Mathilde Cohen
Corine Botz, Adjunct Professor (Professeure associée), auto-portrait.
Série Milk Factory, 2014.
Cette disposition marque un progrès notable dans un contexte où les droits des personnes allaitantes, en particulier dans le cadre de leurs études, examens et concours, ont été jusqu’ici largement ignorés. Elle fait écho à une question parlementaire de 2016 à la suite du refus opposé à une candidate à une agrégation interne qui souhaitait tirer son lait pendant une épreuve. À l’époque, l’administration invoquait des considérations d’« intimité », d’« hygiène » et d’« organisation matérielle » pour justifier la fin de non-recevoir. Ces arguments, peu fondés sur la physiologie de l’allaitement (généralement, mieux vaut-il pouvoir exprimer son lait dans des conditions non-hygiéniques et sans intimité que pas du tout !), renvoyaient au bon vouloir des enseignant·es, surveillant·es et organisteur·ices d’examens et de concours l’appréciation au cas par cas de mesures d’aménagement.
Historiquement pourtant, la France a été pionnière en matière de
protection de l’allaitement. Dès 1913, des circulaires prévoient des
allocations majorées pour les mères qui allaitent. Le droit encadre les
pauses d’allaitement dans le contexte du travail, le code du travail
autorisant depuis 1917 une heure par jour répartie en deux pauses de
trente minutes. À cette époque, on assiste également à l’installation de
« chambres d’allaitement » dans les usines – des locaux dédiés à
l’allaitement sur les lieux de travail, obligatoires dans les
établissements employant plus de cent femmes selon un décret de 1926.
Cependant, les pauses d’allaitement ne sont pas rémunérées (à moins
qu’une convention collective ne le prévoie), ce qui a conduit le Comité
européen des droits sociaux, en 2011, à épingler cette disposition,
considérant que la France ne respectait pas la Charte sociale
européenne : ces pauses devant intervenir pendant le temps de travail
elles doivent être rétribuées.
Corine Botz, Building Manager (Gestionnaire d’immeuble).
Série Milk Factory, 2019.
Par ailleurs, ces dispositifs sont souvent critiqués pour avoir été peu à peu été oubliés ou rendus inopérants. Bien que le Code du travail impose encore certaines obligations aux entreprises de plus de cent salariées (articles R. 4152-13 à R. 4152-28), celles-ci sont jugées obsolètes par la Cour de cassation elle-même, qui en 2023 a recommandé leur réforme pour les adapter aux réalités actuelles. En outre, les droits à l’allaitement diffèrent fortement entre les secteurs. Dans la fonction publique, la circulaire FP/4 n°1864 de 1995 reste la référence : elle n’accorde aucun droit spécifique aux personnes allaitantes en matière de pause sauf si des structures adaptées existent. De plus, lorsque le droit protège la lactation, c’est en des termes genrés qui entretiennent la naturalisation de la lactation comme une fonction féminine et maternelle (puisque c’est habituellement la « mère » qui est protégée lorsqu’elle allaite « son » enfant) au détriment de formes d’allaitements plus inclusives.
Dans les faits, si certaines employées ou étudiantes ont accès à des chambres d’allaitement ou bénéficient de bureaux privés ou privatisables leur permettant de tirer leur lait dans de bonnes conditions, nombreuses sont celles qui sont contraintes de s’abstenir ou le faire dans des toilettes, des sous-sols, des voitures stationnées sur un parking ou autres espaces de rejet. Ces lieux inadaptés traduisent le manque de reconnaissance sociale et juridique de l’allaitement en dépit des fortes injonctions à allaiter pesant sur les femmes.
L’artiste et photographe Corinne Botz a
brillamment mis en lumière la réalité souvent pénible et invisibilisée
de l’allaitement en dehors de la sphère domestique à travers sa série
« Usine à lait » (Milk Factory), dont trois images sont
reproduites ici. Elle a passé des années à photographier les endroits
parfois incongrus dans lesquels on en vient à tirer son lait. Son
travail, à la fois documentaire et critique, révèle l’absurdité et la
violence silencieuse des institutions éducatives, du monde du travail et
de la sphère publique, qui peinent à intégrer les corps maternels. Ces
images, aussi sobres que poignantes en faisant l’ellipse des personnes
allaitantes et de leurs bébés, transformant la représentation en nature
morte, interrogent notre rapport collectif au soin, à l’intimité et à
l’espace.
