Actualités choisies –
Corps, santé, sexualité

(janvier 2024 – février 2025)

Eleonora Bottini, Lisa Carayon, Elsa Fondimare, Laurie Marguet,
Julie Mattiussi, Marie Mesnil, Maïté Saulier.


















Lannée écoulée a été loccasion de nombreuses actualités jurisprudentielles et législatives au sujet du contrôle de la sexualité et de la reproduction (I), des pratiques en assistance médicale à la procréation (II), de la protection de lintégrité physique des personnes (III) et de protection sociale (IV).

I. Contrôle de la sexualité et de la reproduction

A. Contrôle par soi

1. L’éducation à la sexualité

2. Un droit à l’avortement mieux affirmé

B. Encadrement public des pratiques procréatives : la lutte contre l’exploitation de la gestation pour autrui, et plus largement sa pratique

1. L’exploitation de la gestation pour autrui : un cas de traite des êtres humains au sens de la directive du 13 juin 2024

2. Italie : extra-territorialité de l’interdiction de la gestation pour autrui

II. ’Assistance médicale à la procréation

A. L’Agence de la biomédecine dans le viseur de la Cour des comptes

B. La restriction des bénéficiaires de l’assistance médicale à la procréation

C. Les limites dans l’usage des gamètes

1. L’absence d’autorisation de la réception des ovocytes de la ou du partenaire

2. Le maintien de la prohibition de la procréation post mortem

3. La destruction des gamètes de l’homme de plus de 60 ans

D. Le droit à la connaissance de ses origines

1. La levée conditionnée de l’anonymat du donneur de gamètes

2. L’absence d’accès à l’identité de la femme ayant accouché dans le secret et refusant la levée de celui-ci

III. Protection de l’intégrité physique

A. Accès aux soins de transition

B. Indemnisation des préjudices

1. Les échecs fautifs de stérilisation contraceptive

2. La contamination d’une partenaire au VIH

C. La prise en compte des violences médicales

IV. Protection sociale

A. Les droits sociaux en cas de recours à une gestation pour autrui à l’étranger

B. La couverture des risques liés à la fertilité

1. La prise en charge des interruptions spontanées de grossesse précoces

2. Le congé menstruel

I. Contrôle de la sexualité et de la reproduction

  1. Les pouvoirs publics permettent, par le biais de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) et du renforcement de leffectivité de laccès à lIVG, un meilleur contrôle de la sexualité et de la reproduction par les personnes elles-mêmes (A) tandis quils affirment, par ailleurs, au niveau européen en particulier, leur défiance à l’égard de la gestation pour autrui (B).

A. Contrôle par soi

  1. Tandis que le contenu de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui doit être dispensée aux élèves continue à faire débat (1), le régime juridique de lIVG tend, quant à lui, à être renforcé (2).

1. L’éducation à la sexualité

  1. « Faire de lenfance un sujet politique relève de la recherche d’égalité entre individus et amène à construire une société plus respectueuse et à une perte en intensité des normes et valeurs patriarcales »1. Cette phrase issue de lambitieux rapport du Conseil économique, social, et environnemental (CESE) du 10 septembre 2024, Éduquer à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS), illustre le changement de paradigme vers lequel le CESE entend orienter les politiques publiques. Les vingt-quatre préconisations de l’« Avis » et l’état des lieux des insuffisances du système actuel analysé dans le « Rapport » remettent en cause le modèle hégémonique de l’éducation en France, empreinte de « domination adulte et masculine »2, et insufflent une conception de l’éducation alliant bienveillance et lutte contre les discriminations. Suivant lexemple suédois, le rapport conçoit lEVARS dabord comme un droit pour l’émancipation des enfants, qui implique de passer dune « culture de linfantisme »3 à une « culture de lautonomie et du respect mutuel », notamment en renforçant la lutte contre les violences éducatives4 et la protection des droits fondamentaux de lenfant (respect de la vie privée, droit à la protection contre toute violence, droit à linformation et à l’éducation). LEVARS permettrait également, selon le CESE, de transformer les rapports de genre, en ce quelle conduirait à s’émanciper dune socialisation différenciée des enfants, à travers la déconstruction des stéréotypes de genre et des normes sociales inégalitaires entre les individus. Le rapport prend ainsi acte du fait que la famille et l’école, lieux dexercice des violences éducatives et sexuelles, sont également deux incubateurs puissants du sexisme, de lhomophobie et de la transphobie. Il porte en outre une attention particulière sur les besoins spécifiques des enfants bénéficiant de laide sociale à lenfance (ASE) ou en situation de handicap ou encore sur les situations de violences éducatives en Outre-mer.

  2. Dans le contexte, à lautomne 2023, de la parution du Livre Blanc Pour une véritable éducation à la sexualité présenté par dix associations au Sénat, des rapports du Haut Conseil à l’égalité sur la Pornocriminalité et de la CIIVISE Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit, labsence dune véritable politique publique d’éducation à la sexualité est devenue de plus en plus criante, en dépit du projet de programme publié par le Conseil supérieur des programmes du ministère de l’Éducation le 5 mars 20245. Lobligation légale qui, depuis 2001, impose linformation et l’éducation à la sexualité à destination des élèves des écoles, collèges et lycées, avec trois séances par an par groupes d’âges homogènes6, demeure encore largement inappliquée7. À ce titre, le Planning familial, SOS Homophobie et Sidaction ont saisi le tribunal administratif de Paris, le 2 mars 2023, afin dengager la responsabilité de l’État pour défaut dapplication de la loi de 20018. Selon le CESE, les programmes existants, concentrés sur la biologie de la reproduction, lIVG et la contraception, le Sida ou encore la notion de « respect » entre filles et garçons9 devraient être complétés par le volet affectif, destiné à développer « le lien de confiance entre un sujet et son environnement le plus proche, générant la confiance en soi », et le volet relationnel, censé aborder « les relations interpersonnelles, mais aussi des sujets plus vastes comme l’égalité entre les individus, les stéréotypes de genre, la prévention des violences sexuelles »10.

  3. Cette volonté du CESE dapporter une réponse étatique forte’ est salutaire au moment où sont révélées des violences sexuelles dans les écoles privées catholiques, qui ne dispensent pas lEVARS11, et où des mouvements sopposent à celle-ci. En réponse aux différentes formes dattaques contre lEVARS, le CESE préconise la réponse pénale, à travers la création dune incrimination sanctionnant lentrave au droit des enfants à bénéficier dune EVARS12. Le CESE a du reste lui-même subi une offensive dabord juridique de la part dune association qui a formé un référé-liberté, rejeté par le Conseil d’État13, contre un questionnaire adressé aux jeunes en ce quil prévoyait une troisième option de sexe (puis numérique, afin de biaiser les réponses des questionnaires du CESE14.

  4. Le numérique est par ailleurs étudié en tant quil est certes un lieu de production dinégalités et de violences de genre touchant les jeunes (cyberharcèlement, influenceurs masculinistes, pornographie) mais peut également être un atout dès lors que son usage est accompagné par une éducation aux médias, qui apparaît dès lors comme une composante de lEVARS15.

  5. Cest cette question de la protection des mineurs contre laccès à la pornographie que la CNIL examine dans sa délibération du 26 septembre 202416, dans laquelle elle rend un avis relatif au référentiel proposé par lARCOM pour l’établissement de systèmes de vérification d’âge mis en place pour contrôler laccès aux contenus pornographiques17. Le cadre établi par lARCOM est accueilli plutôt favorablement par la CNIL, qui salue lobligation faite aux services de proposer aux utilisateurs de pouvoir choisir la règle du « double anonymat », plus protectrice de la vie privée – même si dautres systèmes de vérification d’âge moins protecteurs peuvent également être proposés (vérification de la pièce didentité, analyse faciale, portefeuille didentité numérique, etc.). Si tous les systèmes de vérification d’âge doivent reposer sur le recours à des prestataires externes et indépendants des sites pornographiques18, la règle du « double anonymat » assure que le tiers de confiance (une banque, un fournisseur d’énergie…) ne puisse pas connaître la destination de ce certificat de majorité. Le fournisseur de services, quant à lui, na pas connaissance des autres éléments didentité de lutilisateur19. La CNIL entend, dans le futur, faire de la règle du « double anonymat » le seul standard des systèmes de vérification d’âge, et salue sur ce point la possibilité laissée par lARCOM dactualiser le référentiel notamment pour quun tel niveau de garantie « devienne rapidement le standard pour lensemble des systèmes de vérification de l’âge visés par le référentiel »20. Certains points du référentiel apparaissent cependant lacunaires. Il aurait ainsi fallu préciser que lobligation dinformation relative à la manière dont les données sont traitées ne pèse pas uniquement sur le « service visé diffusant des contenus à caractère pornographique », mais sur lensemble des acteurs impliqués dans le processus de vérification d’âge. En définitive, tout en affirmant que la protection des données personnelles nest pas incompatible avec un contrôle de l’âge pour laccès aux sites pornographiques, la CNIL rappelle que la protection des mineurs ne saurait conduire à une généralisation du contrôle de l’âge sur internet, et que la vérification de l’âge nest quune solution parmi dautres pour protéger les mineurs – on y retrouve par exemple l’éducation au numérique prônée par le CESE. E. F.

