apprentissage du genre et institutions éducatives.↩︎

  63. La course disputée par Caster Semenya à Berlin le 19 août 2009 reste hallucinante comme la courbe de ses performances cette année-là. Les contrôles anti-dopage étant négatifs, peu de journalistes se sont penchés sur les conditions d’entraînement de cette athlète qui n’a eu accès à un véritable encadrement sportif professionnel qu’à partir de son admission à l’Université à Prétoria, en janvier 2009.↩︎

  64. Caster Semenya, The Race to Be Myself, op. cit., p. 121-122.↩︎

  65. Gisèle Mathieu Castellani, « La séduction du monstre Méduse, Hermaphrodite, chimères et monstres fantasques », in Gisèle Venet et al. (dir.), La beauté et ses montres, Presses Sorbonne Nouvelle, 2003, p. 91 et s., § 32 et s.↩︎

  66. Morgan Carpenter, « The ‘Normalisation’ of Intersex Bodies and ‘Othering’ of Intersex Identities in Australia », in Jens M. Scherpe, Anatol Dutta et Tobias Helms (dir.), The Legal Status of Intersex Persons, Intersentia, 2018, p. 448-449.↩︎

  67. Elles sont de plus en plus souvent qualifiées de « pratiques préjudiciables » par les instances de protection des droits humains des Nations unies ; v. Charly Derave, Marie Goffaux, Anne-Catherine Rasson, Isabelle Rorive, « Le droit à l’intégrité physique des personnes intersexuées », in Pauline Colson, Anne-Catherine Rasson, Mathieu Rolain et Stéphanie Wattier (dir.), Les droits des personnes intersexes : regards croisés, Larcier, 2024, p. 71-120.↩︎

  68. Ariel Levy, « Either / or », The New Yorker, 19 novembre 2009. Cette autrice relève que dans le monde politique sud-africain, les discours à l’égard des personnes intersexuées restent ambivalents et que nombreux sont ceux qui rejettent cette réalité.↩︎

  69. Nelson Mandela, Long walk to freedom, Little, Brown and Company, 1994.↩︎

  70. David Smith, « Caster Semenya ‘hermaphrodite claim’ should be treated with caution – IAAF », The Guardian, 11 septembre 2009.↩︎

  71. AFP, « South Africa treats Semenya to a 'heroine's welcome' », France24.com, 25 août 2009. Traduction diffusée par les médias francophones : « J’ai pris la tête dans les derniers 400 (mètres) et je les ai tuées. Elles n’ont pas pu suivre la course. C'était génial ! ».↩︎

  72. V. notamment le reportage photos publié dans The Guardian du 25 août 2009 sous le titre « Caster Semenya arrives in South Africa » ; v. aussi David Smith, « Caster Semenya comes home to defiant welcome », The Gardian, 25 août 2009.↩︎

  73. David Smith, « Caster Semenya ‘hermaphrodite claim’ should be treated with caution – IAFF », The Guardian, 11 septembre 2009.↩︎

  74. South African Government News Agency, « Dlamini Zuma expresses her support for Semenya », SAnews.gov.za, 23 août 2009.↩︎

  75. Plusieurs médias africains l’ont comparée à Saartjie Baartman, la Vénus hottentote, esclave d’un fermier boer en Afrique du Sud qui avait été envoyée en Europe en 1810 pour être exposée comme une bête de foire (Saartjie Baartman Centre for Women and Children, « Caster Semenya and gender discrimination », article posté sur le site de cette association (saartjiebaartmancentre.org.za) en 2009) ; v. aussi Amanda Lock Swarr, Envisioning African Intersex, Durham, Duke University Press, 2023, p. 102-131.↩︎

  76. Le Population Registration Act (No 30, 1950) est une loi en vertu de laquelle la population sud-africaine a été divisée en différents groupes raciaux de 1950 à 1991 (« White », « Black », « Coloured », à laquelle la catégorie « Asian » sera ajoutée).↩︎