Corine Botz, Bartender (Serveuse).
Série Milk Factory, 2019
L’introduction de pauses d’allaitement dans un concours aussi prestigieux que l’agrégation de droit public constitue donc une avancée importante sur le plan symbolique. Elle montre que les institutions universitaires commencent à prendre en compte les contraintes liées à la maternité et à l’allaitement. Cependant, cette initiative reste isolée : aucune mesure similaire n’a encore été généralisée à l’ensemble de l’enseignement secondaire et supérieur, des examens et des concours, ni même à d’autres agrégations disciplinaires. L’allaitement dans l’espace public n’est pas explicitement protégé par le droit français. Aucune loi n’oblige les crèches ou autres structures d’accueil à accepter des biberons de lait humain pour nourrir les enfants. La sécurité sociale ne prend pas en charge les consultations en allaitement pourtant parfois essentielles au bon déroulé de l’opération. On pourrait multiplier les exemples de ce type, qui soulignent les carences de la législation française sur la question, mais quelques signaux encourageants émergent aussi. En 2024, un salon de tire-allaitement a ouvert à la Maison des avocats du barreau de Paris. Le numéro vert « SOS Allaitement », actif depuis 2022 en Île-de-France, illustre également la volonté de mieux accompagner les personnes allaitantes. Sur le plan législatif, une proposition de loi déposée en octobre 2023 visait à protéger l’allaitement en public et allonger le congé maternité pour les mères allaitantes. Elle prévoyait aussi de sanctionner toute interdiction d’allaitement dans un lieu public par une amende de 1.500 euros.
L’adjonction au règlement du concours d’agrégation 2024-2025 constitue donc une nouvelle avancée pour visibiliser des droits des personnes allaitantes, tout en mettant en lumière le chemin qu’il reste à parcourir. Si cette mesure peut inspirer d’autres structures à faire de même, elle doit surtout inciter le législateur à repenser en profondeur la politique d’allaitement dans le contexte éducatif, professionnel et dans la vie publique en général, afin de garantir un droit effectif et équitable à allaiter.
Mathilde
Cohen, Professeure à l’Université du Connecticut, Chargée de
recherche au CNRS.
Adjonction au règlement intérieur du concours national
d’agrégation pour le recrutement de Professeurs des universités en droit
public 2024-2025 en date du 21 mai 2024 (7 janvier 2024).
L’article 6 « Leçons après préparation en loge » est complété par les
dispositions suivantes :
« Les mères allaitantes peuvent bénéficier de pauses qui ne seront
pas comptabilisées dans le temps de l’épreuve, jusqu’à une durée d’une
heure et trente minutes (1h30). Elles doivent, à cette fin, se
rapprocher du ministère (droit.public@education.gouv.fr) au plus tard
trois semaines avant le début de l’épreuve concernée ».
Code du travail, « dispositions particulières à
l’allaitement » issues d’une loi adoptée le 5 août 1917.
Art. L. 1225-30
Pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée
allaitant son enfant dispose à cet effet d’une heure par jour durant les
heures de travail.
Art. L. 1225-31
La salariée peut allaiter son enfant dans l’établissement.
Art. L. 1225-32
Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en
demeure d’installer dans son établissement ou à proximité des locaux
dédiés à l’allaitement.
Art. R. 1225-5
L’heure prévue à l’article L. 1225-30 dont dispose
la salariée pour allaiter son enfant est répartie en deux périodes de
trente minutes, l’une pendant le travail du matin, l’autre pendant
l’après-midi. La période où le travail est arrêté pour l’allaitement est
déterminée par accord entre la salariée et l’employeur. À défaut
d’accord, cette période est placée au milieu de chaque demi-journée de
travail.