2. Un droit à lavortement mieux affirmé

  1. Indéniablement, un mouvement de renforcement du droit à lavortement a marqué lannée 2024.
    En France, la loi constitutionnelle du 8 mars 202421 a inséré au 17e alinéa de larticle 34 de la Constitution la phrase suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cette loi impose donc, en premier lieu, au législateur de réglementer la question de linterruption de grossesse (ce quil faisait au demeurant déjà) et, en second lieu, de « garantir » cette liberté…. Mais que signifie « garantir » ? Si une future loi venait raccourcir le délai dIVG, diminuer sa prise en charge par la sécurité sociale ou rétablir la consultation psychosociale, pourrait-on considérer que le législateur na pas « garanti » le recours à lIVG ? Rien nest moins sûr ; tout dépendra de linterprétation du Conseil constitutionnel. De son côté, le gouvernement a toutefois été cohérent : il a édicté le 23 avril 2024 un décret22 qui assouplit les conditions de réalisation des IVG instrumentales par les sage-femmes (face au tollé suscité par le décret précédent)23 et a revalorisé, par un arrêté du 1er mars 202424, le prix des IVG réalisées en établissement de santé.
  1. À l’échelle de lUnion européenne, le 11 avril 2024, le Parlement européen a voté une résolution sur linscription du droit à lavortement dans la charte des droits fondamentaux25. Loin des hésitations françaises sur la qualification de lIVG en tant que « droit », le ton de la résolution européenne tranche : lIVG y est présentée comme un droit fondamental, intrinsèquement lié à la dignité humaine, à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, à l’égalité de genre, au droit à la vie, à la santé, à la vie privée… et la résolution indique clairement que le refus daccès à un avortement peut être assimilable à un acte de torture. Elle enjoint les États membres de lUE qui ont des législations restrictives en la matière (au premier rang desquels la Pologne et Malte) ou des problèmes deffectivité daccès (comme en Italie, Slovaquie, Roumanie ou Croatie) à améliorer nettement laccès à lavortement. Le but de cette résolution est que le Conseil européen convoque une convention de révision des traités pour que soit inséré dans la charte un alinéa 2 bis à larticle 3 : « Toute personne a droit à lautonomie corporelle et à un accès libre, éclairé, complet et universel à la santé et aux droits génésiques et sexuels ainsi qu’à tous les services de soins de santé connexes sans discrimination, notamment à un avortement sans risques et légal ». La position progressiste du Parlement est très clairement affirmée, mais les chances de succès dune telle modification de la Charte des droits fondamentaux demeurent limitées. L. M.

B. Encadrement public des pratiques procréatives : la lutte contre lexploitation de la gestation pour autrui, et plus largement sa pratique

1. Lexploitation de la gestation pour autrui : un cas de traite des êtres humains au sens de la directive du 13 juin 2024

  1. La directive 2011/36/UE du 5 avril 201126 fournit un cadre général pour prévenir et lutter contre les situations de traite des êtres humains et favoriser la protection des victimes, en tenant compte dune « dimension liée à l’égalité entre les sexes »27. Depuis son adoption, les États doivent punir certains actes intentionnels accomplis à des fins dexploitation, laquelle comprend « au minimum, lexploitation de la prostitution dautrui ou dautres formes dexploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, lesclavage ou les pratiques analogues à lesclavage, la servitude, lexploitation dactivités criminelles, ou le prélèvement dorganes »28.

  2. Une résolution du Parlement européen de 202129, reprenant certains constats de la commission sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite30, soulignait cependant que 18% des cas de traite ne relevaient ni de lexploitation du travail31, ni des cas dexploitation sexuelle32. Parmi ces « autres formes dexploitation », la résolution mentionnait notamment le mariage forcé, ladoption illégale et la GPA33. La directive du 13 juin 202434, qui doit être transposée en droit interne avant le 15 juillet 2026, intègre, quant à elle, lexploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de ladoption illégale à la lutte contre la traite des êtres humains35. Que faut-il alors entendre par « exploitation de la gestation pour autrui » ? Sont ciblées « les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse »36. Lexploitation semble sapprécier à laune du consentement de la femme qui doit être inexistant ou vicié par laccomplissement de certaines manœuvres. Il sagirait alors de reprendre une distinction, souvent exposée, entre les GPA librement consenties, parfois qualifiées daltruistes, voire d’éthiques et les autres37, impliquant une appréciation nécessairement délicate de la vulnérabilité des femmes concernées38. En droit français, lart. 225-4-1 du code pénal, relatif à la traite des êtres humains, devrait voir son champ dapplication étendu, et sa conciliation avec les art. 227-12 et suivants, notamment en ce qu’ils pénalisent l’entremise en matière de GPA, devra être assurée. Lart. 16-7 du code civil, siège de la nullité des conventions de GPA en France, ne devrait, quant à lui, pas être modifié. M. S. 

2. Italie : extra-territorialité de linterdiction de la gestation pour autrui

  1. La loi italienne n° 169 de 202439 érigeant la gestation pour autrui (GPA) en « crime universel » affiche une ambition élevée : « protéger absolument la liberté des femmes, leur dignité et le concept de maternité »40. Elle sinscrit néanmoins dans un climat plus large de régression des droits de la filiation en Italie. Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement italien a adressé aux mairies des instructions visant à ne plus enregistrer les enfants de couples de même sexe, une action fermement condamnée par le Parlement européen41. Dans ce contexte, la réforme sur la GPA apparaît comme l’expression d’une stratégie globale de marginalisation des formes de parentalité non traditionnelles, masquée derrière un discours officiel de protection des droits des femmes.

  2. En modifiant larticle 12 de la loi n° 40 de 2004, qui interdisait déjà en termes absolus le recours à la GPA en Italie, le législateur entend désormais sanctionner toute GPA réalisée par un citoyen italien à l’étranger, même si cette pratique y est légale42. Cette approche heurte tant les principes du droit pénal, interne et international, que les impératifs de protection des droits fondamentaux ; elle est également totalement inefficace car inapplicable.

  3. Par dérogation au principe de territorialité, le législateur assimile la GPA aux autres crimes universels tels que la piraterie, la torture, les crimes de guerre ou le génocide. Or une telle assimilation paraît tout à fait inadaptée. Ces actes sont universellement reconnus comme des crimes. En revanche, la réalité juridique internationale de la GPA est plurielle : certains États lautorisent à des fins altruistes, d’autres à des fins commerciales, et d’autres encore la prohibent totalement. En outre, sur un plan technique, cette loi s’écarte notamment du principe de double incrimination, exigé par larticle 9 du Code pénal pour poursuivre des actes commis à l’étranger par des citoyens italiens. L’Italie sexpose alors à des difficultés majeures en matière de coopération judiciaire internationale, rendant largement symbolique cette nouvelle compétence extraterritoriale.

  4. Le caractère symbolique est en effet partie intégrante de la réforme de la loi n° 40, qui paraît ainsi justifiée par la volonté de renforcer le stigmate de lillégalité pénale de la GPA et de dissuader le recours à ces pratiques, notamment en freinant le « tourisme procréatif ».

  5. Cette intervention législative se montre en revanche totalement déconnectée des appels répétés de la Cour constitutionnelle, qui avait demandé avec insistance quune solution soit trouvée « sans délai » pour régler rapidement le statut des enfants nés par GPA43, incertain en raison du refus d’établir la filiation par les tribunaux italiens et en dépit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme44.

  6. Le statut des enfants nés de GPA à l’étranger risque en outre d’être aggravé par le fait que les couples ayant eu recours à une GPA renoncent à demander la transcription des certificats de naissance des enfants dans les registres de l’état civil italien, afin d’éviter de se dénoncer45. Cela laisserait alors ces enfants privés de tout lien de filiation au moins avec l’un de leurs parents. Pour cette raison, la réforme soulève également des problèmes de constitutionnalité en ce quelle apparaît contraire à plusieurs engagements internationaux (article 117, alinéa 1er, de la Constitution)46.

  7. En définitive, cette réforme instrumentalise la protection de la dignité des femmes alors quelle aggrave les discriminations, fragilise encore davantage les enfants concernés, et creuse le fossé entre les institutions de garantie des droits – nationales et internationales - et le pouvoir politique. E. B.

II. L’Assistance médicale à la procréation

A. LAgence de la biomédecine dans le viseur de la Cour des comptes

  1. Depuis sa création par la loi de bioéthique de 2004, les missions de lAgence de la biomédecine (ABM), établissement public à caractère administratif, nont cessé de s’étendre47. La Cour des comptes analyse en particulier, dans un rapport rendu en janvier 2024, les nouvelles missions de lABM à la suite de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique (Cour des comptes, Les missions de lAgence de la biomédecine après la dernière loi de bioéthique, Rapport, 31 janvier 2024). Dans un premier temps, il est mis en exergue les tensions survenant à la suite des évolutions en matière dassistance médicale à la procréation (AMP), à savoir, dabord, louverture de son bénéfice aux couples de femmes et à toute femme non mariée (avec un allongement des délais daccès de près de 14 mois fin 2022), ensuite, la possibilité –nouvelle– dautoconservation de gamètes en dehors de tout motif médical (avec un délai de plus de 24 mois fin 2022 en Île-de-France) et, enfin, la mise en œuvre de la levée de lanonymat pour les personnes conçues par un don de gamètes (avec l’instauration dun régime transitoire pour les anciens donneurs). Ces difficultés, qui sajoutent au problème de linsuffisance chronique de dons dovocytes (qui ne tient pas tant au nombre de donneuses, équivalent à celui des donneurs de spermatozoïdes, quau faible nombre dovocytes recueillis à chaque ponction), démontrent limportance pour lABM dencourager les dons de gamètes en France. La Cour de comptes recommande que lABM dispose à lavenir dune mission de répartition des stocks de gamètes au niveau national, ce qui suppose « de disposer dune vision consolidée et en temps réel de l’état des stocks et des besoins »48, ce qui nest pas le cas actuellement. Il est également préconisé que lABM coordonne davantage ces activités, notamment afin dassurer un égal accès aux soins sur lensemble du territoire et pour lensemble des candidates à lAMP et à lautoconservation de gamètes. Dans un deuxième temps, le rapport met en lumière le caractère perfectible du pilotage réalisé par lABM en matière de prélèvement et de greffe dorganes et de tissus. Non seulement, lactivité a connu une dégradation importante à la suite de la crise sanitaire mais, en outre, le taux dopposition de la population au prélèvement dorganes et de tissus est élevé (30% au niveau national voire 40% sur certains territoires). Le troisième type de mission envisagé est relatif à la coordination des activités de prélèvement et de greffe de moelle : notons que la population inscrite sur le registre des donneurs est largement féminine (66% en 2022) et relativement âgée, obligeant les médecins à se tourner vers les registres internationaux, augmentant fortement le coût de ces activités.