  77. Patrick J. Conlon, « The Population Registration Act, South African Stories – One », South African History Online (SAHO), 20 juin 2006.↩︎

  78. Il s’agit de « UN Women » (United Nations Entity for Gender Equality and the Empowerment of Women), créé en 2010 par l’Assemblée Générale des Nations unies, et plus particulièrement de la DAW (Division for the Advancement of Women) qui est la division de UN Women chargée de la promotion des droits des femmes.↩︎

  79. « Women Minister takes Semenya matter to the United Nations (UN) », South African Government - Official Information and Services, gov.za, 14 septembre 2009.↩︎

  80. « Dewey takes up Semenya case in IAAF dispute », ALM, law.com, 21 septembre 2009. Le cabinet Dewey & LeBoeuf avait représenté Oscar Pistorius, un athlète sud-africain doublement amputé au-dessous des genoux, courant sur des lames de carbone, dans un litige l’opposant à la Fédération internationale d’athlétisme. Celle-ci avait refusé de le laisser courir avec les hommes valides au motif que ses prothèses constituaient un « dispositif technique » interdit par le règlement de l’IAAF. Le TAS avait donné raison à Oscar Pistorius avant les jeux olympiques de Bejing en soulignant « l’absence de preuves suffisantes d’un avantage métabolique » en faveur de cet athlète (TAS, 16 mai 2008, Pistorius v. IAAF, CAS 2008/A/1480).↩︎

  81. David Smith, « Caster Semenya ‘hermaphrodite claim’ should be treated with caution – IAAF », The Guardian, 11 septembre 2009.↩︎

  82. IAAF, « Statement on Caster Semenya », worldathletics.org, 11 septembre 2009.↩︎

  83. Règlement précité en note 5 et qui remplace la précédente « Gender Verification Policy », (§ 1.4).↩︎

  84. Ce seuil aurait été fixé car il s’agit du seuil en-dessous duquel les athlètes hommes peuvent obtenir une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques pour prendre des préparations de testostérone exogène (Agence mondiale antidopage, « Lignes directrices sur les AUT à l’intention des médecins : Hypogonadisme masculin »).↩︎

  85. Règlement précité en note 5, § 6.1-6.5↩︎

  86. World Medical Association, « WMNA reiterates advice to physicians not to implement IAAF rules on classifying women athletes », wma.net, 2 mai 2019.↩︎

  87. Cour EDH, 3e sect., 11 juillet 2023, Semenya c. Suisse, préc., § 185-190. Sur les risques médicaux de ces traitements, v. Hilary Bowman-Smart et al, « World Athletics regulations unfairly affect female athletes with differences in sex development », op. cit., p. 46-47.↩︎

  88. Ceci implique notamment que le contrôle des sentences arbitrages est limité, par la loi suisse, au respect de l’ordre public suisse interprété de manière restrictive (v. supra, § 4).↩︎

  89. Franck Latty, « Le Tribunal arbitral du sport, juge administratif global », Revue française de droit administratif, 2019, p. 975-984. L’arrêt Mutu et Pechsein c. Suisse de la Cour EDH (2 octobre 2018, req. n° 40575/10 et 67474/10) comprend une description très didactique du fonctionnement de l’arbitrage sportif international (§ 26-39). Deux des sept juges de la Cour européenne des droits de l’homme avaient considéré que « la structure ainsi que la composition du TAS ne satisfont pas aux exigences d’impartialité prévues à l’article 6 § 1 de la Convention (opinion commune des juges Keller et Serghides, § 2).↩︎

  90. Andrea Pinna, « Les vicissitudes du Tribunal arbitral du sport », Gazette du Palais, 2004, n°141, p. 31-45 ; Antonio Rigozzi, Arbitrage international en matière de sport, Helbing Lichtenhahn 2005 ; Mathieu Maisonneuve, « Le Tribunal arbitral du sport et les droits fondamentaux des athlètes », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2017, chron. n°9 A. V. également l’excellente enquête de Clément Guillou, « Le Tribunal arbitral du sport, arbitre controversé », Le Monde, 8 juin 2020.↩︎