Art. R. 1225-6
La période de trente minutes est réduite à vingt minutes
lorsque l’employeur met à la disposition des salariées, à l’intérieur ou
à proximité des locaux affectés au travail, un local dédié à
l’allaitement.
Art. R. 4152-13
Le local dédié à l’allaitement prévu à l’article L 1225-32 est
1° Séparé de tout local de travail ;
2° Aéré et muni de fenêtres ou autres ouvrants à châssis
mobiles donnant directement sur l’extérieur ;
3° Pourvu d’un mode de renouvellement d’air continu
;
4° Convenablement éclairé ;
5° Pourvu d’eau en quantité suffisante ou à proximité d’un
lavabo ;
6° Pourvu de sièges convenables pour l’allaitement
;
7° Tenu en état constant de propreté. Le nettoyage est
quotidien et réalisé hors de la présence des enfants ;
8° Maintenu à une température convenable dans les conditions
hygiéniques.
Art. R. 4152-17
Le local dédié à l’allaitement a une hauteur de trois mètres au
moins sous plafond. Il a au moins, par enfant, une superficie de trois
mètres carrés. Un même local ne peut pas contenir plus de douze
berceaux. Toutefois, lorsque le nombre des enfants vient à dépasser ce
maximum, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi peut en autoriser provisoirement
le dépassement. Lorsqu’il y a plusieurs salles, celles-ci
sont desservies par un vestibule.
Art R. 4152-18
Le local dédié à l’allaitement ne comporte pas de communication
directe avec des cabinets d’aisance, égouts, puisards. Il
est maintenu à l’abri de toute émanation nuisible.
Convention collective nationale des industries de fabrication
mécanique du verre du 8 juin 1972, art 43(6).
« À compter du jour de la naissance, et ce pendant une durée
maximum d’un an, les femmes qui allaiteront leur enfant disposeront à
cet effet d’une demi-heure le matin et d’une demi-heure l’après-midi. Ce
temps d’allaitement sera payé à leur salaire réel. »
Circulaire FP/4 n° 1864 du 9 août 1995 répétant les
dispositions de l’instruction n° 7 du 23 mars 1950 relative au congé de
maternité ou d’adoption et aux autorisations d’absence liées à la
naissance pour les fonctionnaires et agents de l’État.
« Il n’est pas possible, en l’absence de dispositions
particulières, d’accorder d’autorisations spéciales aux mères allaitant
leurs enfants, tant en raison de la durée de la période d’allaitement
que de la fréquence des absences nécessaires. Toutefois, les
administrations possédant une organisation matérielle appropriée à la
garde des enfants devront accorder aux mères la possibilité d’allaiter
leur enfant. À l’instar de la pratique suivie dans certaines
entreprises, les intéressées bénéficieront d’autorisations d’absence,
dans la limite d’une heure par jour à prendre en deux fois ».
Circulaire de la ville de Paris, janvier 2019.
« Si vous souhaitez continuer à allaiter votre enfant, nous vous
proposons 3 possibilités.
allaiter à la crèche
Si vous avez la possibilité de vous organiser, vous pouvez venir à la
crèche pour y allaiter votre bébé. La puéricultrice responsable de
l’établissement définira avec vous les modalités pratiques (lieu,
horaires des tétées...).
allaiter par l’intermédiaire de biberons
Vous avez la possibilité de recueillir votre lait puis de le
conserver et de le transporter chaque jour à la crèche afin que votre
bébé puisse profiter de ses qualités. Dans ce cas, vous veillerez à
respecter les recommandations édictées dans le présent fascicule.
allaiter chez vous uniquement
La production de lait maternel s’adapte naturellement au rythme des
têtées : si votre bébé reçoit à la crèche une préparation pour
nourrisson (ou une préparation de suite et/ou une alimentation
diversifiée), cela ne vous empêche pas de maintenir les têtées au sein
lorsque votre bébé est avec vous (matin et soir, week-ends et jours
fériés...) ».
Arrêté du 11 mars 2019 portant modification des modalités de
prise en charge des tire-laits inscrits au titre Ier de la liste prévue
à l’article L. 165-1 (LPP) du code de la sécurité sociale.