B. La restriction des bénéficiaires de lassistance médicale à la procréation

  1. Depuis la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, de nombreuses décisions ont été rendues à propos de lAMP. À propos des bénéficiaires dabord, le Conseil dÉtat sest prononcé sur le recours pour excès de pouvoir qui visait le décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation : à la suite de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité par la juridiction administrative au Conseil constitutionnel, qui avait jugé que lexclusion des hommes, seuls ou en couple, du bénéfice de lAMP ne portait pas atteinte au principe d’égalité49, seule restait en suspens la possibilité pour un homme, au sein dun couple formé dun homme et dune femme, de porter lenfant conçu par ce biais. En effet, larticle R. 2141-38 du code de la santé publique prévoit que le transfert dembryon ou linsémination ne peut intervenir que jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire « chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l’enfant ». Le Conseil dÉtat écarte toute contrariété de ces dispositions réglementaires à la loi ou aux droits fondamentaux protégés autant par la Constitution que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales (CE, 22 mars 2024, n°459000)50. Ces restrictions dans les bénéficiaires de lAMP ne pourraient donc être levées qu’à la suite dune intervention législative – ou, éventuellement, à loccasion dun recours individuel qui trouverait à prospérer jusqu’à la Cour européenne des droits de lhomme et devrait donner lieu à une modification des textes législatifs actuels. Une proposition de loi a été déposée devant lAssemblée nationale sous la législature précédente afin de supprimer les marqueurs de sexe dans laccès à lAMP qui pourrait ainsi être  « destinée à répondre au projet parental dun couple ou dune personne seule »51.M. M.

C. Les limites dans lusage des gamètes

1. Labsence dautorisation de la réception des ovocytes de la ou du partenaire

  1. Non seulement la loi du 2 août 2021 na pas ouvert lAMP à toutes les personnes susceptibles de bénéficier de ces procédés biologiques et cliniques, mais elle na en outre pas permis de dépasser le cadre conceptuel du couple hétérosexuel infertile : à ce titre, la pratique de la réception des ovocytes de la ou du partenaire (ROPA), qui consiste à ce que les ovocytes de la personne du couple qui ne porte pas lenfant soient utilisés pour constituer les embryons à transférer, na pas été explicitement autorisée, ni interdite en dépit damendements déposés dans ces deux directions52. Dès lors, la ROPA ne pourrait-elle pas être mise en œuvre, notamment lorsquelle simpose pour des raisons médicales tenant à la qualité des ovocytes ou à d’éventuelles anomalies génétiques dun côté ou à limpossibilité ou aux risques à mener une grossesse de lautre ?53 Saisi de cette question à propos dun recours visant une page internet de la Foire aux questions (FAQ) de lABM, le Conseil dÉtat sestime dabord compétent en premier et dernier ressort pour juger des recours dirigés contre ses actes réglementaires ou instructions de portée générale : lABM étant un établissement public national qui dispose, en vertu de l’article R. 1418-1-1 du code de la santé publique, d’un pouvoir réglementaire en matière tarifaire54, elle peut en effet être regardée comme une autorité à compétence nationale au sens de larticle R. 311-1 du code de justice administrative (CE, 19 juin 2024, n° 472649, §§2-3). Il juge ensuite que le recours visant une page internet de la FAQ de lABM est recevable à la suite de la jurisprudence GISTI55. Sur le fond, il juge enfin « qu’eu égard au principe d’anonymat du don d’ovocyte et à la circonstance qu’un prélèvement d’ovocytes ne peut avoir d’autre finalité qu’un don anonyme lorsqu’il n’est pas destiné à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation au bénéfice de la personne prélevée, et alors même qu’elle n’est pas expressément interdite par la loi, la pratique de la ROPA n’est pas autorisée en France » (§8). La justification avancée par lABM tenant à ce que la pratique pourrait être regardée comme une gestation pour le compte dautrui est, quant à elle, écartée (§8). La décision est critiquable dans son raisonnement : elle assimile interdiction et absence dautorisation dune part et elle ne rend pas compte des arguments relatifs à la nécessité médicale dautre part ; elle omet par ailleurs que la personne prélevée sera bien la mère de lenfant, et donc que lAMP est mise en œuvre  « à son bénéfice » selon les termes de larticle L. 2141-11 et -12 du code de la santé publique. La ROPA est ainsi présentée comme impossible de manière absolue, sans même envisager quelle pourrait constituer une modalité de la fécondation in vitro dont la mise en œuvre pourrait être souhaitable pour des raisons médicales. Lincidence de cette décision est grande pour les couples de femmes et les couples dont lhomme est trans, qui bien que bénéficiaires de lAMP, se voient priver par une conception hétéronormée de ces pratiques médicales de toutes les options médicales possibles. Elle est encore plus grande pour les hommes trans. Dès lors quils ont changé de mention de sexe à l’état civil, ils ne peuvent pas porter un enfant, ni même envisager que leur compagne porte un enfant qui serait conçu à partir de leurs ovocytes fussent-ils déjà conservés, et ce même si leur compagne na pas dovocytes utilisables. Ils ne peuvent en outre bénéficier dune AMP quen tant quhomme infertile, quand même bien ils disposeraient de capacités gestationnelle et/ou ovocytaire56. Afin de remédier à cette limitation dans lusage des ovocytes des hommes trans et des femmes lesbiennes, larticle 2 de la proposition de loi visant à universaliser l’assistance médicale à la procréation précédemment citée proposait dinscrire à larticle L. 2141-2 du code de la santé publique que « lutilisation des gamètes du couple est prioritairement envisagée avant de recourir à un don. Pour motif médical, ce principe peut conduire à lutilisation des ovocytes de lun des membres du couple ou au transfert dembryons constitués à partir des ovocytes de lautre membre du couple ». Si le Conseil dÉtat justifie labsence dautorisation de la pratique de la ROPA au regard du principe danonymat du don de gamètes, il est également possible de se questionner sur les incidences quun tel partage des composantes de la maternité aurait sur la filiation. La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique na-t-elle pas exclu un tel procédé pour ne pas avoir à nuancer le caractère purement volontariste de la seconde filiation maternelle, reposant sur le projet parental commun des deux femmes, matérialisé par un indispensable acte notarié payant devant être effectué en plus du consentement au don devant notaire ? Même si le droit français reconnaît avec constance que le fait générateur de la maternité est laccouchement, il est indéniable que lexistence – tout comme labsence dailleurs57 – de fondement génétique à la maternité interroge. En ce sens, il est possible de se remémorer les questions posées par la Cour de cassation à la CEDH dans sa demande davis sur la reconnaissance de la maternité dintention en droit français. Dernièrement, la CEDH a eu à se prononcer à propos des règles d’établissement de filiation de la seconde maternité au sein dun couple de femmes, lune allemande et lautre française, vivant en Allemagne ayant réalisé une ROPA en Belgique (CEDH 12 nov. 2024, R. F. et autres c. Allemagne, n°46808/16,)58. Le couple de femmes avait saisi la Cour estimant que le fait pour la mère génétique davoir eu à adopter son propre enfant constituait une atteinte discriminatoire à leur droit à la vie privée et familiale ainsi qu’à celui de leur enfant. La Cour estime que la vie familiale des requérantes na pas été affectée de manière significative, en labsence de difficultés particulières dans la relation mère-enfant au quotidien avant ladoption ni dans la réalisation de celle-ci.

2. Le maintien de la prohibition de la procréation post mortem

  1. Du côté des pratiques, outre la ROPA, il convient d’évoquer la procréation post mortem qui demeure interdite en droit français à lissue de la dernière révision de la loi de bioéthique59. Même si la Cour européenne des droits de lhomme a pu voir dans louverture de lAMP aux femmes seules, non mariées60, un changement de circonstance qui pourrait justifier, au nom de la cohérence du cadre juridique, dautoriser une telle pratique61, le Conseil dÉtat a, quant à lui, refusé de souscrire à cette analyse (CE, 28 nov. 2024, n° 497323). En lespèce, une femme dont le conjoint avec lequel elle avait entamé à Caen un parcours dAMP était décédé en décembre 2023, a alors souhaité exporter les embryons vers lEspagne afin dy poursuivre la réalisation de son projet parental par le biais dun transfert post mortem. À la suite du rejet de sa demande par lABM, le 29 juillet 2024, elle saisit en référé le Tribunal administratif de Montreuil. Celui-ci rend une ordonnance, le 3 octobre 2024, qui confirme la décision de refus dexportation des embryons vers lEspagne. Saisi dun pourvoi, le Conseil dÉtat se prononce sur la conventionnalité de linterdiction de la procréation post mortem : constante depuis la loi du 29 juillet 1994, cette interdiction a été maintenue par le législateur en 2021 notamment parce quil existe une différence de situation entre un transfert dembryon post mortem et « celle d’une femme non mariée qui a conçu seule, dès l’origine, un projet parental à l’issue duquel l’enfant n’aura qu’une filiation maternelle ». Pour le Conseil dÉtat, « le législateur ne peut être regardé, en confirmant par les dispositions de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, lesquelles sont expresses et précises et ont été adoptées à l’issue de débats parlementaires approfondis et au vu de nombreuses consultations, comme ayant adopté une législation incohérente et, ce faisant, excédé la marge d’appréciation dont il disposait, alors même que, dans le même temps, il ouvrait l’accès à l’assistance médicale à la procréation à toute femme non mariée » (§9). Le Conseil dÉtat répond ainsi à lobiter dictum de la Cour européenne des droits de lhomme62 en relevant la différence de situations et en renvoyant au législateur, sil le souhaite, la responsabilité dorganiser les modalités de lAMP post mortem. Si la veuve ne peut pas espérer porter lenfant issu de son conjoint décédé, elle pourrait néanmoins sengager dans un parcours dAMP en sollicitant le bénéfice dun don de spermatozoïdes dun tiers donneur.