  91. TAS, 24 juillet 2015, Dutee Chand v. Athletics Federation of India (AFI) & The International Federation of Athletics Federations, CAS 2014/A/3759, § 547 (notre traduction).↩︎

  92. Présentation en ligne du Dr. Stéphane Bermon sur le site du Comité Monégasque Antidopage qui est l’Organisation Nationale de lutte contre le Dopage (ONAD) : https://onad-monaco.mc/wp-content/uploads/2015/09/Fiche-Dr-Bermon.pdf.↩︎

  93. IAAF, « Levelling the playing field in female sport: new research published in the British Journal of Sports Medicine », en ligne sur worldathletics.org, publié en 2017.↩︎

  94. Stéphane Bermon et Pierre-Yves Garnier, « Serum androgen levels and their relation to performance in track and field : mass spectrometry results from 2127 observations in male and female elite athletes », British Journal of Sports Medicine, 2017, p. 1-7.↩︎

  95. Roger A. Pielke, Ross Tucker et Erik Boye, « Scientific integrity and the IAAF testosterone regulations », The International Sports Law Journal, 2019, p. 1-9. V. aussi Peter H. Sönken et al, « Hyperandrogenism controversy in elite women’s sport: an examination and critique of recent evidence », British Journal of Sports Medicine, 2017, p. 1481-1482 ; Hilary Bowman-Smart et al, « World Athletics regulations unfairly affect female athletes with differences in sex development », op. cit..↩︎

  96. Peter H. Sönken et al, « Why do endocrine profiles in elite athletes differ between sports? », Clinical Diabetes and Endocrinology, 2018, p. 1-16; Katrina Karkazis, Testosterone : An unauthorized biography, Harvard University Press, 2019.↩︎

  97. TAS, Dutee Chand précité, § 98.↩︎

  98. Règlement DSD précité en note 5. Le Docteur Stéphane Bermon semble avoir, à nouveau, inspiré ces règles. V. l’entretien réalisé par Rachel Mulot, « Athlétisme : ‘Si vous voulez concourir dans la catégorie féminine, vous ne devez pas vous opposer à un traitement’ », Sciences et Avenir, 25 juin 2019.↩︎

  99. TAS, Semenya précité, § 51.↩︎

  100. Ibid., § 626 (notre traduction).↩︎

  101. La Cour EDH a expressément relevé cette omission dans l’arrêt Semenya précité rendu par la 3e section en juillet 2023, § 173.↩︎

  102. Propos recueillis par Clément Guillou, « Le Tribunal arbitral du sport, arbitre controversé », op. cit..↩︎

  103. Olga Sviridink, Edmund Willison et Hajo Seppelt, Gender Battle : The abandoned women of sport, documentaire de l’ARD, produit par EyeOpening Media, 29 septembre 2019. Sur cette diffusion, v. Anthony Hernandez, « Mondiaux d’athlétisme : l’ombre des athlètes hyperandrogènes plane sur la finale du 800 m », Le Monde, 30 septembre 2019.↩︎

  104. Human Rights Watch, « Il nous chassent hors du sport » . Violations des droits humains lors des tests de féminité effectués sur des sportives de haut niveau », Résumé et recommandations (en français), décembre 2020, p. 2.↩︎

  105. Genneva Abdul, « This Intersex Runner Had Surgery to Compete. It Has Not Gone Well », New York Times, 16 décembre 2019.↩︎

  106. Charly Derave, Marie Goffaux, Anne-Catherine Rasson, Isabelle Rorive, « Le droit à l’intégrité physique des personnes intersexuées », op. cit..↩︎