« Toute prescription d’un tire-lait doit être réalisée par tout
médecin ou sage-femme selon la règlementation en vigueur. Elle doit être
réalisée sur une ordonnance séparée, indépendante de toute autre
prescription. Elle doit préciser la désignation du dispositif et ses
accessoires et la durée de prescription ».
Sénat, 14e législature, Question écrite n° 09236
de M. Georges Labazée, sénateur des Pyrénées-Atlantiques à Mme la
ministre de la réforme de l’État publiée au JO Sénat du 14 novembre
2013.
« M. Georges Labazée attire l’attention de Mme la ministre de
la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
sur la possibilité donnée par le code du travail à une salariée revenant
d’un congé légal de maternité de disposer d’une heure par jour, non
rémunérée (sauf disposition contraire fixée par la convention
collective), sur son temps de travail pour allaiter son enfant ou tirer
son lait et ce pendant un an à compter de la naissance du bébé. […] Bien
qu’assez anciennes ces dispositions sont souvent méconnues des
employeurs privés et les jeunes mères ont parfois du mal à faire valoir
leurs droits. De plus, elles ne s’appliquent pas aux salariées de la
fonction publique. […] Il y a donc une inégalité de traitement
entre les salariées du privé et celles de la fonction publique et entre
salariées de la fonction publique elles-mêmes. Aussi il lui demande s’il
ne serait pas judicieux de généraliser cette obligation, inscrite dans
le code du travail, pour l’employeur de dégager une heure par jour sur
le temps de travail des salariées qui souhaitent allaiter leur enfant ou
tirer leur lait, à la fonction publique et ainsi permettre à ces femmes
d’appliquer, si elle le souhaitent, les recommandations de
l’Organisation mondiale de la santé (allaitement maternel exclusif
pendant les six premiers mois de la vie et poursuite de l’allaitement
jusqu’à l’âge de deux ans voire au-delà en fonction du souhait des
mères), recommandations qui sont, à ce jour, assez peu suivies en
France. »
Assemblée nationale, 14e législature, Réponse de la ministre
des droits des femmes à la question écrite n° 25469 de David Habib,
député des Pyrénées‑Atlantiques, publiée au JO du 11 octobre 2016,
p. 8361.
« En matière de concours, il n’est pas prévu de dispositions
particulières. La situation n’est pas comparable aux aménagements pour
les candidats handicapés pour lesquels le principe est fixé dans la loi
et qui est du registre de la compensation. En matière de concours ou
d’examen, il revient aux organisateurs d’apprécier au cas par cas les
facilités ou assouplissements susceptibles d’être accordés aux mères qui
allaitent. Il convient de signaler que de nombreux concours, en
particulier dans la phase d’admissibilité, sont susceptibles de se
dérouler dans des lieux diversifiés (parcs d’exposition, amphithéâtres
universitaires) pouvant accueillir le plus grand nombre de candidats et,
le cas échéant, selon le calendrier des épreuves, sur plus d’une
journée. Ces conditions ne garantissent pas nécessairement la
possibilité d’une organisation matérielle appropriée permettant d’offrir
aux candidates qui allaitent des conditions d’intimité et d’hygiène
satisfaisantes. Pour ces raisons, ces candidates peuvent être conduites
à prendre leur disposition préalablement aux épreuves (préparation de
biberons, tire-lait) ».
Proposition de loi n° 1775 visant à protéger et à
sensibiliser à la pratique de l’allaitement maternel, déposée le 17
octobre 2023.
Protection de l’allaitement maternel dans l’espace public
Article 1er I. Le code pénal est ainsi modifié :
« 1° L’article 222-32 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« N’est pas constitutif de l’infraction prévue au premier alinéa le fait
d’allaiter un enfant dans un lieu public. » « Le fait d’interdire ou de
tenter d’interdire l’allaitement d’un enfant dans un lieu public est
puni de 1 500 euros d’amende. » [Si adoptée, la disposition aurait
clarifié que l’article 222‑32 du code pénal sur « L’exhibition sexuelle
imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du
public » ne s’applique pas à l’allaitement (mais la proposition de loi
ne précisait pas si la protection s’étendait à l’expression du lait ou
était limitée à l’allaitement au sein)] ».