3. La destruction des gamètes de lhomme de plus de 60 ans

  1. ROPA, procréation post mortem… il existe des restrictions dans lusage que lon peut faire de ses propres gamètes, y compris des limites d’âge. La limite de 60 ans a ainsi pu être contestée en référé - en vain - par un homme qui souhaitait quil ne soit pas mis fin à la conservation de ses spermatozoïdes par lAP-HP ; il a également posé une QPC à propos de larticle L. 2142-11 du code de la santé publique –qui na pas été renvoyée au Conseil constitutionnel (CE, 15 juill. 2024, n° 493840).M. M.

D. Le droit à la connaissance de ses origines

  1. Les gamètes non seulement ne sont pas disponibles mais ils portent en outre des enjeux spécifiques comme en témoignent les débats autour dun droit à la connaissance de ses origines.

1. La levée conditionnée de lanonymat du donneur de gamètes

  1. À propos du don de gamètes dabord, deux décisions témoignent des enjeux qui entourent lorganisation de la levée de lanonymat à la suite de la loi du 2 août 2021 (Arr. ministériel du 8 mars 2024 portant modification de l’Arr. du 29 août 2022 fixant le contenu du formulaire de consentement du tiers donneur à la communication de son identité et de ses données non identifiantes aux personnes majeures nées de son don et le contenu du formulaire de collecte de son identité et de ses données non identifiantes, JO 12 mars, texte n° 27). Dun côté, lassociation Juristes pour lenfance a introduit un recours en excès de pouvoir à lencontre du décret n° 2023-785 du 16 août 2023 fixant au 31 mars 2025 la date d’utilisation exclusive des gamètes et embryons pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité (CE 18 nov. 2024, n° 488217). Elle souhaitait en effet que la destruction des gamètes et des embryons « ancien régime » pour lesquels lanonymat ne pouvait pas être levé intervienne plus tôt afin de remédier à une prétendue atteinte au principe d’égalité entre les enfants. Le Conseil dÉtat rejette le recours en faisant valoir que le régime transitoire mis en place par le législateur prévoit que la destruction des gamètes et des embryons donnés « soit différée et limitée, afin notamment que cette destruction ne porte pas atteinte à l’effectivité de l’accès à l’assistance médicale à la procréation, que la loi a par ailleurs étendu » (§6). Par ce recours, il semblerait que lassociation des Juristes pour lenfance ait entendu défendre laccès aux origines, qui traduit lordre symbolique de la différence des sexes, plutôt que la sauvegarde des gamètes et surtout des embryons qui permettent laccès de certaines personnes à la procréation. De lautre, une personne issue dun don de gamètes a, quant à elle, cherché à contester la constitutionnalité des dispositions législatives empêchant la communication dinformations non identifiantes et de lidentité du donneur si celui-ci est décédé avant davoir pu consentir à la levée de son anonymat. Le Conseil dÉtat juge dabord que lintervention volontaire de lassociation PMAnonyme au soutien de la transmission de QPC nest pas recevable compte tenu de son « caractère accessoire, par rapport au litige principal » (CE, 25 juill. 2024, n° 495138, §1). Il juge ensuite que la question prioritaire de constitutionnalité, transmise par le Tribunal administratif (TA Paris, 14 juin 2024, n° 2325233)63, nest pas sérieuse en ce que la volonté du législateur de garantir un équilibre entre le droit antérieur et laccès de l’enfant issu du don à la connaissance de ses origines personnelles permet « de ne pas porter atteinte aux situations légalement acquises ou remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l’empire de textes antérieurs » (§9).

2. Labsence daccès à lidentité de la femme ayant accouché dans le secret et refusant la levée de celui-ci

  1. L’équilibre entre le droit au respect de la vie privée de la gestatrice et laccès de la personne née dans le secret à ses origines personnelles est également au cœur du dispositif mis en place en matière daccouchement sous X comme en témoigne larrêt Cherrier c. France. En lespèce, une femme, née dans le secret en 1952, a entrepris des démarches auprès du CNAOP après avoir été informée de son adoption à la suite du décès de son second parent adoptif en 2008 (CEDH 30 janv. 2024, n° 18843/20, Cherrier c. France). La femme qui la accouchée ainsi que son géniteur qui ont été identifiés et contactés refusent que leur identité soit communiquée à la demanderesse, y compris après leur décès. Après avoir épuisé les voies de recours administratives, celle-ci fait valoir une atteinte à larticle 8 de la Convention devant la Cour européenne. Cette dernière juge que le législateur français a choisi de maintenir la possibilité pour les femmes daccoucher dans lanonymat tout en organisant une procédure pour permettre la réversibilité du secret de lidentité de la mère, sous réserve de laccord de celle-ci. Elle conclut ainsi que, sil est indéniable quil y a eu un impact sur la vie privée de la requérante, lÉtat français na pas pour autant « outrepassé sa marge dappréciation et que le juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et les droits et intérêts de sa mère biologique à maintenir son anonymat na pas été rompu » (§82). Outre la question de laccès aux origines, laccouchement sous X interroge également quant à la possibilité pour le géniteur de maintenir un lien avec son enfant : sil ne peut intervenir volontairement dans une procédure dadoption plénière dès lors que lenfant est définitivement immatriculé comme pupille de lÉtat,« faute de qualité à agir, dès lors qu’aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux » (Cass. 1re civ., 11 sept. 2024, n° 22-14.490, §12), il peut néanmoins saisir le juge aux affaires familiales afin « qu’il fixe les modalités des relations avec l’enfant conformément à l’article 371-4 du code civil, si tel est l’intérêt de l’enfant » (§20). M. M.

III. Protection de lintégrité physique

A. Accès aux soins de transition

  1. Laccès au soin des personnes trans est lobjet de très fortes tensions qui se sont traduites, tout au long de lannée 2024, sur les terrains aussi bien judiciaire que législatif64.

  2. Au plan judiciaire, le contentieux concerne la composition du groupe de travail mis en place au sein de la Haute autorité de santé (HAS) pour l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques sur les parcours de transition des personnes transgenres. Lassociation « Juristes pour lenfance » a contesté devant le Tribunal administratif de Montreuil le refus de la HAS de communiquer la composition du groupe, mettant en avant une exigence de transparence. Par jugement du 20 février 2024 (TA Montreuil, 20 février 2024, n° 2308469), le tribunal a enjoint à la HAS de communiquer ces informations. Sy refusant, la HAS a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, mettant en avant la nécessité de maintenir la confidentialité sur la composition du groupe afin dassurer la sérénité des débats. Dans un arrêt du 30 octobre 2024, le Conseil d’État ordonne le sursis à lexécution du jugement jusqu’à ce quil soit statué au fond (CE, 30 octobre 2024, n° 492420). Cela na pas empêché des fuites de documents de travail par voie de presse, occasionnant un communiqué de la HAS rappelant la nécessité de mener ses travaux dans un climat apaisé65. Laffaire nest pas sans évoquer la mise en place de la base de données « stoptheharmdatabase.com » aux États-Unis en octobre 2024. Cest également au nom dun impératif de transparence que lassociation Do no harm (DNH) a créé cette base qui vise à recenser les établissements de santé américains susceptibles de dispenser des soins de transition aux mineurs. La présentation de la base ne fait pas mystère de ses intentions, puisquelle propose aux utilisateurices du site Internet didentifier les « établissements qui exposent les enfants à des risques »66, sans mentionner les effets bénéfiques de ces soins. Dans la foulée de la mise en ligne du site Internet, la presse sest fait l’écho de campagnes visant à exposer et à dénigrer les travaux de médecins pratiquant ces interventions67.

  3. Au plan législatif, une proposition de loi n° 435 visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre a été déposée au Sénat le 19 mars 2024. Elle reprend plusieurs propositions du Rapport émanant du groupe Les Républicains au Sénat en mars 2024 intitulé La transidentification des mineurs et notamment celle dinterdire les bloqueurs de puberté ainsi que les traitements hormonaux et chirurgicaux aux mineurs trans. Un avis du Défenseur des droits du 6 mai 2024 sur cette proposition de loi (Défenseur des droits, Avis n° 24-05 du 6 mai 2024) a considéré que ces interdictions étaient de nature à porter atteinte aux droits des enfants au sens de la Convention internationale des droits de lenfant68. Dans cet avis, le Défenseur des droits réaffirme que lintérêt de lenfant suppose louverture de différentes possibilités aux équipes médicales sollicitées pour permettre laccompagnement des mineurs concernés. Il pointe également le risque de discrimination par rapport aux mineurs cisgenres, qui ne voient pas leur accès aux soins particulièrement encadré. Le Défenseur des droits ajoute diverses recommandations sur la nécessité dune prise en charge uniforme des frais médicaux liés aux parcours de transition médicale et à la lutte contre la transphobie en milieu scolaire. La proposition de loi a néanmoins été débattue au Sénat puis transmise à lAssemblée nationale le 23 juillet 202469. Larticle 1er maintient linterdiction des traitements hormonaux et chirurgicaux mais autorise les bloqueurs de puberté après décision de la réunion de concertation pluridisciplinaire. Un tel assouplissement pourrait-il suffire à satisfaire les exigences européennes en matière de respect des droits humains et en particulier daccès aux soins des mineurs trans ? Rien nest moins sûr.

  4. Dans une autre affaire concernant, cette fois, une femme trans majeure incarcérée, la Cour européenne des droits de lhomme, le 11 juillet 2024 (CEDH, 11 juill. 2024, n° 31842/20, W.W. c. Pologne)70, a condamné les autorités polonaises pour lui avoir temporairement refusé laccès à des traitements hormonaux. Ce refus de soins, même temporaire, constitue, selon les juges européens, une violation de larticle 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales. J. M.

B. Indemnisation des préjudices

  1. Tel quil est actuellement conçu, notre système juridique inclut dans la protection de lintégrité corporelle des personnes la juste indemnisation de leurs préjudices71. À cet égard, et dans une perspective de genre, lannée écoulée a été marquée par plusieurs décisions.