  107. Ce passage est notamment rapporté par Amanda Lock Swarr, Envisioning African Intersex, Durham, Duke University Press, 2023, p. 120 (dans le chapitre 4 intitulé « #HandsOffCaster »).↩︎

  108. Le documentaire canadien de Phyllis Ellis Category : Woman (2022), primé et nominé à plusieurs reprises, documente le sort de quatre athlètes hyperandrogènes écartées des compétitions à la suite de procédures de vérification de leur genre (Dutee Chand, Evangeline Makena, Annett Negesa et Margaret Wambui). Ce documentaire évoque également les cas de Caster Semenya, Francine Niyonsaba et Christine Mboma.↩︎

  109. Cour EDH, 3e sect., 11 juillet 2023, Semenya c. Suisse, préc., opinion concordante du juge Pavli, § 18.↩︎

  110. Sylvain Villaret, « L’affaire Semenya ou la forteresse sportive assiégée. Athlètes intersexes et techniques de détermination à l’aube du xxie siècle », Techniques&Culture, 2022, vol. 77, n° 1, p. 50-69.↩︎

  111. Pensons notamment aux basketteurs atteints d’une acromégalie qui provoque une surproduction d’hormones de croissance et leur confère une taille hors norme ; au skieur finois, Eero Mäntyranta, multimédaillé, dont une mutation génétique doublait sa capacité respiratoire ; au nageur australien, Michael Phelps, également multimédaillé, qui produisait la moitié de l’acide lactique que la moyenne de ses concurrents ; au sprinter Jamaïcain de légende, Usain Bolt, dont la biomécanique est exceptionnelle, etc. Ces trois hommes ont dominé leur discipline avec des avantages biologiques indéniables. Ils ont été célébrés comme des champions sans que leur qualité d’être humain ait jamais été mise en doute.↩︎

  112. En ce sens, v. Silvia Camporesi, « When does un advantage become unfair? Empirical and normative concerns in Semenya’s case », Journal of Medical Ethics, 2019, vol. 45, p. 700-704 ; Silvia Camporesi, « The legacy of Caster Semenya: examining the normative basis for the construction of categories in sports », Journal of Medical Ethics, 2020, vol. 46, p. 597-598.↩︎

  113. Cette formule est devenue classique dans la jurisprudence de la Cour EDH. Elle apparaît pour la première fois dans Cour EDH, 2e sect., 13 décembre 2005, Timichev c. Russie, req. n° 55762/00 et 55974/00, § 56. Sur l’intérêt du contrôle de la discrimination indirecte fondée sur la race, v. Isabelle Rorive, « Le droit européen de la non-discrimination mis au tempo de critères singuliers », in Défenseur des droits, Multiplication des critères de discrimination. Enjeux, effets et perspectives, Actes du colloque, 2018, p. 38-40.↩︎

  114. Cour EDH, 3e sect., 11 juillet 2023, Semenya c. Suisse, préc., § 146-154. V. tout particulièrement les observations déposées par la South African Human Rights Commission ainsi que celles déposées conjointement par Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Nils Melzer, Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et Melissa Upreti, Présidente du groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.↩︎

  115. Déclaration de Thomas Bach, président du CIO rapportée dans les médias, notamment par David Charlesworth, « Thomas Bach says boxers Imane Khelif and Lin Yu-ting have a right to fight », The Independent, 9 août 2024 (notre traduction).↩︎

  116. Le 7 juin 2023, la Session du CIO a retiré sa reconnaissance à l’IBA (International Boxing Association) conformément à la Règle 3.7 de la Charte olympique.↩︎

  117. Anne Tjonndal, « La boxe féminine dans la tourmente olympique : qui est l’Algérienne Imane Khelif et quels sont les problèmes auxquels elle est confrontée ? », The Conversation, 7 août 2024 ; Jean-François Loudcher, « Scandale autour de la boxeuse Imane Khelif : un bras de fer géopolitique ? », The Conversation, 17 septembre 2024.↩︎