Cour de cassation, Rapport annuel, 2023,
pp. 63-65.<
« Ces articles [du code du travail sur les pauses
d’allaitement] sont issus d’une loi adoptée le 5 août 1917. Ils n’ont
pas été modifiés depuis et l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la
chambre sociale de la Cour de cassation [au sujet du refus de la société
Ikea de mettre en place des locaux dédiés à l’allaitement dans les
établissements employant plus de 100 salariées] montre qu’ils ne sont
plus adaptés et qu’ils sont susceptibles de poser des difficultés
d’application. Ce sont notamment les articles L. 1225-32 et R. 4152-13 à
R. 4152-28 du code du travail qui posent des difficultés d’application.
D’une part, ces articles laissent entière la question des modalités de
l’allaitement en direct d’un enfant sur le lieu de travail, s’agissant
des entreprises employant moins de cent salariées. D’autre part, dans
les entreprises employant plus de cent salariées, c’est une véritable
crèche d’entreprise qui est décrite par les articles R. 4152-13 et
suivants du code du travail. […] Mais ces dispositions comportent une
contradiction. Ainsi, l’article R. 4152-15 du code du travail dispose
que les enfants ne peuvent séjourner dans le local destiné à
l’allaitement que le temps de celui-ci. La chambre sociale suggère donc
l’abrogation des articles L. 1225-32 et R. 4152- 13 à R. 4152-28 du code
du travail et l’adoption de dispositions réglementaires visant à mettre
en œuvre l’article L. 1225-31 du code du travail, permettant aux femmes
qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur enfant dans un local ou de
tirer leur lait. La chambre sociale suggère également de profiter de la
révision de ces articles pour assurer la conformité du droit français à
la Charte sociale européenne. En effet, si le droit à une pause pour
allaiter est bien reconnu par l’article L. 1225-30 du code du travail,
conformément à l’article 8 § 3, de la Charte, cette pause n’est pas
rémunérée. Or selon le Comité européen des droits sociaux, “les pauses
d’allaitement doivent en principe intervenir pendant le temps de travail
et, par conséquent, être considérées comme des heures de travail et
rémunérées comme telles” (conclusions XIII-4 [1996], Pays-Bas) ».
États-Unis, Dike v. School Board of Orange County,
650 F.2d 783, 787 (5th Cir. 1981).
« À la lumière de la diversité des intérêts que la Cour suprême a
jugés dignes d’une protection particulière, la Constitution protège
contre toute ingérence excessive de l’État la décision d’une femme
concernant l’allaitement de son enfant ».
Directive 92 / 85 / CEE du Conseil du 19 octobre 1992
concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir
l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses
enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, CELEX
31992L0085.
« Considérant que la protection de la sécurité et de la santé des
travailleuses enceintes, allaitantes ou accouchées ne doit pas
défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter
atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes
et femmes ; […]
considérant que les travailleuses enceintes et allaitantes ne doivent
pas accomplir des activités dont l’évaluation a révélé le risque d’une
exposition à certains agents ou conditions de travail particulièrement
dangereux, qui met en péril la sécurité ou la santé ; […]
considérant que la vulnérabilité de la travailleuse enceinte,
accouchée ou allaitante rend nécessaire un droit à un congé de maternité
d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et / ou après
l’accouchement, et obligatoire un congé de maternité d’au moins deux
semaines, réparties avant et/ ou après l’accouchement ;
considérant que le risque d’être licenciée pour des raisons liées à
leur état peut avoir des effets dommageables sur la situation physique
et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes et
qu’il convient de prévoir une interdiction de licenciement ».
Convention 183 de l’Organisation Internationale du Travail
(OIT) sur les droits liés à la maternité établit dans son article 10,
adoptée le 15 juin 2000, signée par la France mais toujours pas
ratifiée.
« La femme a le droit à une ou plusieurs pauses quotidiennes ou à une
réduction journalière de la durée du travail pour allaiter son enfant.