1. Les échecs fautifs de stérilisation contraceptive

  1. En premier lieu, deux décisions du fond statuent sur le préjudice particulier d’échec fautif dune stérilisation contraceptive : un jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (1er mars 2024, n° 2201142) et un du Tribunal administratif de Melun (2 avril 2024, n° 2210796). Ces décisions donnent à voir toute la complexité de la réparation de ce type de préjudice72.

  2. Dans la première affaire, lobstruction tubaire navait pas été pratiquée dans les règles de lart et la patiente était tombée enceinte. Elle avait cependant fait une fausse couche dont lexpulsion navait pas pu être effectuée par voie médicamenteuse, lobligeant à être hospitalisée pour subir un curetage. Deux éléments sont ici notables. Dune part, même si la nature des préjudices dont la réparation est demandée nest pas extrêmement détaillée, il est possible de lire que seule lindemnisation des préjudices en lien direct avec les examens post-opératoires ont été sollicités. En tout état de cause, ils sont ici les seuls à être indemnisés, à lexclusion implicite de toute indemnisation relative à la fausse-couche et à ses suites73. Du reste, sans exclure la responsabilité du Centre hospitalier, en raison de plusieurs fautes médicales directement en lien avec le dommage, le Tribunal se fend dune remarque mystérieuse sur le lien de causalité dans cette affaire. Il affirme que, alors que la victime « soutient que le chirurgien a commis une faute en ne l’informant pas, à la suite des résultats de l’hystérosalpingographie (…) de l’échec de la stérilisation, ce défaut d’information n’est pas en lien avec les préjudices subis par l’intéressée ».

  3. Deux interprétations sont ici possibles. Soit les préjudices dont lindemnisation est demandée par la femme nincluent pas les conséquences de la grossesse et le tribunal suggère que les autres examens subis par la patiente à la suite de cette première procédure auraient de toutes façons dû avoir lieu ; mais dans ce cas il néglige la liberté quaurait eu la patiente dy renoncer, une fois informée de l’échec de stérilisation. Soit la réparation demandée inclut bien les conséquences de la grossesse non-désirée et laffirmation est également problématique. En effet, elle suggère que toutes les conséquences de cette grossesse ne trouvent en rien leur cause dans le fait que la patiente nait pas été informée que lopération avait peut-être échouée. Mais où en est alors la cause ? Dans la fausse couche elle-même, qui a conduit au curetage ? dans la relation sexuelle, qui a conduit à la grossesse ? La décision est confuse et illustre toute la difficulté de linterprétation des décisions portant sur la responsabilité médicale, mais aussi le sous-usage que font les patientes de cette voie de droit. En effet, la liste des préjudices dont la réparation est ici sollicitée reste très réduite et on peine à croire que la victime ait été parfaitement conseillée, même sil est vrai que lorsque les demandes sont plus étendues, le résultat nest pas forcément meilleur.

  4. Ainsi, dans lautre affaire, tranchée par le Tribunal administratif de Melun, une femme avait consenti à une stérilisation par ligature des trompes mais, alors quelle s’était expressément opposée à lintroduction dun corps étranger, la procédure avait donnée lieu à la pose de clips. En outre, la requérante navait pas été explicitement informée du risque subsistant de grossesse. Or ce risque se réalise et elle accouche bientôt de son sixième enfant. Se retournant contre lAP-HP, elle réclame 30 000 euros pour la réparation de son « préjudice moral », sans que la décision ne laisse apparaître plus de détail. Or, si le tribunal admet quil y a une faute, en soi, dans le fait de poser des clips qui avaient été clairement refusés74 et que la patiente navait, par conséquent, pas consenti à lacte pratiqué, cette considération ne se retrouve pas au stade de lindemnisation. En effet, dans l’évaluation de lindemnisation, seul le préjudice de découverte tardive de la grossesse est ici réparé – à hauteur de 12 000 euros. La décision reste en revanche absolument silencieuse sur l’éventuelle réparation du seul fait de labsence de respect de son choix dans le mode dintervention au titre du préjudice moral demandé. De plus, et de manière tristement classique, le tribunal rejette toute indemnisation des « troubles de toute nature dans les conditions d’existence qui ont résulté de la naissance de l’enfant », étant donné que la requérante ne se prévaut pas de conséquences particulières à cette naissance – dont le seul fait quil sagisse dun sixième enfant ne semble pas relever. Cette position est la reprise dun principe posé en 1982 par le Conseil d’État, dans une affaire d’échec davortement75. Elle reste aussi contestable aujourdhui quelle l’était alors : refuser par principe de considérer la naissance non-désirée ou non-prévue comme un préjudice, tant matériel que moral, est une position qui nie limpact de ces situations sur le corps76, la vie77 et le psychisme78 des femmes, et qui naturalise la fonction maternelle.

2. La contamination dune partenaire au VIH

  1. Dans un tout autre domaine, mais dont on verra quil nest pas sans lien avec cette réflexion, la Cour de cassation a rendu, le 14 mars 202479, une décision qui a fait couler beaucoup dencre80. Il sagissait en lespèce dune situation dans laquelle un homme séropositif avait volontairement cessé de prendre son traitement antirétroviral, entraînant une réapparition de la charge virale. Celui-ci avait caché sa situation à une femme avec laquelle il avait eu des relations sexuelles sans préservatif, laquelle avait été contaminée par le VIH. Larrêt a été remarqué par le fait quil admet la preuve du lien de causalité dans la contamination par le biais dun simple faisceau dindices. Mais ce nest pas le point que nous voudrions ici souligner. Dans cette affaire, un pourvoi incident de la victime portait sur le fait que son indemnisation avait été réduite de 20% par les juridictions du fond en raison du fait quelle avait accepté des relations non-protégées, faits qualifiés de faute. La Cour de cassation admet le pourvoi et censure larrêt dappel sur ce point.

  2. Cette position a été diversement analysée par la doctrine. Dans une appréciation très littérale de la faute – qui a été celle de la cour dappel –, il a été souligné que ne pas porter de préservatif lors de relations sexuelles « passagères » avec une personne dont on ne connaît pas le statut sérologique est effectivement contraire aux recommandations des organismes de santé publique81. Toutefois, il est également noté que, dans ce cas particulier, lattitude de la personne contaminée était véritablement dolosive – ayant dissimulé non seulement sa séropositivité mais surtout son absence de traitement. Mais il est vrai que si la gravité de la faute de lun peut permettre de négliger la faute de lautre, cela ne signifie pas quelle nexiste pas82.

  3. Que peut apporter une perspective critique à ce débat ? Il est possible de commencer par rappeler que les principales associations de personnes atteintes du VIH ont toujours milité contre la pénalisation de la contamination, non seulement dans une posture antirépressive en général mais aussi en arguant à la fois que la prévention était toujours une responsabilité partagée – ou conjointe – des partenaires et que la pénalisation ne faisait quaggraver la sérophobie, ce qui joue nécessairement contre les politiques de santé publique83. Une position qui tient surtout à un refus de hiérarchisation des personnes séropositives dans une dichotomie coupables/innocentes qui fractionnerait la solidarité nécessaire entre malades et à l’égard des malades84. Cette analyse tendrait à dire que ce nest ici ni lun ni lautre des partenaires qui devrait être qualifié de fautif… et que cest pour ce motif que lindemnisation de la requérante ne pourrait lui être accordée.

  4. Dun autre côté, il est vrai que ces positions associatives – notamment parce quelles étaient surtout anticarcérales – ne sopposaient pas frontalement à la reconnaissance dune responsabilité civile des personnes et notamment de celles qui, comme dans le cas despèce, ne préviennent pas, voire trompent, leurs partenaires alors quelles se savent contaminantes. Même si ActUp a pu prendre des positions en faveur du port du préservatif y compris dans le couple supposément monogame – afin justement de ne jamais présupposer que lautre serait séronégatif –, la confrontation à la réalité ne peut éclipser que la confiance dans le couple ou, plus pragmatiquement, un projet de grossesse, peut conduire à un abandon de cette méthode de prévention85. Mais si on pressent quil y a ici des comportements plus ou moins transgressifs socialement (cacher une relation extraconjugale, ne pas se protéger lors de celle-ci, cacher une séropositivité alors quon se sait contaminant·e etc.), où est la limite de la « faute » de lauteur et de celle de la victime ?

  5. Une approche contractualiste de la relation sexuelle pourrait-elle permettre de penser la question ? En acceptant des relations sans préservatif avec une personne inconnue, la requérante avait ici accepté une sorte de « contrat aléatoire » … dont lautre partie savait pertinemment quil nen était pas un86. Contrat nul pour défaut d’aléa donc87. Peut-être ici une analyse contractualiste du consentement a-t-elle, implicitement, participé à la lecture de la faute proposée par la Cour de cassation : fauter signifie ne pas se comporter en personne raisonnable mais le « raisonnable » doit aussi être apprécié dans la relation à l’autre. Lorsque le mensonge et la dissimulation de l'autre sont si graves qu’ils en deviennent « impensables », peut-être n’est-il pas si fautif d’accorder sa confiance. Si on ajoute ici, dune part, que les femmes ont, biologiquement, plus de risques d’être contaminée que les hommes lors dun rapport hétérosexuel et, dautre part, que celles-ci ont, structurellement, plus de risques de se trouver en position de ne pas pouvoir négocier le port du préservatif, on a en mains nombre darguments au soutien de la solution de la Cour de cassation.

  6. Oui mais… Un tel raisonnement ne risque-t-il pas dapporter de leau au moulin des hommes qui, forts du nombre limité de techniques de contraception « masculine », traînent devant les tribunaux celles qui leur ont « fait des enfants dans le dos » ?88 Vouloir penser la notion de faute de façon neutre au genre peut se retourner contre les femmes … surtout si lon plaide dans le même temps pour la reconnaissance du préjudice davoir un enfant non-désiré ! Un exemple supplémentaire de laporie dun système juridique de « réparation » qui se réduit au diptyque sanction/indemnisation sans penser une prise en charge globale, par des fonds ou organismes publics, des dommages liés aux aléas de la vie – de laccident à la malveillance dautrui. L. C.