La période durant laquelle les pauses d’allaitement ou la réduction
journalière du temps de travail sont permises, le nombre et la durée de
ces pauses ainsi que les modalités de la réduction journalière du temps
de travail doivent être déterminées par la législation et la pratique
nationales. Ces pauses ou la réduction journalière de temps de travail
doivent être comptées comme temps de travail et rémunérés en
conséquence ».
Conseil de l’Europe, Charte sociale européenne, Art. 8, Strasbourg, 3 mai 1996 « Droit des travailleuses à la protection de la maternité. En vue d’assurer l’exercice effectif du droit des travailleuses à la protection de la maternité, les Parties s’engagent […] à assurer aux mères qui allaitent leurs enfants des pauses suffisantes à cette fin ».
>République de l’Équateur, Constitution de 2008. Article 43. « L’État garantit les droits des femmes enceintes et allaitantes : 1/ À ne pas faire l’objet de discrimination en raison de leur grossesse dans les domaines de l’éducation, du travail et de la vie sociale ; 2/ À des services gratuits de soins de santé maternelle ; 3/ À la protection prioritaire et à la prise en charge de leur santé et de leur vie dans leur globalité pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale ; 4/ Aux installations nécessaires à leur rétablissement après la grossesse et pendant la période d’allaitement. Article 51. Les personnes détenues se voient reconnaître les droits suivants : […] Le droit à un traitement préférentiel et spécialisé dans le cas des femmes enceintes et des femmes allaitantes. Article 332. L’État garantit le respect des droits reproductifs de tous les travailleurs, y compris : – l’élimination des risques professionnels affectant la santé reproductive ; – l’accès à l’emploi et la stabilité professionnelle, sans limitation liée à la grossesse ou au nombre d’enfants ; – les droits relatifs à la maternité et à l’allaitement ; – le droit au congé de paternité. Le licenciement d’une travailleuse en raison de sa grossesse ou de sa maternité, ainsi que toute forme de discrimination fondée sur les rôles reproductifs, sont interdits ».
CJUE, 30 sept. 2010, Pedro Manuel Roca Álvarez, C-104/09, §28-29 et 36. « § 28 Selon la juridiction [espagnole] de renvoi, le congé prévu […] du statut des travailleurs a été institué à l’origine, en 1900, pour faciliter l’allaitement naturel par la mère. L’évolution de la réglementation aurait détaché ce congé de cette finalité en ne mentionnant plus l’allaitement naturel. Par ailleurs, la jurisprudence accepterait depuis des années que le bénéfice de ce congé soit octroyé même en cas d’allaitement artificiel. Cette juridiction relève que ce congé aurait été détaché du fait biologique de l’allaitement et serait désormais considéré comme un simple temps d’attention à l’enfant et comme une mesure de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle à l’issue du congé de maternité. […] § 29 […] ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le congé [dit « d’allaitement »] en cause au principal peut être pris indifféremment par la mère ou par le père, à la seule condition que ce dernier ait également la qualité de travailleur salarié. […] § 39 Cependant le fait de considérer, ainsi que le soutient le gouvernement espagnol, que seule la mère ayant le statut de travailleur salarié serait titulaire du droit de bénéficier du congé en cause au principal alors que le père ayant le même statut ne pourrait que jouir de ce droit sans en être le titulaire est plutôt de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles entre hommes et femmes en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire à celui des femmes en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale ».
États-Unis, Fair Labor Standards Act of 1938, 29 U.S.C. § 207 (2010) disposition introduite par le Patient Protection and Affordable Care Act ou « Obamacare ». « (1) L’employeur est tenu de : (A) accorder à une salariée un temps de pause raisonnable pour lui permettre d’exprimer son lait maternel pour son enfant allaité, et ce pendant une période d’un an à compter de la naissance de l’enfant, chaque fois que la salariée en a besoin ; et (B) mettre à disposition un local, autre que des toilettes, à l’abri des regards et protégé contre toute intrusion de la part des collègues ou du public, pouvant être utilisé par la salariée pour exprimer son lait maternel. (2) L’employeur n’est pas tenu de rémunérer le temps de pause raisonnable visé au paragraphe (1) lorsqu’il est pris à cette fin. (3) Un employeur comptant moins de 50 salariés n’est pas soumis aux obligations du présent paragraphe si celles-ci représentent une contrainte excessive, entraînant une difficulté ou une charge financière significatives, au regard de la taille, des ressources financières, de la nature ou de la structure de l’entreprise »
Résolution des Nations Unies adoptée par l’Assemblée générale le 21 décembre 2010 (Règles de Bangkok) concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes. « Règle 5 Les locaux hébergeant les détenues doivent comporter les installations et les fournitures nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des femmes en matière d’hygiène, […] et doivent être régulièrement approvisionnés en eau pour les soins personnels des femmes et de leurs enfants, en particulier pour les femmes devant cuisiner, les femmes enceintes, les mères allaitantes ou les femmes ayant leurs menstruations. Règle 22 Le régime cellulaire ou l’isolement disciplinaire ne doivent pas s’appliquer comme punition aux femmes qui sont enceintes, qui allaitent ou qui ont avec elles un enfant en bas âge. Règle 42 […] Le régime carcéral doit être suffisamment souple pour répondre aux besoins des femmes enceintes, des femmes qui allaitent et des femmes accompagnées d’enfants. Règle 48 […] Les femmes enceintes, les nourrissons, les enfants et les mères allaitantes doivent disposer gratuitement d’une nourriture adéquate et apportée en temps voulu, d’un environnement sain et de la possibilité de faire régulièrement de l’exercice. Les détenues ne doivent pas être dissuadées d’allaiter leur enfant, si ce n’est pour des raisons de santé bien précises. » « Nonobstant toute autre disposition légale, une mère peut allaiter son enfant dans tout lieu accessible au public où elle et son enfant ont par ailleurs le droit légal de se trouver »
États-Unis, Résolution de l’American Bar Association du 14 février 2022. « RÉSOLU : Que l’American Bar Association exhorte toutes les autorités responsables de l’admission au barreau, aux facultés de droit, aux associations d’avocats et aux employeurs du secteur juridique à élaborer des politiques écrites claires, précises et uniformes prévoyant des aménagements raisonnables et accessibles pour les personnes allaitantes, y compris : a. Rendre ces politiques écrites accessibles au public et disponibles en ligne ; b. Fournir des aménagements raisonnables et bienveillants pour permettre l’expression du lait, comprenant notamment : 1/ Des pauses en dehors du temps de travail d’une durée minimale de 30 minutes toutes les 3 heures, avec la possibilité d’aménagements supplémentaires en fonction des besoins particuliers de l’individu ; 2/ Un espace privé ou semi-privé, sécurisé, accessible - autre que des toilettes ou un vestiaire - protégé de la vue d’autrui, équipé du matériel nécessaire, tel qu’une chaise ou autre espace pour s’asseoir, une table ou une surface plane, une prise électrique, un évier, ainsi qu’un réfrigérateur ou autre espace permettant de stocker un sac isotherme ; 3/ Une signalisation claire ou des indications visibles sur le site pour orienter les personnes vers l’espace réservé ; c. Dans le cadre d’un examen en faculté de droit ou d’un examen du barreau, autoriser les candidat·es à apporter leur matériel pour tirer leur lait ainsi que leur lait exprimé dans la salle d’examen. »
Syllabus du cours de droit constitutionnel de
Mathilde Cohen, Université du Connecticut, États-Unis,
2023.
« Si un·e étudiant·e allaite et a besoin d’exprimer son lait pendant
un cours, il/elle doit se sentir libre de le faire, soit en prenant une
pause, soit en exprimant son lait à sa table ou poste si cela lui
convient. Les étudiant·es ayant besoin d’allaiter leur bébé au sein
doivent se sentir libres de l’amener en cours ou de prendre une pause à
cette fin. Si vous avez des enfants et êtes confronté·e à un problème de
garde, vos enfants sont les bienvenus en classe avec vous ».