C. La prise en compte des violences médicales

  1. La lutte contre les violences médicales est un combat qui se mène sur tous les plans. Tout dabord parce que le pouvoir médical est un facteur de domination qui facilite les abus sexuels des professionnel·les sur leurs patient·es89 ou des hommes professionnels de santé sur leurs collègues90. Ensuite, et surtout, parce que la médecine a été, historiquement, et est toujours, un outil de normalisation des corps et des sexualités. En la matière, les personnes intersexes ont payé un prix particulièrement lourd91. Cest pourquoi, pour symbolique quelle soit, la résolution du Conseil des droits de lhomme de lONU du 21 mars 2024 sur la Lutte contre la discrimination, la violence et les pratiques préjudiciables à l’égard des personnes intersexes (n°A/HRC/55/L.9), est sans aucun doute un jalon important sur la voie de linterdiction des opérations dassignation de sexe. Le texte liste ainsi, parmi les violences dont sont victimes les personnes intersexes, les « interventions médicales inutiles ou reportables, qui peuvent être irréversibles, concernant les caractéristiques sexuelles, pratiquées sans le consentement plein, libre et éclairé de la personne concernée ». Une réflexion à poursuivre en France, où la loi de 2021 a fortement encadré cette pratique mais ne la pas prohibée92. L. C. 

IV. Protection sociale

  1. En matière de protection sociale, deux thématiques ont connu des actualités importantes ces derniers mois : les droits sociaux en cas de recours à une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, dune part, et la couverture de certains événements en lien avec la fertilité (fausse couche et menstruations), dautre part.

A. Les droits sociaux en cas de recours à une gestation pour autrui à l’étranger

  1. Après le refus de lattribution de la prime de naissance aux personnes ayant eu un enfant par GPA à l’étranger – validé par la Cour de cassation93 -, cest au tour de la Caisse nationale dassurance maladie (CNAM) de produire une circulaire, le 11 juillet 2024, dont lobjet est de préciser les « droits aux prestations des assurances maladie et maternité en cas d’accueil d’un enfant né de gestation ou de procréation pour autrui »94. Il sagissait vraisemblablement de tirer les conséquences de la modification de larticle 47 du code civil par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. La mobilisation de différentes associations homoparentales autant que les décisions rendues par la première chambre civile le 2 octobre 2024 à propos de lexequatur des décisions étrangères de filiation dans un contexte de GPA95 ont néanmoins conduit à ce que la première circulaire soit remplacée par une seconde, le 7 novembre 202496. Dans un premier temps, la circulaire précise les pièces nécessaires pour affilier à lassurance maladie lenfant né par GPA à l’étranger. Il paraît ainsi nécessaire de prouver lexistence dun lien de filiation entre lenfant et son parent (par le biais de lacte de naissance étranger, traduit en langue française et légalisé ou apostillé ; lacte juridique attestant de ladoption de lenfant, le cas échéant ; les pièces didentité des enfants, accompagnées du certificat de nationalité française). La longueur de lobtention de certains de ces documents pourrait conduire à priver lenfant né par GPA dune prise en charge de ses frais de santé, même temporaire, alors que celle-ci est prévue, selon les termes de larticle L. 160-2 al. 1er du code de la sécurité sociale, pour « les enfants mineurs n’exerçant pas d’activité professionnelle qui sont à [la] charge [dun assuré social], à condition que la filiation, y compris adoptive, soit légalement établie ou qu’ils soient pupilles de la Nation ou enfants recueillis ». Outre les discussions juridiques qui ne manqueront pas de se tenir devant le Conseil dÉtat autour de la condition tenant à une filiation « légalement établie », il convient de souligner que le simple recueil dun enfant par un assuré social suffit à son affiliation à la CPAM.

  2. Dans un second temps, la circulaire sintéresse à lattribution du congé de paternité et daccueil denfant au sein dun couple ayant eu recours à une GPA à l’étranger : le congé de maternité est réservé à la femme ayant accouché et ne peut être attribuée à la mère dintention dans le cadre dune GPA ; le congé de paternité et daccueil de lenfant peut, quant à lui, être attribué au père et, le cas échéant, à la personne qui vit avec la mère. Ces dispositions de larticle L. 1225-35 du code du travail, non modifiées à la suite de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, ne permettent ainsi pas, au sein dun couple de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur – pratique désormais autorisée en France -, à la mère par reconnaissance conjointe anticipée (RCA) de bénéficier du congé à ce titre mais uniquement en tant que personne qui vit avec la mère ayant accouché, ni, au sein dun couple ayant eu recours à une GPA à l’étranger – du fait de linterdiction de la pratique en France –, à la personne vivant avec le père de bénéficier dun congé daccueil. Seul le compagnon (beau-père) ou la compagne (belle-mère ou, le plus souvent, seconde mère) de la mère peuvent en effet bénéficier du congé daccueil en plus, le cas échéant, du congé de paternité. Ces dispositions témoignent ainsi non seulement dune forte hétéronormativité (les couples de même sexe ne sont pas pris en compte) mais aussi dune forme de sexisme privant de congé la personne vivant avec le père. La constitutionnalité de ces dispositions légales, reprises par la circulaire, a été soulevée à loccasion dune question prioritaire de constitutionnalité faisant valoir notamment une atteinte au principe d’égalité97. Leur conventionnalité peut également être discutée compte tenu de la directive (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants qui prévoit que les « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les pères ou, le cas échéant, les personnes reconnues comme seconds parents équivalents par la législation nationale [nous soulignons], aient le droit de prendre un congé de paternité de dix jours ouvrables, lequel doit être pris à l’occasion de la naissance de l’enfant du travailleur » (art. 4 §1). Les mères par RCA ainsi que les parents dintention par GPA, dont la filiation peut être reconstruite par adoption ou reconnue par le biais de lexequatur, ne sont-ils pas des « personnes reconnues comme seconds parents équivalents par la législation nationale » ? Le Conseil dÉtat ne devrait pas manquer dapporter des réponses à ces questions dans les prochains mois. M. M.

B. La couverture des risques liés à la fertilité

1. La prise en charge des interruptions spontanées de grossesse précoces

  1. La protection sociale sadapte aux évolutions en matière familiale mais aussi en matière reproductive. À la suite de la loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche, la direction générale de loffre de soins a publié une note qui donne aux acteurs locaux les lignes directrices pour la mise en œuvre des parcours de prise en charge. Il sagit en particulier d’élaborer des protocoles spécifiques, notamment au sein des établissements de santé autorisés à pratiquer des actes de gynécologie-obstétrique, précisant les modalités de prise en charge médicale et psychologique et soulignant limportance que celle-ci soit bienveillante et empathique (Note n° DGOS/P1/2024/119, 26 juill. 2024 qui donne aux acteurs locaux les lignes directrices pour la mise en œuvre de ces parcours, prévus par une loi du 7 juill. 2023) 98. Outre la prise en charge médico-psychologique des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, la loi du 7 juillet 2023 a supprimé le délai de carence dans lattribution dindemnités journalières en cas darrêt de travail consécutif à un tel événement. Les trois jours de carence conduisaient en effet les assurées sociales à une perte significative de revenus, en plus de la perte de leur enfant – laquelle doit être involontaire, le dispositif nayant pas été étendu à lIVG99. Les jours de carence, dont lefficacité est discutée de manière générale100, posent également question lorsque les personnes souffrent de menstruations incapacitantes. Cest dailleurs pour cette raison que des entreprises, par le biais de la négociation collective101, mais également des collectivités territoriales ont mis en place un congé menstruel à destination de leurs salariées et agentes.

2. Le congé menstruel

  1. Le congé menstruel est symptomatique dune plus grande prise en compte des menstruations, dans les sciences sociales de manière générale102 et plus spécifiquement, en droit social103. Le juge administratif a été saisi par le Préfet de Haute Garonne afin quil se prononce sur la légalité de plusieurs décisions de collectivités reconnaissant une autorisation spéciale dabsence aux agent·es souffrant de règles douloureuses, d’endométriose, d’adénomyose ou de dysménorrhées. Sil est bien prévu par larticle L. 622-1 du code général de la fonction publique que « les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux », ces autorisations spéciales d’absence ne peuvent être « liées aux règles incapacitantes telles que l’endométriose, l’adénomyose ou la dysménorrhée » (TA Toulouse, 20 nov. 2024, n° 2406364, 2406581 et 2406584). Ce raisonnement a été repris par le tribunal administratif de Grenoble à propos du congé menstruel uniquement. Il a en revanche été jugé que les chefs de service des collectivités peuvent légalement mettre en place les autorisations spéciales dabsence pour le deuxième parent lors de la naissance dun enfant et en cas dinterruption volontaire de grossesse sur le fondement de larticle L. 622-1 du code général de la fonction publique (TA Grenoble, 17 fév. 2025, n° 2500479 et n° 2500481). Ainsi, lIVG serait liée à la parentalité mais pas les menstruations, qui sont pourtant, nous semble-t-il, un prérequis à la procréation… M. M.

Eleonora Bottini, professeure de droit public, UniCaen, Institut Caennais de Recherche Juridique (ICERJ) ;

Lisa Carayon, maîtresse de conférences en droit privé, Université Sorbonne Paris Nord, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) ;

Elsa Fondimare, maîtresse de conférences en droit public, Université Paris Nanterre, CREDOF, UMR 7074 CTAD ;

Laurie Marguet, maîtresse de conférences en droit public, Université Paris Est Créteil, laboratoire Marchés Institutions Libertés (MIL) ;

Julie Mattiussi, maîtresse de conférences en droit privé, Université de Strasbourg, Centre de droit privé fondamental ;

Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit privé, Université Paris-Saclay, Institut Droit Éthique Patrimoine (IDEP) ;

Maïté Saulier, maîtresse de conférences en droit privé, CY Cergy Paris, Laboratoire d’études juridiques et politiques (LEJEP).

Références


  1. Avis et Rapport du CESE sur proposition de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité professionnelle, Éduquer à la vie affective, relationnelle et sexuelle (rapporteur.e.s Cécile Gondard-Lalanne et Evanne Jeanne-Rose), p. 133.↩︎

  2. Ibid., p. 20↩︎

  3. Ibid., p. 166.↩︎

  4. Voir la Préconisation n° 2 de l’Avis du CESE (ibid. p. 19).↩︎

  5. Ibid., p. 205.↩︎

  6. Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, créant l’article L. 312-16 du Code de l’éducation.↩︎

  7. Rapport du CESE, préc., p. 200 : « En 2023, 82 % des jeunes n’ont pas eu de séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle à l’école élémentaire, 37 % n’en ont pas eu au collège et 46 % n’en ont pas eu au lycée ».↩︎

  8. Ibid., p. 200.↩︎

  9. Ibid., p. 207.↩︎

  10. Ibid. p. 7.↩︎

  11. Ibid., p. 211.↩︎

  12. Préconisation n° 18 (ibid., p. 51).↩︎

  13. CE, 7 novembre 2023, n° 489225.↩︎

  14. Rapport du CESE, préc. p. 161.↩︎

  15. Avis du CESE, préc., p. 38-39.↩︎

  16. Délibération n° 2024-067 du 26 septembre 2024 portant avis sur un projet de référentiel de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) relatif aux systèmes de vérification de l’âge mis en place pour l’accès à certains services permettant l’accès à des contenus pornographiques.↩︎

  17. L’élaboration d’un tel référentiel constitue l’une des missions de l’ARCOM depuis la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN).↩︎

  18. Délibération n° 2024-067, préc., point 15 : « La collecte directe de tels documents par des éditeurs de sites à caractère pornographique présenterait, en effet, des risques importants pour les personnes concernées, ne serait-ce que par le fait que leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité ».↩︎

  19. Délibération n° 2024-067, préc., point 11.↩︎

  20. Ibid., point 20.↩︎

  21. Loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse.↩︎

  22. Décret n° 2024-367 du 23 avril 2024 modifiant les conditions d’exercice par les sage-femmes de la pratique des IVG instrumentales en établissement de santé, art. D. 2212-8 CSP.↩︎

  23. Décret n° 2023-1194 du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sage-femmes en établissement de santé.↩︎

  24. Arrêté du 1er mars 2024 modifiant l’arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l’IVG.↩︎

  25. Résolution du Parlement européen du 11 avril 2024 sur l’inscription du droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2024/2655(RSP)).↩︎

  26. Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil.↩︎

  27. Préambule, (3).↩︎

  28. Art. 2, 3.↩︎

  29. Résolution du Parlement européen du 10 février 2021 sur la mise en œuvre de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.↩︎

  30. Troisième rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains établi conformément à l’article 20 de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, 20 oct. 2020.↩︎

  31. Qui concerne les hommes et les garçons à 68%.↩︎

  32. Qui concerne les femmes et les filles à 90%.↩︎

  33. V. Point G, Résolution du Parlement européen du 10 février 2021 préc. V. cependant § 27 qui « invite instamment les États membres et la Commission à se concentrer sur les modèles récurrents et émergents de toutes les formes de traite des êtres humains à des fins telles que, notamment, l’exploitation par le travail, la mendicité forcée, le mariage forcé et de complaisance ou la criminalité forcée (…) ».↩︎

  34. Dir. 2024/1712 du 13 juin 2024 modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. Le texte a été voté à 563 voix pour, 7 contre et 17 abstentions.↩︎

  35. Art. 1er. V. Alexandre Charpy, « Qu’est-ce que l’exploitation de la gestation pour autrui ? », D. 2024, p. 1825.↩︎

  36. Préambule, (6).↩︎

  37. Le texte a été interprété bien plus largement par certains : v. l’initiative portée par dix député·es français·es de Proposition de résolution, visant à transposer dans le droit français la criminalisation de la gestation pour autrui votée le 23 avril 2024 par le Parlement européen dans le cadre de la révision de la directive sur la lutte contre la traite des êtres humains, n° 543, 7 nov. 2024.↩︎

  38. La directive indique que les États doivent accorder attention aux victimes de discriminations intersectionnelles (Préambule, (4)) et que, si la femme portant l’enfant est mineure, les actes sont punissables bien qu’aucun des moyens visés par la directive en son §1 ne soit utilisé (art. 1er, 1.). Sur ces questions, v. not. Diane Roman, « La gestation pour autrui, un débat féministe », Travail, genre et sociétés, 2012, n° 28, p. 191.↩︎

  39. Projet de loi (Disegno di legge, Ddl) n° 824/2024, approuvé le 16 octobre 2024.↩︎

  40. Travaux préparatoires, relation en assemblée (Chambre des Députés) de Maria Carolina Varchi (pour la majorité), 15 février 2023.↩︎

  41. Résolution du Parlement européen, « La situation de l’État de droit dans l’Union européenne » (2022/2898(RSP)), 30 mars 2023.↩︎

  42. Le nouvel alinéa prévoit que, « si les faits mentionnés à la phrase précédente, relatifs à la gestation pour autrui, sont commis à l’étranger, le citoyen italien est puni conformément à la loi italienne ».↩︎

  43. Cour constitutionnelle italienne, arrêt n° 33 de 2021.↩︎

  44. Refus opposé à plusieurs reprises. Pour une dernière décision, v. Cour de Cassation, Sections Unies, 30 décembre 2022, arrêt n° 38162/2022.↩︎

  45. Mirzia Bianca, « L’oxymore juridique de l’enfant né de GPA : le choix inacceptable du système juridique italien », Droit de la famille, n° 4, avril 2025, dossier 7.↩︎

  46. Marilisa D’Amico, « Il “reato universale” di maternità surrogata nei progetti di legge all’esame del Parlamento », Osservatorio Costituzionale, n° 4/2023, 1er août 2023.↩︎

  47. V. à ce propos Anne Courrèges, « LAgence de la biomédecine, un modèle original au service de la loi de bioéthique », Justice et Cassation, 2021, p. 61.↩︎

  48. Cour des comptes, Les missions de lAgence de la biomédecine après la dernière loi de bioéthique, Rapport, 31 janvier 2024, p. 39.↩︎

  49. Conseil constitutionnel, décision n°2022-1003 QPC du 8 juillet 2022.↩︎

  50. AJ fam. 2022. 305, obs. Amélie Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2022. 597, obs. Anne-Marie Leroyer ; Dalloz actualité, 22 avril 2024, obs. Marie Mesnil.↩︎

  51. Proposition de loi visant à universaliser l’assistance médicale à la procréation, n° 1570, déposée le jeudi 20 juillet 2023, article 1er.↩︎

  52. Marie Mesnil, « Les angles morts de la loi de bioéthique en matière d’AMP », RDSS, 2021, p. 790.↩︎

  53. Marie Mesnil, Noémie Ranisavljevic, Sophie Brouillet, et al., « EUGIC (Extension de lUtilisation de Gamètes en Intra Conjugal) : les nouveaux usages des gamètes au sein du couple », Gynecologie, Obstetrique, Fertilite and Senologie, 2023, 51 (4), pp. 200-205.↩︎

  54. Voir en ce sens les explications du rapporteur public, Mathieu Le Coq, « Réception des ovocytes de la partenaire : pas d’autorisation. Conclusions sur Conseil d’État, 19 juin 2024, n° 472649, Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles », RFDA, 2024, p. 937.↩︎

  55. CE, 12 juin 2020, n° 418142, Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, Lebon p. 192 ; RFDA 2020. 785, concl. Guillaume Odinet ; ibid. 801, note Fabrice Melleray ; AJDA 2020. 1196 ; ibid. 1407, chron. Clément Malverti et Cyrille Beaufils ; AJ fam. 2020. 426, obs. Claire Bruggiamosca ; AJCT 2020. 523, obs. Stéphanie Renard et Éric Péchillon ;↩︎

  56. Voir not. Marie Mesnil et Laurence Brunet, « Autoconservation de gamètes et accès à lAMP pour les personnes trans : état des lieux juridique », Médecine de la reproduction, 2024, vol. 26(4), pp. 382-391.↩︎

  57. Voir en ce sens, à propos de la maternité dintention dune mère seule à la suite d’une gestation pour autrui, Cass. 1re civ., 14 novembre 2024, n° 23-50.016 (n° 631 FS-B+R), D., 2025, 224, obs. Marie Mesnil.↩︎

  58. AJ fam., 2024, p. 613, obs. Jérémy. Houssier.↩︎

  59. Lisa Carayon, « Arlésienne bioéthique - La procréation post mortem en débats », Journal du droit de la santé et de lassurance-maladie, 2020, n° 25(1), pp. 45-50 [en ligne : https://doi.org/10.3917/jdsam.201.0045].↩︎

  60. Marc Pichard, « “Toutes les femmes” ? À propos de lexclusion des femmes mariées de laccès à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur », D., 2019, p. 2143 ; Marie Mesnil, « Ce que les femmes mariées nous apprennent du projet de loi bioéthique », Journal du droit de la santé et de lassurance maladie, 2020, n° 26, pp.66-69.↩︎

  61. CEDH, 14 septembre 2023, Baret et Caballero c. France, n°22296/20 et 37138/2, spéc. §90.↩︎

  62. Marie Mesnil, « La CEDH sonne le glas de l’interdiction de la procréation post mortem », Dalloz actualité, 29 septembre 2023.↩︎

  63. AJ fam. 2024. 362, obs. Amélie Dionisi-Peyrusse.↩︎

  64. V. not. à ce propos, Antoine Infantolino, « Mineur·e·s trans et droit de la santé : réflexion autour des arguments “juridiques” mobilisés pour justifier les propositions dinterdiction aux mineur·e·s des soins de transition de genre », La Revue des droits de lhomme, Actualités Droits-Libertés, 27 mai 2025 [en ligne : http://journals.openedition.org/revdh/22606].↩︎

  65. HAS, « Parcours de transition des personnes transgenres : poursuivre le travail au-delà des polémiques déplacées », mise au point, 13 déc. 2024 [en ligne : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3572698/fr/parcours-de-transition-des-personnes-transgenres-poursuivre-le-travail-au-dela-des-polemiques-deplacees].↩︎

  66. « Hospitals across the country are putting our children at risk » [en ligne : https://stoptheharmdatabase.com].↩︎

  67. Ryan King, « Seattle doctor rushing to do trans surgeries before Trump inauguration slammed in scathing ad campaign », New York Post, 26 décembre 2024.↩︎

  68. Défenseur des droits, Avis n° 24-05 du 6 mai 2024 [en ligne : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=22202].↩︎

  69. Assemblée nationale, Proposition de loi n° 147, adoptée par le Sénat, visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre [en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0147_proposition-loi].↩︎

  70. Dalloz actualité, 16 septembre 2024, obs. Alexandre Lefebvre ; RJPF 2024. 296, comm. Maïté Saulier.↩︎

  71. À cet égard v. également le commentaire de CEDH, 12 déc. 2024, Hasmik Khachatryan c. Arménie, n° 11829/16 dans la chronique « Travail, argent, économie » du présent numéro.↩︎

  72. Sur la question de la réparation des préjudices datteinte aux droits reproductifs, v. Lisa Carayon, « Des droits sans débiteurs », in Stéphanie Hennette-Vauchez et Laurie Marguet dir., De Haute Lutte. La révolution de lavortement, CNRS éd., 2025, pp. 303-332.↩︎

  73. En ce qui concerne le préjudice fonctionnel temporaire notamment, la décision retient une période antérieure à la grossesse.↩︎

  74. Pour des décisions différentes v. Cour administrative dappel de Douai, 19 juin 2007, n° 06DA00660 dans laquelle la cour suggère quune ablation de trompes non-désirée ne constitue pas un préjudice physique, notamment en considération du fait que la personne navait que très peu de chance davoir dautres enfants (décision dans laquelle est cependant réparé un préjudice moral au regard des convictions morales et religieuses de la victimes) ; Cour administrative dappel de Lyon, 20 avril 2021, n° 19LY03449 dans laquelle lablation des trompes en lieu et place de la pose de clips nest indemnisée qu’à hauteur de 200 € au motif que les conséquences sur la stérilité sont identiques.↩︎

  75. Conseil d’État, 2 juillet 1982, n° 23141.↩︎

  76. Pour ladmission de lindemnisation dun accouchement sans péridurale dans ces circonstances (mais le rejet dautres postes), v. Cour dappel de Versailles, 5 avril 2012, n° 10/06362.↩︎

  77. Pour le rejet, pour défaut de preuve, de lindemnisation « des difficultés rencontrées dans sa vie familiale [du fait que la requérante] n’a pu être recrutée sur un emploi stable [et] des charges matérielles induites par la naissance d’un troisième enfant », v. Cour administrative d’appel de Marseille, 29 mars 2018, n°16MA00924 (qui, au surplus, refuse d’établir un lien de causalité entre la faute dans la détection de la grossesse et la naissance).↩︎

  78. Pour une illustration, v. Cour administrative dappel de Nantes, 4 octobre 2019, n°18NT00006 (admission de lindemnisation) ; Tribunal administratif de Strasbourg, 21 avril 1994, n° 912-471 puis Cour administrative dappel de Nancy, 30 avril 1997, n° 94NC00922 (rejet).↩︎

  79. Cass. 2e civ., 14 mars 2024, n° 22-10.324.↩︎

  80. V. not. RTD civ. 2024, p. 426, obs. Patrice Jourdain ; Sophie Hocquet-Berg, Responsabilité civile et assurances, mai 2024, comm. 108 ; incidemment aussi, Samuel François et Laura Vitale, « Responsabilité civile - Réflexions sur le principe dassimilation des fautes contractuelle et extracontractuelle à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour de cassation », Responsabilité civile et assurances, novembre 2024, étude 10.↩︎

  81. La Cour de cassation évoque ici la motivation de la Cour dappel qui semble renvoyer à un avis du Conseil national du SIDA de 2006… portant sur le refus de principe de la pénalisation de la contamination ! [en ligne : https://cns.sante.fr/dossiers/la-penalisation-de-la-transmission-sexuelle-du-vih/].↩︎

  82. V. Samuel François et Laura Vitale, préc. Les auteurices voient dans cette position une forme dapplication « anticipée » de la proposition de réforme du droit de la responsabilité délictuelle dans laquelle seule la faute lourde de la victime peut réduire son droit à indemnisation.↩︎

  83. V. par ex. Act Up, communiqué « Pénalisation de la transmission du VIH », 1er décembre 2005 [en ligne : https://site-2003-2017.actupparis.org/spip.php?article2254#nb1]. Pour un dossier accompagné dinterviews, v. Françoise Raynal, « Criminaliser la transmission du VIH : issue ou impasse ? », Transversal, n° 21, oct-déc. 2004 [en ligne : http://mediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S49578.pdf] et, pour un résumé, v. Daniel Borrillo, « La pénalisation de la transmission du VIH : la fin de la démocratie épidémiologique ? », 2019 [hal-01969324].↩︎

  84. Pour une approche plus détaillée de cette question en articulation avec lhistoire des mobilisations et les divers positionnements des associations, v. Gwenola Le Naour et Sandrine Musso, « Malades, victimes ou coupables ? Les dilemmes des luttes contre le sida », in Sandrine Lefranc et Lilian Mathieu dir., Mobilisations de victimes, Presses universitaires de Rennes, 2009 [en ligne : https://doi.org/10.4000/books.pur.10699].↩︎

  85. À strictement parler, reste la possibilité de prendre la PreP, qui nest pas contre-indiquée en cas de grossesse.↩︎

  86. Ou plutôt que laléa portait sur le risque de contamination, ce qui nest pas la même chose que de porter sur le risque que son partenaire soit séropositif contaminant.↩︎

  87. Et même nul doffice : Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 19-25.395.↩︎

  88. V. par ex., pour une demande dindemnisation, Cour d’appel de Paris, 23 octobre 2015, n° 14/02955 ; pour une demande de refus d’établissement de la paternité, Cour d’appel de Versailles, 10 octobre 2016, n° 15/07061 ; pour une demande (rejetée) de transmission de QPC quant à limpossibilité de se « défaire » de sa filiation, Cass. 1re civ., 4 déc. 2019, n° 19-16634. En faveur de la possibilité de ne pas imposer la paternité dans ces hypothèses, v. Christine Lassalas, « Imposer une paternité au nom du seul lien biologique avec un enfant : une injustice au regard des transformations sociales et de l’évolution du droit », Actu-Juridique.fr, 20 mai 2022.↩︎

  89. Nous nous permettons de renvoyer, pour un panorama de la jurisprudence disciplinaire sur cette question à Lisa Carayon et Marie Mesnil, « Chronique de déontologie des professions de santé », Journal du droit de la santé et de lassurance maladie, n° 42, déc. 2024, p. 93.↩︎

  90. Les violences sexistes et sexuelles sur les femmes professionnelles de santé sont ainsi soulignées par plusieurs organisations professionnelles. Cette année, v. notamment https://www.santementale.fr/2024/09/violences-sexistes-et-sexuelles-a-lhopital-des-agresseurs-au-coeur-de-la-gouvernance/ et https://donnerdeselles.org/nos-actions/barometre/.↩︎

  91. V. Michal Raz, Intersexes : du pouvoir médical à lautodétermination, éd. du Cavalier bleu, 2023.↩︎

  92. Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique et arrêté du 15 novembre 2022 fixant les règles de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital en application de l’article L. 2131-6 du code de la santé publique.↩︎

  93. Cass. 2e civ., 30 novembre 2023, n° 22-10.559, RDSS, 2024, p. 322, obs. Marie Mesnil ; D., 2024, 464, obs. Richard Vessaud.↩︎

  94. DDGOS / DDO, Circulaire CIR-20/2024, 11 juillet 2024 [en ligne : https://circulaires.ameli.fr/sites/default/files/directives/cir/2024/CIR-20-2024.pdf].↩︎

  95. Cass. 1re civ., 2 octobre 2024, n° 23-50.002 (n° 508 FS-B+R) et n° 22-20.883 (n° 507 FS-B+R), D., 2024, p. 2042, obs. Laurence Brunet et Marie Mesnil.↩︎

  96. CNAM, Circ. CIR-29/2024 du 7 nov. 2024, Dr. fam. 2025, n° 4, note Jessica Attali-Colas.↩︎

  97. CE, 4 juin 2025, n°497765 et 499608 (décision Cons. const. 2025-1155 QPC à venir).↩︎

  98. AJ fam. 2023, p. 421.↩︎

  99. V. not. Marie Mesnil, « Lavortement : à quel prix ? Les dispositifs juridiques de prise en charge financière », in Stéphanie Hennette-Vauchez et Laurie Marguet dir., De haute lutte : la révolution de l’avortement, CNRS éd., 2024, pp. 347-366.↩︎

  100. Catherine Pollak, « Leffet du délai de carence sur le recours aux arrêts maladie des salariés du secteur privé », DREES, Dossiers « solidarité et santé », n° 58, janvier 2015.↩︎

  101. Nicole Maggi-Germain, « La création d’un congé pour menstruations incapacitantes : un enjeu d’égalité professionnelle entre les femmes et hommes ? », Droit social, 2024, p. 804.↩︎

  102. V. not. Marion Coville, Héloïse Morel, Stéphanie Tabois, « Idées reçues sur les menstruations : corps, sang, tabou », Ed. Cavalier Bleu, coll. Idées reçues, 2023.↩︎

  103. Marie Mesnil, « Améliorer la prise en charge des frais de santé menstruelle : les règles comme risque social », Journal de droit de la santé et de lassurance maladie, 2023, n° 37, pp. 104-110 ; Djaouidah Séhili, Miu Shibuta et Violaine De Filippis, « Le congé menstruel, un progrès pour l’égalité entre les hommes et les femmes ? », Revue de droit du travail, 2024, p. 9.↩︎